N°62/CJ-P DU REPERTOIRE ; N°2020-06/CJ-P DU GREFFE ; ARRET DU 08 JUILLET 2022 ; AFFAIRE : Ac Y AH ET X AG AH (ME MOHAMED TOKO) C/ MINISTERE PUBLIC ET Z A B (ME MICHEL AGBINKO).
Droit pénal — Pourvoi en cassation — Violation de la loi — Extinction de l’action publique — Dysfonctionnement ou perturbation du service public de la justice — Effet du jugement
- Cassation (oui)
Violent la loi, les juges d’appel qui, bien qu’ayant constaté l’extinction de l’action publique du fait du dysfonctionnement ou perturbation du service public de la justice, ont pourtant décidé que le jugement frappé d’appel sort son plein et entier effet.
La Cour,
Vu l’acte n°08/CA-PARA du 21 octobre 2019 du greffe de la cour d’appel de Ab par lequel Ac Y AH et X AG AH ayant pour conseil, maître Mohamed TOKO, ont élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l'arrêt n°025/18 rendu le 23 février 2018 par la chambre correctionnelle de cette cour ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi 08 juillet 2022 le conseiller Vignon André SAGBO en son rapport ;
Ouï l’avocat général Saturnin AFATON en ses conclusions ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant l’acte n°08/CA-PARA du 21 octobre 2019 du greffe de la cour d’appel de Ab, Ac Y AH et X AG AH ayant pour conseil, maître Mohamed TOKO, ont élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°025/18 rendu le 23 février 2018 par la chambre correctionnelle de cette cour ;
Que par lettre n°0847/GCS du 12 février 2020 du greffe de la Cour suprême, maître Mohamed TOKO a été invité à produire ses moyens de cassation dans le délai d’un (01) mois, conformément aux dispositions des articles 12 et 13 de la loi n°2004-20 du 07 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Que le mémoire ampliatif a été produit ;
Que par lettres numéros 1615 et 1616/GCS du 12 mars 2020 du greffe de la Cour suprême, le procureur général près la cour d'appel de Ab et maître Michel AGBINKO, conseil de Z A B, ont été invités à produire leurs mémoires en défense dans le délai d’un (01) mois ;
Que maître Michel AGBINKO a produit son mémoire en défense ;
Que le mémoire en défense du procureur général près la cour d'appel de Ab n’a pas été déposé en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée par lettre n°5978/GCS du 05 novembre 2020 du greffe de la Cour suprême ;
EN LA FORME Attendu que le présent pourvoi a été élevé dans les forme et délai de la loi ;
Qu'il y a lieu de le déclarer recevable ;
AU FOND
Faits et Procédure
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que suivant citation directe en police correctionnelle en date à Aa du 31 mai 2001, Z A B a attrait par devant le tribunal de première instance de deuxième classe de Aa Ac Y AH et X AG AH pour des faits de vol, violences et voies de faits, destruction, dégradation et dommages à propriété immobilière d'autrui commis à son préjudice ;
Que par jugement de défaut réputé contradictoire n°09/07- 2ème CH rendu le 02 novembre 2007, Ac Y AH et X AG AH ont été condamnés à six (06) mois d’emprisonnement avec sursis et solidairement à la somme de sept millions (7 000 000) F CFA à titre de dommages-intérêts assortie de l’exécution provisoire sur minute à hauteur des deux tiers (2/3) ;
Que le 28 janvier 2008, maître Alphonse ADANDEDJAN, conseil des condamnés a fait conjointement opposition et appel contre ledit jugement ;
Que ces deux procédures étaient encore pendantes devant le tribunal de Aa lorsque Ac Y AH et X AG AH assistés de maître Mohamed TOKO, ont en vertu de l’ordonnance n°001/PCA/2008 rendue le 06 mars 2008 par le premier président de la cour d'appel de Ab, assigné Z B A en défense à exécution provisoire du jugement querellé ;
Que la cour d'appel saisie, a rendu l’arrêt n°10/08 du 23 mai 2008 par lequel l’exécution provisoire prononcée par le premier juge a été annulée ;
Que relativement aux deux procédures, enclenchées par maître Alphonse ADANDEDJAN, le parquet d’instance de Aa n’a accompli aucune diligence et a juste transmis le dossier en l’état au parquet général près la cour d’appel de Ab qui, par mégarde aussi, l’a aussitôt enrôlé ;
Que la cour d’appel saisie dans ces conditions, a par l’arrêt n°025/09 du 19 mai 2009 ordonné « qu'il soit fait retour dudit dossier au procureur de la République pour être procédé selon les règles en la matière » ;
Que le tribunal correctionnel saisi à cet effet a, par jugement n°085/CD/10 2ème CH du 23 décembre 2010, déclaré irrecevable pour défaut de qualité, l'opposition formée par maître Alphonse ADANDEDJAN au nom et pour le compte de Ac Y AH et X AG AH ;
