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24/07/2020 | BéNIN | N°30

Bénin | Bénin, Cour suprême, 24 juillet 2020, 30


Texte (pseudonymisé)
N° 30/CJ-P du répertoire ; N° 2019-50/CJ-P du greffe ; Arrêt du 24 juillet 2020 ; Ah Ac A C/ MINISTERE PUBLIC AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR

Moyen du pourvoi – Violation de la loi – Procédure pénale – Lecture du rapport par le conseiller-rapporteur – Cour d’appel statuant en matière pénale en deuxième et dernier ressort – Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) – Juridiction spéciale statuant en premier et dernier ressort – Rejet.

Moyen du pourvoi - Violation de la loi – Droit à l’assistance d’un avocat-défenseur

– Instruments juridiques internationaux – Dispositions prescrites à peine de nullité (non) – Oblig...

N° 30/CJ-P du répertoire ; N° 2019-50/CJ-P du greffe ; Arrêt du 24 juillet 2020 ; Ah Ac A C/ MINISTERE PUBLIC AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR

Moyen du pourvoi – Violation de la loi – Procédure pénale – Lecture du rapport par le conseiller-rapporteur – Cour d’appel statuant en matière pénale en deuxième et dernier ressort – Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) – Juridiction spéciale statuant en premier et dernier ressort – Rejet.

Moyen du pourvoi - Violation de la loi – Droit à l’assistance d’un avocat-défenseur – Instruments juridiques internationaux – Dispositions prescrites à peine de nullité (non) – Obligation d’assistance d’un avocat en matière correctionnelle (non).

Moyen du pourvoi – Violation de la loi – Assistance d’un interprète – Mention dans l’arrêt attaqué – Rejet.

Moyen du pourvoi – Violation de la loi – Loi portant organisation judiciaire – Droit à un second degré de juridiction – Constitutionnalité de la loi – Conformité de la loi aux instruments juridiques internationaux – Rejet.

N’est pas fondé, le moyen tiré de la violation des dispositions du code de procédure pénale relatives à la lecture du rapport à l’audience par le conseiller-rapporteur, dès lors que ces dispositions, non prescrites à peine de nullité, ne s’appliquent que devant la Cour d’appel statuant en matière pénale en deuxième et dernier ressort, la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) étant une juridiction spéciale statuant en premier et dernier ressort.

Encourt rejet, le moyen tiré de la violation des instruments juridiques internationaux relatifs au droit à l’assistance d’un défenseur, dès lors que lesdits instruments n’ont pas édicté une obligation générale de commission d’office d’un avocat-défenseur en matière correctionnelle. L’assistance d’un conseil, obligatoire en matière criminelle, est facultative en matière correctionnelle.

Ont procédé à une saine et bonne application des dispositions du code de procédure pénale relatives à la nomination d’un interprète dans les cas où le prévenu ne connaît pas suffisamment la langue française, lorsque les juges du fond ont énoncé dans l’arrêt attaqué que le prévenu a comparu assisté d’un interprète.

Est irrecevable, le moyen tiré de la privation du droit à un second degré de juridiction, tendant en réalité à faire déclarer non conformes à la Constitution et aux instruments juridiques internationaux, les dispositions légales portant organisation judiciaire.

La Cour,

Vu l’acte n°002/18 du 10 septembre 2018 du greffe de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) par lequel maître Hervé Gildas SOUNKPON, conseil de Ah Ac A, a élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°002/C-COR/18 rendu le 06 septembre 2018 par la chambre correctionnelle de cette cour ;

Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;

Vu l’arrêt attaqué ;

Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ; 

Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;

Vu les pièces du dossier ;

Ouï à l’audience publique du vendredi 24 juillet 2020 le conseiller Michèle O. A. X Y en son rapport ;

Ouï le procureur général Ag Ae B en ses conclusions ;

Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que suivant l’acte n°002/18 du 10 septembre 2018 du greffe de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET), maître Hervé Gildas SOUNKPON, conseil de Ah Ac A, a élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°002/C-COR/18 rendu le 06 septembre 2018 par la chambre correctionnelle de cette cour ;

Que suivant l’acte n°003/18 du 14 septembre 2018 du greffe de cette même cour, Ah Ac A a élevé pourvoi en cassation contre le même arrêt ;

Que par lettre n°6349/GCS du 26 août 2019 du greffe de la Cour suprême, maître Hervé SOUNKPON a été mis en demeure d’avoir à produire ses moyens de cassation dans un délai d’un (01) mois conformément aux dispositions des articles 12 et 13 de la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;

Que les mémoires ampliatif et en défense ont été produits ;

EXAMEN DU POURVOI

EN LA FORME

Attendu que le pourvoi n°002/18 du 10 septembre 2018 a été élevé dans les forme et délai de la loi ;

Qu’il convient de le déclarer recevable ;

Qu’en revanche, le pourvoi n°003/18 du 14 septembre 2018, formalisé hors délai légal est irrecevable ;

