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30/07/2020 | BéNIN | N°2005-11/CA1

Bénin | Bénin, Cour suprême, 30 juillet 2020, 2005-11/CA1


Texte (pseudonymisé)
AAG
N°158/CA du Répertoire
N° 2005-11/CA1 du Greffe
Arrêt du 30 juillet 2020
AFFAIRE :
Héritiers C X
Représentés par C A
Préfet du département du Zou
Préfet du département des Collines
Commune d’Aa REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE La Cour,
Vu la requête introductive d'instance en date à Cotonou du 24 janvier 2004, enregistrée au secrétariat de la Chambre administrative le 26 janvier 2005 sous le n°0086/CS/CA, par laquelle les héritiers C X représentés par C A, ont saisi la Cour supr

ême d'un recours de plein contentieux contre le préfet des départements du Zou et des Collines et la Commun...

AAG
N°158/CA du Répertoire
N° 2005-11/CA1 du Greffe
Arrêt du 30 juillet 2020
AFFAIRE :
Héritiers C X
Représentés par C A
Préfet du département du Zou
Préfet du département des Collines
Commune d’Aa REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE La Cour,
Vu la requête introductive d'instance en date à Cotonou du 24 janvier 2004, enregistrée au secrétariat de la Chambre administrative le 26 janvier 2005 sous le n°0086/CS/CA, par laquelle les héritiers C X représentés par C A, ont saisi la Cour suprême d'un recours de plein contentieux contre le préfet des départements du Zou et des Collines et la Commune d'Abomey ;
Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes modifiée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 ;
Vu les pièces du dossier ;
Le Président Victor Dassi ADOSSOU entendu en son rapport ;
L'Avocat général Saturnin AFATON entendu en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme
Sur la recevabilité
Considérant que les requérants exposent
Que suite à une tornade ayant décoiffé le toit de la bibliothèque provinciale du Zou le 07 avril 1977, le maire du quartier GBECON- HOUNLI a entrepris le 08 avril 1977, d'autorité, de transférer ladite bibliothèque dans une pièce située au rez-de-chaussée d'un immeuble à étage situé au quartier B dans la ville d'Abomey ;
Que cet immeuble appartient aux héritiers C X ;
Que par correspondance datée du 08 décembre 1978, ces derniers se sont adressés au chef du District Urbain d'Abomey (D.U.A) en vue de voir régulariser cette situation par l'établissement formel d'un contrat de bail entre la municipalité et eux ;
Qu'après plusieurs échanges de correspondances à fin d'un accord sur le montant du loyer mensuel et l'apurement des arriérés, les héritiers C X ont soumis le 06 janvier 1986 au chef du District Urbain d'Abomey, un projet de contrat de bail stipulant que le montant du loyer mensuel serait fixé à cinq mille (5.000) francs pour la période allant du 08 avril 1977 au 31 décembre 1985, puis à sept mille (7.000) francs à partir du premier janvier 1986 :
Que le 21 septembre 1992, invoquant entre autres, des difficultés de trésorerie et des problèmes financiers, la circonscription urbaine d'Abomey a pris l'arrêté n°4A/010/CUA/SG portant résiliation des contrats de location d'immeubles abritant certains services administratifs et par lequel l’autorité a décidé en ces termes :
« Vu le contrat sans numéro et sans date portant location de l'immeuble abritant la Bibliothèque Départementale du Zou ;
Sont résiliés pour compter du 1“ janvier 1993, les contrats portant location des immeubles abritant :
5- la Bibliothèque Départementale du Zou des héritiers du feu X C. (.…) Les services abrités par lesdits immeubles sont priés de vider les lieux à partir du 1" décembre 1992. » ;
Que jusqu'au mois de juin 1999 au moins, en dépit de l'arrêté de la circonscription urbaine d'Abomey, la bibliothèque provinciale du Zou devenue Bibliothèque Départementale du Zou poursuivait toujours l'occupation des locaux appartenant aux héritiers C X, ainsi qu'en témoigne la correspondance n°33/MCC/CAB/DBN/BDZ du 18 juin 1999 adressée aux demandeurs par la responsable de ladite bibliothèque ; 2 3
Qu'elle y évoque le « paiement intégral des arriérés accumulés par les autorités politico-administratives d'Abomey. » ;
Considérant que les héritiers de feu C X demandent la condamnation du préfet du département du Zou, du préfet du département des collines et de la mairie d'Abomey, à leur verser la somme d'un million cent quatre-vingt-dix mille (1.190.000) de francs au titre des arriérés de loyers et indemnité d'occupation relatifs à leur immeuble ayant abrité la Bibliothèque Départementale du Zou ;
