COUR DE CASSATION C A
Unité — Progrès — Justice CHAMBRE SOCIALE
Dossier n° 52/2003
Arrêt n° 39
du 18/11/2004
AUDIENCE PUBLIQUE
du 18 NOVEMBRE 2004
Affaire : Syndic Liquidateur de Burkina Groriit
- Aa Ac
- TANOU K. Ad B autres
L’an deux mille quatre
Et le dix huit novembre
La Cour de Cassation, Chambre Sociale, siégeant en audience publique dans la salle d’audience de ladite Cour à Ab composée de :
Monsieur PODA Train Raymond, Président de la Chambre Sociale, Président
Monsieur SININI Barthélemy, Conseiller
Madame SAMPINBOGO Mariama, Conseiller
En présence de Monsieur X Af, 1 Avocat Général et de Madame OUEDRAOGO Haoua Francine, Greffier ;
À rendu l’arrêt ci-après :
LA COUR
Statuant sur le pourvoi en cassation formé le 12 juin 2003 par Maître Harouna SAWADOGO, avocat à la Cour, au nom et pour le compte du Syndic liquidateur de C Ae, contre l’arrêt n° 23 rendue le 15 avril 2003 par la Chambre Sociale de la Cour d’Appel de Ab dans une instance qui oppose ledit Syndic à ses anciens travailleurs ;
vu la loi organique n°013-2000/AN/ du 09 mai 2000, portant organisation, attributions et fonctionnement de la Cour de Cassation et procédure applicable devant elle ;
Vu les articles 592 et suivants du code de procédure civile ;
Vu les mémoires ampliatif et en réplique ;
vu les conclusions écrites du Ministère Public ;
Ouï Monsieur le Conseiller en son rapport ;
Ouï les parties en leurs observations orales ;
Ouï Monsieur l’Avocat Général en ses observations orales ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
SUR LA RECEVABILITE
Attendu que le pourvoi a été introduit dans les forme et délai prescrits par la loi ; qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;
AU FOND
Attendu que Aa Ac et 65 autres ont été embauchés courant l’année 1997 date de démarrage de la Société C Ae ;
Que courant 1998, à la suite d’une mésentente entre les différents actionnaires de la Société, ceux-ci décidèrent de la dissoudre ;
Attendu que sur la base d’un protocole d’accord de cessation de relation de travail, les droits légaux et/ ou conventionnels ont été liquidés et versés aux travailleurs ;
Qu'’estimant avoir été contraints de signer ledit protocole d’accord, les travailleurs ont attrait le Syndic liquidateur de la Société C Ae devant la Direction Régionale de l’Emploi du Centre, à l’effet d’obtenir paiement de vingt quatre (24) mois de salaire chacun et cinquante millions (50.000.000) de.F CFA à titre de dommages intérêts pour l’ensemble des défendeurs ;
Qu'’à la suite de l’échec de la tentative de conciliation, le dossier fut transmis au Tribunal du Travail de Ab lequel par jugement n° 50 du 20 février 2001, déclarait le licenciement des travailleurs abusif en la forme mais légitime au fond et condamnait C Ae à payer à chacun d’eux des dommages intérêts ;
Que sur l’appel interjeté le 20 février 2001 par C Ae, la Chambre sociale de la Cour d’appel de Ab par arrêt n° 23 du 15 avril 2003, dont pourvoi, confirmait le jugement querellé en toutes ses dispositions ;
Attendu que le demandeur soulève dans sa requête trois moyens de cassation ;
Sur le premier moyen de cassation tiré de la violation
de l’article 1134 du code civil
Attendu que le conseil du Syndic liquidateur de C Ae fait valoir que les parties ont signé le 12 février 1999 un protocole de cessation de travail d’accord partie ;
Que l’article 5 dudit protocole intitulé Transaction” stipule que : « les parties conviennent que le présent protocole d’accord met fin à toute contestation ou litige né ou à naître relativement à la cessation d’accord parties des relations de travail entre elles » ;
Que l’article 1134 susvisé dispose que: “les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ° ;
Qu’il soutient que l’arrêt attaqué doit être cassé pour violation dudit article1134 ;
Mais attendu que l’article 39 alinéa 3 du code de travail prévoit que : « Les parties ne peuvent renoncer à l’avance au droit éventuel de demander des dommages intérêts en vertu des dispositions ci-dessus » ;
Qu'’il en résulte donc une interdiction faite aux travailleurs de renoncer à l’avance de demander des dommages intérêts ;
Attendu qu’il s’agit dans le cas d’espèce de la fermeture de l’entreprise ; que l’article 39-2 ci-dessus cité stipule que : « La cessation de l’entreprise, sauf cas de force majeure, ne dispense pas l’employeur de respecter les règles établies à la présente section. La faillite et la liquidation judiciaire ne sont pas considérées comme des cas de force majeure »
Que dès lors les dispositions de l’article 39-3 suscité prévalent sur l’accord des parties qui ne saurait être contraire à la loi ;
