N°76/CJ-DF DU REPERTOIRE ; N°2021-49/CJ-DF DU GREFFE ; ARRET DU 05 AOÛT 2022 ; AFFAIRE : AL AI C AK AG Y X REPRESENTE PAR ALASSANE BOUKARI KPEYEN-DOURO ET A AN ET Collectivité Z AH.
Procédure civile — Droit foncier et domanial — Moyen de cassation — Prescription extinctive — Absence de preuve de possession paisible, notoire non interrompue et sans équivoque — Rejet.
Moyen de cassation — Défaut de base légale — Appréciation souveraine du juge du fond — Irrecevabilité.
N’est pas fondé, le moyen tiré de la prescription extinctive, dès lors que le demandeur au pourvoi ne jouit pas d’une possession paisible, notoire, non interrompue et sans équivoque, équipollente à une prescription acquisitive.
Est irrecevable, le moyen qui, sous le couvert de défaut de base légale, tend en réalité à faire réexaminer par la juridiction de cassation, les éléments de fait et de preuve souverainement appréciés par les juges du fond.
La Cour,
Vu l’acte n°12/20 du 23 juillet 2020 du greffe de la cour d'appel de Parakou par lequel AL AI C ayant pour conseil, maître Maurice Thomas LIGAN, a déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l'arrêt n°23/2 CFD/20 rendu le 03 juillet 2020 par la chambre civile de droit foncier et domanial de cette cour ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n°2022-10 du 27 juin 2022 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2022-12 du O5 juillet 2022 portant règles particulières de procédure applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes modifiée et complétée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 ;
Vu la loi n° 2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial en République du Bénin modifiée et complétée par la loi n°2017-15 du 10 août 2017 ;
Vu la loi n° 2020-08 du 23 avril 2020 portant modernisation de la justice ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi cinq août deux mil vingt- deux, le conseiller Vignon André SAGBO en son rapport ;
Ouï le premier avocat général Pierre Nicolas BIAO en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant l’acte n°12/20 du 23 juillet 2020 du greffe de la cour d'appel de Parakou, AL AI C ayant pour conseil, maître Maurice Thomas LIGAN, a déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°23/2 CFD/20 rendu le 03 juillet 2020 par la chambre civile de droit foncier et domanial de cette cour ;
Que par lettre n°2805/GCS du 20 avril 2021 du greffe de la Cour suprême, le demandeur au pourvoi a été invité à consigner dans le délai de quinze (15) jours, sous peine de déchéance, et à produire son mémoire ampliatif dans le délai de deux (02) mois, le tout, conformément aux dispositions des articles 931 alinéa 1°" et 933 alinéa 2 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Que la consignation a été faite et les mémoires ampliatif et en défense produits ;
Que le procureur général a pris ses conclusions, lesquelles ont été communiquées aux parties pour leurs observations ;
Que seul maître Elvys DIDE, conseil de la collectivité Y X, a produit ses observations ;
EN LA FORME
Attendu que le présent pourvoi a été élevé dans les forme et délai de la loi ;
Qu'il convient de le déclarer recevable ;
AU FOND
Faits et procédure
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par requête en date du 14 août 2018, AL AI C a saisi le tribunal de première instance de première classe de Parakou d’une action en confirmation de son droit de propriété sur son domaine sis à Toko- Bio, arrondissement de Sanson, commune de Ab contre la collectivité Y X représentée par A AN et Af AP Ad AN ;
Que la juridiction saisie a rendu le 26 juin 2019 le jugement n°105/19/2è° F. DPF par lequel elle a constaté que les membres de la collectivité Z AH ont payé le domaine en cause et l'ont occupé de façon paisible, notoire non interrompue et sans équivoque ;
Que sur appel de A AP Ad AN, la cour d'appel de Parakou a rendu l'arrêt n°23/2CFD/2020 du 03 juillet 2020 par lequel elle a infirmé le jugement querellé, puis évoquant et statuant à nouveau, a :
- confirmé le droit de propriété de la collectivité Y X, représentée par AN B Af sur le domaine de quarante (40) hectares limité ainsi qu'il suit : au nord par le village de AM, au sud par Y Ae, à l'est par le village de AM et à l'ouest par Y X AN ;
- constaté que AN B Af, représentant la collectivité Y X a reconnu que sieur Z AH a effectivement occupé trois (03) hectares ;
- confirmé en conséquence son droit de propriété sur ce domaine de trois (03) hectares limité comme suit : au nord par la collectivité Y X, au sud par la collectivité Y X, à l'est par la collectivité Y X et à l'ouest par la collectivité Y X ;
- constaté également que Z AH a déclaré avoir vendu demi hectare (1/2) ha au nommé AL AI C ;
- dit que cette portion sera déduite des trois (03) hectares de Z AH ;
- rejeté la demande de dommages intérêts formulée par AL AI C ;
Que c'est cet arrêt qui est l'objet du présent pourvoi ;
DISCUSSION
Sur le premier moyen tiré du défaut de base légale en quatre (04) branches
Première, deuxième et troisième branches réunies relatives à la prescription acquisitive
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué du défaut de base légale, en ce que les juges d'appel, d'une part, n'ont pas retenu la prescription acquisitive au profit de la collectivité Z AH, vendeur du domaine à AL AI C, alors que, selon la branche du moyen, la cour d'appel devrait faire les constatations de fait pour conclure à ladite prescription ;
D'autre part, que les juges de la cour d'appel n'ont pas tiré les conséquences de droit qu'induit la prescription acquisitive, alors que, selon la branche du moyen, la collectivité Z AH, du fait des effets de la prescription, n'avait plus à faire la preuve de ce qu'elle est la première occupante du domaine litigieux comme la cour d'appel l'a exigé ;