Que s'agissant de l’appel interjeté depuis le 28 janvier 2008 contre le même arrêt en même temps que l’opposition, la cour d'appel n’a pu enrôler le dossier d’appel que le 29 novembre 2016 soit huit (08) années après la date du recours ;
Que vidant alors son délibéré le 13 février 2018, elle a rendu l’arrêt de défaut n°025/18 par lequel elle a déclaré l’action publique éteinte et dit subséquemment que la décision du premier juge ressort son entier et plein effet ;
Que c'est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;
DISCUSSION
Sur le moyen unique tiré de la violation des articles 7 alinéa 1°" et 8 alinéa 2 du code de procédure pénale Attendu qu'il est fait grief à l’arrêt attaqué de la violation des dispositions des articles 7 alinéa 1 et 8 alinéa 2 du code de procédure pénale en ce que, pour dire que la décision du premier juge ressort son entier et plein effet, les juges de la cour d'appel ont énoncé que :« même en présence d’un constat fait par les juges du fond en appel de l'écoulement de trois (03) années révolues en matière délictuelle et sans qu'il ne soit prouvé l'intervention d’un quelconque acte interruptif de prescription depuis l'appel jusqu’à la mise au rôle de l’affaire,…, la décision du premier juge survit et ressort son plein et entier effet» alors que, selon le moyen, l’action publique pour l'application de la peine s’éteint par … la prescription... ; que l’effet de la prescription est de paralyser, d’éteindre plutôt l’action pénale mise à la disposition de la société et tendant à la répression du délit ;
Qu’en décidant que le jugement querellé « ressort son entier et plein effet » en dépit de la prescription de l’action publique, les juges de la cour d’appel de Ab sont reprochables du grief de la violation des dispositions des articles 7 alinéa 1er et 8 alinéa 2 du code de procédure pénale ; que l'arrêt entrepris encourt cassation de ce chef ;
Attendu en effet que bien qu'ayant déclaré l’action publique éteinte, les mêmes juges d’appel ont tout aussi indiqué dans leur motivation de l’arrêt avant dire droit n°25/09 du 19 mai 2019 sanctionnant le jugement de l'opposition faite dans la même cause et versée au dossier, « qu’au lieu de procéder à l’enrôlement du dossier devant le tribunal correctionnel pour être statué sur l’opposition, le procureur de la République, a cru devoir le transmettre directement au procureur général près la cour d’appel.… » ;
« Que c’est dans ces conditions que le dossier de la procédure est parvenu au parquet général sans que le greffe du tribunal ait pu inventorier, côter et parapher toutes les pièces…sans avoir été mis en état pour permettre à la cour d’en vérifier la régularité » ;
Que cet état de chose étale à suffisance le dysfonctionnement des services publics du tribunal de Aa, en dépit même de la lettre n°495/PG-CA/PA du 22 novembre 2016 par laquelle le procureur général a dû réclamer au procureur de la République près ledit tribunal le dossier frappé d'appel depuis le 28 janvier 2008 pour son enrôlement à l’audience du 29 novembre 2016 ;
Que l’article 9 alinéa 2 du code de procédure pénale dispose : « la prescription de l’action publique est également suspendue par tout dysfonctionnement ou toute perturbation des services publiques de la justice » ;
Qu’en application dudit article, il y a lieu de casser et d’annuler l’arrêt entrepris en toutes ses dispositions et de renvoyer les parties devant la même cour d’appel autrement composée
PAR CES MOTIFS
Reçoit en la forme le présent pourvoi ;
Au fond
- Casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt n°025/18 du 13 février 2018 de la cour d’appel de Ab ;
- Renvoie la cause et les parties devant la même cour autrement composée ;
- Met les frais à la charge du Trésor public.
Ordonne la notification du présent arrêt au procureur général près la Cour suprême, au procureur général près la cour d’appel de Ab ainsi qu'aux parties ;
Ordonne la transmission en retour du dossier au procureur général près la cour d’appel de Ab ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême composée de : Vignon André SAGBO, conseiller à la chambre judiciaire, PRESIDENT ; Gervais DEGUENON et Ismaël A. SANOUSSI, CONSEILLERS ;
Et prononcé à l'audience publique du vendredi huit juillet deux mille vingt-deux, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de : Saturnin AFATON, AVOCAT GENERAL ; Osséni SEIDOU BAGUIRI, GREFFIER ;
Et ont signé
Le président-rapporteur, Le greffier.
Vignon André SAGBO Osséni SEIDOU BAGUIRI