La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/04/2021 | BéNIN | N°2019-28

Bénin | Bénin, Cour suprême, 23 avril 2021, 2019-28


Texte (pseudonymisé)
N° 038/CJ-CM du répertoire REPUBLIQUE DU BENIN



N° 2019-28/CJ-CM du greffe AU NOM DU PEUPLE BENINOIS



Arrêt du 23 Avril 2021 COUR SUPREME



AFFAIRE :

CHAMBRE JUDICIAIRE

...

N° 038/CJ-CM du répertoire REPUBLIQUE DU BENIN

N° 2019-28/CJ-CM du greffe AU NOM DU PEUPLE BENINOIS

Arrêt du 23 Avril 2021 COUR SUPREME

AFFAIRE : CHAMBRE JUDICIAIRE

(Civile Moderne)

SOCIETE ATLAS PARKING SARL

(Me Mohamed TOKO)

CONTRE

- SOCIETE AWOOD INTER

(Me Sadikou Ayo ALAO)

-RACHADE LALEYE

-ETAT BENINOIS REPRESENTE PAR L’AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR (AJT)

La Cour,

Vu l’acte n°17/19 du 10 juillet 2019 du greffe de la Cour d’appel de Cotonou par lequel maître Mohamed TOKO, conseil de la société ATLAS PARKING SARL, a élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°52/Ch.Com rendu le 26 juin 2019 par la chambre commerciale de cette cour ;

Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;

Vu l’arrêt attaqué ;

Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;

Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;

Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes, modifiée et complétée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 ;

Vu les pièces du dossier ;

Ouï à l’audience publique du vendredi 23 avril 2021 le conseiller, Michèle CARRENA-ADOSSOU en son rapport ;

Ouï l’avocat général Pierre Nicolas BIAO en ses conclusions ;

Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que suivant l’acte n°17/19 du 10 juillet 2019 du greffe de la Cour d’appel de Cotonou, maître Mohamed TOKO, conseil de la société ATLAS PARKING SARL, a élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°52/Ch.Com rendu le 26 juin 2019 par la chambre commerciale de cette cour ;

Que par correspondances n°s285, 286, 287 et 288/GCS du 14 janvier 2020 du greffe de la Cour suprême, maître Mohamed TOKO et le gérant de la société ATLAS PARKING SARL ont été invités à consigner dans le délai de quinze (15) jours, sous peine de déchéance et à produire leurs moyens de cassation dans le délai de deux (02) mois, le tout, conformément aux dispositions des articles 931 alinéa 1er et 933 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;

Que la consignation a été payée et les mémoires ampliatif et en défense produits ;

Que le procureur général a pris ses conclusions, lesquelles ont été communiquées aux parties pour leurs observations ;

Que par courrier en date à Cotonou du 23 mars 2021, l’Agent Judiciaire du Trésor (AJT) a versé ses observations au dossier ;

EN LA FORME

Attendu que le présent pourvoi a été élevé dans les forme et délai légaux ;

Qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;

AU FOND

FAITS ET PROCEDURE

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que suivant exploit en date à Cotonou du 26 avril 2012, la société AWOOD Inter SA et son gérant Aa A ont attrait devant le tribunal de première instance de Cotonou statuant en matière commerciale la société ATLAS PARKING SARL représentée par son gérant Ab B et l’Etat béninois représenté par l’Agent Judiciaire du Trésor, aux fins de voir constater qu’ils ont conçu et élaboré un projet de construction d’un port sec, de parking pour camions et de magasins à la frontière Bénino-Nigériane à Sèmè-Kraké ;

Que ledit projet est destiné à exploiter un domaine privé de l’Etat de contenance 11ha 39a 45ca ;

Qu’à cet effet Aa A a sollicité, au nom de sa société AWOOD INTER SA, un bail emphytéotique sur ledit domaine et a payé, à la demande du Ministre en charge des Finances d’alors, les frais d’indentification, de mise en valeur et de viabilisation du domaine ;

Que contre toute attente, le dossier d’attribution du bail a été sciemment bloqué par le Ministre qui a subordonné la signature du bail à ce que Aa A s’associe à Ab B pour la création d’une nouvelle société devant réaliser, à Malanville, le même projet prévu pour Sèmè-Kraké ;

