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05/11/2021 | BéNIN | N°089/CJ-CM

Bénin | Bénin, Cour suprême, 05 novembre 2021, 089/CJ-CM


Texte (pseudonymisé)
N° 089/CJ-CM du répertoire ; N° 2019-13/CJ-CM du greffe ; Arrêt du 05 Novembre 2021 ; Affaire -LA HAUTE AUTORITE DE L’AUDIOVISUEL ET DE LA COMMUNICATION (HAAC) (Me Charles BADOU) -ADAM BONI TESSI Contre LA NOUVELLE TRIBUNE (Me Alfred BOCOVO - Me Magloire YANSUNNU- Me Sadikou A. ALAO)
Le premier moyen tiré de la violation de la loi pour cause d’incompétence des juges d’appel, à connaitre de la légalité d’un acte administratif et dire que la décision de la HAAC est constitutive de voie de fait. (non) - Le deuxième moyen tiré de la violation de loi pour cause de nullité de

l’assignation qui ne précise pas le gérant de la S.A.R.L "LA NOUVELLE ...

N° 089/CJ-CM du répertoire ; N° 2019-13/CJ-CM du greffe ; Arrêt du 05 Novembre 2021 ; Affaire -LA HAUTE AUTORITE DE L’AUDIOVISUEL ET DE LA COMMUNICATION (HAAC) (Me Charles BADOU) -ADAM BONI TESSI Contre LA NOUVELLE TRIBUNE (Me Alfred BOCOVO - Me Magloire YANSUNNU- Me Sadikou A. ALAO)
Le premier moyen tiré de la violation de la loi pour cause d’incompétence des juges d’appel, à connaitre de la légalité d’un acte administratif et dire que la décision de la HAAC est constitutive de voie de fait. (non) - Le deuxième moyen tiré de la violation de loi pour cause de nullité de l’assignation qui ne précise pas le gérant de la S.A.R.L "LA NOUVELLE TRIBUNE" (Article 329 aller de l’Acte Uniforme de l’OHADA relatif aux sociétés commerciales) seul compétent à agir au nom et pour le compte de ladite société (non).
N’est pas fondé, le moyen tiré de la violation de la loi pour cause d’incompétence du juge judiciaire à connaître de la légalité d’un acte administratif et faire cesser une voie de fait, lorsqu’on sait que le juge judiciaire est le gardien naturel des libertés fondamentales et de la propriété privée.
Encourt un rejet, le moyen tiré de la violation de la loi pour cause de nullité de l’assignation au motif que seul le gérant d’une SARL peut agir au nom et pour le compte de ladite société, lorsque les pièces du dossier, indiquent que les qualités du gérant et du directeur de publication reposent sur la seule et même personne.
La Cour,
Vu l’acte n°10/2019 du 03 juillet 2019 du greffe de la cour d’appel de Cotonou par lequel maître Charles BADOU, conseil de la Haute Autorité de l'Audiovisuel et de la Communication (HAAC) a déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de [Tarret n°51/CM/ZUT9 rendu le T6 mai ZUTY9 par la chambre civile moderne de cette cour ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes, modifiée et complétée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi 05 novembre 2021 le conseiller, Michèle CARRENA-ADOSSOU en son rapport ;
Ouï l’avocat général Saturnin AFATON en ses conclusions ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant l’acte n°10/2019 du 03 juillet 2019 du greffe de la cour d’appel de Cotonou, maître Charles BADOU, conseil de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) a déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°51/CM/2019 rendu le 16 mai 2019 par la chambre civile moderne de cette cour ;
Que par lettres numéros 7591 et 7592/GCS du 21 novembre 2019 du greffe de la Cour suprême, maître Charles BADOU et le président de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication ont été invités à produire leurs moyens de cassation dans le délai de deux (02) mois, conformément aux dispositions de l’article 933 alinéa 2 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Que les mémoires ampliatif et en défense ont été produits ;
Que le procureur général a pris ses conclusions lesquelles ont été communiquées aux parties pour leurs observations ;
Que par courrier en date à Cotonou du 08 juin 2021, maître Alfred BOCOVO, conseil du quotidien « La Nouvelle Tribune » a versé ses observations au dossier ;
Que la SCPA CB & Partners a, par correspondance en date à Cotonou du 06 juillet 2021 produit ses observations au dossier ;
EN LA FORME
Attendu que le présent pourvoi est respectueux des forme et délai légaux ;
Qu'il y a lieu de le déclarer recevable ;
AU FOND
FAITS ET PROCEDURE
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que pour avoir publié dans ses parutions des articles jugés outrageants pour le président de la République la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) a, par décision n°18-024/HAAC du 23 mai 2018, suspendu la parution du quotidien béninois d’information et d'analyse "La Nouvelle Tribune" jusqu’à nouvel ordre, pour violation du code de l'information et de la communication et du code de déontologie et de presse béninoise ;
