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24/02/2022 | BéNIN | N°2015-154/CA1

Bénin | Bénin, Cour suprême, 24 février 2022, 2015-154/CA1


Texte (pseudonymisé)
AAG
N° 19 /CA du Répertoire
N° 2015-154/CA1 du Greffe
Arrêt du 24 février 2022
AFFAIRE :
A Ad
C/
- Etat Béninois
- Ministre Chargé de la Défense REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE
Nationale La Cour,
Vu la requête introductive d'instance valant mémoire ampliatif en date à Cotonou du 27 novembre 2015, enregistrée au greffe de la Cour suprême le 03 décembre 2015 sous le numéro 0925/GCS, par laquelle A Ad, capitaine de gendarmerie, par l’organe de son conseil, maître Issia

ka MOUSTAFA, avocat à la Cour, a saisi la haute Juridiction d’un recours de plein contentieux aux fins d...

AAG
N° 19 /CA du Répertoire
N° 2015-154/CA1 du Greffe
Arrêt du 24 février 2022
AFFAIRE :
A Ad
C/
- Etat Béninois
- Ministre Chargé de la Défense REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE
Nationale La Cour,
Vu la requête introductive d'instance valant mémoire ampliatif en date à Cotonou du 27 novembre 2015, enregistrée au greffe de la Cour suprême le 03 décembre 2015 sous le numéro 0925/GCS, par laquelle A Ad, capitaine de gendarmerie, par l’organe de son conseil, maître Issiaka MOUSTAFA, avocat à la Cour, a saisi la haute Juridiction d’un recours de plein contentieux aux fins de voir déclarer d’une part, irrégulières et illégales les sanctions disciplinaires de quarante (40) jours d’arrêt de rigueur à lui infligées les 16 et 26 juin 1998 par le directeur général de la gendarmerie et la sanction disciplinaire de quarante-cinq (45) jours d’arrêt de rigueur à lui infligée en 2003 par le directeur général de la gendarmerie, et d’autre part, condamner l’Etat à lui payer la somme de deux cent millions (200.000.000) de francs à titre de dommages et intérêts, suivi d’une reconstitution de carrière ;
Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes en République du Bénin, modifiée par la loi n° 2016-16 du 28 juillet 2016 ;
Vu les pièces du dossier ;
Le conseiller Dandi GNAMOU entendu en son rapport et le premier avocat général Nicolas Pierre BIAO en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme
Sur la recevabilité
Considérant qu’au soutien de son recours, le requérant expose :
Qu’il a été mis au courant d’une attaque à main armée contre BOISSON Philippe, responsable de l’hôtel Af Aa à Grand-Popo ;
Qu’il a immédiatement préparé et exécuté l’opération avec le
Géoffroy, le commandant de la brigade territoriale d’Agoué ainsi que d’autres agents ;
Que cette opération conduite de nuit sous sa responsabilité a été couronnée de succès et s’est soldée par la mort du meneur et trois arrestations ;
Que suite à cette opération, la gendarmerie a été honorée par le préfet B Ae et l’équipe d’intervention a été gratifiée d’une somme de cinq cent mille (500.000) francs par Ab X, la victime de l’attaque ;
Qu’il a aussitôt rendu compte à sa hiérarchie du déroulement de ladite opération et de la somme d’argent reçue comme gratification ;
Qu’après plusieurs semaines, aucune instruction ne venant et tenant compte des rumeurs selon lesquelles il aurait détourné la somme de cinq cent mille (500.000) francs reçue, il a en accord avec le capitaine C et l’adjudant-chef Y, distribué ladite somme aux vingt-trois (23) éléments militaires et gendarmes qui ont participé à l’opération ;
Que contre toute attente, le directeur général de la gendarmerie l’a puni de 40 jours d’arrêt de rigueur le 16 juin 1998 et de 40 jours d’arrêt de rigueur le 26 juin 1998 parce qu’il n’a pas versé la somme de cinq cent mille (500.000) francs reçue à titre de gratification ;
Que par correspondance n°525/MRP-GC-AB du 21 juin 1998, ce même directeur l’a instruit de féliciter les gendarmes qui ont participé à l’opération ;
Que dans la même période, il a dirigé des opérations dans la palmeraie de Houin-Agamè :
Qu'à la fin de chaque patrouille, chaque gendarme passait chez le financier percevoir sa prime ;
Que dans cette opération, la direction générale percevait sa part de même que le commandant de groupement, le lieutenant BANKOLE Que prétextant de ce que le requérant ne reversait pas toutes les sommes des patrouilles, le directeur général de la gendarmerie l'a encore puni ;
Qu'ainsi, il a fait neuf (09) ans dans le grade de capitaine, presque le tiers de sa carrière, avant d'être promu au grade de chef d'escadron en avril 2001 alors que statutairement, il faut trois à quatre ans pour passer à ce grade ;
Que par ailleurs, lorsqu'il était régisseur de la prison ’
