N°30/CJ-P DU REPERTOIRE ; N°2006-15/CJ-P DU GREFFE ; ARRET DU 25 MARS 2022 ; AFFAIRE : A AG, Y AG, C AG ET X Ad Aa (MES DE SOUZA ET DA SILVA) C/ MINISTERE PUBLIC ET HOIRIE NAFISSATOU ALAO.
Droit pénal — Qualification des faits — Juges du fond — Appréciation souveraine — Violation de la loi — Rejet.
Procédure pénale —_ Cour d’assises —_ Ordonnance n° 25/PRIMJL du 7 août 1967 portant code de procédure pénale - Défaut de motifs — Juges non professionnels — Intime conviction — Non obligation de motivation — Rejet.
La qualification des faits relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond.
Encourt rejet, le moyen tiré du défaut de motifs de la décision de la cour d’assises, en vertu de ce qu’aux termes des dispositions des articles 312 à 324 de l’ordonnance n° 25/PR/MJIL du 7 août 1967 portant code de procédure pénale, relatives à la délibération et à la décision sur l’action publique, et en raison de la présence des juges non professionnels, émanation du Peuple, devant se fonder sur leur intime conviction, les décisions de la cour d’assises ne sont pas motivées.
La Cour,
Vu l’acte n°14/2006 du 02 juin 2006 du greffe de la cour d’appel de Cotonou par lequel maître Wenceslas de SOUZA, conseil de A AG, Y AG, C AG et X Ad Aa a déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°74/06 rendu le 31 janvier 2006 par la cour d’Assises du Bénin séant à Cotonou ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi 25 mars 2022 le Ac AH Z en son rapport ;
Ouï l’avocat général Nicolas BIAO en ses conclusions ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant l’acte n°14/2006 du 02 juin 2006 du greffe de la cour d’appel de Cotonou, maître Wenceslas de SOUZA, conseil de A AG, Y AG, C AG et X Ad Aa a déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°74/06 rendu le 31 janvier 2006 par la cour d’Assises du Bénin séant à Cotonou ;
Que suivant l’acte n°15/2006 du 03 juin 2006 du même greffe, maître Evelyne da SILVA, conseil de X Ad Aa a également déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions du même arrêt ;
Que par requête en date à Cotonou du 09 mai 2006, maître Wenceslas de SOUZA, conseil des demandeurs a sollicité du président de la Cour suprême, une abréviation des délais de la procédure ;
Que suivant ordonnance n°2006-014/PCS/CAB du 26 mai 2006, le président de la Cour suprême a accédé à la demande et ordonné que la procédure soit conduite dans des délais abrégés de quinze (15) jours pour les demandeurs et quinze (15) jours pour les défendeurs pour la production de leurs mémoires ;
Que par lettres n°°2118, 2119, 2120, 2121, 2123 et 2124/GCS du greffe de la Cour suprême, l’ordonnance abréviative de délai a été notifiée aux parties et les conseils des demandeurs invités à produire leurs moyens de cassation dans le délai de quinze (15) jours ;
Que les mémoires ampliatif et en défense ont été produits ;
EXAMEN DU POURVOI
En la forme
Attendu que les présents pourvois ont été élevés dans les forme et délai de la loi ;
Qu'il convient de les déclarer recevables ;
AU FOND
Faits et procédure
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que poursuivis devant la cour d’Assises du Bénin séant à Cotonou à l'audience du 31 janvier 2006, pour complicité d’assassinat les demandeurs au pourvoi ont été condamnés, suivant l’arrêt n°074 de la même date à :
- dix (10) ans de travaux forcés pour A AG et Y AG ;
- sept (07) ans de travaux forcés pour C AG et X Ad Aa ;
Que c'est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;
Sur la forclusion Attendu qu’au sens des dispositions de l’article 12 de la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême, le rapporteur, entre autres, dirige la procédure et assigne aux parties en cause un délai pour produire leurs mémoires ;
Qu’aux termes des dispositions de l’article 51 de la même loi : « Lorsque le délai prévu à l’article 12 ci-dessus imparti par le rapporteur pour la production du mémoire est expiré, une mise en demeure comportant un nouveau et dernier délai est adressée à la partie qui n’a pas observé le délai.
