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21/05/2021 | BéNIN | N°2015-15/CJ-CM

Bénin | Bénin, Cour suprême, 21 mai 2021, 2015-15/CJ-CM


Texte (pseudonymisé)
N° 040/CJ-CM du répertoire ; N° 2015-15/CJ-CM du greffe ; Arrêt du 21 Mai 2021 ; HERITIERS DE FEU Ae B X (Me François AMORIN -Me Ai Z) Contre Aa A (Me Hélène KEKE-AHOLOU) Procédure civile – Statut coutumier – Juridiction compétente – Faits – Appréciation souveraine des juges du fond Procédure – Décision du juge administratif saisi d’un recours en annulation contre un permis d’habiter – Action en confirmation de droit de propriété – Compétence de la juridiction administrative (non) – Décision du juge administratif non attributive de droit de propriété

- Principe de la séparation des pouvoirs – Principe de l’autorité de la chose jugée – Vi...

N° 040/CJ-CM du répertoire ; N° 2015-15/CJ-CM du greffe ; Arrêt du 21 Mai 2021 ; HERITIERS DE FEU Ae B X (Me François AMORIN -Me Ai Z) Contre Aa A (Me Hélène KEKE-AHOLOU) Procédure civile – Statut coutumier – Juridiction compétente – Faits – Appréciation souveraine des juges du fond Procédure – Décision du juge administratif saisi d’un recours en annulation contre un permis d’habiter – Action en confirmation de droit de propriété – Compétence de la juridiction administrative (non) – Décision du juge administratif non attributive de droit de propriété - Principe de la séparation des pouvoirs – Principe de l’autorité de la chose jugée – Violation (non) Est irrecevable, le moyen qui, sous couvert de violation des règles de compétence en matière de statut coutumier, tend à remettre en discussion devant la juridiction de cassation des faits échappant à son contrôle.
Ne viole pas les principes de la séparation des pouvoirs et de l’autorité de la chose jugée, la décision des juges d’appel n’allant pas dans le sens du bénéficiaire d’une décision de rejet d’un recours en annulation d’un permis d’habiter rendu par le juge administratif, l’action en confirmation de droit de propriété ne relevant pas matériellement de la compétence de la juridiction administrative et la décision de celle-ci n’étant pas attributive de droit de propriété.
La Cour, Vu l’acte n°08 du 06 janvier 2011 du greffe de la cour d’appel de Cotonou par lequel maîtres Bernard PARAÏSO et François AMORIN, conseils des héritiers de feu Ae B X, ont déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°235/10 rendu le 25 novembre 2010 par la chambre civile et commerciale de cette cour ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes, modifiée et complétée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi 21 mai 2021 le conseiller, André Vignon SAGBO en son rapport ;
Ouï l’avocat général Saturnin AFATON en ses conclusions ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant l’acte n°08 du 06 janvier 2011 du greffe de la cour d’appel de Cotonou, maîtres Bernard PARAÏSO et François AMORIN, conseils des héritiers de feu Ae B X, ont déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°235/10 rendu le 25 novembre 2010par la chambre civile et commerciale de cette cour ;
Que par lettres numéros 0008 et 0009/GCS du 07 janvier 2016 du greffe de la Cour suprême, les demandeurs au pourvoi et leurs conseils, ont été invités à consigner dans le délai de quinze (15) jours, sous peine de déchéance et à produire leur mémoire ampliatif dans le délai de deux (02) mois, le tout, conformément aux dispositions des articles 931 alinéa 1 et 933 alinéa 2 de la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Que la consignation a été payée et les mémoires ampliatif et en défense produits;
Que le procureur général a pris ses conclusions, lesquelles ont été communiquées aux parties sans réaction de leur part ;
EN LA FORME Attendu que le présent pourvoi a été élevé dans les forme et délai de la loi ;
Qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;
AU FOND FAITS ET PROCEDURE Attendu, selon l’arrêt attaqué, que par testament authentique en date du 05 avril 1971 reçu par maître Philippe QUENUM, notaire à Cotonou, Ah X, testatrice et sœur de Ae B X, a légué sa parcelle sise au quart Nord-Est du lot 155 Atinkanmey, objet du permis d’habiter n°161 du 07 mai 1946, aux descendants de son frère Ae B X, lesquels ont été confortés dans leur droit d’occupation par la délivrance d’un nouveau permis d’habiter n°2/017 du 07 mars 1997 en remplacement du précédent permis n°161 du 07 mai 1946 établi au nom de feue Ah X, et ce conformément à l’article 7 du décret n°64-276 PC/MFAEP/EDT du 02 décembre 1964 fixant le régime des permis d’habiter au Dahomey ;
