La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/07/2020 | BéNIN | N°44

Bénin | Bénin, Cour suprême, 24 juillet 2020, 44


Texte (pseudonymisé)
N° 44/CJ-DF du répertoire ; N° 2012-51/CJ-CT du greffe ; Arrêt du 24 juillet 2020 ; Joseph MONTEIRO (Me Alfred BOCOVO) C/ Aa B (Me Wenceslas de SOUZA)

Code des personnes et de la famille – Autorité de la chose jugée – Violation des dispositions de l’article 1351 du code civil – Moyen non fondé (Rejet).



Procèdent à une bonne application de la loi, les juges d’appel qui déclarent irrecevable le demandeur qui évoque la fin de recevoir tirée de l’autorité

de la chose jugée sans rapporter la preuve de la triple identité de partie, d’objet et de cau...

N° 44/CJ-DF du répertoire ; N° 2012-51/CJ-CT du greffe ; Arrêt du 24 juillet 2020 ; Joseph MONTEIRO (Me Alfred BOCOVO) C/ Aa B (Me Wenceslas de SOUZA)

Code des personnes et de la famille – Autorité de la chose jugée – Violation des dispositions de l’article 1351 du code civil – Moyen non fondé (Rejet).

Procèdent à une bonne application de la loi, les juges d’appel qui déclarent irrecevable le demandeur qui évoque la fin de recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée sans rapporter la preuve de la triple identité de partie, d’objet et de cause.

Procèdent à une bonne application de la loi les juges d’appel qui, partant du constat que le premier acte de naissance du demandeur n’a pas été annulé et ne porte en marge aucune mention de l’extrait du jugement d’adoption ont conclu que ni les membres de la famille d’origine du demandeur, ni le demandeur au pourvoi lui-même n’ont renoncé à leur nom patronymique.

Procèdent à une bonne application des dispositions de l’article 58 du code des personnes et de la famille, les juges d’appel qui, après avoir fait les constats ci-dessus ont déduit que l’adoption de celui qui garde sur son acte de naissance son nom patronymique d’origine sans aucune mention du jugement d’adoption est une adoption simple et que ce dernier ne peut être admis à initier lui-même une procédure en annulation de son acte de naissance pour hériter de l’adoptant.

La Cour,

Vu l’acte n°031/2011 du 16 septembre 2011 du greffe de la cour d’appel de Cotonou par lequel Joseph MONTEIRO a déclaré élever pourvoi en cassation contre toutes les dispositions de l’arrêt n°088/11 rendu le 09 août 2011 par la chambre civile de droit traditionnel de cette cour ;

Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;

Vu l’arrêt attaqué ;

Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;

Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;

Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 modifiée et complétée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;

Vu la loi n° 2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial en République du Bénin modifiée et complétée par la loi n°2017-15 du 10 août 2017 ;

Vu les pièces du dossier ;

Ouï à l’audience publique du vendredi vingt-quatre juillet deux mil vingt, le conseiller Michèle CARRENA ADOSSOU en son rapport ;

Ouï le procureur général Ab Ad A en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que suivant l’acte n°031/2011 du 16 septembre 2011 du greffe de la cour d’appel de Cotonou, Joseph MONTEIRO a déclaré élever pourvoi en cassation contre toutes les dispositions de l’arrêt n°088/11 rendu le 09 août 2011 par la chambre civile de droit traditionnel de cette cour ;

Que par lettres n°s3928 du 06 décembre 2012, et 0523/GCS du 14 février 2013 du greffe de la Cour suprême, maître Raphaël AHOUANDOGBO et Alfred BOCOVO, conseils de Joseph MONTEIRO ont été mis en demeure de consigner dans un délai de quinze jours et de produire leurs moyens de cassation dans un délai d’un mois, le tout, conformément aux dispositions des articles 6 et 12 de la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;

Que les mémoires ampliatif et en défense ont été produits ;

Que le procureur général a pris ses conclusions lesquelles ont été communiquées aux parties pour leurs observations sans réaction de leur part ;