Que le 26 juillet 2018, après avoir levé la mesure conservatoire de suspension, la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) a pris, le même jour, la décision n°18- 034/HAAC portant interdiction de parution dudit quotidien jusqu’à nouvel ordre ;
Que pour faire lever cette mesure, le quotidien "La Nouvelle Tribune" a attrait la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication par devant le tribunal de première instance de première classe de Cotonou ;
n°019/18/2ê7° Ch. CM par lequel, après avoir constaté entre autres que les textes régissant la Haute Autorité de l'Audiovisuel et de la Communication (HAAC) lui donnent le pouvoir d’infliger des sanctions aux acteurs des médias qui enfreignent les règles déontologiques, que le quotidien « La Nouvelle Tribune » a été sanctionné pour manquements aux règles et devoirs de son état conformément auxdits textes et que la mesure d’interdiction de parution dudit quotidien rentre dans le cadre des attributions de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC), s’est déclaré incompétent au motif que « l’une des conditions cumulatives et nécessaires pour la constatation de la voie de fait n’est pas réalisée » ;
Que sur appel du quotidien "La Nouvelle Tribune", la chambre civile moderne de la cour d’appel, après s'être déclarée compétente, a annulé le jugement entrepris puis, évoquant et statuant à nouveau, a dit que la décision n°18/034/HAAC du 28 juillet 2018 portant interdiction de parution du quotidien "La Nouvelle Tribune" jusqu’à nouvel ordre est constitutive de voie de fait et en a ordonné la cessation sous astreintes comminatoires de cinq cent mille (500 000) F par jour de retard à compter de la signification de la décision ;
Que c'est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;
DISCUSSION
SUR LE PREMIER MOYEN TIRE DE LA VIOLATION DES REGLES DE COMPETENCE EN SES DEUX (02) BRANCHES
REUNIES
Attendu qu’il reproché à l’arrêt attaqué la violation de la loi en ce que les juges de la cour d’appel se sont déclarés compétents, retenant ainsi la compétence du juge judiciaire à connaître de la légalité d’un acte administratif et relevé que la décision de la Haute Autorité de l'Audiovisuel et de la Communication (HAAC) est constitutive de voie de fait alors que, selon les branches du moyen :
-d’une part le législateur en édictant le principe de séparation des pouvoirs et par ricochet la séparation des autorités administratives et judiciaires, à précisé les règles de compétence de chacune d’elles, dispositions d’ordre public auxquelles on ne peut déroger ;
Qu’au sens de l’article 818 alinéa 1 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes : « /a juridiction statuant en matière administrative est compétente pour connaître du contentieux de tous les actes émanant de toutes les autorités administratives » ;
Que d’après les articles 53 et 56 de la loi organique n°92- 021 du 21 août 1992 relative à la Haute Autorité de l'Audiovisuel et de la Communication (HAAC), le contentieux émanant des décisions prises par la Haute Autorité de l'Audiovisuel et de la Communication (HAAC) relève exclusivement des juridictions administratives, en l’occurrence la chambre administrative de la Cour suprême ;
Que la compétence du juge administratif a été consacrée par la Cour suprême dans les dossiers qui ont opposé la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication au quotidien "Le Ac Aa et à "Ag Ae" ;
-d’autre part, il y a voie de fait lorsque l'administration a agi de manière grave en dehors des pouvoirs dont elle est investie ;
Que la voie de fait, pour être retenue, nécessite la réunion de deux (02) conditions cumulatives : le caractère illégal et l’atteinte grave à la propriété privée ou à une liberté fondamentale de l’action administrative ;
Qu'en l’espèce, aucune de ces conditions n’est remplie ;
Que la décision prise par la Haute Autorité de l'Audiovisuel et de la Communication (HAAC) n’a pas un caractère illégal ;
Qu'il n’y a pas non plus violation de l’article 309 de la loi n°2015-07 du 20 mars 2019 portant code de l'information et de la communication en ce que le quotidien "La Nouvelle Tribune" reconnait à la Haute Autorité de l'Audiovisuel et de la Communication (HAAC) le pouvoir de suspendre sa parution même s1 pour lui, Ta sanction prise par la Haute Autorité de l'Audiovisuel et de la Communication (HAAC) n’est prévue par aucun texte ;
Qu'’en prononçant la suspension de parution du quotidien, la Haute Autorité de l'Audiovisuel et de la Communication (HAAC) n’a poursuivi que la sanction des manquements déontologiques et n’a pas agi en dehors de ses pouvoirs puisque les articles 40 de la loi organique et 93 alinéas 1 et 2 de son règlement intérieur précisent qu’elle « statue comme conseil de discipline en matière de presse » et « a… tout pouvoir pour infliger des sanctions prévues par la loi, adresse des admonestations ou toutes observations requises » ;
