N°48/CJ-S DU REPERTOIRE ; N°2020-16/CJ-S
ARRET DU 10 JUIN 2022 ; AFFAIRE : SOCIETE
(ME ANGELO HOUNKPATIN) CONTRE
ATTANASSO (ME LAURENT MAFFON) DU GREFFE ;
CIMBENIN SA
ERNESTINE Procédure sociale — Pourvoi en cassation - Violation de la loi par fausse qualification des faits (non).
Droit social — Licenciement — Perte de confiance — Faits objectifs suffisamment graves et répétés — Défaut de base légale (non).
Ne sont pas reprochables du grief de la violation de la loi par fausse qualification des faits, les juges d’appel qui, pour rejeter le moyen ont, entre autres, retenu « … que l’employée n’a commis aucune faute, que ses instructions à sa collaboratrice ne peuvent être considérées comme une incitation à passer de fausses écritures, mais visaient à corriger un dysfonctionnement et que ses agissements ne portent aucun préjudice grave pour l’employeur et ne suffisent pas pour constituer des motifs objectifs et sérieux pouvant justifier le licenciement .»
Ont légalement justifié leur décision, les juges d’appel qui pour se déterminer ont, entre autres, retenu « … que pour qu’il y ait perte de confiance susceptible d’entrainer le licenciement, il faut que la perte de confiance repose sur des faits objectifs suffisamment graves et répétés. »
La Cour,
Vu l’acte n°13/10 du 03 septembre 2010 du greffe de la cour d’appel de Cotonou par lequel maître Hugues POGNON, substituant maître Angelo HOUNKPATIN, conseil de la société CIMBENIN SA, a déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l'arrêt n°076/10 rendu le 25 juin 2010 par la chambre sociale de cette cour ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes, modifiée et complétée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi 10 juin 2022 le conseiller, Georges Goudjo TOUMATOU en son rapport ;
Ouï l’avocat général, Nicolas Pierre BIAO en ses conclusions ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant l’acte n°13/10 du 03 septembre 2010 du greffe de la cour d'appel de Cotonou, maître Hugues POGNON, substituant maître Angelo HOUNKPATIN, conseil de la société CIMBENIN SA, a déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l'arrêt n°076/10 rendu le 25 juin 2010 par la chambre sociale de cette cour ;
Que par lettres numéros 1392 et 1393/GCS du 26 février 2021 du greffe de la Cour suprême, la demanderesse au pourvoi et son conseil ont été invités à produire leurs moyens de cassation dans le délai de deux (02) mois, conformément aux dispositions de l’article 933 alinéa 2 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Que le mémoire ampliatif a été produit ;
Que par lettres numéros 4226 et 4227/GCS du 10 juin 2021 du greffe de la Cour suprême reçues le 15 juin 2021, Ernestine ATTANASSO et son conseil, maître Laurent MAFON ont été invités à produire leur mémoire en défense dans le délai de deux (02) mois, conformément aux dispositions de l’article 933 alinéa 2 du code précité ;
Que par lettres numéros 6679 et 6680/GCS du 24 septembre 2021 du même greffe, une mise en demeure comportant un nouveau et dernier délai de trente (30) jours a été adressée à la défenderesse et à son conseil aux mêmes fins sans réaction de leur part ;
Que le procureur général a pris ses conclusions, lesquelles ont été communiquées à la demanderesse pour ses observations, sans réaction de sa part ;
EN LA FORME
Attendu que le présent pourvoi est respectueux des forme et délai légaux ;
Qu'il y a lieu de le déclarer recevable ;
AU FOND
FAITS ET PROCEDURE
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que suivant procès-verbal de non-conciliation n° 0442/MFPTRA/DC/SGM/ DDFPT/ATL/ST du … 26 avril 2000 de la direction départementale de la fonction publique et du travail de l’Atlantique, Ernestine ATTANASSO a attrait la société CIMBENIN SA par devant le tribunal de première instance de première classe de Cotonou statuant en matière sociale pour s'entendre condamner à lui payer diverses indemnités et des dommages-intérêts suite à son licenciement abusif ;
Que par jugement n°31/2002 du 28 octobre 2002, le tribunal saisi a dit que le licenciement de Ernestine ATTANASSO est légitime pour perte de confiance, a condamné la défenderesse à lui payer diverses indemnités et l’a déboutée du surplus de ses demandes ;
Que sur appels respectifs des deux parties, la chambre sociale de la cour d’appel de Cotonou a, par arrêt n°076/10 du 25 juin 2010, infirmé le jugement entrepris en ce qu’il a dit que le licenciement de Ernestine ATTANASSO est légitime et l’a déboutée de sa demande de dommages-intérêts, puis évoquant et statuant à nouveau, a déclaré le licenciement abusif et vexatoire et condamné la société CIMBENIN SA à lui payer diverses indemnités et une somme de quinze millions (15 000 000) de francs à titre de dommages-intérêts ;
Que c'est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;
DISCUSSION
Sur le premier moyen tiré de la violation de la loi par fausse qualification des faits
Attendu qu’il est reproché à l'arrêt attaqué la violation des dispositions de l’article 45 alinéa 2 du code du travail par fausse qualification des faits en ce qu’il a déclaré le licenciement de Ernestine ATTANASSO abusif sur le fondement des dispositions de l’article 45 alinéa 1 du code du travail qui prescrivent que : «