EN LA FORME

Attendu que le présent pourvoi a été introduit dans les forme et délai légaux ;

Qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;

AU FOND

Faits et procédure

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que saisie d’une action en revendication de son droit d’héritage par Joseph MONTEIRO contre Aa B, la chambre civile de droit traditionnel du tribunal de première instance de Cotonou a, par jugement n°001/1CB/06 du 12 janvier 2006, annulé le testament de feu Ac B en date du 31 août 1979 en toutes ses dispositions, ordonné l’inventaire de tous les biens mobiliers et immobiliers relevant de la succession de feu Ac B, leur partage équitable entre tous ses héritiers et nommé maître Jean Jacques GBEDO, notaire pour y procéder ;

Que sur appel de maître Patrick TCHIAKPE substituant maître Germain ADINGNI, conseil de Aa B, la cour d’appel a, par l’arrêt n°088/11 du 09 août 2011 infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, puis, évoquant et statuant à nouveau, déclaré irrecevable l’action en revendication de Joseph MONTEIRO ;

Que c’est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;

DISCUSSION

Sur le moyen unique tiré de la violation de la loi en ses quatre branches

Première branche du moyen : Violation du principe de l’autorité de la chose jugée

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de la violation de l’autorité de la chose jugée attachée au jugement n°2 du 10 avril 1953 rendu par le tribunal de premier degré de Kandi, en ce que, la cour d’appel de Cotonou a déclaré irrecevable l’action de Joseph MONTEIRO estimant que ni le conseil de famille, ni Joseph MONTEIRO n’ont renoncé à leur nom patronymique ;

Que le jugement qui constate l’adoption fait mention de ce que l’adopté change désormais de patronyme et portera à l’avenir celui de l’adoptant, sans indiquer le texte qui l’a prévu en 1953, alors que, selon la branche du moyen, le jugement n°2 du 10 avril 1953 qui a acquis l’autorité de la chose jugée et est même passé en force de chose jugée se suffit à lui tout seul pour faire de l’enfant CHABI Joseph Kora Gounou Dèmon, Joseph MONTEIRO ;

Que les dispositions de l’article 339 du code des personnes et de la famille invoquées dans l’arrêt 088/11 du 09 août 2011 n’étaient pas applicables en 1953, année de l’adoption ;

Que la filiation créée par ce jugement au profit de Joseph MONTEIRO est contenue dans son second acte d’état civil qui mentionne bien : « Nom de l’enfant : MONTEIRO Kora Joseph

Nom du père : MONTEIRO Romain

Nom de la mère : do REGO Christine » ;

Qu’il en résulte que l’adoption dont a fait l’objet Joseph est une adoption plénière qui se définit comme : « une rupture de tout lien juridique entre la famille d’origine et l’enfant adopté » dès lors qu’il est expressément déclaré par les parents adoptants eux-mêmes « vouloir l’adopter et le considérer comme leur vrai fils au même titre que leurs enfants » ;

Qu’en déclarant irrecevable l’action de Joseph MONTEIRO, la cour d’appel de Cotonou a violé la loi notamment l’autorité de la chosée jugée attachée au jugement n°2 du 10 avril 1953 du tribunal de premier degré de Kandi ;

Mais attendu que pour être utilement invoquée, la fin de non recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée doit réunir les trois éléments cumulatifs prévus par l’article 1351 du code civil à savoir : l’identité de parties, d’objet et de cause ;

Que le demandeur ne démontre pas la réunion de cette triple identité ;

Que par ailleurs, en énonçant dans l’arrêt attaqué : « Qu’il s’ensuit que ni les membres du conseil de famille de l’intimé ayant autorisé l’adoption, ni l’intimé lui-même n’ont jamais renoncé à leur nom patronymique original ;

