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04/06/2020 | BéNIN | N°2009-009/CA1

Bénin | Bénin, Cour suprême, 04 juin 2020, 2009-009/CA1


Texte (pseudonymisé)
N°83/CA du Répertoire
N° 2009-009/CA1 du Greffe
Arrêt du 04 juin 2020
AFFAIRE :
Dame Aa A
c/
Mairie d’Ac REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE
La Cour,
Vu la requête en date à Cotonou du 27 janvier 2009, enregistrée au greffe de la Cour le 30 janvier 2009 sous le n°048/GCS/09, par laquelle Aa A par l’organe de son conseil maître Emile A. DOSSOU-TANON, a saisi la Haute Juridiction d’un recours de plein contentieux contre la mairie d’Ac ;
Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre

2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la l...

N°83/CA du Répertoire
N° 2009-009/CA1 du Greffe
Arrêt du 04 juin 2020
AFFAIRE :
Dame Aa A
c/
Mairie d’Ac REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE
La Cour,
Vu la requête en date à Cotonou du 27 janvier 2009, enregistrée au greffe de la Cour le 30 janvier 2009 sous le n°048/GCS/09, par laquelle Aa A par l’organe de son conseil maître Emile A. DOSSOU-TANON, a saisi la Haute Juridiction d’un recours de plein contentieux contre la mairie d’Ac ;
Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Vu les pièces du dossier ;
Le Président Victor Dassi ADOSSOU entendu en son rapport ;
L’Avocat général Nicolas Pierre BIAO entendu en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme
Sur la recevabilité
Considérant qu’au soutien de son recours, la requérante expose :
Que courant 1998, la circonscription urbaine d’Ac avait lancé un appel public aux opérateurs économiques implantés dans ladite circonscription et aux bonnes volontés afin d’investir dans la construction de boutiques pour rehausser l’image du marché historique HOUNDILO ;
Que dans ce cadre, elle a obtenu toutes les autorisations nécessaires avant de construire sur ses propres deniers, un bâtiment qu’elle intégra après satisfaction de toutes les conditions exigées ;
Que dès son installation, la circonscription urbaine d’Ac a commencé par lui faire payer un droit de place mensuel de dix mille (10.000) francs qui passa à vingt mille (20.000) francs à la fin de l’année 2
Qu’à l’avènement de la décentralisation, la commune d’Ac a continué à percevoir cette taxe qu’elle n’a jamais raté de payer jusqu’en septembre 2008 ;
Qu’après les élections communales de mai-juin 2008 où son époux avait milité contre le maire sortant (réélu) et, en violation flagrante des lois, le maire a abusé de son autorité en lui adressant, d’une part, un avis de déguerpissement le 02 juin 2008 et, d’autre part, en détruisant sans dédommagement ladite boutique ;
Que par ailleurs, suite à l’avis de déguerpissement, elle a adressé un courrier à l’autorité communale le 03 juin 2008 pour réclamer un dédommagement ainsi que la sauvegarde de son fonds de commerce au cas où le déguerpissement devrait avoir lieu ;
Qu’en réponse à cette doléance, il lui a été demandé de produire à l’appréciation des autorités communales, les pièces ou titres ayant permis son installation et les factures afférentes aux travaux effectués ;
Qu'elle s’était promptement acquittée de cette tâche le 10 juin 2008, réaction qui a rencontré l’indifférence et la volonté manifeste de nuire de la part des autorités communales ;
Qu’alors qu’elle attendait une proposition juste et responsable de la part des autorités communales, tel un coup de poignard dans le dos, elle reçut le 09 septembre 2008, notification de l’arrêté communal N°4A/010/MCA/SG/ST du 08 septembre 2006 portant annulation de l’autorisation de construire N°4a 039/CUA/SG-BAG du 07 mai 98 à elle délivrée ;
Considérant que la requérante soutient que l’arrêté communal n°4A/MCA/ SG/ST du 08 septembre 2006 est irrégulier, nul et de nul effet en ce que le Maire a de toute évidence, consciemment ou inconsciemment antidaté ledit arrêté ;
Que l’autorité communale qui a pris ledit arrêté qu’il a daté au 08 septembre 2006 a visé des actes et évènements de 2008 ;
Qu’il s’agit d’une violation flagrante des dispositions de l’article 74 de la loi 97-029 du 15 janvier 1999, portant organisation des communes en République du Bénin qui dispose : « Les arrêtés du Maire, lorsqu'ils contiennent des dispositions générales, sont exécutoires dès qu’ils sont portés à la connaissance des populations par affichage ou toute autre voie de publication ;
La notification individuelle est nécessaire au préalable dans les autres cas ;
La notification individuelle est établie par le récépissé ou la décharge de la partie intéressée » ;
Qu'elle sollicite au regard de ce qui précède l’annulation de l’arrêté communal querellé, la condamnation de la Mairie d’Ac à la 3
réparation des préjudices par elle subis à la suite de la démolition illégale et abusive de sa boutique ;
Considérant que la requête est recevable pour avoir été introduite dans les forme et délai de la loi ;
Au Fond
Sur le moyen d’annulation tiré de la violation de la loi
Considérant que l’arrêté 2008 n°4A/010/MCA/SG/ST du 08 septembre 2006 porte en objet déguerpissement des installations de l’établissement Ab sur l’emprise du projet de reconstruction du marché HOUNDJLO ;
