Ohadata J-12-197
INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION A L’ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER – MISSION DU TRIBUNAL – OBLIGATION DE SE PRONONCER POUR OU CONTRE LA CONDAMNATION DU DEBITEUR A PAYER ; CONTESTATION DE LA CREANCE PAR LE DEBITEUR – CONTESTATION DU DOCUMENT SIGNE PAR LUI - PREUVE DE L’INEXISTENCE DE LA CREANCE A LA CHARGE DU DEBITEUR Le tribunal saisi d’une opposition à une ordonnance d’injonction de payer ne peut rétracter une telle ordonnance d’injonction de payer ; pour substituer sa décision à celle du président du tribunal qui a délivré l’ordonnance il doit condamner le débiteur à payer ou débouter le créancier de sa demande en paiement si la créance n’est pas fondée. Ne convainc pas le tribunal de l’inexistence de la créance ou de son extinction, le débiteur qui conteste sa signature sans entreprendre une procédure d’inscription en faux ou déclare qu’aucun contrat de vente n’est intervenu entre lui et le créancier poursuivant le recouvrement du prix d’un véhicule vendu alors que son propre fils affirme le contraire et déclare être intervenu auprès du vendeur pour l’amener à conclure la transaction. ARTICLE 1 AUPSRVE ARTICLE 2 AUPSRVE ARTICLE 12 AUPSRVE ARTICLE 14 AUPSRVE ARTICLE 1315 CODE CIVIL COUR D’APPEL DE BANGUI, CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE, ARRET CIVIL N°178 DU 10 JUIN 2011, AFFAIRE : Y C (Me MOUSSA VEKETO-Me KLAGANG) CONTRE : MOLA SAKO (Me KOKONGO- Me YAKOLA- Me SANGONE) Appel d’un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Bangui, en date du 17 novembre 2010, signifié le 17 mars 2011 dont le dispositif suit : « Statuant contradictoirement à l’égard des parties en chambre de conseil et en premier ressort ; Rétracte l’ordonnance portant injonction de payer querellée ; Met les dépens à la charge de Y C » ; La Cour d’Appel de Bangui, siégeant en chambre des appels civils et commerciaux en son audience ordinaire tenue au Palais de Justice de ladite ville le 10 juin 2011 à 11 heures du matin et à laquelle siégeaient Messieurs : Arsène SENDE, Président de la Chambre Civile et Commerciale ; PRESIDENT Alexis-Georges PIALO, Premier Conseiller à la Chambre Civile et Commerciale ; Maurille Fulbert NGALHY, Conseiller à la Chambre Civile et Commerciale ; MEMBRES Assistés de Maître Robert Bertrand KINGO, Greffier à ladite Chambre ; A été rendu l’arrêt civil suivant :
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ENTRE : Y C, né vers 1932 à Gori (Mali), de nationalité Centrafricaine, demeurant au quartier sénégalais à Bangui, ayant pour Conseils Me Jean Paul MOUSSA VEKETO et Me KLAGANG NON NANTIGA, Avocat à la Cour ; APPELANT D’UNE PART ET : MOLA SAKO, Commerçant demeurant au quartier Sénégalais à Bangui, ayant pour Conseils Maîtres Timoléon KOKONGO, Pierre Morel SANGONE-FEÏNDIRO et Paul YAKOLA, Avocat à la Cour ; INTIME D’AUTRE PART Sur requête reçue au Greffe de la Cour d’Appel de Bangui, le 24 décembre 2010, enregistrée sous le numéro 510/10, le sieur Y C a déclaré interjeter appel du jugement rendu le 17 novembre 2010 par le Tribunal de Grande Instance de Bangui, signifié le 17 mars 2011 dont le dispositif est rappelé ci–haut et qui fait l’objet du présent appel ; A l’audience du 13 mai 2011, l’affaire a été appelée, retenue et débattue ; Me KLAGANG et Me MOUSSA VEKETO ont plaidé pour l’appelant ; Me KOKONGO et Me YAKOLA ont également plaidé également pour l’intimé ; les débats clos, la Cour a mis l’affaire en délibéré pour arrêt être rendu au 3 juin 2011, puis prorogé au 10 juin 2011, date à laquelle la Cour a rendu l’arrêt contradictoire suivant :
LA COUR : Ouï, le Premier Conseiller en son rapport ; Ouï, Me KLAGANG et Me MOUSSA VEKETO en leurs plaidoiries pour l’appelant Oui, Me KOKONGO et Me YAKOLA en les siennes pour l’intimé ; Vu les pièces du dossier ;
APRES EN AVOIR DELIBERE CONFORMEMENT A LA LOI :
Attendu qu’il ressort des faits et de la procédure que par exploit d’Agent d’Exécution en date du 3 mars 2010, le sieur SAKO MOLA a formé opposition contre l’ordonnance portant injonction de payer qui lui a été notifiée par le sieur Y C le 3 février 2010 ; Que par jugement contradictoire en date du 17 novembre 2010, le Tribunal de Grande Instance de Bangui a rétracté l’ordonnance d’injonction de payer ; que le 17 mars 2011, ledit jugement a été signifié au sieur Y C ; Qu’en date du 24 décembre 2011, le sieur Y C avait déjà relevé appel du jugement avant même la signification ; Que cet appel est en la forme recevable ; Attendu qu’en cause d’appel, le sieur Y C soutient que courant 1996, il avait consenti un prêt de deux millions de francs au sieur B A ; Que compte tenu des liens d’amitié très profonds qui existaient entre eux, il n’a pas établi de reçu ; Qu’en 2002, il lui a encore vendu un véhicule TOYOTA de 7 tonnes au prix de six millions de francs ;
