AU NOM DU PEUPLE CENTRAFRICAIN
La Cour de Cassation, Chambre Civile et Commerciale, en son audience publique, tenue au palais de justice de Bangui, le 14 septembre 2010, sur le rapport de Monsieur Jean-Claude MBOMI-SIOPATHIS, Conseiller à la Chambre Civile et Commerciale et les conclusions de Monsieur Sylvain N’ZAS, Avocat Général près ladite Cour, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
Attendu que Ac B a mis gracieusement et à titre provisoire à la disposition de Ab Aa A, un terrain lui appartenant sis au quartier MOUSSA-ALADJI à Bangui où celui-ci a construit une maison ;
Que face au refus de restitution opposé par A Ab Aa à sa demande, dame B Ac a, le 16 décembre 1996, vendu au prix de deux millions deux cents mille (2.200.000) FCFA à BEN-MOUSTAPHA le terrain bâti ;
Que A Ab Aa a saisi le Tribunal de Grande Instance de Bangui d’une action en nullité de ladite vente ;
Que par jugement du 21 octobre 1997, le Tribunal l’a débouté et ordonné son expulsion ;
Que dame B Ac a revendu, le 4 mai 1998, le même terrain moyennant le prix de un million huit cents cinquante mille francs (1.850.000) FCFA à A Ab Aa;
Que A Ab Aa a interjeté appel le 18 octobre 2001 du jugement du 21 octobre 1997, puis s’est désisté et a fait constater par la Cour d’Appel par arrêt du 26 juillet 2002, une transaction intervenue entre dame B Ac et lui ;
Que BEN-MOUSTAPHA a demandé et obtenu du Tribunal de Grande Instance de Bangui par jugement du 12 octobre 2004 aux termes d’une action intentée contre dame B Ac son cocontractant, la validité du contrat de vente portant sur le terrain litigieux qui lui a été concédé le 16 décembre 1996 ;
Que le 4 mars 2005, monsieur A Ab Aa a relevé appel du jugement en date du 12 octobre 2004 ;
Que par arrêt du 22 août 2005, la Cour d’Appel a déclaré irrecevable cet appel pour défaut de qualité de l’appelant ;
SUR LA RECEVABILITE
Attendu que le pourvoi a satisfait au formalisme prescrit par les articles 20, 25, 26,27 de la loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour de Cassation ;
Qu’il est recevable en la forme ;
AU FOND
Attendu que le pourvoi se résume à la lecture du mémoire ampliatif et de son dispositif en deux moyens de cassation :
-La violation du principe du contradictoire ;
-La contrariété de jugement ;
I- SUR LA VIOLATION DU PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE (ARTICLES 113 ET 126 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE)
Attendu que le pourvoi reproche à la Cour d’Appel d’avoir relevé d’office une fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt ou de qualité de A Ab Aa sans inviter au préalable celui-ci à présenter ses observations, violant ainsi le principe du contradictoire alors que, le juge d’appel doit en toutes circonstances observer le principe du contradictoire énoncé à l’article 126 du Code de Procédure Civile ;
Mais attendu qu’il ressort des pièces du dossier notamment des notes d’audience des 29 avril et 29 juillet 2005, de l’arrêt avant dire droit du 1er juillet 2005, que la qualité de A Ab Aa dans les liens processuels noués de la première instance à la Cour d’Appel est douteuse : puisqu’en l’absence à cette audience d’appel de dame B Ac, partie qui a succombé, il a fallu l’audition, après transport sur les lieux, des voisins et notables du quartier pour que la conviction des juges d’appel soit forgée ; que la question de la qualité de l’appelant est de fait posée et se trouve implicitement dans les débats ;
Attendu dès lors que la Cour d’Appel n’est pas tenue d’inviter les parties à formuler leurs observations et que le principe dispositif (ou le principe du contradictoire) se trouve respecté lorsqu’un moyen de procédure en l’occurrence une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité est dans la cause ou dans les débats ;
