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13/03/2020 | BéNIN | N°2019-90

Bénin | Bénin, Cour suprême, 13 mars 2020, 2019-90


Texte (pseudonymisé)
N°2019-90/CJ-P du greffe ; Arrêt du 13 mars 2020 ; Af AG, Ah Z, Ae C Ag, Aj AI c/ Ministère public et Agent judiciaire du Trésor (AJT)

Compétence – Juridiction de renvoi – Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) – Qualité de membre du gouvernement (non)

Moyen de cassation – Lien avec l’arrêt dont pourvoi (non) – Irrecevabilité

Arrêt de renvoi – Défaut de notification ou de signification – Cas d’ouverture à cassation (non)

Instruc

tion préparatoire – Procès-verbal d’interrogatoire de première comparution – Défaut de représentation – ...

N°2019-90/CJ-P du greffe ; Arrêt du 13 mars 2020 ; Af AG, Ah Z, Ae C Ag, Aj AI c/ Ministère public et Agent judiciaire du Trésor (AJT)

Compétence – Juridiction de renvoi – Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) – Qualité de membre du gouvernement (non)

Moyen de cassation – Lien avec l’arrêt dont pourvoi (non) – Irrecevabilité

Arrêt de renvoi – Défaut de notification ou de signification – Cas d’ouverture à cassation (non)

Instruction préparatoire – Procès-verbal d’interrogatoire de première comparution – Défaut de représentation – Arrêt de renvoi – Présomption d’innocence – Violation (non)

Moyen de cassation – Faits – Juges du fond – Irrecevabilité

Moyen de cassation – Impayés – Dettes – Dissipation de fonds sous couvert d’impayés ou de dettes- Contradiction de motifs (non)

N’est pas fondé, le moyen tiré de l’incompétence de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) en tant que juridiction de renvoi, en raison de la qualité de membre du gouvernement de l’accusé, dès lors que les faits poursuivis sont intervenus alors qu’il n’avait pas encore cette qualité.

Est irrecevable, le moyen qui est sans aucun rapport avec l’arrêt dont pourvoi.

N’est pas fondé, le moyen tiré du défaut de notification ou de signification, en ce qu’il n’entache pas la régularité de l’arrêt dont pourvoi et ne viole pas les droits de la défense.

Il ne saurait être fait grief à l’arrêt de renvoi devant la juridiction criminelle rendu par une juridiction d’instruction, d’avoir violé le principe de la présomption d’innocence pour n’avoir formalisé à l’endroit de l’inculpé, demandeur au pourvoi, qu’un interrogatoire de première comparution, dès lors que ledit inculpé s’est abstenu de toute représentation et que des confrontations ont eu lieu entre ses coinculpés.

Est irrecevable, le moyen tiré de la violation de la loi qui tend en réalité à soumettre à la juridiction de cassation, des faits souverainement appréciés par les juges du fond. N’est pas fondé, le moyen tiré de la contradiction de motifs, dès lors que les juges du fond ont distingué l’existence de dettes et d’impayés, non constitutives d’infractions pénales d’une part, et la dissipation de sommes d’argent sous le couvert d’impayés, qui est quant à elle constitutive d’infraction pénale, d’autre part.

La Cour,

Vu l’acte n°002/COM-I/2019 du 02 octobre 2019 du greffe de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET), par lequel maîtres Théodore H. ZINFLOU et Victorien O. FADE, conseils de Af AG, Ah Z, Ae C Ag et Aj AI ont conjointement déclaré élever pourvoi en cassation contre l’arrêt de disjonction de non-lieu partiel et de renvoi devant la chambre criminelle de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) n°0010/CRIET/COM/2019, rendu le 25 septembre 2019 par la commission de l’instruction de ladite cour ;

Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;

Vu l’arrêt attaqué ;

Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ; 

Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;

Vu les pièces du dossier ;

Ouï à l’audience publique du vendredi 13 mars 2020 le président Sourou Innocent AVOGNON en son rapport ;

Ouï le procureur général Ak Ai X en ses conclusions ;

Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que suivant l’acte n°002/COM-I/2019 du 02 octobre 2019 du greffe de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET), maîtres Théodore H. ZINFLOU et Victorien O. FADE, conseils de Af AG, Ah Z, Ae C Ag et Aj AI ont conjointement déclaré élever pourvoi en cassation contre l’arrêt de disjonction de non-lieu partiel et de renvoi devant la chambre criminelle de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) n°0010/CRIET/COM/2019, rendu le 25 septembre 2019 par la commission de l’instruction de ladite cour ;