Qu’il n’y a donc pas rupture de lien avec la famille d’origine, en l’espèce KORA GOUNOU Dèmon », les juges d’appel n’ont pas violé le principe de l’autorité de la chose jugée en s’inspirant des termes du jugement n°2 du 10 avril 1953 pour déclarer irrecevable l’action du demandeur au pourvoi ;

Que cette branche du moyen n’est pas fondée ;

Deuxième branche du moyen : Violation de l’article 34 du code des personnes et de la famille, par refus d’application

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué de la violation des alinéas 2 et 3 de l’article 34 du code des personnes et de la famille, en ce que, pour déclarer irrecevable l’action de Joseph MONTEIRO, l’arrêt a énoncé : « Qu’il est aisé de constater que le premier acte de naissance établi au profit de Chabi KORA GOUNOU Dèmon n’a pas été annulé et ne porte pas en marge l’extrait du jugement d’adoption », alors que, selon la branche du moyen, une telle motivation des juges d’appel n’a pas de base légale et ne résiste pas à l’analyse des dispositions de l’article 34 du code des personnes et de la famille qui prévoit que : « Les naissances, les mariages et les décès sont constatés sur des registres tenus dans les centres d’état civil selon les modalités fixées par décret ; les autres faits ou actes concernant l’état des personnes font l’objet de mention au registre d’état civil ; ils sont prouvés au moyen de copies ou des actes inscrits sur ces registres, délivrés dans les conditions fixées par décret » ;

Que les alinéas 2 et 3 de l’article 34 qui concernent les autres faits ou actes de l’état des personnes prévoient qu’ils font l’objet d’une mention au registre de l’état civil ;

Que la mention d’autres faits ou actes d’état civil ne s’entend pas d’une annulation mais plutôt d’un ajout ;

Que l’adoption étant un autre fait ou acte de l’état des personnes, seule la mention au registre d’état civil suffisait sans qu’il soit besoin de procéder à une annulation d’acte ;

Qu’en motivant ainsi qu’elle l’a fait, la cour d’appel a méconnu les dispositions de l’article 34 alinéas 2 et 3 du code des personnes et de la famille ;

Mais attendu que l’arrêt attaqué n’a pas déclaré irrecevable l’action de Joseph MONTEIRO au motif que le premier acte de naissance établi au nom de Chabi Gounou Dèmon KORA n’a pas été annulé et ne porte pas en marge l’extrait du jugement d’adoption ;

Que les juges d’appel sont partis du constat que le premier acte de naissance du demandeur au pourvoi n’a pas été annulé et ne porte pas en marge l’extrait du jugement d’adoption pour conclure que ni les membres de la famille d’origine du demandeur au pourvoi, ni le demandeur lui-même n’ont jamais renoncé à leur nom patronymique ;

Qu’ainsi, il n’y a pas rupture du lien avec la famille d’origine de Joseph MONTEIRO ;

Qu’on ne saurait reprocher aux juges d’appel, dans ces conditions, d’avoir méconnu les dispositions des alinéas 2 et 3 du code des personnes et de la famille ;

Que cette branche du moyen n’est pas fondée ;

Troisième branche du moyen : Violation de l’article 58 du code des personnes et de la famille

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation des dispositions de l’article 58 du code des personnes et de la famille, en ce que, la cour d’appel de Cotonou a refusé de prendre en compte l’acte d’Etat civil établi à Joseph MONTEIRO, ès qualité de fils de Ac B et de Christine do REGO en déclarant l’action irrecevable en cette qualité alors que, selon la branche du moyen, l’article 58 du code des personnes et de la famille dispose : « Les actes d’Etat civil font foi jusqu’à inscription de faux dans les mêmes conditions que les autres actes authentiques, les copies régulièrement délivrées ont la même valeur que l’acte original » ;

Que le deuxième jugement au nom de Joseph MONTEIRO est un acte authentique au même titre que le premier et que les deux font foi jusqu’à inscription de faux ;

Que la cour d’appel a violé la loi en refusant de leur accorder la force probante que leur confère la loi ;