Considérant que pour justifier cette demande, ils font valoir à travers les pièces annexes, notamment :
-la correspondance datée du 09 avril 1996 adressée au chef de la circonscription urbaine d'Abomey ;
-et la correspondance datée du 17 mai 2001 adressée au même destinataire ;
Que la période au cours de laquelle ladite bibliothèque a occupé leur immeuble sans versement de loyer ou d'indemnité d'occupation court du 1“ janvier 1992 au 09 février 2000, date de son déménagement effectif ;
Que la dette de loyer relative à la période antérieure au 1“ janvier 1992 a, en effet, été déjà apurée ;
Qu'au titre des années 1992 et 1993, le loyer mensuel fixé s'élevait à sept mille (7.000) francs tandis que celui dû à partir du 1” janvier 1994 était révisé à quatorze mille (14.000) francs du fait de la dévaluation du franc CFA survenue le 11 janvier 1994 ;
Qu'ainsi, la somme due au titre des années 1992 et 1993 s'élève à cent soixante-huit mille (168.000) francs ;
Que celle due pour la période de janvier 1994 au 09 février 2000 s'élève à un million vingt-deux mille (1.022.000) francs d'où un total d'un million cent quatre-vingt-dix mille (1.190.000) francs ;
Considérant que dans ses observations en réplique, le préfet du département du Zou a évoqué l'irrecevabilité de la requête au motif que les faits tels qu'articulés par les héritiers de feu C X sont incohérents dans la mesure où ils ont laissé l'Administration occuper leur immeuble une décennie durant sans adresser le moindre recours à l'autorité judiciaire ou administrative ;
Que de surcroît, les demandeurs n'ont produit à l'appui de leurs prétentions ni contrat de bail dûment formalisé, ni facture acquittée justifiant du paiement partiel allégué, avec précision des mensualités 4
Considérant que la commune d'Abomey, a quant à elle, dans ses observations, soutenu que depuis la prise de service du conseil communal en 2003, aucune bibliothèque départementale ne lui a été transférée et que l'on ne peut dès lors invoquer à son encontre, le principe de continuité de l'administration pour lui faire endosser une quelconque responsabilité dans le litige :
Qu'en tout état de cause, toujours selon elle, ce litige ne la concerne pas dans la mesure où le contrat évoqué n’a d’effets qu’entre les parties contractantes que sont la préfecture d'Abomey et le plaignant ;
Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi n° 97-028 du 15 janvier 1999 portant organisation de l'administration territoriale de la République du Bénin, « le département est la circonscription administrative de l'Etat en République du Bénin. Il ne jouit ni de la personnalité juridique ni de l'autonomie financière » ;
Considérant qu'il découle de cette disposition légale que les départements du Zou et des Collines ne peuvent être attraits en paiement devant la juridiction administrative statuant en plein contentieux ;
Que dès lors, les héritiers de feu C X sont irrecevables en leur action à l'égard des départements du Zou et des Collines ;
Considérant en revanche, qu’aux termes de l’article premier de la loi n°97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes, «la commune est une collectivité territoriale dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière » ;
Qu'il en résulte que l’action, des héritiers de feu C X, exercée par ailleurs dans les forme et délai de la loi, est recevable à l’égard de la commune ;
Qu'il a lieu de les déclarer recevables en leur action à l'égard de ladite commune ;
Au fond
Sur la demande en paiement d'arriérés de loyer
Considérant qu'il est de principe qu'en droit administratif comme en droit civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi entre les parties :
Que la personne morale de droit public partie à un contrat administratif est tenue d'exécuter sa part d'obligations ;
Considérant qu'en l'espèce, il est acquis qu'un contrat de bail portant sur un immeuble sis dans la commune d'Abomey et appartenant aux héritiers C X est bien intervenu entre le District Urbain d'Abomey et ces héritiers dans l'intérêt du fonctionnement de la bibliothèque provinciale du Zou, ainsi que l'atteste l'arrêté de résiliation de contrats n°4A/010/CUA/ SG du 21 septembre 1992, pris par la commune urbaine d'Abomey ;
Que le lien contractuel entre ladite commune et les requérants est dès lors incontestable, malgré la dénomination « Bibliothèque départementale du Zou » ;