Qu’il a alors donné son accord pour la création de la société ATLAS PARKING SARL et que 15% du capital social de cette nouvelle société lui ont été attribué au cours de la séance de travail avec le Ministre des Finances ;

Que curieusement, dès sa création, la société ATLAS PARKING SARL s’est substituée à la société AWOOD INTER SA avec l’appui du Ministre des Finances, l’a évincée du projet et l’a fait expulser du site de Sèmè-Kraké mis en valeur par lui ;

Que ce comportement déloyal de la société ATLAS PARKING SARL a causé à sa société et à lui-même des préjudices dont la réparation est évaluée à deux milliards cinq cent millions (2.500.000.000) de francs CFA ;

Qu’il sollicite du tribunal d’annuler le contrat existant entre la société AWOOD INTER SA et la société ATLAS PARKING SARL, de déclarer nul le bail emphytéotique entre la société ATLAS PARKING SARL et l’Etat béninois en raison des manœuvres constitutives de dol de la part du Ministre des Finances et d’ordonner la conclusion du bail emphytéotique entre la société AWOOD INTER SA et l’Etat béninois sous astreintes de cent millions (100.000.000) de francs CFA par jour de résistance ;

Que par jugement ADD n°036/13/1ère C.COM du 27 mai 2013, le tribunal saisi a déclaré mal fondée l’exception d’incompétence soulevée par la société ATLAS PARKING SARL, s’est déclaré compétent et a enjoint aux parties de conclure au fond ;

Que sur appel de la société ATLAS PARKING SARL, la chambre commerciale de la cour d’appel a rendu le 26 juin 2019, l’arrêt confirmatif n°052/Ch.COM/19 ;

Que c’est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;

DISCUSSION

SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION TIRE DE LA VIOLATION DE LA LOI EN SES DEUX BRANCHES

PREMIERE BRANCHE : VIOLATION DE L’ARTICLE 6 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE, COMMERCIALE, SOCIALE, ADMINISTRATIVE ET DES COMPTES

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation de l’article 6 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes en ce qu’il a confirmé en toutes ses dispositions le jugement entrepris en déclarant mal fondée l’exception d’incompétence soulevée par la société ATLAS PARKING SARL aux motifs que « l’application de la législation commerciale relève de la juridiction statuant en matière commerciale quelle que soit la nature des personnes concernées ; que la présente cause est relative à un différend entre les sociétés AWOD Inter et ATLAS Parking, portant sur le projet de construction de magasins et de parking gros porteurs….. d’incompétence soulevée » alors que, selon la branche du moyen, les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige ; que le fait que la société AWOOD INTER a, dans son exploit d’ajournement, attrait non seulement la société ATLAS PARKING mais également et surtout l’Etat béninois et le conservateur de la propriété foncière prouve que le litige excède le cadre des deux sociétés commerciales ;

Qu’en outre loin de porter sur la construction de magasins et parking gros porteurs, le litige est plutôt relatif à un bail emphytéotique portant louage d’immeuble contre redevance versée à une personne morale de droit public, en l’occurrence l’Etat béninois ;

Qu’en énonçant que le bail emphytéotique qui a un caractère commercial, lie la société AWOOD INTER SA et la société ATLAS PARKING SARL et qu’un litige né de cette convention revêt une nature commerciale, les juges du fond ont modifié les termes du litige tels que fixés dans l’assignation et les conclusions des parties ;

Que pour avoir statué ainsi qu’ils l’ont fait, les juges de la cour d’appel ont violé les dispositions de l’article 6 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes et que leur arrêt encourt cassation ;

Mais attendu que, pour confirmer la décision du premier juge, les juges de la cour d’appel ont énoncé que : « au sens des articles 101 et 104 dudit acte Uniforme, le bail professionnel peut porter sur un terrain nu et sa durée peut être librement fixée par les parties » ;

Que le bail emphytéotique dont la contestation a été élevée devant le premier juge a pour objet une activité commerciale ;

Que le qualificatif emphytéotique n’entame en rien le caractère commercial du bail qui lie la société AWOOD INTER SA à la société ATLAS PARKING SARL ;

Qu’il est constant, en effet, que ce bail a pour objet la construction de port sec, de parking pour gros porteurs et de magasins ;