Attendu par conséquent que le premier moyen n’est pas fondé et doit être rejeté;
II- SUR LA CONTRARIETE DU JUGEMENT
Attendu que le pourvoi fait grief à l’arrêt de la Cour d’Appel du 22 août 2005 d’être inconciliable avec celui du 26 juillet 2002 et reproche au juge du second degré d’avoir créé de ce fait une contrariété de jugement au sens de l’article 52 de la loi organique, exposant ainsi le second arrêt en date à la cassation ;
Mais attendu que l’article 617 alinéa 1 du Code de Procédure Civile Français dit en substance que la contrariété de jugement peut être invoquée lorsque la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée a en vain été opposée devant les juges du fond ;
Attendu que la contrariété de jugement suppose donc qu’il y ait premièrement autorité de la chose jugée ; que deuxièmement, une fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée ait été en vain opposée ;
DE L’AUTORITE DE LA CHOSE JUGEE
Attendu qu’il y a chose jugée lorsque la même demande entre les mêmes parties agissant en les mêmes qualités portant sur le même droit soutenu par la même cause est à nouveau portée devant une juridiction ;
Attendu que les arrêts du 26 juillet 2002 et du 22 août 2005 dont les dispositions sont mises en parallèle afin de faire jouer l’autorité de la chose jugée n’opposent pas les mêmes parties, ne portent pas sur le même droit et ne procèdent pas de la même cause ;
Que l’arrêt du 26 juillet 2002 constate, pendant l’instance d’appel mettant aux prises A Ab Aa et B Ac, une supposée transaction conclue par les deux parties en règlement du contentieux immobilier qui les opposait dès l’origine ;
Que l’arrêt du 22 août 2005, déclare l’appel irrecevable ; que A Ab Aa a cru devoir relever appel d’un jugement validant la vente que B Ac a concédée à BEN-MOUSTAPHA ;
Attendu dès lors, qu’il ne saurait être question d’autorité de la chose jugée ;
DE LA FIN DE NON RECEVOIR
Attendu que lorsque les conditions de l’autorité de la chose jugée sont réunies, la redoutable règle dite de l’autorité de la chose jugée interdit que soit soumis à nouveau à un Tribunal ce qui a déjà été jugé sous condition de la triple identité de partie, de droit (ou chose demandée) et de cause ; que la sanction de cette règle consiste en un processus qui se déclenche par le relevé devant la juridiction saisie par la partie qui y a intérêt, de la fin de non-recevoir et se termine par le prononcé soit d’un jugement, soit d’un arrêt d’irrecevabilité ;
Or attendu qu’il n’a jamais eu chose jugée ; que quand bien même il y en aurait eu, A Ab ne l’a pas, en l’espèce soulevée ; qu’il a excipé de l’incompétence du Tribunal de Grande Instance de Bangui ; qu’une exception d’incompétence comme moyen de défense ne peut valoir une fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée ;
Attendu par conséquent, qu’il n’y a nullement contrariété de jugement qui puisse être constaté et qui puisse emportée cassation de l’arrêt du 22 août 2005, second en date ;
Que le second moyen n’est pas non plus fondé également et doit être rejeté ;
PAR CES MOTIFS
En la forme : Déclare le pourvoi recevable ;
Au fond : Le rejette ;
Condamne A Ab aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour de Cassation, Chambre Civile et Commerciale en son audience des jours, mois et an que dessus où siégeaient ;
-Jean-Claude MBOMI-SIOPATHIS, Président ;
-Pamphile OUABOUI, Conseiller ;
-Etienne KOYAGUE, Conseiller ;
En présence de Monsieur Sylvain N’ZAS, deuxième Avocat Général près ladite Cour
Avec l’assistance de Maitre Jérôme-Alain GOMBO, Greffier ;
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé après lecture faite par le Président, les Conseillers et le Greffier