Que somme toute, l’arrêt encourt cassation pour cause d’incompétence du juge judiciaire ;
Mais attendu que la doctrine et la jurisprudence ont établi la compétence du juge judiciaire pour connaître et apprécier les voies de fait même si la juridiction administrative « peut constater l’existence d’un acte administratif à l’origine d’une voie de fait pour le déclarer nul et non avenu » ;
Que la jurisprudence française admet que la compétence du juge judiciaire, gardien naturel des libertés fondamentales et de la propriété privée « s’étend à tous les aspects de la voie de fait : constatation de l’irrégularité de l'acte ou de l'opération à l’origine de la voie de fait ; … mesures destinées à faire cesser la voie de fait et, à ce titre, le juge judiciaire peut adresser des injonctions à l'administration … » ;
Que « le juge judiciaire béninois se reconnaît également la compétence de connaître de la voie de fait … pour constater, faire cesser, réparer, prévenir la voie de fait et écarter un règlement gravement illégal » ;
Qu'en retenant en l’espèce la compétence du juge judiciaire pour connaître de la voie de fait commise par la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) la cour d’appel a exactement décidé ;
Que le moyen, en ses deux (02) branches réunies n’est pas fondé ;
SUR
LE DEUXIEME MOYEN TIRE DE LA VIULATION DE LA LOI
Attendu qu'il est fait grief à l’arrêt attaqué de la violation de la loi en ce que les juges d’appel ont rejeté le moyen tiré de la nullité de l’assignation en date du 05 septembre 2018 alors que, selon le moyen, aux termes des dispositions de l’article 329 alinéa 1 de l’acte uniforme OHADA relatif aux sociétés commerciales, seul le gérant d’une société à responsabilité limitée (SARL) peut valablement agir au nom et pour le compte de ladite société ;
Que celui qui agit au nom d’une SARL sans en être le gérant n’a pas pouvoir pour engager valablement ladite société ;
Que le quotidien "La Nouvelle Tribune" inscrite au RCCM est une société commerciale et ne peut être valablement représentée dans un acte judiciaire que par son représentant légal en l’occurrence son gérant ;
Qu'en l’espèce, dans l’assignation servie à la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC), il est mentionné que : "La Nouvelle Tribune" agissant « aux poursuites et diligences de son directeur de publication » ;
Que l'identité du directeur de publication n’a même pas été précisée ;
Que l’assignation est nulle et que l’arrêt ne l’ayant pas reconnu encourt cassation de ce fait ;
Mais attendu que pour rejeter le moyen tiré de la nullité de l’assignation du 05 septembre 2018, les juges de la cour d’appel ont énoncé que « attendu qu'il incombe à celui qui allègue d’un fait d’en rapporter la preuve ; que la Haute Autorité de l'Audiovisuel et de la Communication et Ad Ab C affirment que le quotidien béninois d’information et d’analyse "La Nouvelle Tribune" est immatriculé en tant que société à responsabilité limitée ;
Qu'ils n’ont cependant pas versé au dossier judiciaire, l’extrait du RCCM du quotidien "La Nouvelle Tribune" ni aucune autre pièce pour soutenir leurs demandes … qu’il convient de rejeter ladite demande … » ;
qualités de gérant et de directeur de publication reposent sur la seule personne de Af A ;
Qu’en décidant ainsi qu’ils l’ont fait, les juges de la cour d'appel n’ont pas violé la loi ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
Reçoit en la forme le présent pourvoi ;
Le rejette quant au fond ;
Met les frais à la charge du Trésor public ;
Ordonne la notification du présent arrêt aux parties ainsi qu’au procureur général près la Cour suprême ;
Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d’appel de Cotonou ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre
judiciaire) composée de :
Sourou Innocent AVOGNON, président de la chambre judiciaire, PRESIDENT ;
Michèle CARRENA-ADOSSOU et Vignon André SAGBO,
Conseillers
Et prononcé à l'audience publique du vendredi cinq
novembre deux mille vingt et un, la chambre étant composée
comme il est dit ci-dessus, en présence de :
Saturnin AFATON, AVOCAT GENERAL;
Hélène NAHUM-GANSARE, GREFFIER;
Et ont signé,
Le président, Le rapporteur,
Sourou Innocent AVOGNON Michèle CARRENA-ADOSSOU Le greffier.
Hélène NAHUM-GANSARE


Synthèse
Numéro d'arrêt : 089/CJ-CM
Date de la décision : 05/11/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2021-11-05;089.cj.cm ?
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