un salarié ne peut être licencié que s’il existe un motif objectif et sérieux de ne pas maintenir son contrat de travail … » aux motifs «… qu’il résulte du dossier que madame A n’a ordonné que le chargement de 20 tonnes de ciment … que la livraison étant déjà faite, il ne pouvait s'agir que d’un transfert qui est effectué dans le seul souci du respect des procédures », alors que, selon le moyen, il est constant au dossier que les tonnes de ciment destinées au dépôt de Cocotomey n'y ont jamais été déchargées mais ont été plutôt livrées par des transporteurs à leurs destinataires ; que bien que les tonnes de ciment n’aient pas été non plus déchargées au dépôt de Kouhounou, Ernestine ATTANASSO a instruit Aa B, chef dudit dépôt de les considérer comme les ayant reçues dans ses entrepôts, de signer et de lui en envoyer les bordereaux de livraison, que Ernestine ATTANASSO devrait faire observer la note de service n°055/DAF/CIMBENIN/98 du 08 mai 1998 organisant la gestion des dépôts qui proscrit rigoureusement la vente du ciment hors des dépôts ; que les instructions données par la défenderesse entachent non seulement son crédit auprès de ses subordonnées mais également la confiance entre son employeur et elle ; qu’en tout état de cause, en incitant une subordonnée à violer des prescriptions de service et à falsifiler en plus des écritures commerciales, Ernestine ATTANASSO a, à tout le moins, eu une conduite fautive justifiant son licenciement pour motif personnel ; Que les juges d’appel ont manqué dans leur décision de tirer les conséquences juridiques des constatations faites et l’exposent à cassation ;
Mais attendu que l’article 45 du code du travail dispose en ses alinéas 1 et 2 : « Outre le respect du préavis prévu à l’article 53 du présent code, un salarié ne peut être licencié que s’il existe un motif objectif et sérieux de ne pas maintenir son contrat de travail. En cas de contestation, ce motif peut toujours être apprécié par la juridiction compétente.
Le motif du licenciement peut tenir à la personne du salarié, qu'il s'agisse de son état de santé, de son inaptitude à tenir l'emploi, de son insuffisance professionnelle ou sa conduite fautive. Le licenciement est alors qualifié de licenciement pour motif personnel. » ;
Qu'il en résulte que l’alinéa 2 de cet article n’est pas dissociable du premier alinéa dont il complète et précise le sens ;
Qu'’en l'espèce, pour se prononcer, les juges d’appel ont retenu que Ernestine ATTANASSO n’a commis aucune faute, que ses instructions à Aa B ne peuvent pas être considérées comme une incitation à passer de fausses écritures mais plutôt comme visant à corriger un dysfonctionnement et que ses agissements ne portent aucun préjudice grave à la société CIMBENIN SA et ne suffisent pas pour constituer des motifs objectifs et sérieux pouvant justifier un licenciement ;
Qu’en procédant comme ils l’ont fait, les juges d’appel ne sont pas reprochables de la violation de la loi par fausse qualification des faits ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le second moyen tiré du défaut de base légale
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué du défaut de base légale en ce que les juges d'appel ont manqué de tirer les conséquences juridiques qui s'imposaient des suites des instructions données par Ernestine ATTANASSO à sa subordonnée Aa B, alors que, selon le moyen, le défaut de base légale résulte de « l’insuffisance de constatations de fait qui sont nécessaires pour statuer sur le droit » ;
Mais attendu que pour se déterminer, les juges d'appel ont relevé entre autres : « que pour qu’il y ait perte de confiance susceptible d’entraîner le licenciement, il faut que la perte de confiance repose sur des faits objectifs suffisamment graves et répétés ; qu’il résulte du dossier que madame Ernestine ATTANASSO n’a ordonné que le chargement de 20 tonnes de ciment destinées au dépôt de Cocotomey et qu’elle n’était pas informée de la fermeture dudit dépôt... que c’est dans le but de régulariser cette situation que l’appelante a instruit Aa B à considérer ses livraisons comme un transfert, à signer les bordereaux et à les lui envoyer... que Ernestine ATTANASSO, ès qualité chef de service commercial et chef hiérarchique direct des chefs dépôt est la première personne habilitée pour apprécier l’urgence.…. que par conséquent, Ernestine ATTANASSO n’a commis aucune faute à cet égard, que ces instructions à …Euphrasie KPANGON ne pourront être considérées comme une incitation à passer de fausses écritures mais plutôt comme visant à corriger des dysfonctionnements de service ; que ces agissements ne portent aucun préjudice à la société CIMBENIN et ne suffisent pas pour constituer des motifs objectifs et sérieux pouvant justifier un licenciement… » ;
Qu'en l’état de ces énonciations et constatations les juges d'appel ont légalement justifié leur décision ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
Reçoit en la forme le présent pourvoi ;
Le rejette quant au fond ;
Met les frais à la charge du Trésor public.
Ordonne la notification du présent arrêt aux parties ainsi qu’au procureur général près la Cour suprême ;
Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d’appel de Cotonou ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre judiciaire) composée de : Sourou Innocent AVOGNON, président de la chambre judiciaire, PRESIDENT ; Vignon André SAGBO Et Georges Goudjo TOUMATOU CONSEILLERS ;
Et prononcé à l’audience publique du vendredi dix juin deux mille vingt deux, la chambre étant composée comme il est dit ci- dessus, en présence de :Nicolas Pierre BIAO, AVOCAT GENERAL; Hélène NAHUM-GANSARE, GREFFIER ;
ont signé,
Le président, Le rapporteur,
Sourou_Innocent AVOGNON Georges Goudjo TOUMATOU
Le greffier.
Hélène NAHUM-GANSARE