Si la mise en demeure reste sans effet, la forclusion est encourue. » ;
Qu’en l’espèce, en dépit des mises en demeure objet des lettres n°°2119/GCS et 3104/GCS des 31 mai 2006 et 31 juillet 2006 maître Evelyne da SILVA-AHOUANTO n’a pas produit de mémoire ampliatif dans le délai imparti ;
Qu'il convient de déclarer X Ad Aa forclos en son pourvoi ;
DISCUSSION
Sur le premier moyen tiré de la violation de la loi par fausse qualification des faits
Attendu qu'il est fait grief à l’arrêt attaqué de la violation de la loi par fausse qualification des faits en ce que, la cour d'assises, pour entrer en condamnation contre les accusés, a retenu l'’incrimination de complicité d’assassinat sur le fondement des dispositions des articles 295, 296, 297 et 302 du code pénal sans prendre en considération le temps qui s'est écoulé entre les blessures et la mort de la victime, alors que, selon le moyen, il est acquis aux débats qu’il s'agit d’une mort consécutive aux blessures dont le caractère volontaire restait à déterminer ;
Qu’en droit, le délai qui sépare les blessures du décès ne peut être ignoré que dans l'hypothèse de l’homicide involontaire prévu à l’article 319 du code pénal ;
Que lorsque la mort n’est pas consécutive à l’acte criminel on se retrouve dans l'hypothèse de coups et blessures volontaires ayant entrainé la mort sans intention de la donner, infraction prévue à l’article 309 du code pénal ;
Que c'est donc par incrimination erronée que la cour d’Assises a condamné les demandeurs au pourvoi pour complicité d’assassinat et que l’arrêt encourt cassation de ce chef ;
Mais attendu que l’incrimination ou la qualification des faits relève du pouvoir souverain des juges du fond ;
Que c’est dans l'exercice de ce pouvoir souverain d'appréciation des faits que le jury de la cour d’Assises a délibéré et déclaré les demandeurs au pourvoi coupables de complicité d’assassinat ;
Que cette appréciation des faits échappe à la compétence de la Haute juridiction ;
Que le moyen est irrecevable ;
Sur le deuxième moyen tiré du défaut de motifs
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué du défaut de motifs en ce que la cour d’Assises, n’a indiqué dans sa décision, ni les éléments constitutifs du crime d’assassinat, ni ceux de la complicité, encore moins les motifs de la décision alors que, selon le moyen, tous jugements de condamnation doit énoncer et vérifier la réunion des éléments constitutifs de l’infraction ;
Que l’arrêt de la cour d’Assises ne déroge pas à ces prescriptions de droit commun qui s'appliquent aux jugements répressifs, et doit être rédigé en projet par le président de la cour d’Assises et être conforme aux résultats de la délibération ;
Mais attendu qu’il résulte des dispositions des articles 312 à 324 de l’ordonnance n°25/PR/MIL du 07 août 1967 portant code de procédure pénale, relatives à la délibération et à la décision sur l’action publique que les décisions de la cour d’assises, en raison même de la présence des juges non professionnels, émanation du peuple ne sont pas motivées ;
Qu’elles se fondent sur l’intime conviction du jury, formée à partir des éléments du débat ;
Que l’arrêt attaqué n’est pas reprochable du grief articulé ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen tiré de la violation du principe constitutionnel de la présomption d’innocence
Attendu qu’il est également reproché à l’arrêt attaqué la violation du principe de la présomption d’innocence en ce que, la cour d’Assises a retenu l’incrimination de complicité d’assassinat de l’arrêt de renvoi, fondée sur la thèse du vitriole à l’acide, soutenue par la partie civile qui, a produit à cet effet à l'instruction, le témoin Ab B, alors que, selon le moyen, le témoin, contre toute attente, devant la cour d’Assises, s’est rétracté en affirmant avoir été soudoyé par la partie civile pour faire un faux témoignage ;
Que cette rétractation enlève à la poursuite sa base matérielle ;
Mais attendu que l'instruction d’un dossier par la juridiction de jugement ne peut s’analyser en la violation du principe de présomption d’innocence ;
Que c’est en appréciant l’ensemble des circonstances de la cause, les déclarations des parties et témoins, les observations des experts et les constatations à la barre que la cour d’Assises a conclu que les demandeurs au pourvoi sont coupables des faits de complicité d’assassinat ;
Que l’arrêt n’est pas reprochable du grief articulé ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen tiré de l’excès de pouvoir et de la violation des droits de la défense
Attendu qu'il est reproché à l’arrêt attaqué la violation des articles 272, 273 et 295 du code de procédure pénale, en ce que, lors des débats, Ab B), le témoin, est revenu sur les déclarations faites par lui devant le magistrat instructeur en précisant notamment qu’il a été suborné par la partie civile pour ”charger” les mis en cause, alors que, selon le moyen, le président de la cour d’Assises dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour diriger les débats et prendre toutes les mesures pour la manifestation de la vérité ;
Que c'est en toute souveraineté qu’au vu des débats, il apprécie s’il existe des changements et variations entre la déposition d’un témoin et ses précédentes déclarations, s'il existe des variations et établit un procès-verbal pour en faire le constat ;
Que l’absence de procès-verbal établi en l'espèce rend impossible la vérification des changements et variations de déclaration allégués et entraine l’annulation des débats et de l’arrêt rendu ;
Mais attendu que sous le grief d’excès de pouvoir et de la violation des droits de la défense le moyen tend en réalité à remettre en débat devant la Haute juridiction des faits souverainement appréciés par les juges de la cour d’Assises ;
Qu'il est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS Reçoit en la forme les présents pourvois ;
Déclare X Ad Aa forclos en son pourvoi ;
Rejette quant au fond le pourvoi introduit par maître Wenceslas de SOUZA pour le compte de A AG, Y AG, C AG et X Ad Aa ;
Met les frais à la charge du Trésor public.
Ordonne la notification du présent arrêt au procureur général près la Cour suprême, au procureur général près la cour d’appel de Cotonou ainsi qu’aux parties ;
Ordonne la transmission en retour du dossier au procureur général près la cour d’appel de Cotonou.
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême composée de : Sourou Innocent AVOGNON, Président de la chambre judiciaire, PRESIDENT ; Michèle O. A. CARRENA ADOSSOU et Georges TOUMATOU, CONSEILLERS ;
Et prononcé à l’audience publique du vendredi vingt-cinq mars deux mille vingt-deux, la Cour étant composée comme il est dit ci- dessus en présence de : Nicolas BIAO, AVOCAT GENERAL ; Alfred KOMBETTO, GREFFIER ;
Et ont signé
Le président, Le rapporteur,
Sourou Innocent AVOGNON Michèle O. A. AH Z
Le greffier,
Alfred KOMBETTO