N° 072/CJ-S DU REPERTOIRE ; N° 2021-009/CJ-S DU GREFFE ; ARRET DU 30 SEPTEMBRE 2022 ; AFFAIRE : -SERGE YAÏ CHABI -SOUMAÏLA GUERRA -ALAIN_ HOUNTON -SIMON DANSOU -SOULE LEADY -CHRISTOPHE BIAOU -FAUSTIN AGOLIGAN -NESTOR ABALLO -CHRISTOPHE GNONLONGAN (ME SALOMON R. AJ) CONTRE SOCIETE DES CIMENTS DU BENIN (SCB) LAFARGE SISE A COTONOU (ME ANGELO HOUNKPATIN)
Procédure civile — Droit social — Pourvoi en cassation — Moyen de pur droit relevé d’office par le juge de cassation, après que les parties ont été invitées à présenter leurs observations — Infirmation par les juges d’appel du jugement entrepris sans évocation — Cassation (oui).
Violent la loi et font encourir cassation à leur arrêt, les juges d’appel qui, infirmant le jugement entrepris en toutes ses dispositions, n’ont pas évoqué et statué à nouveau, alors qu’ils ont remis les parties dans leurs positions initiales.
La Cour,
Vu l’acte n°003/CS-20 du 03 août 2020 du greffe de la cour d’appel de Parakou par lequel maître Roland ADJAKOU, conseil de Ag X AG, Ai Y, Aa Z, Ae AK, Ac B, Ab C, Af AL, Ah A et Ab AH, a élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°007/CS-20 du 17 juin 2020 rendu par la chambre sociale de cette cour ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n°2022-10 du 27 juin 2022 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
vu loi n°2022-12 du 05 juillet 2022 portant règles particulières de procédure applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi 30 septembre 2022 le président, Sourou Innocent AVOGNON en son rapport ;
Ouï le premier avocat général Saturnin Djidonou AFATON en ses conclusions ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant l’acte n°003/CS-20 du 03 août 2020 du greffe de la cour d’appel de Parakou, maître Roland ADJAKOU, conseil de de Ag X AG, Ai Y, Aa Z, Ae AK, Ac B, Ab C, Af AL, Ah A et Ab AH, a élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l'arrêt n°007/CS-20 du 17 juin 2020 rendu par la chambre sociale de cette cour ;
Que par correspondance n°2967/GCS du 22 avril 2021 du greffe de la Cour suprême, maître Roland ADJAKOU a été invité à produire son mémoire ampliatif dans le délai de deux (02) mois,
conformément aux dispositions de l’article 933 alinéa 2 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Que les mémoires ampliatif et en défense ont été produits ;
Que le procureur général a pris ses conclusions lesquelles ont été communiquées aux parties pour leurs observations ;
Que seul maître Angelo HOUNKPATIN, conseil de la société SCB-Lafarge a produit ses observations ;
Que par correspondances n° 2391 et 2392/GCS du 26 avril 2022 et conformément aux dispositions de l’article 17 alinéa 3 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes, les parties ont été invitées à produire leurs observations sur le moyen de pur droit tiré du défaut d’évocation par les juges de la cour d’appel de Parakou, après l’infirmation du premier jugement ;
Que les observations complémentaires des demandeurs et défenderesse au pourvoi ont été produites ;
Que le procureur général a pris ses conclusions complémentaires, lesquelles ont été communiquées aux parties pour leurs observations ;
Que maîtres Roland ADJAKOU et Angelo HOUNKPATIN ont produit leurs observations ;
EN LA FORME
Attendu que le présent pourvoi a été élevé dans les forme et délai de la loi ;
Qu'il convient de le déclarer recevable ;
AU FOND
FAITS ET PROCEDURE
Attendu, selon l’arrêt attaqué et les pièces du dossier, que suivant procès-verbaux de non conciliation numéros 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28 et 29/MTFPRAI/DC/SGM/DDTFPRAI/B-A/SA du 29 juillet 2015 de la direction départementale du travail, de la fonction publique, de la réforme administrative et institutionnelle du Borgou-Alibori, de Ag X AG, Ai Y, Aa Z, Ae AK, Ac B, Ab C, Af AL, Ah A et Ab AH ont saisi le tribunal de première instance de première classe de Parakou, statuant en matière sociale, contre la Société des Ciments du Bénin (SCB) LAFARGE aux fins de voir déclarer la rupture de leur contrat de travail abusive et se voir payer les diverses indemnités et dommages-intérêts ;
Que par jugement n°10/CS/17 du 22 mai 2017, la juridiction saisie, après avoir déclaré que les consorts Ag X AG sont liés à la SCB LAFARGE par un contrat de travail, a jugé que la rupture dudit contrat est abusive et a condamné celle-ci à leur payer diverses sommes et dommages-intérêts ;
Que sur appel de la SCB LAFARGE, la cour d'appel de Parakou, par arrêt n°007/CS-20 du 17 juin 2020, après avoir énoncé que ladite société est liée aux requérants par un contrat de louage de service et non par un contrat de travail, a infirmé le jugement querellé en toutes ses dispositions ;
Que c'est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;
DISCUSSION Sur le premier moyen tiré de la violation des dispositions des articles 2, 9, 17, 18 et 25 du code du travail, 7 et 8 de la convention collective générale du travail
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué de la violation des dispositions des articles 2, 9, 17, 18 et 25 du code du travail, 7 et 8 de la convention collective générale du travail en ce qu’il a décidé qu’il n’y avait pas de contrat de travail entre Ag X AG, Ai Y, Aa Z, Ae AK, Ac B, Ab C, Af AL, Ah A et Ab AH d’une part, et la société des ciments du Bénin (SCB LAFARGE) d'autre part, alors que, selon le moyen, il ressort des débats tant devant le juge de première instance que devant les juges d'appel que, notamment, sur des périodes allant de neuf (9) à dix (10) ans, les travailleurs étaient sous la direction, le contrôle et la supervision du gérant du dépôt de ciment, que la SCB LAFARGE leur fournissait du matériel de travail et de protection, que le gérant du dépôt de vente de ciment est un employé permanent de la SCB LAFARGE et que leur rémunération était faite suivant des états établis par ladite société ;