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Que sa créance totale sur ce dernier est de huit millions de francs ; Qu’en date du 1er octobre 2007, le sieur MOLA SAKO lui a signé une reconnaissance de dette pour le montant de sa créance ; Qu’enfin, le sieur MOLA SAKO ne lui a payé que la somme de 1.150.000 F de sorte qu’il lui reste encore devoir la somme de 6.850.000 F ; Qu’il conclut à l’infirmation du jugement du 17 novembre 2010 dans toutes ses dispositions et à la condamnation de ce dernier à lui payer la somme de 6.850.000 F ; Attendu que le sieur B A en défense rétorque que la Cour doit rejeter l’appel du sieur Y C et confirmer le jugement querellé aux motifs que la créance de ce dernier est incertaine, non liquide et exigible ; Qu’il ne verse pas au dossier une pièce nouvelle de preuve pour convaincre le Juge d’appel ; Que si au contraire ladite créance était réelle, ayant la gestion de sa propriété entre 1990 et 2009, il se serait payé sans conteste sur les loyers qu’il recouvrait pour son compte auprès des locataires de son immeuble ; que d’ailleurs, il lui reste devoir la somme de 10 millions de francs en vertu du mandat reçu ; Que la reconnaissance de dette versée au dossier comporte non seulement des incohérences par son contenu mais encore est fabriquée de toute pièce ; Que par suite du procès en première instance, il a continué à fouiller dans ses archives ; qu’il y a retrouvé l’Attestation de Vente du véhicule dont le prix est aujourd’hui abusivement réclamé, de même que la preuve de la mutation des pièces administratives en son nom ; qu’il s’avère que le véhicule en cause n’a jamais appartenu à l’appelant ; Que concernant le prêt de deux millions dont le remboursement lui est réclamé, c’est une pure invention ; Attendu qu’il est fait grief au jugement déféré d’avoir rétracté l’ordonnance d’injonction de payer sans statuer sur le mérite de la demande en paiement à la suite de l’opposition formée par l’intimé aux motifs que la procédure entreprise ne devrait pas être celle de l’injonction de payer ; SUR LA PROCEDURE D’INJONCTION DE PAYER Attendu qu’il ressort de l’article 2 de l’Acte Uniforme portant Recouvrement Simplifié des Créances et des Voies d’Exécution que : « La procédure d’injonction de payer peut être introduite lorsque : 1) la créance a une cause contractuelle ; 2) l’engagement résulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce, ou d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante » ; Que la créance en cause selon le sieur Y C concerne un contrat de prêt d’argent et un contrat de vente de véhicule ; qu’ainsi, les conditions de l’article 2 précité n’étant pas cumulatives, c’est à bon droit que la procédure d’injonction de payer a été entreprise ; Attendu qu’à l’audience de l’opposition à ordonnance portant injonction de payer, le premier Juge s’est borné simplement à rétracter l’ordonnance portant injonction de payer sans se
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prononcer sur la demande en paiement du sieur Y C en s’abritant derrière le fait que la créance ne serait pas certaine, liquide et exigible en raison de la contestation de signature par le débiteur au bas de la reconnaissance de la dette et des termes employés dans ladite reconnaissance ; Mais attendu que la certitude de la créance de l’article 1er de l’Acte Uniforme précité vise l’existence même de la créance et non son incontestabilité, puisque le législateur communautaire a prévu la procédure d’opposition afin de permettre au débiteur de contester éventuellement la créance devant le Tribunal ; que la liquidité signifie que le montant en argent est connu et déterminé ; que l’exigibilité permet à son titulaire d’en réclamer immédiatement le paiement ; Que de tout ce qui précède, c’est encore à bon droit que la procédure d’injonction de payer a été initiée ; Attendu cependant qu’aux termes de l’article 12 de l’Acte Uniforme portant Recouvrement Simplifié des Créances et des Voies d’Exécution, « La juridiction saisie sur opposition procède à une tentative de conciliation. Si celle-ci aboutit, le Président dresse un Procès- verbal de conciliation signé par les parties, dont une expédition est revêtue de la formule exécutoire. Si la tentative de conciliation échoue, la juridiction statue immédiatement sur la demande en recouvrement, même en l’absence du débiteur ayant formé opposition, par une décision qui aura les effets d’une décision contradictoire » ; Que l’article 14 du même Acte précise que : « La décision de la juridiction saisie sur opposition se substitue à la décision portant injonction de payer » ; Attendu qu’il