Que Aa A, défenderesse au pourvoi, en deuxième lignée directe de la testatrice Ah X, déclare que sa mère, feue Ag C Y, étant fille unique de feue Ah X, est de droit propriétaire de la même parcelle léguée par testament authentique aux hoirs Ae B X ; qu’après le décès de sa mère, la parcelle querellée devrait revenir à ses frères et elle ;
Que le 04 septembre 1997, elle a introduit devant la chambre administrative de la Cour suprême un recours en annulation pour excès de pouvoir du préfet de l’Atlantique qui a délivré le nouveau permis d’habiter aux hoirs Ae B X ;
Que par arrêt n°97-63/CA rendu le 08 juillet 2004, la Cour suprême a rejeté ledit recours ;
Que pour voir contredire l’arrêt de la Haute juridiction, Aa A, a saisi le tribunal de première instance de Cotonou qui par jugement n°46/CCIV du 10 avril 2002, a confirmé son droit de propriété sur l’immeuble en litige ;
Que sur appel des hoirs Ae B X, la chambre civile moderne et commerciale de la cour d’appel de Cotonou, par arrêt n°235/10 du 25 novembre 2011, après avoir annulé le jugement querellé, puis évoquant et statuant à nouveau, a « dit que dame Ag C Y est l’héritière de Ah X et confirmé son droit de propriété sur la moitié de l’immeuble sis à Ab objet du permis d’habiter n°161 du 07 mai 1946, concurremment avec Ae B X »;
Que c’est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;
DISCUSSION SUR LE PREMIER MOYEN TIRE DE LA VIOLATION DES REGLES DE COMPETENCE EN MATIERE DE STATUT COUTUMIER Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation des règles en matière de statut coutumier, précisément les dispositions de l’article 6 alinéa 2 du décret organique du 03 décembre 1931 en ce que la cour d’appel, en affirmant « qu’en droit, les termes propriété et revendication de droit successoral ne sont pas forcément soumis au même régime juridique », n’a pas pour autant justifié sur quels éléments de droit elle s’est appuyée pour attribuer à Ah X la qualité de citoyen ressortissant du droit civil moderne français, alors que, selon le moyen, en droit, la succession relève de la loi personnelle du de cujus ainsi que celle régissant le testament, peu importe la langue dans laquelle il est rédigé ; qu’en l’espèce, il est nécessaire que Aa A ait prouvé l’existence d’une quotité successorale et sa capacité à y prétendre, selon le statut personnel du de cujus ; que par ailleurs, la cour d’appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs administratif et civil, en prétendant que les litiges portant sur le droit de propriété d’un immeuble muni d’un permis d’habiter relèvent de la compétence du juge civil moderne, alors que, des lois organisant le régime des permis d’habiter et les litiges y relatifs, relèvent du droit administratif ;
Mais attendu que sous le grief de la violation des règles de compétence en matière de statut coutumier, le moyen tend à remettre en discussion devant la juridiction de cassation les faits qui échappent à son contrôle ; Que le moyen est irrecevable. SUR LE DEUXIEME MOYEN TIRE DE LA VIOLATION DE LA SEPARATION DES POUVOIRS ET DE LA CHOSE JUGEE
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué, la violation du principe de la séparation des pouvoirs, en ce que la cour d’appel statuant au judiciaire, a remis en cause la chose jugée par la chambre administrative de la Cour suprême suivant arrêt n° 97-63/CA du 08 juillet 2004 rejetant le recours en annulation du permis d’habiter n° 2/017 du 07 mars 1997, introduit par Aa A, alors que, selon le moyen, cette décision s’impose au juge judiciaire, qui ne saurait connaître d’une action ayant pour objet de remettre en cause ce qui a été jugé par la juridiction administrative sans violer les règles gouvernant l’autorité de la chose jugée découlant du principe fondamental de la séparation des pouvoirs ; Mais attendu que les juges du fond sont saisis d’une action en confirmation de droit de propriété qui ne relève pas matériellement de la compétence de la juridiction administrative saisie d’un recours en annulation d’un acte administratif et dont la décision fut-elle de rejet, ne saurait être attributive de droit de propriété ;
Que le moyen n’est pas fondé. SUR LE TROISIEME MOYEN TIRE DE LA VIOLATION DE L’INDIVISIBILITE DU PERMIS D’HABITER