AU FOND

Faits et procédure

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le mardi 20 août 2018, Ah Ac A, de nationalité nigériane, a quitté Maputo au Mozambique pour Cotonou, via Addis-Abeba par voie aérienne ;

Qu’arrivé à l’aéroport international Aa Af C de Cotonou, il a été surpris en possession d’un emballage de poudre granuleuse de couleur beige pesant six (06) kilogrammes, soigneusement dissimulé dans le double-fond de sa valise ;

Qu’interpellé puis appelé à dire la nature et l’origine du produit, il déclare qu’il s’agit de la drogue qui lui a été remise à Maputo par son compatriote « OGA Boulete » qui y réside, à charge pour lui de la remettre à Cotonou à des individus chargés de l’accueillir dès sa sortie de l’aérogare ;

Que l’analyse dudit produit par le laboratoire national des stupéfiants et de toxicologie a révélé qu’il s’agit de l’héroïne, une substance sous contrôle international ;

Que saisie suivant procès-verbal d’interrogatoire de flagrant délit en date du 23 août 2018, la chambre correctionnelle de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET), après examen de la cause, a rendu l’arrêt n°002/C-COR du 06 septembre 2018 par lequel, elle a retenu Ah Ac A dans les liens de la prévention de trafic international de drogue à haut risque et l’a condamné à la peine de vingt (20) ans d’emprisonnement ferme, à cinq millions (5 000 000) francs d’amende, aux frais et au paiement de la somme de cinq millions (5 000 000) de francs CFA à titre de dommages et intérêts au profit du Trésor public ;

Que c’est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;

DISCUSSION

Moyen unique en quatre (04) branches tiré de la violation de la loi

Première branche prise de la violation de la loi par refus d’application de l’article 529 alinéa 1 du code de procédure pénale

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de la violation de la loi par refus d’application des dispositions de l’article 529 alinéa 1er du code de procédure pénale, en ce qu’il a été rendu en l’absence de tout rapport du conseiller-rapporteur et sans mention de la lecture dudit rapport dans ledit arrêt alors que, selon la branche du moyen, aux termes des dispositions de ce texte : « l’appel est jugé à l’audience sur le rapport oral d’un conseiller ; le prévenu comparant est interrogé » ;

Qu’ayant procédé comme ils l’ont fait, les juges de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) ont violé les dispositions ci-dessus rappelées ;

Mais attendu que les dispositions de l’article 529 alinéa 1er du code de procédure pénale invoquées sont relatives à la procédure suivie devant la cour d’appel statuant en matière pénale, en deuxième et dernier ressort ;

Que la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) statue en premier et dernier ressort et n’est pas une cour d’appel mais une juridiction spéciale ;

Qu’au demeurant, les dispositions de l’article 529 alinéa 1er ne sont pas prescrites à peine de nullité ;

Que le moyen en cette branche n’est pas fondé ;

Deuxième branche prise de la violation de l’article 11 de la déclaration universelle des droits de l’homme et de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) ensemble avec les dispositions de l’article 7 de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples et les principes pour la protection des personnes détenues, contenus dans la résolution 43/173 de l’Assemblée générale des Ab Ad

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de la violation, de la loi par refus d’application des dispositions de l’article 11 de la déclaration universelle des droits de l’homme, et de celles de l’article 14 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques, ensemble avec les principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque d’emprisonnement ou de détention, contenus dans la résolution 43/173 du 09 décembre 1988 de l’Assemblée générale des Ab Ad et les principes de base relatifs au rôle du barreau, adoptée par le huitième (8ème) congrès des Ab Ad pour la prévention du crime et le traitement des délinquants tenu à la Havane du 27 août au 07 septembre 1990, en ce qu’il a été rendu contre un prévenu étranger, anglophone, sans ressources qui n’a pu bénéficier des garanties nécessaires à sa libre défense en l’occurrence l’assistance d’un avocat alors que, selon la branche du moyen, lesdits instruments internationaux et principes universels prévoient que : « toute personne accusée d’une infraction à la loi pénale a droit à l’assistance d’un défenseur de son choix ; si elle n’en a pas, à être informée de son droit d’en avoir et, chaque fois que l’intérêt de la justice l’exige, à se voir attribuer d’office un défenseur, sans frais, si elle n’a pas les moyens de le rémunérer, en pleine égalité à communiquer avec son conseil » ;

Qu’en l’espèce, il est renseigné au dossier judiciaire que le demandeur au pourvoi affirmait n’avoir pas les moyens de constituer avocat et que cependant la procédure a été suivie contre lui ;

Qu’il y a violation de la loi et que l’arrêt attaqué encourt cassation ;

Mais attendu que l’assistance d’un conseil, obligatoire en matière criminelle est plutôt facultative en matière correctionnelle ;

Qu’en l’espèce, le demandeur au pourvoi a été informé depuis l’enquête préliminaire et devant la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET), de son droit de se faire assister d’un avocat de son choix ;