civile de Cotonou, des évasions ont eu lieu par la faute des gendarmes chargés d'assurer la garde des détenus ;
Que pour avoir sanctionné des gendarmes pour une évasion dans laquelle leur complicité était établie, il est devenu la cible à abattre du directeur général de la gendarmerie, les gendarmes sanctionnés étant des protégés du directeur général ;
Qu'il a été sanctionné pour ce fait, de quarante-cinq (45) jours d'arrêt de rigueur par le colonel GADO Ac ;
Qu'en outre, il a commencé par faire l'objet de contrôles répétés auxquels il n'était pas habitué ;
Qu'en août 2003, par négligence, les gendarmes et les détenus chargés de contrôler l'entrée principale, ont laissé un libanais du nom de ALLAL Mohamed s'enfuir ;
Que malgré qu'il n'en était pour rien, des enquêtes ont été diligentées pour le confondre ;
Que contre toute attente, les déclarations des détenus interrogés ne figuraient pas dans le rapport final de la commission ;
Que tout laissait à croire qu'il fallait le sanctionner et le relever de ses fonctions à tout prix :
Que le Ministère de la justice s'y était opposé et a désavoué l'ingérence de la direction générale de la gendarmerie dans les affaires des prisons civiles ;
Que la direction générale de la gendarmerie nationale a mis à contribution le quotidien « Le Télégramme » pour répandre des propos mensongers contre sa personne dans l’intention de lui nuire ;
Qu'il a fini par céder à la pression de ses supérieurs hiérarchiques en quittant la prison civile ;
Que ce n'est qu'en avril 2007, que le nouveau commandement de la gendarmerie l'a nommé lieutenant-colonel ;
Qu'il est de la promotion 76/2 et tous ceux qui ont été nommés lieutenant avec lui en 1998 et qui sont des promotions 79, 80, 81 sont devenus lieutenants colonels et colonels anciens bien avant lui ;
Qu'il s'agit d'une injustice flagrante et d'une violation du principe de l'égalité de tous les citoyens devant la loi ;
Qu'en raison de ces sanctions illégales qui lui ont été infligées, sa carrière a été brisée ;
Qu'il entend obtenir réparation des préjudices qu’il a subis du fait des sanctions qui lui ont été injustement infligées et qui l’on empêché d’être admis à la retraite au grade de colonel ancien pour pouvoir jouir des avantages inhérents à ce grade ;
Considérant que le requérant a introduit un recours préalable en date du 18 septembre 2015 ;
Que l'Administration n'ayant pas donné suite audit recours, dans le délai de deux mois, il a exercé un recours contentieux le 27 novembre 2015 dans les forme et délai requis ;
Qu'il y a lieu de le déclarer recevable ;
Au fond
Considérant que le requérant a formé un recours en indemnisation et en reconstitution de carrière, suite aux sanctions disciplinaires qui lui auraient été illégalement infligées ;
Sur l’illégalité tirée de la double sanction pour les mêmes
faits
Considérant que le requérant soutient que pour avoir partagé la gratification reçue de BOISSON Philippe, par suite de l’opération Awalé-Plage à Grand-Popo, il a été sanctionné de 40 jours d'arrêt de rigueur une première fois le 16 juin et une deuxième fois le 26 juin 1998 ;
Qu'il dénonce pour le même fait, le cumul de sanctions à son égard ;
Considérant que l’Administration soutient la régularité desdites sanctions et conclut au mal fondé des prétentions du requérant ;
Qu'elle développe qu’en ce qui concerne les deux sanctions de 40 JAR infligées les 16 et 26 juin 1998, le requérant a été puni conformément aux textes et pratiques en vigueur ;
Que le requérant a violé, dans un premier temps, l'alinéa 1 de l’article 73 du décret 48/PR du 31 janvier 1966 portant règlement sur le service intérieur de la gendarmerie qui dispose que : « // est interdit aux militaires de la gendarmerie d'accepter, pour eux ou leurs subordonnés,
les gratifications en nature ou en espèces offertes à l'occasion de services particuliers » ;
Qu'il a également violé l'alinéa 2 de cette même disposition et a été sanctionné au motif formulé ainsi qu'il suit : « Officier subalterne ancien dans le grade, s'est rendu coupable d'abstention non motivée d'exécuter un ordre qui lui a été donne' par son chef hiérarchique » ;
Que ces punitions ont été infligées par le directeur général de la gendarmerie nationale qui dispose du pouvoir disciplinaire, en vertu des attributions qui lui sont conférées ;
Que les punitions incriminées ne souffrent d'aucune irrégularité et par conséquent, ne sauraient s’apprécier comme double sanction pour les mêmes faits ;
Considérant que le ministère public conclut à une répétition de sanction pour les mêmes faits ;