Mais attendu que l’arrêt attaqué a énoncé que « Ni les membres du conseil de famille de l’intimé ayant autorisé l’adoption ni l’intimé lui-même n’ont jamais renoncé à leur nom patronymique original ;

Qu’il n’y a donc pas rupture du lien avec la famille d’origine en l’espèce KORA GOUNOU Dèmon ;

Que par ailleurs feu Ac B a réglé sa succession par testament notarié en date du 31 août 1979 attribuant à ses enfants ses biens ;

Que si tant est qu’il voulait faire de Joseph MONTEIRO son héritier, le testament devrait le refléter ;

Qu’au regard de ce qui précède, il échet de conclure que le jugement n°2 du 10 avril 1953 est une adoption simple et que Joseph MONTEIRO n’a pas qualité pour initier la présente procédure… » ;

Que l’arrêt attaqué n’a fait que relever les constatations qui se dégagent du jugement n°2 du 10 avril 1953 pour restituer à l’adoption de Joseph MONTEIRO sa véritable qualification d’adoption simple avant de conclure qu’en tant qu’adopté simple, il n’a pas qualité pour initier la procédure dont est saisie la cour ;

Qu’ayant ainsi motivé, les juges de la cour d’appel ne sont pas reprochables de la violation de l’article 58 du code des personnes et de la famille ;

Que le moyen en cette branche n’est pas fondé ;

Quatrième branche du moyen : Violation des dispositions de l’article 620 du code des personnes et de la famille

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation des dispositions de l’article 620 du code des personnes et de la famille, en ce que, les juges d’appel ont déclaré irrecevable l’action de Joseph MONTEIRO, alors que, selon cette branche du moyen, c’est avec le consentement des deux époux et du conseil de famille de l’adopté que l’adoption a été prononcée ;

Qu’aux termes des dispositions de l’article 320 du code des personnes et de la famille : « Les enfants, quelle que soit l’origine de leur filiation, jouissent des mêmes droits successoraux, sous réserve des dispositions de l’article suivant » ;

Que c’est le principe de l’égalité de tous les enfants sans aucune discrimination entre enfants légitimes, naturels ou adoptifs que la loi retient à l’exclusion des enfants incestueux ;

Qu’en déclarant irrecevable l’action de Joseph MONTEIRO, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article 620 ci-dessus citées ;

Mais attendu que le demandeur au pourvoi n’a pas déterminé en quoi a consisté la discrimination alléguée entre les enfants dans la jouissance de leurs droits successoraux ;

Qu’en énonçant que « … si tant est-il que monsieur Ac B voulait faire de Joseph MONTEIRO son héritier, le testament devrait le refléter », l’arrêt attaqué a tiré les conclusions qui se dégagent des dispositions du testament par lequel Ac B a réparti ses biens entre ses enfants ;

Que l’arrêt n’est pas reprochable de violation de l’article 620 du code des personnes et de la famille ;

Que cette branche du moyen n’est également pas fondée ;

PAR CES MOTIFS :

Reçoit en la forme le présent pourvoi ;

Le rejette quant au fond ;

Met les frais à la charge de Joseph MONTEIRO ;

Ordonne la notification du présent arrêt au procureur général près la Cour suprême ainsi qu’aux parties ;

Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d’appel de Cotonou ;

Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre judiciaire) composée de :

Sourou Innocent AVOGNON, président de la chambre judiciaire ; PRESIDENT ;

Michèle CARRENA ADOSSOU EtIsabelle SAGBOHAN, CONSEILLERS ;

Et prononcé à l’audience publique du vendredi vingt-quatre juillet deux mil vingt, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :

Ab Ad A, procureur général, MINISTERE PUBLIC ;

Mongadji Henri YAÏ, GREFFIER ;

Et ont signé

Le président, Le rapporteur,

Sourou Innocent AVOGNON Michèle CARRENA ADOSSOU

Le greffier.

Mongadji Henri YAÏ


Synthèse
Numéro d'arrêt : 44
Date de la décision : 24/07/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2020-07-24;44 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award