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19/11/2021 | BéNIN | N°66/CJ-DF

Bénin | Bénin, Cour suprême, 19 novembre 2021, 66/CJ-DF


Texte (pseudonymisé)
[N° 66/CJ-DF du Répertoire ; N° 2020-50/CJ-DF du greffe ; Arrêt du 19 novembre 2021 ; Affaire : AG Z
rep/ Ag AG (Me Simplice DATO CI Héritiers Ak Y AG (Me Elie VÊLAVONOU-KPONOU).
Droit foncier — pourvoi en cassation — Juridiction de cassation — Appréciation des faits (Non).
Pourvoi en cassation — Dénaturation des faits — Rejet (Oui).
Pourvoi en cassation — Cas d’ouverture — Défaut de réponse à conclusion — Cassation (Oui).
Est irrecevable, le moyen tendant à remettre en discussion devant la Haute Juridiction, des éléments de fait et de preuve souv

erainement appréciés par les juges du fond.
Le moyen tiré de la dénaturation qui se fonde sur ...

[N° 66/CJ-DF du Répertoire ; N° 2020-50/CJ-DF du greffe ; Arrêt du 19 novembre 2021 ; Affaire : AG Z
rep/ Ag AG (Me Simplice DATO CI Héritiers Ak Y AG (Me Elie VÊLAVONOU-KPONOU).
Droit foncier — pourvoi en cassation — Juridiction de cassation — Appréciation des faits (Non).
Pourvoi en cassation — Dénaturation des faits — Rejet (Oui).
Pourvoi en cassation — Cas d’ouverture — Défaut de réponse à conclusion — Cassation (Oui).
Est irrecevable, le moyen tendant à remettre en discussion devant la Haute Juridiction, des éléments de fait et de preuve souverainement appréciés par les juges du fond.
Le moyen tiré de la dénaturation qui se fonde sur des faits plutôt qu’un écrit est irrecevable.
Encourt cassation, la décision ayant omis de répondre aux conclusions d’une partie.
La Cour,
Vu l’acte n°001 du 19 février 2020 du greffe de la cour d’appel de Cotonou par lequel Ag AG représentant la succession Z AG, a déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l'arrêt n°005/1 8 CH-DPF/20 du 17 février 2020 rendu par la première chambre civile de droit de propriété foncière de cette cour ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des 2016 ;
Vu la loi n° 2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial en République du Bénin modifiée et complétée par la loi n°2017-15 du 10 août 2017 ;
Vu la loi n° 2020-08 du 23 avril 2020 portant modernisation de la justice ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi dix-neuf novembre deux mil vingt et un, le président Sourou Innocent AVOGNON en son rapport ;
Ouï l’avocat général Pierre Nicolas BIAO en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant l’acte n°001 du 19 février 2020 du greffe de la cour d’appel de Cotonou, Ag AG représentant la succession Z AG, a déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l'arrêt n°005/1#'€ CH-DPF/20 du 17 février 2020 rendu par la première chambre civile de droit de propriété foncière de cette cour ;
Que par correspondances numéros 6211 et 6234/GCS du 16 novembre 2020, Ag AG Z et la SCPA DTAF & Associés ont été invités à consigner dans le délai de quinze (15) jours, sous peine de déchéance et à produire leurs moyens de cassation dans le délai de deux (02) mois, le tout, conformément aux dispositions des articles 931 alinéa 1” et 933 alinéa 2 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Que la consignation a été payée et les mémoires ampliatif et en défense produits ;
Que le procureur général a pris ses conclusions lesquelles ont été communiquées aux parties pour leurs observations ;
Que la SCPA DTAF & Associés a également produit ses observations ;
Que maître Elie VLAVONOU-KPONOU a produit ses observations ;
EXAMEN DU POURVOI En la forme
Attendu que le présent pourvoi a été élevé dans les forme et délai légaux ;
Qu'il convient de le déclarer recevable ;
Au fond
Faits et procédure
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que par requête en date du 17 août 2000, les héritiers de feu Ak Y AG représentés par Ad Y ont attrait Ac Z AG devant le tribunal de première instance de première classe de Cotonou statuant en matière de droit traditionnel, en confirmation de droit de propriété sur un domaine de quatre (04) hectares sis à Ab, commune d’Abomey-Calavi ;
Que vidant son délibéré, la juridiction saisie a rendu le jugement contradictoire n°14/1CB/06 du 16 mars 2006 par lequel elle a constaté entre autres, qu’il n’est pas démontré que l’attestation de vente du 1° mars 1936 qui lie les cocontractants est entachée de faux ; constaté cependant que cette attestation de vente n’a pas été authentifiée telle que l’exige le décret organique du 02 mai 1906 et n’est pas opposable aux tiers ; constaté que plusieurs témoignages indiquent que le domaine en cause appartient à la collectivité Z et plus particulièrement à GBEKPO, grand-père en ligne directe de Ac Z AG ; constaté que la vente intervenue entre Ah Ai C dit B et Ak Y AG porte sur la chose d’autrui et est donc nulle ; confirmé le droit de propriété de Ac Z B sur le domaine querellé sis à Ab ;