Qu’en conséquence le moyen invoqué est inopérant et doit être rejeté ;
Sur le deuxième moyen de cassation tiré du défaut
de réponses à conclusions
Attendu que le demandeur fait valoir qu’il avait soulevé devant les juges du fond l’irrecevabilité en la forme de l’action des travailleurs ;
Qu’il soutient qu’ayant omis de répondre à ce chef de demande, l’arrêt attaqué encourt cassation ;
Mais attendu que les juges d’appel ont répondu à ce chef de demande en faisant application des dispositions de l’article 39 alinéa 3 du Code du Travail aux termes desquelles les parties ne peuvent renoncer à l’avance au droit éventuel de demander des dommages et intérêts, et ce après avoir déclaré recevable l’action de ceux-ci ;
ue ce moyen y n’est p pas fondé et doit être rejeté ;
Sur le troisième moyen de cassation
Tiré du défaut de base légale
Attendu que ce moyen de cassation se fonde sur le fait que l’employeur n’avait pas l’intention de nuire aux travailleurs en les licenciant, qu’en cas de fermeture de l’entreprise le respect des conditions de forme imposées par la loi avant le licenciement est sans objet notamment la demande d’autorisation préalable de licenciement à l'Inspection du Travail ;
Mais attendu que l’article 232 alinéa 2 du Code du Travail prévoit que :
« Doivent être déclarés dans les mêmes conditions (c’est-à-dire faire la déclaration à l'Inspection du Travail du ressort et au Service chargé de l’emploi) la fermeture, le transfert, le changement de destination, la mutation et, plus généralement, tout changement affectant un établissement. Cette déclaration doit être faite dans un délai de six (6) mois avant la survenance de l’évènement. » ;
Qu’en effet l'employeur n’a pas respecté cette disposition mais l’arrêt attaqué ne s’est pas fondé sur cette seule circonstance du défaut d’autorisation pour condamner l’employeur à des dommages intérêts ; qu’il a surtout pris en compte la violation flagrante des articles 39 alinéas 2 et 3 ci-dessus cités du code du travail par l’employeur ;
Qu'en conséquence, ce troisième moyen n’est nullement fondé ;
Qu'’au total le pourvoi n’est pas fondé ; qu’il y a lieu de le rejeter ;
Du contrôle d’office des motifs de l’arrêt attaqué
par la Cour de cassation
Attendu qu’aux termes des articles 592 et 597 du code de procédure civile, la Cour de cassation a un pouvoir de contrôle des motifs de la décision objet de pourvoi en cassation ;
Attendu que l’arrêt confirmatif du jugement, lequel dans son dispositif a statué en ces termes :
‘Déclare le licenciement des travailleurs abusif en la forme mais légitime au fond”.
Que l’arrêt attaqué souligne que : « … de tout ce qui précède, l’action des travailleurs doit être déclarée recevable et leurs licenciements abusifs pour violation des formalités prévues aux articles 232 et 34-1 du code du travail ; »
Mais attendu qu’il résulte expressément des termes du protocole d’accord du 12 février 1999 signé par les parties que celles-ci ont convenu de la cessation de travail d’accord partie ;
Attendu que l’article 27-1 du code du travail dispose : « Les cas de cessation de la relation de travail sont :
1) la cessation d’accord - parties ;
5) le licenciement ; » ;
Que cet article 27-1 retient la cessation d’accord partie comme premier cas de cessation des relations de travail ;
Que c’est donc à tort que les juges du fond ont qualifié de licenciement la rupture des relations de travail intervenue entre C Ae et ses travailleurs ; que quand bien même le résultat est le même à savoir la rupture, les conséquences juridiques dans un cas comme dans l’autre ne sont pas pareilles ;
Attendu en conséquence que les dommages et intérêts, réclamés par les travailleurs à la suite de la fermeture de l’entreprise C Ae et de la cessation d’accord partie du travail, doivent être alloués sur la base de l’article 39-3 suscité mais uniquement sur ce fondement juridique et non sur celui de l’article 33-2 dudit code ;
Que l’arrêt de la Cour d’appel, ayant statué autrement, encourt cassation de ce chef ;
Attendu qu’il n’y a pas lieu à renvoi, les règles de droit applicables étant les articles 27-1 et 39-3 du code du travail ;
Par ces motifs
En la forme, reçoit le pourvoi ;
Au fond, casse l’arrêt attaqué sans renvoi en ce qui concerne la violation des dispositions des articles 27-1 et 39-3 du code du travail ;
Rejette le pourvoi comme étant mal fondé en ses moyens.
Met les dépens à la charge du Trésor public.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Chambre sociale de la Cour de cassation du C A les jour, mois et an que dessus.