Que ce même arrêté annule en son article 1”, l’autorisation n°4A/039/CUA/SG-BAGD en date du 07 mai 1998 relative à la construction d’une boutique au marché Houndjlo d’Ac délivrée par le chef de la circonscription urbaine d’Ac au profit de BINOÏ Elise ;
Considérant que sur la base de cette autorisation, la construction a été achevée en 1999 ;
Qu’au regard des pièces au dossier, elle a coûté dix millions deux cent quarante trois mille sept cent trente six (10.243.736) francs ;
Considérant que l’arrêté communal incriminé porte annulation de l’autorisation de construire n°4A/039/CUA/SG-BAGD en date du 07 mai 1998 alors qu’il est notoirement établi que toute autorisation de construire est considérée comme valablement exécutée, dès lors que les constructions ont été effectivement érigées dans le temps imparti, selon le plan arrêté de commun accord ;
Que logiquement, l’autorité communale avait l’obligation contractuelle de garantir les investissements faits par elle et ce, en raison du principe de la continuité de l’administration publique ;
Qu’aucune faute ne lui a été imputée à l’occasion de l’exécution et de la mise en œuvre de l’autorisation de construire ;
Qu’en lui imposant une décision d’annulation, le maire a largement excédé ses pouvoirs ;
Que l’article 22 de la Constitution du 11 décembre 1990 dispose clairement : « Toute personne a droit à la propriété. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et contre juste et préalable dédommagement » ;
Qu’il est évident que la mesure de déguerpissement entreprise en l’état, sans dédommagement et sans sauvegarde du fonds de commerce de la requérante, par l’autorité communale qui avait non seulement autorisé l’érection de la boutique mais avait également perçu des redevances sur ces constructions faites sur fonds personnels, constitue un
abus et un excès de pouvoir ; fi Considérant que l’arrêté étant daté de 2006, il y a lieu de conclure qu’il est intervenu après que l'autorisation eut fini de produire ses effets ;
Considérant que cet arrêté ordonne aussi le déguerpissement de la requérante ;
Que dans ces conditions, il faut une juste et préalable indemnisation de la victime ;
Que les factures adressées par la requérante à la Mairie d’Ac sur demande de celle-ci n’ont jamais été réglées ou que les preuves de ce règlement ne figurent pas au dossier ;
Considérant que la mairie de la commune d’Ac n’a pas répondu aux mesures d'instructions du juge et n’a produit aucune observation au dossier ;
Que plusieurs fois convoquée à l’audience de la Cour, par des avis aussi bien par la poste que reçus au secrétariat du maire le 08 janvier 2020 (courrier n°8268/GCS) et le 16 janvier 2020 (courrier n°0295/GCS), la mairie d’Ac n’a pas cru devoir produire ses observations à la barre ;
Sur la réparation du préjudice subi
Considérant que c’est sur la base de l’arrêté n°4A/010/MCA/ SG/ST du 08 septembre 2006 que l’opération de déguerpissement a été menée et la boutique de la requérante détruite sans indemnisation préalable ;
Considérant qu’en fonction du renchérissement des prix des matériaux de construction, le coût de revient de la boutique ne serait plus le même aujourd’hui ;
Que le dédommagement se justifie également par la perte des biens et marchandises jetés à la rue sans aucune précaution, la perte de numéraires et de clientèle enregistrée par celle-ci ;
Qu’il y a lieu d’ordonner le dédommagement de la requérante par la mairie d’Ac ;
Considérant cependant, que la réclamation de la requérante paraît exagérée en son quantum ;
Qu’il y a lieu de la ramener à une juste proportion ;
PAR CES MOTIFS :
Décide :
Article 1 : La requête en date à Cotonou du 27 janvier 2009 de Aa A, assistée de maître Emile A. DOSSOU-TANON tendant d’une part, à l’annulation de l’arrêté n°4A/010/MCA/SG/ST du 08 septembre 2006 portant déguerpissement des installations de *
5
l’établissement Ab, installé sur l’emprise du projet de construction du marché de HOUNDJLO et d’autre part, à la condamnation de la mairie d’Ac à lui payer la somme de trois cent millions (300 000 000) de francs, au titre des préjudices subis, est recevable ;
Article 2 : Ledit recours est fondé ;
Article 3: La mairie d’Ac est condamnée à payer à Aa A, à titre de dommages-intérêts, la somme de six millions (6 000 000) de francs pour toutes causes de préjudices subis ;
Article 4: Les frais sont mis à la charge de la mairie d’Ac ;
Article 5: Le présent arrêt sera notifié aux parties et au Procureur général près la Cour suprême.
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre administrative) composée de :
Victor Dassi ADOSSOU, Président de la chambre administrative,
PRESIDENT ;
Rémy Yawo KODO
et CONSEILLERS ;
Dandi GNAMOU
Et prononcé à l’audience publique du jeudi quatre juin deux mille vingt, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus, en présence de :
Nicolas Pierre BIAO, Avocat général
MINISTERE PUBLIC ;
GREFFIER ; Et ont signé
Le Greffier,
Gédéon Affouda AKPONE


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2009-009/CA1
Date de la décision : 04/06/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2020-06-04;2009.009.ca1 ?
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