Que sur appel des héritiers de feu Ak Y AG, la cour d’appel de Cotonou a, par arrêt n°65/09 rendu le 03 novembre 2009, annulé le jugement entrepris, puis évoquant et statuant à nouveau, a confirmé le droit de propriété de Ac Z AG sur le domaine en cause ;
Que contre cet arrêt, les héritiers de feu Ak Y AG ont formé pourvoi en cassation ;
Que la chambre judiciaire de la Cour suprême a rendu l’arrêt n°33/CJ-DF du 1° décembre 2017 par lequel il a cassé et annulé en toutes ses dispositions, l'arrêt n°65/09 du U3 novembre ZUVS et renvoyé l’affaire et les parties devant la cour d’appel de Cotonou autrement composée ;
Qu’en vertu de ce renvoi, la cour d'appel de Cotonou a rendu le 17 février 2020, l’arrêt n°005/1%° CH-DPF/20 par lequel elle a annulé le jugement n°14/1CB/06 du 16 mars 2006 rendu par le tribunal de première instance de première classe de Cotonou ; puis évoquant et statuant à nouveau, a confirmé le droit de propriété des héritiers de feu Ak Y AG sur le domaine querellé et ordonné l’expulsion de Ac Z AG ainsi que celle de tous occupants de son chef dudit domaine ;
Que c'est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;
DISCUSSION
Sur le premier moyen tiré de l’insuffisance de motivation
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir, pour confirmer le droit de propriété des héritiers de feu Ak Y AG dit que les demandeurs au pourvoi ne rapportent pas la preuve que le domaine qu’ils revendiquent est la propriété de leur grand-père A qui l’a donné en fermage à son fils X qui, à son tour, l’avait donné en garantie à Ak Y AG et non vendu, alors que, selon le moyen, il n’est ni contesté que Ah Ai C est le fils de X, ni que ce dernier est le fils adoptif de GBEKPO ;
Que X exploitant à ce titre le domaine ne pouvait l’avoir valablement hérité parce que n’étant pas descendant de GBEKPO ; que de la même façon, Ah Ai C ne pouvait avoir hérité le domaine de son père X qui n’en a jamais été légataire ;
Que sans avoir recherché comment Ah Ai C en est arrivé à devenir propriétaire du domaine litigieux alors que l’attestation de vente du 1° mars 1936 produite mentionne qu’il l’aurait hérité, la cour d’appel de Cotonou a admis la cession dudit domaine, accordant d'office à Ah Ai C, la qualité d’héritier ainsi déniée aux demandeurs au pourvoi prétendument pour défaut de preuve ;
Que l’arrêt entrepris a été insuffisamment motivé et encourt cassation ;
Mais attendu que sous le grief d'insuffisance de motivation, le moyen tend à remettre en discussion devant la haute Juridiction, des éléments de fait et de preuve qui relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond ;
Que le moyen est irrecevable ;
Sur le deuxième moyen tiré de la contrariété de motivation
Attendu qu’il est également reproché à l’arrêt attaqué d’avoir, pour confirmer le droit de propriété des défendeurs au pourvoi, retenu que « /es héritiers de l’acquéreur ont poursuivi l’exploitation du même domaine du vivant du vendeur et de son fils unique Ai Aj qui n'avait non plus élevé de contestation », alors que, selon le moyen, sur la demande d’expulsion sous astreintes, la cour d'appel a retenu qu’ « il n’est pas contesté que Ac Z AG occupe le terrain dont s’agit » ;
Que manifestement, en retenant que le domaine a été toujours occupé par les défendeurs dans un premier temps et en ordonnant leur expulsion dans un second temps, alors même que l’expulsion ordonnée suppose que les demandeurs au pourvoi sont les occupants du domaine, la cour d'appel s’est contredite et expose sa décision à cassation ;
Mais attendu que l’exploitation du domaine est une forme d'occupation par les défendeurs, comme le fait pour les demandeurs de s’introduire, à un moment donné, de s'installer ou de se maintenir sur les lieux contre le gré du propriétaire légitime ; Qu’en énonçant par ailleurs que « l’expulsion de l’occupant qui a perdu le procès peut être ordonnée en matière foncière », les juges de la cour d'appel n’ont pas commis de contrariété de motivation ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen tiré de la dénaturation des faits
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir dénaturé les faits, en ce que la cour d’appel a retenu « que c’est donc à tort que Ac Z AG, un prétendu neveu du vendeur, élève des prétentions sur un domaine vendu par son prétendu oncle », alors que, selon le moyen, il a été établi que Ah Ai C n’est pas lié aux demandeurs, mais son auteur était juste resté auprès du grand-père de Ac Z AG, propriétaire originel du domaine ;
Que les juges de la cour d'appel ont assis leur conviction sur un fait dont eux seuls peuvent en justifier l’origine et exposent ainsi leur décision à cassation ;
Mais attendu que la dénaturation des faits n’est pas un cas d’ouverture à cassation ;
