Arrêt n°121/2021 du 17 juin 2021
Groupe MEGAMONDE SA C/ Y.Y.N
COUR D’APPEL-PROCEDURE D’APPEL- MATIERE SOCIALE-REGIME SPECIFIQUE-APPEL FORME AU GREFFE DE LA COUR D’APPEL-IRRECEVABILITE.
La procédure sociale obéit au régime spécifique institué par le Code du travail. Le régime de droit commun ne peut s’appliquer qu’en cas d’insuffisance ou de silence de la loi sociale.
Dès lors, c’est à bon droit qu’une Cour d’appel a déclaré irrecevable l’appel formé en matière sociale au greffe de la Cour d’appel au lieu de celui du tribunal, et l’appel formé par voie de conclusions au lieu d’une simple déclaration au greffe du Tribunal. POUVOIR DES JUGES DU FOND-COMPUTATION DES DELAIS EN MATIERE DE PRESCRIPTION DE L’ACTION EN RECLAMATION DE SALAIRES-APPRECIATION SOUVERAINE DES JUGES DU FOND-IRRECEVABILITE. La computation des délais en matière de prescription de l’action en réclamation de salaires est une question de fait dont l’appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond. POURVOI EN CASSATION-MOYEN NOUVEAU-INCOMPETENCE TERRITORIALE-IRRECEVABILITE. Est nouveau et doit être déclaré irrecevable, un moyen qui invoque l’incompétence territoriale d’une Cour d’appel, alors que celle-ci a déclaré irrecevable l’appel formé devant elle et ne s’est donc pas prononcé sur une question de compétence. TEXTES APPLIQUES : articles 21, 126, alinéa 2, 437, 550, 554 du Code de procédure civile, 210, 341, 360 du Code du travail de 2008, B A Unité – Progrès – Justice ------------- COUR DE CASSATION Chambre Sociale -------------- ARRET N°121/2021 du 17 JUIN 2021 Dossier n°57/2014 --------------- AFFAIRE : Groupe MEGAMONDE SA C/ Y.Y.N Décision attaquée : ordonnance n°10 du 20 août 2014 rendue par le Premier président de la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso. La Cour de cassation, Chambre sociale, siégeant en audience publique ordinaire tenue le 17 juin 2021 dans la salle d’audience de ladite Cour à Aa, composée de : Monsieur NIAMBA Mathias, Président ; PRESIDENT
Mesdames KABORE Jacqueline et BASSOLE/KABORE Irène, toutes conseillers ;
MEMBRES En présence de Monsieur NANA Ibrahima, Avocat général ; Assistés de Monsieur BAYILI Jean Marc, Greffier ; A rendu l’arrêt ci-après dans la cause : ENTRE Groupe MEGAMONDE SA, ayant élu domicile au cabinet FARAMA et associés, Avocats à la Cour ; Demandeur d’une part, ET Y.Y.N, ayant pour conseil la SCPA KARAMBIRI-NIAMBA, Avocats à la Cour ;
Défendeur d’autre part ;
LA COUR, Statuant sur le pourvoi en cassation formé le 22 avril 2014 au nom et pour le compte du Groupe MEGAMONDE par son conseil, contre l’ordonnance n° 19/2014 rendue le 20 février 2014 par la juridiction du Premier président de la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso, dans la cause qui oppose sa cliente à Y.Y.N ;
Vu la loi organique N°018-2016/AN du 26 mai 2016 portant composition, organisation, attributions, fonctionnement de la Cour de cassation et procédure applicable devant elle ;
Vu la loi organique n° 013-2000/AN du 09 mai 2000, portant organisation, attributions, fonctionnement de la Cour de cassation et procédure applicable devant elle ;
Vu la loi n° 22/99/AN du 18 mai 1999 portant Code de procédure civile ;
Vu la loi n° 28-2008/AN du 13 mai 2008 portant Code du travail au B A ;
Vu le rapport du Conseiller ; Vu les conclusions du Ministère public ;
Ouï le Conseiller en son rapport ;
Ouï les parties en leurs observations ; Ouï l’Avocat général en ses conclusions et observations ; Après en avoir délibéré conformément à la loi ; SUR LA RECEVABILITE Attendu que le pourvoi a été élevé dans les forme et délai prescrits par les articles 602 à 605 du Code de procédure civile ; qu’il est recevable ;
AU FOND Faits et procédure Attendu suivant les énonciations de l’arrêt attaqué que Y.Y.N, alors directeur technique au Ab C a été licencié pour motifs économiques ; que poursuivant l’exécution d’une convention conclue avec son ex-employeur dans ce cadre, il a réclamé le paiement de la somme de six millions deux cent mille (6.200.000) francs CFA soit le reliquat d’une somme totale de huit millions (8.000 000) francs CFA de laquelle il n’a perçu que le montant de un million huit cent mille (1.800 000) francs CFA ; que débouté en première instance, le juge des référés ayant déclaré son action éteinte pour cause de prescription, il a obtenu gain de cause devant la juridiction du Premier président de la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso, impulsant le présent pourvoi formé par le Groupe MEGAMONDE et articulé autour de deux moyens dont le premier pris en cinq branches ;
Discussion des moyens Sur le premier moyen pris en sa première branche tirée de la violation des articles 437 et 550 du Code de procédure civile Attendu que la demanderesse au pourvoi fait grief à l’ordonnance attaquée d’avoir déclaré recevable l’appel fait par déclaration au greffe du Tribunal du travail alors selon les articles 550 et 437 du Code de procédure civile, que l’appel doit être fait par acte d’huissier signifié à l’intimé et déposé au greffe ; Mais attendu que l’ordonnance d’appel retient que la procédure d’appel de référés en matière sociale obéit à un régime dérogatoire de droit commun en ce que suivant les termes des articles 363 et 365 du Code du travail, la demande en référé étant introduite par simple requête écrite, l’appel obéit également à un régime procédural simplifié par déclaration au greffe du Tribunal ; que le juge d’appel des référés ne s’est donc pas mépris sur l’application des articles 437 et 550 du Code de procédure civile, étant de commune entente qu’il ne peut être exigé une simple requête écrite pour la demande en référé social, pour imposer une assignation suivant le droit commun en barre d’appel, et étant rappelé que le régime de droit commun ne s’applique qu’en cas d’insuffisance ou d’absence d’une règlementation spécifique suivant les termes de l’article 1er du Code de procédure civile ; que cette branche du moyen est donc non fondée ;