Considérant qu'il est également acquis que le dernier paiement de loyer effectué par la commune d'Abomey couvre la période allant jusqu'au 31 décembre 1991, comme l'affirment les demandeurs eux- mêmes dans la pièce constituée par la correspondance du 09 avril 1996 adressée au chef de la circonscription urbaine d'Abomey :
Que la dette de loyer couvre donc la période allant du premier janvier 1992 au 21 décembre 1992, l'arrêté de résiliation prenant effet le premier janvier 1993 ;
Considérant enfin qu'il y a lieu de tenir pour acquis que la ville d'Abomey reste bien devoir aux héritiers C X des arriérés de loyers s'élevant à un montant de quatre-vingt-quatre mille (84.000) francs à raison de sept mille (7.000) francs par mois, pour la période du premier janvier 1992 au 31 décembre 1992 ;
Que cet acquis se déduit de la mauvaise foi manifestée par la commune d'Abomey consistant, dans sa lettre d'observations du 20 octobre 2006, en une dénégation de sa qualité de partie au contrat de bail en dépit des termes de l'arrêté de résiliation sus évoqué ;
Considérant qu'il convient de conclure que la commune d'Abomey a manqué à son obligation contractuelle de paiement du loyer pour la période du premier janvier 1992 au 31 décembre 1992 et la condamner à verser aux héritiers C X représentés par C A les arriérés subséquents, d'un montant total de quatre-vingt-quatre mille (84.000) francs ;
Sur la demande en paiement d’une indemnité d’occupation
Considérant que la constitution béninoise du 11 décembre 1990 garantit le droit à la propriété privée, en disposant en son article 22 que « Toute personne a droit à la propriété. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et contre juste et préalable dédommagement » ;
6
Considérant qu'il est acquis en l'espèce que nonobstant l'arrêté de résiliation de contrats de location d'immeubles abritant certains services administratifs n° 4/A/010/CUA/SG du 21 septembre 1992 ayant effet à compter du premier janvier 1993, pris par la circonscription urbaine d'Abomey, la Bibliothèque Départementale du Zou a poursuivi l'occupation de l'immeuble appartenant aux héritiers C X jusqu'au mois de juin 1999 au moins, date d'une correspondance adressée par la directrice de ladite bibliothèque aux demandeurs ;
Que ces derniers n'ont pas produit la preuve que l'occupation s'est poursuivie au-delà de cette date ;
Que l'attitude de l'administration municipale s'analyse en une expropriation de fait ouvrant droit à indemnité ;
Considérant qu'il y a lieu d’évaluer l'indemnité pour expropriation de fait due aux héritiers C X représentés par C Jean- Roger à la somme de neuf cent trente-six mille (936.000) francs à raison de douze mille (12.000) francs par mois d'occupation, pour la période allant du 1“ janvier 1993 au 31 juin 1999 et condamner la commune d'Abomey à la leur verser ;
PAR CES MOTIFS,
Décide :
Article 1°" : Le recours en date à Cotonou du 24 janvier 2004, des héritiers C X représentés par C A, tendant à la condamnation de la préfecture du Zou et de la commune d'Abomey à leur payer d'une part, la somme de quatre-vingt-quatre mille (84.000) francs au titre des arriérés de loyers échus du 1“ janvier 1992 au 31 décembre 1992 et d'autre part, la somme de neuf cent trente-six mille (936.000) francs au titre de dommages-intérêts du fait de l'expropriation de leur immeuble du ''" janvier 1993 au 31 juin 1999, est irrecevable à l'égard de la préfecture du Zou et des collines et recevable en ce qui concerne la commune d'Abomey ;
Article 2 : Ledit recours est fondé ;
Article 3: La commune d'Abomey est condamnée à payer aux héritiers C X représentés par C A la somme d'un million cinq cent mille (1.500.000) francs à titre de réparation pour toutes causes de préjudices confondues ;
Article 4 : Les frais sont mis à la charge de la commune d'Abomey ;
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié aux parties et au Procureur général près la Cour suprême ;
f 7
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre administrative) composée de :
Victor Dassi ADOSSOU, Président de la Chambre administrative ;
PRESIDENT ;
Rémy Yawo KODO
et CONSEILLERS ;
Dandi GNAMOU
Et prononcé à l'audience publique du jeudi trente juillet deux mille vingt, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
Saturnin AFATON, Avocat général,
MINISTERE PUBLIC ;
Gédéon Affouda AKPONE,
GREFFIER ;
Etont signé :
Le Greffier,
Gédéon Affouda AKPONE


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2005-11/CA1
Date de la décision : 30/07/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2020-07-30;2005.11.ca1 ?
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