Qu’un litige né de cette convention revêt un caractère commercial ;

Que l’article 772 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes dispose que « l’application de la législation commerciale relève de la juridiction commerciale, quelle que soit la nature des personnes concernées » ;

Qu’aux termes de l’article 101 de l’acte Uniforme sur le droit commercial général, c’est la destination des locaux qui détermine la nature commerciale du bail ;

Que les juges d’appel, en se déterminant comme ils l’ont fait, n’ont pas violé les dispositions de l’article 6 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;

Que cette branche du moyen n’est pas fondée ;

DEUXIEME BRANCHE : VIOLATION DES ARTICLES 61 ET SUIVANTS DE LA LOI N°2017-15 DU 10 AOUT 2017 MODIFIANT ET COMPLETANT LA LOI N°2013-01 DU 14 AOUT 2013 PORTANT CODE FONCIER ET DOMANIAL EN REPUBLIQUE DU BENIN

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir, pour confirmer le jugement, dit que le bail emphytéotique liant les parties est un bail à usage professionnel, c'est-à-dire un bail commercial, alors que, selon la branche du moyen, le bail ou louage emphytéotique est un louage d’immeuble d’une autre nature, dans lequel le preneur reçoit du bailleur, pour une longue durée, un droit réel immobilier spécial appelé emphytéose qui lui confère un usage et une jouissance plus complète que dans le cas du louage ordinaire, et ce, moyennant paiement de redevances annuelles ;

Qu’il est de jurisprudence constante que la cessibilité du bail est de l’essence du bail emphytéotique ;

Que l’article 61 du code foncier et domanial insiste sur la cessibilité du louage emphytéotique qu’il définit comme une convention qui confère au preneur un droit réel sur l’immeuble avec tous les effets de droit sans possibilité pour le bailleur de poursuivre sa résiliation de plein droit contrairement aux baux ordinaires, en l’occurrence les baux commerciaux ;

Que l’article 66 précise pour sa part que « le bail emphytéotique administratif conclu pour une longue durée confère un droit réel au preneur sur le bien immobilier appartenant à l’Etat, ses démembrements ou aux collectivités territoriales » ;

Que le bail emphytéotique conclu le 28 décembre 2010 n’est pas un bail commercial, auquel peuvent s’appliquer les dispositions de l’acte Uniforme, ni celles de l’article 772 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes, l’Etat béninois étant une personne morale de droit public ;

Que c’est à tort que les juges du fond ont recouru aux dispositions de l’acte Uniforme pour régler le litige ;

Mais attendu que le demandeur au pourvoi, dans son développement ne permet pas à la Haute juridiction d’appréhender en quoi les juges du fond ont violé les dispositions des articles 61 et suivants du code foncier et domanial en estimant que le qualificatif ’’emphytéotique’’ n’enlève en rien au caractère commercial du bail ;

Que du reste, le bail emphytéotique dont la contestation a été portée devant le juge du fond a pour objet une activité commerciale ;

Qu’elle est une demande accessoire aux prétentions commerciales des parties en litige, ce qui justifie la compétence de la juridiction commerciale ;

Que le moyen en cette branche n’est également pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

Reçoit en la forme le présent pourvoi ;

Le rejette quant au fond ;

Met les frais à la charge de société ATLAS PARKING SARL ;

Ordonne la notification du présent arrêt aux parties  ainsi qu’au procureur général près la Cour suprême ;

Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d’appel de Cotonou ;

Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre judiciaire) composée de :

Sourou Innocent AVOGNON, président de la chambre judiciaire,

PRESIDENT ;

Michèle CARRENA-ADOSSOU

Et CONSEILLERS ;

Vignon André SAGBO

Et prononcé à l’audience publique du vendredi vingt trois avril deux mille vingt et un, la chambre étant composée comme il est dit ci-dessus, en présence de :

Pierre Nicolas BIAO,

AVOCAT GENERAL;

Hélène NAHUM-GANSARE,

GREFFIER ;

Et ont signé,

Le président, Le rapporteur,

Sourou Innocent AVOGNON Michèle CARRENA-ADOSSOU

Le greffier.

Hélène NAHUM-GANSARE


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2019-28
Date de la décision : 23/04/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2021-04-23;2019.28 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award