Considérant que le requérant dans son mémoire, reconnaît, d’une part, avoir reçu une gratification en espèce suite au service public rendu à un particulier et, d’autre part, d’en avoir librement disposé avec l'équipe d’intervention, sans l'autorisation préalable de son supérieur hiérarchique ;
Qu'il s'agit d'un comportement contraire à la discipline et à l'éthique et qui est punissable au regard des dispositions de l'article 73 alinéa 1 “ du décret 48/ PR du 31 janvier 1966 ;
Que les sanctions ont été prononcées pour deux différents motifs ; d'une part l'acceptation d'une gratification en espèces pour un service public rendu à un particulier en contradiction avec l’article 73 du décret portant Règlement sur le service intérieur de la Gendarmerie et, d'autre part, pour le refus d'exécution d'un ordre donné par le supérieur hiérarchique, en l’occurrence l’abstention non motivée de reverser la somme de 500.000 francs perçue, à la Caisse de Secours de la Gendarmerie nationale en contradiction avec les règles de discipline dans les forces de sécurité publique ;
Qu'en conséquence, il convient de rejeter ce moyen ;
Sur l’illégalité tirée de la sanction de quarante-cinq (45)
jours d’arrêt de rigueur
Considérant que le requérant allègue qu'il n'est pas impliqué dans l'organisation de l'évasion du libanais ALLAL Mohamed ;
Qu’il a sanctionné les gendarmes subalternes dont la complicité était établie dans l’évasion ;
Que pour ce fait, il est devenu la cible à abattre du directeur général de la gendarmerie qui l’a sanctionné de 45 jours d'arrêt de rigueur ;
Considérant qu'en réplique, l'Administration confirme la régularité de la sanction des 45 JAR du 06 octobre 2003 et développe que conformément aux textes et pratiques en vigueur, cette punition fait suite à un fait très grave ;
Qu'il s'agit de l'évasion d'un détenu libanais de la prison civile de Cotonou et qu'en sa qualité de régisseur de cette prison, le requérant a fait preuve d'une grande légèreté ;
Qu'au regard des textes et pratiques en vigueur, une telle faute professionnelle ne peut qu'être sanctionnée ;
Considérant que l'article 62 de la loi 93-010 du 20 août 1997 portant statut spécial des personnels de la police nationale prévoit la liste des sanctions disciplinaires qui sont applicables aux personnels de la police nationale ;
Que dans le cas d'espèce, la punition a été infligée du fait de la
négligence dans l'exercice des responsabilités professionnelles ;
Que cette sanction a été prononcée par le directeur général de la gendarmerie nationale ;
Que cette autorité, en vertu de ses attributions, dispose du
pouvoir disciplinaire et a agi à bon droit ;
Que ce moyen doit aussi être écarté ;
Sur la demande de réparation et de reconstitution de
carrière
Considérant qu’en la présente cause, le comportement des directeurs généraux de la Gendarmerie nationale ne contrevient à aucune disposition législative ou règlementaire ;
Qu’en l’absence de faute imputable à l’Administration, il n’y a lieu ni à réparation, ni à reconstitution de la carrière du requérant ;
Qu'au bénéfice de tout ce qui précède, il convient de rejeter le
recours ;
Par ces motifs,
Décide :
Article 1“: Est recevable, le recours en date à Cotonou du 27 novembre 2015, de A Ad, tendant d’une part à voir annuler les sanctions disciplinaires de quarante (40) jours d’arrêt de rigueur (JAR) des 16 et 26 juin 1998 ainsi que la sanction disciplinaire de quarante-cinq (45) jours d’arrêt de rigueur (JAR) du 06 octobre 2003, à lui infligées, et d’autre part à faire condamner l’Etat à lui payer la somme de deux cent millions (200.000.000) francs à titre de dommages et intérêts, suivi d’une reconstitution de carrière ;
Article 2 : Ledit recours est rejeté ;
Article 3 : Les frais sont mis à la charge du requérant ;
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux parties et au procureur général près la Cour suprême.
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre administrative) composée de :
Dandi GNAMOU, conseiller à la chambre administrative ;
PRESIDENT ;
Edouard Ignace GANGNY
Et CONSEILLERS ;
Pascal DOHOUNGBO
Et prononcé à l’audience publique du jeudi vingt-quatre février deux mille vingt-deux, la Cour étant composée comme il est dit ci- dessus, en présence de :
Nicolas Pierre BIAO, avocat général, MINISTERE PUBLIC ;
Gédéon Affouda AKPONE, GREFFIER ;
Et ont signé :
Le président rapporteur, Le greffier,
Pre Dandi GNAMOU Gédéon Affouda AKPONE


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2015-154/CA1
Date de la décision : 24/02/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2022-02-24;2015.154.ca1 ?
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