Enfin, que les juges d'appel n'ont pas étendu le bénéfice des droits découlant de la prescription à toute la superficie en cause, alors que, selon la branche du moyen, la collectivité Z AH n'avait plus à établir que son droit de propriété couvre l'entièreté de la superficie de 43 hectares qui est en cause ;
Qu'ayant statué comme ils l'ont fait, les juges d'appel exposent leur décision à cassation ;
Mais attendu que relativement au droit de propriété du domaine en cause, les juges d'appel ont motivé ainsi qu'il suit : « … Qu'en l'espèce, l'intimé soutient avoir acheté un domaine de contenance de 41 hectares auprès de Z AH ; … Que Ac Z AH, vendeur interpellé, a déclaré à la barre n'avoir vendu, courant année 2018 à l'intimé, que quatre (04) cordes soit un (01) hectare et non l'ensemble du domaine à savoir 41 hectares ;
Qu'il ressort des déclarations de Z AH que l'intimé n'a pu valablement acquérir 41 hectares chez lui ;
Qu'aucune convention de vente n'a constaté cette cession entre Z AH et C AL AI, intimé ;
Que même s'il est admis que Z AH a possédé et exploité le domaine en cause pendant plus de dix (10) ans, il reste à prouver qu'il en est propriétaire. ;
Que le premier juge a fait une mauvaise appréciation des faits en soutenant que le vendeur a exploité sans contestation pendant plus de dix ans le domaine ;
Que le vendeur, Ac Z AH n'a pu convaincre qu'il a effectivement occupé les 43 hectares et convaincre aussi de son droit de propriété sur ce domaine ;
Qu'il n’a ni démontré qu'il est le premier occupant ou acquéreur ou héritier et n'a ni contesté que c'est après autorisation que son installation a été effective sur les lieux. » ;
Qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel de Parakou a bien fait les constatations suffisantes de fait qui permettent de conclure que la collectivité Z AH n'a pas eu, sur l'intégralité du domaine de 42 hectares, une possession paisible, notoire, non interrompue et sans équivoque, équipollente à une prescription acquisitive lui permettant de vendre ledit domaine au demandeur au pourvoi ;
Que le moyen, en ses trois (03) premières branches réunies, n'est pas fondé ;
Quatrième branche
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué du défaut de base légale, en ce qu'il a confirmé le droit de propriété de la collectivité Z AH sur une portion du domaine d'une superficie de trois (03) hectares, au motif que la collectivité Y X a reconnu qu'elle l'a complantée d'anacardiers et d'autres essences pérennes dont la mise en terre, sans contestation, constitue des actes présomptifs de propriété et que Z AH a également inhumé les siens sur ladite portion, alors que, selon la branche du moyen, la preuve est faite au dossier de l'occupation et de l'exploitation d'un domaine de plus de trois (03) hectares par Z AH, AJ Ag et les membres de leur famille ;
Qu'en statuant comme ils l'ont fait, les juges de la cour d'appel n'ont pas suffisamment constaté les faits et exposent de ce chef leur arrêt à cassation ;
Mais attendu que sous le couvert du défaut de base légale, la branche du moyen tend à faire réexaminer par la haute Juridiction, les éléments de fait et de preuve souverainement appréciés par les juges du fond ;
Que le moyen en cette branche est irrecevable ;
Sur le second moyen tiré de la violation de la loi
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué de la violation de la loi en ce qu'il a confirmé le droit de propriété de la collectivité Z AH sur une partie du domaine d'une contenance de trois (03) hectares, alors que, selon le moyen, la collectivité Z AH est propriétaire de l'entièreté du domaine de superficie de 43 hectares qu'elle a cédé à AL AI C ; que les juges de la cour d'appel ne peuvent se prononcer sur l'effectivité de la cession dudit domaine que si la collectivité Z AH avait remis en cause la vente opérée au profit de son acquéreur devant le premier juge, d'autant plus qu'il ne s'agit pas dans le cas d'espèce d'une demande nouvelle formulée pour la première fois devant la cour d'appel ;
Que pour la doctrine dominante, l'immutabilité du litige reste totale en ce qui concerne l'objet de la demande ;
Qu'aux termes de l'article 8 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes : « le juge doit se prononcer sur ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé » ;
Qu'en statuant comme il l'a fait, l'arrêt querellé a excédé les limites du litige telles qu'elles ont été définies dans les conclusions des parties ;
Que l'arrêt attaqué encourt cassation de ce chef ;
Mais attendu qu'à l'examen, il résulte des pièces du dossier que la collectivité Z AH, intervenant volontaire en la cause, avait déjà devant le premier juge développé n'avoir vendu que deux portions et non l'entièreté du domaine en cause au demandeur au pourvoi ; qu'on ne saurait envisager l'idée de demande nouvelle en cause d'appel ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
Reçoit en la forme le présent pourvoi ;
Le rejette quant au fond ;
Met les frais à la charge de AL AI C ;
Dit que la somme consignée au greffe de la Cour suprême est acquise au trésor public ;
Ordonne la notification du présent arrêt au procureur général près la Cour suprême ainsi qu'aux parties ;
Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d’appel de Aa ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre judiciaire) composée de :
Sourou Innocent AVOGNON, président de la chambre judiciaire, PRESIDENT ;
Vignon André SAGBO et Olatoundji Badirou LAWANI, CONSEILLERS ;
Et prononcé à l’audience publique du vendredi cinq août deux mil vingt-deux, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
Pierre Nicolas BIAO, premier avocat général, MINISTERE PUBLIC ;
Mongadji Henri YAÏ, greffier, GREFFIER ;
Et ont signé
Le président, Le rapporteur,
Sourou Innocent AVOGNON Vignon André SAGBO
Le greffier.