Que le moyen est irrecevable ;
Sur le quatrième moyen tiré de la mauvaise application de la loi
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt entrepris la mauvaise application de la loi en ce que, la cour d’appel s’est fondée sur le document dénommé « attestation de vente » du 1° mars 1936 établissant que Ah Ai C a cédé définitivement le domaine querellé à titre de vente à Ak Y AG ; Que conformément aux dispositions de l’article 3 du décret du 02 mai 1906 alors en vigueur et instituant un mode de contestation écrite des conventions passées entre indigènes dans les colonies de l’Ae Af française, tout acte sous-seing privé doit être affirmé ;
Qu’à défaut de cette affirmation, l’acte sous-seing privé peut être combattu par la preuve testimoniale ;
Que les demandeurs au pourvoi ont produit au dossier judiciaire le procès-verbal de constat interpellatif du 21 juillet 2003 et toutes les déclarations qui y ont été faites confirment que le domaine en cause a appartenu à GBEKPO, qui est leur grand-père
Que la convention de vente du 1 mars 1936 n’a pas été publiée et par conséquent elle était inconnue des demandeurs au pourvoi jusqu’au jour de sa production en cours de procès et que la seule contestation par eux suffit à écarter cet acte qui ne peut d’ailleurs être rattaché à leurs ascendants ;
Qu'’en retenant que cette attestation de vente est opposable aux demandeurs au pourvoi, la cour d’appel a violé la loi et sa décision encourt cassation ;
Mais attendu que « l'attestation de vente » du 1% mars 1936, est un acte sous seing privé qui n’a qu’une valeur probante relative, en ce qu'il ne fait foi que jusqu’à preuve du contraire ;
Qu'elle était alors susceptible d’être combattue par tout moyen de preuve ;
Qu’en énonçant que « … Ac Z AG ne rapporte la preuve d'aucun héritage, le bien en cause n'ayant été revendiqué par aucun de ses ascendants de leur vivant », pour débouter les demandeurs au pourvoi de leurs prétentions, les juges de la cour d’appel de Aa ont fait une saine et bonne appréciation de la loi ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le cinquième moyen tiré du défaut de réponse à
conclusions
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué du défaut de réponse à conclusions, en ce que, pour confirmer le droit de propriété des héritiers de feu Ak Y AG, la cour d'appel de Cotonou s’est abstenue de répondre à la demande d’annulation de la vente intervenue entre Ah Ai C dit B et Y AG Saï au motif qu’elle portait sur une chose d’autrui ;
Que la preuve de la qualité d’héritiers de Ah Ai C n'est pas rapportée sur le domaine et le défaut de preuve de son droit de propriété sur le domaine par lui cédé suivant l’attestation du 1 mars 1936 ne peut conduire qu’à la nullité de cette transaction ;
Qu'’en n'ayant pas répondu à cette demande, l'arrêt querellé encourt cassation ;
Attendu qu’il est constant au dossier que les demandeurs au pourvoi contestent à Ah Ai C la qualité en vertu de laquelle il aurait disposé du domaine litigieux au profit de Ak Y AG suivant la convention du 1°" mars 1936 ; Qu'ils ont en conséquence sollicité l’annulation de la vente consentie par Ah Ai C, ainsi qu’elle est énoncée au |l.2 à partir de la page 7 des notes de plaidoirie du 25 juillet 2019 ;
Que nul ne peut transférer plus de droits qu’il n’en a ;
Qu'en ne statuant pas sur ce chef de demande néanmoins axial du dossier, les juges de la cour d'appel sont reprochables du défaut de réponse à conclusions et l’arrêt encourt cassation ;
Reçoit en la forme le pourvoi introduit par Ag
AG représentant la succession Z
Au fond, casse et annule en toutes ses dispositions, l'arrêt
n°005/18 CH-DPF/20 du 17 février 2020 rendu par la cour
d'appel de Cotonou statuant en matière de droit de propriété
foncière ;
Renvoie la cause et les parties devant la même cour d’appel autrement composée ;
Met les frais à la charge du Trésor public ;
Ordonne la notification du présent arrêt au procureur général près la Cour suprême ainsi qu'aux parties ;
Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d'appel de Cotonou ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre judiciaire)
composée de :
Sourou Innocent AVOGNON, président de la chambre judiciaire, PRESIDENT ;
Michèle CARRENA ADOSSOU
Et CONSEILLERS ;
Vignon André SAGBO
Et prononcé à l’audience publique du vendredi dix-neuf novembre deux mil vingt et un, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
Pierre Nicolas BIAO, avocat général, MINISTERE PUBLIC ;
Mongadji Henri YAÏ, GREFFIER ;
Et ont signé,
Le président-rapporteur, Le greffier,
Sourou Innocent AVOGNON Mongadji Henri YAÏ


Synthèse
Numéro d'arrêt : 66/CJ-DF
Date de la décision : 19/11/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2021-11-19;66.cj.df ?
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