Qu’en procédant ainsi, l’arrêt attaqué a satisfait aux exigences des instruments internationaux et principes universels invoqués qui n’ont pas édicté une obligation générale de commission d’office d’un avocat-défenseur au profit d’une personne mise en cause en matière correctionnelle comme c’est le cas ;

Que le moyen, en cette deuxième branche, n’est pas fondé ;

Troisième branche du moyen, prise de la violation des dispositions de l’article 424 alinéa 1 du code de procédure pénale

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de la violation des dispositions de l’article 424 alinéa 1er du code de procédure pénale, de celles de l’article 14-3. f du pacte international relatif aux droits civils et politiques et du paragraphe A. 2. g des directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, en ce que le prévenu n’a bénéficié de la moindre assistance d’un interprète durant l’enquête préliminaire ou durant le procès ;

Mais attendu que les articles 404 et 424 alinéa 1er du code de procédure pénale disposent ce qui suit :

Article 404 : « La personne déférée en vertu de l’article 402 du présent code est avertie par le président qu’elle a le droit de réclamer un délai pour préparer sa défense ; mention de l’avis donné par le président et de la réponse du prévenu est faite dans le jugement.

Si le prévenu use de la faculté indiquée à l’alinéa précédent, le tribunal lui accorde un délai de trois (03) jours ouvrables au moins » ;

Article 424 alinéa 1er : « Dans le cas où le prévenu ne parle pas suffisamment la langue française ou s’il est nécessaire de traduire un document versé aux débats, le président, à défaut d’interprète assermenté en service dans les juridictions, nomme d’office un interprète, âgé de dix-huit (18) ans au moins et lui fait prêter serment de remplir fidèlement sa mission… ».

Qu’il ressort de l’arrêt attaqué que le « prévenu Ah Ac A a comparu, sans conseil mais assisté d’un interprète, et déclaré vouloir être jugé séance tenante, conformément aux dispositions de l’article 404 du code de procédure pénale » ;

Qu’en l’état de ces énonciations, ledit arrêt a satisfait tant aux dispositions de l’article 404 qu’à celles de l’article 424 du code de procédure pénale ;

Que la branche du moyen manque en fait ;

Quatrième branche du moyen prise de la violation de l’article 147 de la constitution du 11 décembre 1990 et des articles 2.2 et 14.5 du pacte international relatif aux droits civils et politiques relativement au principe du double degré de juridiction

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de la violation de l’article 147 de la Constitution du 11 décembre 1990 et des articles 2.2 et 14.5 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, ratifié le 12 mars 1992 par la République du Bénin, en ce qu’il a été rendu en application de la loi n°2001-37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire en République du Bénin, telle que modifiée par la loi n°2018-13 du 02 juillet 2018 relative à la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) dont l’article 19 alinéa 2 dispose notamment que les arrêts rendus par cette cour « sont susceptibles de pourvoi en cassation », privant ainsi le condamné du droit d’interjeter appel, alors que, selon la branche du moyen, les dispositions du pacte international relatif aux droits civils et politiques ci-dessus mentionnées ont institué le principe du double degré de juridiction comme élément essentiel des droits de la défense et du procès équitable et que l’article 147 de la Constitution du 11 décembre 1990 affirme : « les traités ou accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie » ;

Mais attendu que sous prétexte de la violation de la loi par l’arrêt attaqué, la branche du moyen présente à juger les dispositions de l’article 19 alinéa 2 de la loi n°2001-37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire en République du Bénin, telle que modifiée par la loi n°2018-13 du 02 juillet 2018 relative à la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) qui seraient en conflit avec celles du pacte international sus-cité et celles de l’article 147 de la Constitution du 11 décembre 1990 ;

Que la Haute Juridiction n’est pas juge de la constitutionnalité des textes de loi ni de leur conformité ou non aux accords et traités internationaux régulièrement ratifiés ;

Que le moyen, en cette quatrième branche, est irrecevable ;

PAR CES MOTIFS

- Reçoit en la forme  le présent pourvoi recevable;

- Le rejette quant au fond ;

- Met les frais à la charge du Trésor public.

Ordonne la transmission en retour du dossier au procureur spécial près la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) ;

Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême composée de :

Sourou Innocent AVOGNON, président de la chambre judiciaire, PRESIDENT;

Michèle O. A. CARRENA ADOSSOU et Isabelle SAGBOHAN, CONSEILLERS ;

Et prononcé à l’audience publique du vendredi vingt-quatre juillet deux mille vingt, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :

Ag Ae B, PROCUREUR GENERAL;

Osséni SEIDOU BAGUIRI, GREFFIER;

Et ont signé

Le président, Le rapporteur,

Sourou Innocent AVOGNON Michèle O. A. X Y

Le greffier.

Osséni SEIDOU BAGUIRI


Synthèse
Numéro d'arrêt : 30
Date de la décision : 24/07/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2020-07-24;30 ?
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