Que l'arrêt attaqué encourt cassation de ce chef ;
Mais attendu que sous le grief de la violation de la loi, le moyen tend en réalité à remettre en discussion devant les juges de cassation, les éléments de faits et de preuves souverainement appréciés par les juges du fond ;
Que le moyen est irrecevable ;
Sur le deuxième moyen tiré de la dénaturation des faits
Attendu qu'il est fait grief à l’arrêt attaqué d'avoir dénaturé les faits, en ce que les juges d’appel ont délibérément ignoré les faits tels que débattus par les parties au procès en première instance et ne s'en sont tenus qu’à des faits sans rapport avec la réalité de la cause alors que, selon le moyen, des différentes déclarations faites devant le premier juge, il ressort que la nature du contrat de travail liant les parties avait été formellement débattue ;
Que pour n’en avoir pas tenu compte, les juges d’appel font encourir cassation à leur décision ;
Mais attendu que la dénaturation des faits n’est pas un cas d’ouverture à cassation ;
Que le moyen est irrecevable ;
Sur le troisième moyen tiré du défaut de réponse à conclusions
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué du défaut de réponse à conclusions en ce que les juges de la cour d’appel se sont contentés d’affirmer, notamment, « … que dans un contrat de travail, on ne saurait parler de subordination juridique lorsque le prétendu travailleur peut répondre ou s'absenter du travail à sa seule guise sans avoir à se justifier (…) qu’on ne saurait concevoir un contrat de travail avec rémunération à la tâche (.…) qu’eu égard à ce qui précède, il convient de dire qu’il s’agit plutôt d’un louage de service et non d’un contrat de travail… », alors que, selon le moyen, il a été démontré dans les conclusions d’appel la nature de contrat de travail à durée indéterminée ayant lié les consorts Ag X AG à la SCB LAFARGE ;
Que les juges d'appel ont sciemment omis de répondre à ces conclusions, exposant ainsi leur décision à cassation ;
Mais attendu qu’en constatant, s'agissant de l’espèce, que les travailleurs pouvaient répondre ou s'absenter du travail à leur guise, sans justification, quitte à être remplacés par d’autres manœuvres et que la rémunération était effectuée à la tâche, c’est-à-dire par paquet de ciment déchargé, pour conclure à la qualification de louage de service en lieu et place de contrat de travail, les juges d’appel ont nécessairement répondu aux conclusions alléguées ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le moyen de pur droit relevé d’office, après que les parties ont été invitées à présenter leurs observations
Attendu qu’il ressort de l’arrêt entrepris qu'après avoir infirmé le jugement numéro 10/CS/ 17 du 22 mai 2017 en toutes ses dispositions, les juges d’appel n’ont pas évoqué et statué à nouveau ;
Attendu que les articles 646 alinéas 1” et 2 et 640 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes disposent respectivement :
qu’« en cas d'appel d’un jugement avant-dire-droit, si cette décision est infirmée, la juridiction d’appel pourra évoquer l'affaire, à condition que la matière soit susceptible de recevoir une décision définitive.
Il en sera de même dans le cas où elle annulerait des jugements sur le fond, soit pour vice de forme, soit pour toute autre cause »,
et que « l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit » ;
Qu'en l’espèce, les consorts Ag X AG ont saisi le tribunal de première instance de première classe de Parakou aux fins non seulement de déclarer la rupture de leur contrat de travail abusive, mais également de se voir payer diverses sommes d'argent au titre d’indemnités diverses et de dommages et intérêts ;
Qu’en infirmant le premier jugement en toutes ses dispositions sans évocation, donc sans répondre aux demandes d’indemnités et de dommages et intérêts formulées par les consorts Ag X AG alors que l’appel avait remis les parties dans leurs positions initiales, les juges d’appel ont violé les dispositions susvisées ;
PAR CES MOTIFS :
Reçoit en la forme le présent pourvoi ;
Au fond, casse et annule l’arrêt n°007/CS-20 rendu le 17 juin 2020 par la chambre sociale de la cour d’appel de Ad ;
Renvoie la cause et les parties et la cause devant la cour d'appel de Parakou autrement composée ;
Met les frais à la charge du Trésor public ;
Ordonne la notification du présent arrêt aux parties ainsi qu’au procureur général près la Cour suprême ;
Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d’appel de Ad ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre judiciaire) composée de : Sourou Innocent AVOGNON, président de la chambre judiciaire, PRESIDENT ; Ismaël SANOUSSI Et CONSEILLERS ; Olatoundji Badirou LAWANI
Et prononcé à l’audience publique du vendredi trente septembre deux mille vingt-deux, la chambre étant composée comme il est dit ci-dessus, en présence de : Saturnin Djidonou AFATON, PREMIER AVOCAT GENERAL; Hélène NAHUM- GANSARE, GREFFIER ;
Et ont signé,
Le président- rapporteur, Le greffier.
Sourou Innocent AVOGNON Hélène NAHUM-GANSARE