La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/11/2020 | BéNIN | N°35

Bénin | Bénin, Cour suprême, 13 novembre 2020, 35


Texte (pseudonymisé)
N° 35/CJ-CM du Répertoire ; N° 2016-07/CJ-CM du greffe ; Arrêt du 13 novembre 2020 ; Hôtel Palace "LE PRESIDENT" Fassassi YACOUBA (Me Kadidia TOURE) C/ Le Président de la cour d’appel de Cotonou Banque Internationale du Bénin (BIBE) SA (Me Vincent TOHOZIN)

Récusation de juge – Compétence de la juridiction du 1er président de la Cour d’appel – Défaut de précision de la partie critiquée de la décision - Moyen tiré de la violation de la loi – Rejet (Oui).

En matière de récusation de juge les niveaux de compétence sont définis par la loi.

N’e

ncourt donc pas cassation l’ordonnance du premier président de la Cour d’appel rendue en vertu de l...

N° 35/CJ-CM du Répertoire ; N° 2016-07/CJ-CM du greffe ; Arrêt du 13 novembre 2020 ; Hôtel Palace "LE PRESIDENT" Fassassi YACOUBA (Me Kadidia TOURE) C/ Le Président de la cour d’appel de Cotonou Banque Internationale du Bénin (BIBE) SA (Me Vincent TOHOZIN)

Récusation de juge – Compétence de la juridiction du 1er président de la Cour d’appel – Défaut de précision de la partie critiquée de la décision - Moyen tiré de la violation de la loi – Rejet (Oui).

En matière de récusation de juge les niveaux de compétence sont définis par la loi.

N’encourt donc pas cassation l’ordonnance du premier président de la Cour d’appel rendue en vertu de l’appel élevé contre une ordonnance de rejet de demande de récusation.

Mérite rejet, le moyen tiré de la violation de la loi qui ne précise pas clairement la partie de la décision attaquée ayant méconnu les dispositions de la loi concernée.

La Cour,

Vu l’acte n°08/2016 du 07 juillet 2016 du greffe de la cour d’appel de Cotonou par lequel maître Kadidia TOURE, conseil de Fassassi YACOUBA avec élection de domicile au cabinet de maître Adiss SALAMI, a élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’ordonnance n°13/2016 du 11 mai 2016, rendue par le président de cette cour ;

Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;

Vu l’arrêt attaqué ;

Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;

Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;

Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes telle que modifiée et complétée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 

Vu les pièces du dossier ;

Ouï à l’audience publique du vendredi 13 novembre 2020 le président Sourou Innocent AVOGNON en son rapport ;

Ouï le procureur général Aa Ac B en ses conclusions ;

Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que suivant l’acte n°08/2016 du 07 juillet 2016 du greffe de la cour d’appel de Cotonou, maître Kadidia TOURE, conseil de Fassassi YACOUBA avec élection de domicile au cabinet de maître Adiss SALAMI, a élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’ordonnance n°13/2016 du 11 mai 2016, rendue par le président de cette cour ;

Que par lettres numéros 0720, 0721, 0722 et 0723/GCS du 02 novembre 2016 du greffe de la Cour suprême, maître Kadidia TOURE et Fassassi YACOUBA ont été mis en demeure, sous peine de déchéance, de consigner au greffe de la Cour suprême dans un délai de quinze (15) jours et d’avoir à produire leur mémoire ampliatif dans le délai de deux (02) mois, le tout, conformément aux dispositions des articles 931 alinéa 1er et 933 alinéa 2 de la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;

Que les consignations ont été payées et les mémoires ampliatif et en défense produits ;

Que le parquet général a pris ses conclusions lesquelles ont été communiquées aux parties leurs observations ;

Que les parties ont produit lesdites observations ;

EN LA FORME

Attendu que le présent pourvoi a été introduit dans les forme et délai de la loi ;

Qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;