Sur le premier moyen pris en sa deuxième branche tirée de la violation de l’article 554 du Code de procédure civile Attendu que par ce moyen, la demanderesse fait grief à l’ordonnance attaquée d’avoir déclaré irrecevable son appel incident au motif que la procédure sociale est spécifique et n’admet pas l’appel incident fait par voie de conclusions alors selon l’article 554 du Code de procédure civile, qu’en l’absence de procédure spécifique prévue par la loi sociale, l’appel incident, même provoqué, et l’intervention en cause d’appel sont formés par conclusions en référence à l’article 1 du même Code qui énonce que les dispositions du présent Code s’appliquent devant toutes les juridictions civiles, commerciales et sociales ; Mais attendu que l’ordonnance d’appel retient que l’article 554 du Code de procédure civile ne peut s’appliquer à la matière sociale où une règlementation spécifique consacre que l’appel se fasse par déclaration au greffe de la juridiction qui a rendu la décision ; que le juge d’appel des référés ne s’est donc pas mépris sur l’application de l’article 554 du Code de procédure civile, qui n’est pas applicable à la procédure d’appel incident en matière sociale ;
Que cette branche du moyen est donc non fondée ;
Sur le premier moyen pris en sa troisième branche tirée de la violation des articles 341 et 360 du Code du travail, 126, alinéa 2 du Code de procédure civile Attendu que la demanderesse au pourvoi fait grief à l’ordonnance attaquée d’avoir retenu la compétence de la juridiction sociale de référé de Bobo-Dioulasso au motif que l’ex-travailleur y réside alors que selon les articles 341, 360 du Code du travail et 126 du Code de procédure civile, compétence ne pouvait échoir qu’aux juridictions des lieux de résidence ou de l’exécution du contrat, spécifiés au moment de la conclusion du contrat, le Tribunal saisi devant statuer sans délai sur sa compétence s’il en est requis par le demandeur à l’exception, encore que l’existence d’une contestation sérieuse enlevait tout pouvoir de statuer au juge des référés ; Mais attendu que le moyen en cette branche est nouveau, en ce qu’ayant déclaré irrecevable l’appel incident du Groupe MEGAMONDE, l’ordonnance querellée n’a pu discuter des moyens développés au soutien de l’incompétence de la juridiction sociale de référé et contenus dans les conclusions valant appel incident ; Que le moyen est irrecevable en cette branche ; Sur le premier moyen pris en sa quatrième branche tirée de la violation de l’article 210 du Code du travail Attendu que la demanderesse au pourvoi fait grief à l’ordonnance attaquée de n’avoir pas constaté la prescription de l’action en réclamation de salaire de Y.Y.N alors suivant les dispositions de l’article 210 du Code du travail que l’action des travailleurs en paiement du salaire, et de toute somme due par l’employeur au travailleur se prescrit par deux ans ; Mais attendu que l’examen de cette branche du moyen conduirait immanquablement le juge de cassation à examiner les faits pour apprécier le bien-fondé ou non de la décision du juge d’appel qui a exercé son pouvoir souverain d’appréciation des faits pour la computation du délai ; Que cette branche du moyen est irrecevable ; Sur le premier moyen pris en sa cinquième branche tirée de la violation de l’article 21 du Code de procédure civile Attendu que la demanderesse au pourvoi fait grief à l’ordonnance attaquée d’avoir statué infra petita en ne se prononçant pas sur sa demande de condamnation en dommages et intérêts contre l’ex-travailleur pour procédure abusive et vexatoire alors selon l’article 21 du Code de procédure civile que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ;
Mais attendu que le moyen développé en cette branche est nouveau, en ce qu’ayant déclaré irrecevable l’appel incident du Groupe MEGAMONDE, l’ordonnance dont cassation est sollicitée n’a pu discuter de cette demande en réparation de procédure abusive et vexatoire développée dans les conclusions valant appel incident ; Que le moyen est irrecevable en cette branche ;
Sur le deuxième moyen tiré de la mauvaise interprétation de l’article 210 du Code du travail Attendu que la demanderesse au pourvoi fait grief à l’ordonnance attaquée d’avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription au motif qu’il y a eu une interruption de prescription alors que le défendeur n’a pu établir de façon incontestable cette interruption ;
Mais attendu que ce moyen n’est qu’une reprise en des termes autres du premier moyen pris en sa quatrième branche ; qu’il est donc inopérant ; PAR CES MOTIFS
En la forme Déclare le pourvoi recevable
Au fond
Le rejette ; Met les dépens à la charge du Trésor public ;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Chambre sociale de la Cour de cassation du B A les jour, mois et an que dessus. Et ont signé le Président et le Greffier.