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué, la violation de l’indivisibilité du permis d’habiter, en ce que la cour d’appel a admis la demande de Aa A, qui vise le partage de la succession, alors que, selon le moyen, il résulte de l’article 14 de la loi n° 60-20du 13 juillet 1960 fixant le régime des permis d’habiter au Dahomey qu’« aucun permis d’habiter ne peut faire l’objet d’attribution divisée au nom de plusieurs héritiers » ; que selon l’article 7 du décret n° 64-276 du 02 décembre 1964 fixant le régime des permis d’habiter au Dahomey : « En cas de partage successoral ou d’attribution selon la coutume ou la loi civile du défunt, le nouveau permis pourra être établi au nom du seul attributaire sur dépôt des actes ou pièces établissant cette attribution … » ; que c’est en application de ces principes et après avoir constaté que les descendants de feu Ae B X avaient justifié leur qualité d’héritiers de feue Ah Af X suivant testament authentique et ce, conformément à l’article 7 du décret précité, que la chambre administrative de la Cour suprême a confirmé le permis d’habiter n° 2/017 du 07 mars 1997 à eux délivré en remplacement de celui de 1946; que la chambre administrative ne saurait être appelée à se déjuger ; que l’arrêt déféré encourt annulation ; Mais attendu que pour confirmer le droit de propriété des héritiers de feue Ag C Y sur la moitié de l’immeuble n° 155 d’Atinkanmey objet du permis d’habiter n° 161 du 07 mai 1946, la cour d’appel a, conformément aux articles 727, 731 et suivants et 913 du code civil, justement décidé qu’en tant que enfant unique de feue Ah X, feue Ag C Y « doit pouvoir devenir héritière et recueillir la succession de sa mère » ; qu’en la cause « …il s’agit d’une action en confirmation de droit de propriété engagée par Aa A relativement à l’immeuble de sa grand-mère » bien distincte de « l’arrêt n° 97-63 du 08 juillet 2004 de la chambre administrative de la Cour suprême … rendu sur recours en annulation du permis d’habiter n° 2/017 du 07 mars 1997 » ; Que le moyen n’est pas fondé. SUR LE QUATRIEME MOYEN TIRE DE LA VIOLATION DE LA LOI ET DES PRINCIPES DE DROIT
Attendu qu’il est enfin reproché à l’arrêt attaqué, la violation de la loi et des principes de droit en ce que les juges de la cour d’appel ont décidé que feue C Y Ag est héritière de feue Ah X et confirmé le droit de propriété de ses héritiers – dont Aa A – sur la moitié de l’immeuble n° 155 d’Atinkanmey objet du permis d’habiter n° 61 du 07 mai 1946, alors que, selon le moyen, d’une part, l’arrêt de la chambre administrative de la Cour suprême rendu le 08 juillet 2004 s’impose à la cour d’appel de Ac pour tout ce qui concerne les conditions d’octroi du permis d’habiter n°2/017 du 07 mars 1997 aux héritiers B X Ae en remplacement du permis d’habiter n° 161 du 07 mai 1946 au nom de Ah Af X ; d’autre part, que C Y Ag, bien qu’étant fille unique de la testatrice n’a pas entrepris de faire muter le permis d’habiter avant sa mort ; qu’elle a donc acquiescé ; que feue C Y Ag n’a pu transmettre à ses enfants, dont Aa A, des biens dont elle n’avait pas hérité, lesquels ne sont jamais rentrés dans son patrimoine pour y figurer après son décès ; que personne ne peut transférer la propriété d’une chose qui ne lui appartient pas ; Mais attendu que la solution au moyen en sa première branche, renvoie à celle préconisée pour le troisième moyen ; Qu’en sa seconde branche, le moyen présente à juger des faits souverainement appréciés par les juges du fond ; Que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
Déclare recevable le présent pourvoi en la forme ;
Le rejette quant au fond ;
Met les frais à la charge des héritiers de feu Ae B X représentés par Ad B X ; Ordonne la notification du présent arrêt aux parties  ainsi qu’au procureur général près la Cour suprême ; Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d’appel de Cotonou ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre judiciaire) composée de :
Sourou Innocent AVOGNON, président de la chambre judiciaire, PRESIDENT ; Michèle CARRENA-ADOSSOU et André Vignon SAGBO, Conseillers Et prononcé à l’audience publique du vendredi vingt et un mai deux mille vingt et un, la chambre étant composée comme il est dit ci-dessus, en présence de :
Saturnin AFATON, AVOCAT GENERAL;
Hélène NAHUM-GANSARE, GREFFIER ; Et ont signé, Le président, Le rapporteur,
Sourou Innocent AVOGNON André Vignon SAGBO
Le greffier.
Hélène NAHUM-GANSARE


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2015-15/CJ-CM
Date de la décision : 21/05/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2021-05-21;2015.15.cj.cm ?
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