AU FOND

Faits et procédure

Attendu, selon l’ordonnance attaquée, que se prévalant de la grosse de l’acte notarié des 25 juillet, 08 août et 08 décembre 2011, portant « convention de compte courant entre la Banque Internationale du Bénin (BIBE) SA et la Société PALACE Hôtel "LE PRESIDENT" avec affectation hypothécaire », la Banque Internationale du Bénin (BIBE) SA a fait servir le 12 novembre 2013, à la société Palace Hôtel "LE PRESIDENT", un commandement de payer aux fins de saisie immobilière ;

Qu’instruisant sur les dires et observations contenus dans les cahiers de charges, le juge en charge du dossier a rendu le 17 décembre 2015 deux (02) jugements contradictoires n°s 26/CCC/15 et 27/CCC/15 par lesquels il a rejeté d’une part, la demande de remise de la vente sollicitée par la société Palace Hôtel "LE PRESIDENT" et Fassassi YACOUBA et ordonné la continuation des poursuites et d’autre part, a reconnu la qualité de créancier inscrit du deuxième rang de la Banque Sahélo-Saharienne pour l’Investissement et le Commerce (BSIC) Bénin SA et a fait droit à sa demande de remise de la vente ;

Que doutant de l’impartialité du juge Alain Martial BOKO à cause de ses liens de parenté avec le directeur général de la Banque Internationale du Bénin (BIBE) SA, Ab A d’une part, et en raison des manifestations graves et publiques d’inimitié notoire entre le juge et monsieur Fassassi YACOUBA d’autre part, et en application des dispositions des articles 425 et suivants du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes, Fassassi YACOUBA et son conseil, maître Kadidia TOURE ont saisi le 24 décembre 2015, le président du tribunal de première instance de première classe de Porto-Novo d’une demande en récusation du juge Alain Martial BOKO ;

Que par ordonnance n°13/16/CAB/PT-PN rendue le 20 janvier 2016, le président par intérim du tribunal de première instance de Porto-Novo a rejeté la demande en récusation du juge Alain Martial BOKO ;

Que sur appel de maître Kadidia TOURE, le président de la cour d’appel de Cotonou a rendu l’ordonnance n°13/2016 du 11 mai 2016 par laquelle la demande de récusation formulée par maître Kadidia TOURE a été rejetée et la poursuite de la procédure par le juge Alain Martial BOKO ordonnée ;

Que c’est cette ordonnance qui est l’objet du présent pourvoi ;

DISCUSSION

Sur le premier moyen tiré de l’incompétence et de l’excès de pouvoir

Attendu qu’il est reproché à l’ordonnance attaquée la violation des dispositions des articles 63, 65 et 76 de la loi n°2001-37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire en République du Bénin en ce que, ladite ordonnance a été rendue par le président de la cour d’appel à qui la loi n’a pas conféré compétence pour examiner les recours en appel contre les décisions rendues par les tribunaux de première instance, alors que, selon le moyen, l’article 63 de la loi portant organisation judiciaire dispose : « en toute matière et en audience ordinaire, les arrêts sont rendus par une chambre composée d’un collège de trois (03) juges » ; que l’article 65 de la même loi dispose : « la cour d’appel est compétente pour connaître de tous les jugements rendus par les tribunaux de première instance de son ressort frappés d’appel dans les forme et délai de la loi » ; que l’article 76 de la même loi dispose : « la cour d’appel statue en toutes les matières en présence du ministère public avec l’assistance d’un greffier » ;

Que l’appel interjeté contre l’ordonnance du président du tribunal de première instance de première classe de Porto-Novo, rendue en matière de récusation qui devrait être soumise à l’appréciation de la cour d’appel statuant en présence du ministère public avec l’assistance du greffier a donné lieu à la prise d’une ordonnance par le président de la cour d’appel de Cotonou, hors la présence du ministère public et l’assistance du greffier ;

Que cette décision procède de la violation des dispositions légales susvisées et d’un excès de pouvoir de l’autorité judiciaire l’ayant rendue et qui n’avait pas compétence d’attribution à cet effet ;

Qu’en conséquence, ladite ordonnance doit être purement et simplement annulée ;

Mais attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 433 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes : « si le juge s’oppose à la récusation ou ne répond pas, la demande de récusation est jugée sans délai :