résulte clairement de l’interprétation de ces deux articles que la procédure d’injonction de payer s’arrête avec l’échec de la tentative de conciliation ; Que l’office du Juge saisi de l’opposition, que celle-ci soit fondée ou non, est un jugement contentieux qui se substitue à l’ordonnance ; Qu’à la manière d’un Juge saisi d’une contestation ordinaire, le Tribunal statue directement sur le fond ; Qu’ainsi, le Juge n’avait ni à confirmer l’ordonnance portant injonction de payer, ni à la rétracter ; Qu’en réalité, si la créance était fondée, le Juge recevait le créancier en sa demande et rentrait en voie de condamnation contre le débiteur ou bien si la créance n’était pas fondée, il déboutait le demandeur de sa demande en paiement ; Que d’ailleurs, c’est justement la raison pour laquelle le Législateur communautaire a indiqué clairement à l’article 14 précité que la décision de la juridiction saisie sur opposition se substituait à la décision portant injonction de payer ; Attendu qu’en rétractant simplement en l’espèce l’ordonnance portant injonction de payer, le premier Juge n’a pas donné de base légale à sa décision ; SUR LA DEMANDE EN PAIEMENT DU SIEUR Y C
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Attendu qu’il résulte des débats et des pièces versées au dossier que le sieur B A et le sieur Y C étaient des amis de très longue date ; Que le sieur B A avait sollicité et obtenu un prêt de deux millions de francs du sieur Y C ; Que le sieur MOLA SAKO n’ayant pas encore remboursé ledit prêt s’était manifesté à nouveau pour l’acquisition d’un véhicule TOYOTA 7 tonnes entre les mains de son ami ; Que devant la réticence du sieur Y C, il s’est vu obliger de supplier le sieur Y X, frère cadet de son ami pour convaincre ce dernier à lui vendre ledit véhicule ; Que c’est dans ces conditions qu’une reconnaissance de dette de la somme de 8 millions de francs a été signée en présence du sieur Y X ; Qu’une somme de 1.150.000 F finalement lui a été versée à titre d’acompte ; Que depuis lors, le sieur MOLA SAKO n’a plus versé le reliquat ; Attendu que le sieur Y X, qui était présent lors des différentes transactions entre les deux amis a comparu à l’audience et confirmé toutes les prétentions du sieur Y C ; Que la Cour a renvoyé l’affaire pour comparution personnelle du sieur MOLA SAKO ; Que ce dernier n’a pas comparu et a mandaté seulement son fils en alléguant qu’il serait malade sans justifier son absence par un Certificat Médical pouvant justifier son état ; Attendu que devant le premier Juge, le sieur MOLA SAKO a simplement contesté sa signature sans engager la procédure d’inscription de faux ; Qu’il a également contesté la vente à son profit d’un véhicule aux motifs que le sieur Y C ne verse pas au dossier l’acte de transaction ; Que dans ses moyens de défense devant la Cour d’Appel, il reconnaît désormais la vente du véhicule en versant lui-même l’Acte de vente tout en arguant que le vendeur serait le fils du sieur Y C ; Mais attendu qu’il n’a pas répondu à la Cour sur la demande de justification du paiement du prix conformément aux dispositions de l’article 1315 du Code Civil qui dispose que : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libérer, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation» ; Qu’en l’espèce, le sieur Y C a produit une reconnaissance de dette non sérieusement contestée par le sieur MOLA SAKO et confirmée à la barre par le sieur Y X ; Qu’en outre il a été allégué à l’audience que le sieur B A avait refusé d’aller jurer devant l’Imam sur le Coran ;
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Qu’ayant reconnu finalement à l’audience l’acquisition d’un véhicule en versant lui-même l’Attestation de Vente qui ne mentionne aucun prix de vente, il n’a pas justifié le paiement intégral selon les dispositions suscitées, ni contesté l’acompte de 1.150.000 F par lui versé ; Que dès lors, c’est à tort que le premier Juge n’a pas fait droit à la demande en paiement du sieur Y C ; Que sa décision doit être infirmée pour les motifs qui précèdent dans toutes ses dispositions et le sieur B A condamné au paiement du reliquat de 6.850.000 F ;
PAR CES MOTIFS : Statuant publiquement et contradictoirement à l’égard des parties en matière civile et en dernier ressort ; En la forme : Déclare l’appel recevable ; Au fond : Infirme le jugement querellé dans toutes ses dispositions ; Statuant à nouveau : Reçoit Y C en sa demande ; Condamne MOLA SAKO à lui servir la somme de 6.850.000 F ; Met les dépens à la charge de l’intimé ; Ainsi jugé et prononcé en audience publique, les jour, mois et an que dessus ; En foi de quoi, le présent arrêt a été signé après lecture faite par le Président et le Greffier. Le Greffier Le Président