- … par le président de la cour d’appel si elle est dirigée contre un conseiller de la cour d’appel ou contre le président du tribunal de première instance ;

- Par le président du tribunal de première instance si elle est dirigée contre un juge du tribunal » ;

Qu’il résulte de ce qui précède que c’est la loi qui a attribué compétence au président de la cour d’appel pour statuer ainsi qu’il l’a fait ;

Que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen tiré de la violation de la loi en ses deux (02) branches

Attendu qu’il est reproché à l’ordonnance attaquée d’avoir violé les dispositions des articles 60 et 64 de la loi n°2001-37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire en République du Bénin et de l’article 633 alinéa 5 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes en ce que, dans la reddition de l’ordonnance dont pourvoi, le président de la cour d’appel a visé les article 60 et 64 de la loi portant organisation judiciaire, l’ordonnance n°037/15 du 16 juin 2015 portant organisation des chambres et salles d’audience à la cour d’appel, la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes, l’ordonnance n°13/2016/CAG/PT-PN du 20 janvier 2016 et la lettre n°85/GTP/PC-PN du 15 mars 2016 du greffier en chef transmettant la déclaration d’appel contre l’ordonnance n°13/2016 du 20 janvier 2016 portant rejet de la requête en récusation du juge Alain Martial BOKO ;

Qu’en procédant ainsi, le président de la cour d’appel a violé par mauvaise interprétation, les dispositions des articles susvisés, alors que, selon la branche du moyen, les dispositions de l’article 64 de la loi portant organisation judiciaire fixe les attributions du premier président de la cour d’appel parmi lesquelles ne figure pas l’examen, par lui, d’un recours en appel ;

Que n’étant pas destinataire du dossier d’appel et en s’attribuant l’affaire, sans en avoir compétence d’attribution, le président de la cour d’appel a violé les dispositions des articles susvisés ;

Que par ailleurs, il y a violation des dispositions des articles 10, 11 et 12 sur l’administration des preuves et des articles 433, 435, 565, 623, 627 et 641 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes en ce que, le président de la cour d’appel a énoncé dans l’ordonnance attaquée « qu’à l’analyse des différentes pièces versées au dossier de la récusation, il n’en résulte aucune preuve de lien de parenté entre le juge Alain Martial BOKO et Romain BOKO, directeur général de la Banque Internationale du Bénin (BIBE) SA » ;

Qu’il a également énoncé que : « la société Banque Internationale du Bénin (BIBE) SA est créancière de monsieur Fassassi YACOUBA », alors que, selon la seconde branche du moyen, les faits se prouvent légalement par tous les moyens et notamment par témoins, dans le cadre d’une instruction ou d’une mise en état ;

Que conformément à la loi, la demande de récusation et l’appel en matière gracieuse, font l’objet d’une instruction pour permettre l’administration de la preuve des faits imputés au juge qui en est l’objet ;

Qu’il n’existe au dossier, aucune preuve d’une créance détenue par la Banque Internationale du Bénin (BIBE) SA à l’encontre de Fassassi YACOUBA ;

Qu’une instruction de l’affaire aurait pu permettre de rapporter tous les éléments de preuve aussi bien sur les liens de parenté alléguée que sur l’inimitié du juge Alain Martial BOKO à l’encontre de Fassassi YACOUBA et de son conseil ;

Qu’en procédant ainsi, le président de la cour d’appel a violé les dispositions des articles susvisés ;

Mais attendu que le demandeur au pourvoi ne démontre pas, en quoi, le fait de viser dans l’ordonnance les articles ci-dessus mentionnés viole les dispositions desdits articles pas plus qu’il ne précise la partie critiquée de l’ordonnance ;

Que s’agissant de l’instruction de la procédure de récusation, le code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes n’a prévu aucune instruction particulière sauf ce qui est prévu à l’article 431 du code aux termes duquel : « dans les huit (08) jours de cette communication, le juge récusé fait connaître, par écrit, soit son acquiescement à la récusation, soit les motifs pour lesquels il s’y oppose » ;

Que cette exigence de la loi a été satisfaite par le premier juge qui a énoncé dans l’ordonnance entreprise que : « oui les observations orales du juge Alain Martial BOKO en date du 12 janvier 2016 par lesquelles il dit ne pas vouloir répondre à la demande ci-dessus indiquée… » ;

Que s’agissant de la preuve de l’existence d’une créance de la Banque Internationale du Bénin (BIBE) SA sur le demandeur au pourvoi, Fassassi YACOUBA, les pièces du dossier notamment le jugement n°14/CCCri/16 du 10 août 2016 atteste que le juge Alain Martial BOKO était en charge d’une procédure de vente sur saisie immobilière opposant la Banque Internationale du Bénin (BIBE)SA à la société Palace Hôtel "LE PRESIDENT" dont le représentant légal est Fassassi YACOUBA ;

Qu’il suit donc qu’en statuant ainsi qu’il l’a fait, le président de la cour d’appel de Cotonou n’a pas violé les dispositions des articles ci-dessus mentionnés ;

Que ce deuxième moyen n’est pas fondé ;

Sur le troisième moyen tiré du défaut de base légale

Attendu qu’il est reproché à l’ordonnance attaquée de manquer de base légale en ce que, le président de la cour d’appel, n’étant pas saisi d’une requête en récusation contre un magistrat du tribunal de première instance de première classe de Porto-Novo, a cependant statué par ordonnance ;

Que la loi ne lui confère aucune attribution pour rendre des ordonnances sur requête en matière de récusation ;

Que le président de la cour d’appel a admis d’une part, « que le fait pour un juge de porter le même nom patronymique qu’une partie au procès dont il a la charge, ne suffit guère à douter de son impartialité » et d’autre part que « les manifestations graves et publiques d’inimitié notoire invoquées par maître Kadidia TOURE n’ont aucun effet juridique et n’ont nullement été soulignées par les autres conseils de Fassassi YACOUBA », alors que, selon le moyen, il existe dans la requête en récusation, un faisceau d’éléments suffisants pour douter de l’impartialité du juge Alain Martial BOKO lesquels ont été occultés, de même qu’il n’a pas été fait état d’une audition des autres conseils de Fassassi YACOUBA ;

Mais attendu que le président de la cour d’appel de Cotonou a énoncé dans l’ordonnance attaquée que : « attendu qu’à l’analyse des différentes pièces versées au dossier de récusation, il n’en résulte aucune preuve de lien de parenté entre le juge Alain Martial BOKO et Romain BOKO » ;

« Que le fait pour un juge de porter le même nom patronymique qu’une partie d’un procès dont il a la charge ne suffit guère pour douter de son impartialité … » ;

« Que les manifestations graves et publiques d’inimitié notoire évoquées par maître Kadidia TOURE n’ont aucun fondement juridique et n’ont nullement été soulignées par les autres conseils de Fassassi YACOUBA » ;

Que se déterminant ainsi et en statuant comme l’a fait le président de la cour d’appel, il ne saurait être reproché à l’ordonnance attaquée, de manquer de base légale ;

Que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable le présent pourvoi en la forme ;

Le rejette quant au fond ;

Met les frais à la charge de l’Hôtel Palace "LE PRESIDENT" représenté par Fassassi YACOUBA ;

Ordonne la notification du présent arrêt au procureur général près la Cour suprême ainsi qu’aux parties ;

Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d’appel de Cotonou ;

Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre judiciaire) composée de :

Sourou Innocent AVOGNON, président de la chambre judiciaire ; PRESIDENT;

Michèle CARRENA ADOSSOU et Isabelle SAGBOHAN CONSEILLERS ;

Et prononcé à l’audience publique du vendredi treize novembre deux mille vingt, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus, en présence de :

Aa Ac B, PROCUREUR GENERAL ;

Djèwekpégo Paul ASSOGBA, GREFFIER ;

Et ont signé :

Le président rapporteur Le Greffier.

Sourou Innocent AVOGNON Djèwekpégo Paul ASSOGBA


Synthèse
Numéro d'arrêt : 35
Date de la décision : 13/11/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2020-11-13;35 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award