Que sur requête de maîtres Ab AJ et Aa AI, conseils de l’Agent Judiciaire du Trésor, le Président de la Cour suprême a pris l’ordonnance n°2019-060/PCS/SG/CAB du 28 novembre 2019 portant abréviation des délais de ladite procédure ;

Que par lettres n°s7898/GCS et7899/GCS du 29 novembre 2019 du greffe de la Cour suprême, maîtres Théodore H. ZINFLOU et Victorien O. FADE, conseils des demandeurs au pourvoi ont été mis en demeure de produire leur mémoire ampliatif dans un délai de quinze (15) jours, conformément aux dispositions de l’article 1er de l’ordonnance ci-dessus citée, puis des articles 12 et 13 de la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;

Que les mémoires ampliatif et en défense ont été produits ;

Que par lettre n°0041/HOK/SBNK/01/2020 du 29 janvier 2020, maître Hugo O. KOUKOLOU s’est constitué aux intérêts de Ae C Ag, l’un des demandeurs au pourvoi et a déposé un ‘‘mémoire en demande’’ spécialement pour son compte, alors que les délais de la procédure sont expirés et que maîtres Théodore ZINFLOU et Victorien O. FADE ont produit le mémoire ampliatif pour le compte de tous les demandeurs ;

EN LA FORME

Attendu que le présent pourvoi a été élevé dans les formes et délai de la loi ;

Qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;

AU FOND

Faits et procédure

Attendu que courant 2007 à 2016, l’Etat béninois et certains de ses partenaires financiers ont mis à la disposition du Fonds National de la Microfinance (FNM), une structure étatique, une enveloppe financière de cent cinquante-six milliards (156 000 000 000) de francs CFA destinée à la mise en œuvre de divers programmes comme le programme de microcrédits aux plus pauvres ;

Que la gestion de ce montant par le Fonds National de la Microfinance (FNM) et les Services Financiers Décentralisés (SFD) s’est soldée par un déficit de plus de vingt milliards (20 000 000 000) de francs CFA supposé être des impayés accumulés par les bénéficiaires des microcrédits ;

Qu’une enquête judiciaire a été alors ouverte ;

Qu’en clôturant l’information judiciaire, la Commission de l’Instruction de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) a rendu l’arrêt du 25 septembre 2019 par lequel elle a entre autres, ordonné le renvoi devant la chambre criminelle de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) des inculpés Af AG pour les faits de détournement de deniers publics, abus de fonctions, enrichissement illicite et corruption dans la passation des marchés publics, blanchiment de capitaux, Ah Z et Ae C Ag pour complicité de détournement de deniers publics, abus de fonctions, enrichissement illicite, corruption dans la passation des marchés publics et blanchiment de capitaux, et Aj AI pour corruption dans la passation des marchés publics ;

Que c’est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;

DISCUSSION DES MOYENS

Sur le premier moyen tiré de l’incompétence de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) pour connaître des infractions commises par un ministre d’un gouvernement béninois

Attendu qu’il est reproché à la Commission de l’instruction de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) de s’être déclarée compétente et d’avoir ordonné le renvoi de Af AG devant la chambre criminelle de ladite cour en motivant entre autres que « si l’on s’accorde sur le fait que les impayés devraient être recouvrés et reversés au Fonds National de la Microfinance (FNM) par les Services Financiers Décentralisés (SFD), l’on ne comprend pas pour quelle raison, en février 2016, l’ancien directeur général du Fonds National de la Microfinance (FNM), entre-temps devenu ministre des finances, a décidé d’une opération de transfert par le Trésor Public en faveur du Fonds National de la Microfinance (FNM) de la somme d’un milliard (1 000 000 000) FCFA pour compenser les impayés au 31 décembre 2013, si ce n’est pas pour couvrir les irrégularités pendant qu’il était directeur général », … « qu’entre 2009 et 2015, des paiements fictifs enregistrés dans la comptabilité du Fonds National de la Microfinance (FNM) atteignent le montant de FCFA cent cinquante-cinq millions (155 000 000) »…, alors que, selon le moyen, les faits reprochés à Af AG, qui n’était plus directeur général du Fonds National de la Microfinance (FNM) depuis août 2013, devraient plutôt tomber sous le coup des dispositions de l’article 136 de la Constitution instituant la Haute Cour de Justice ; qu’en outre, le code de procédure pénale en son article 184 sanctionne de nullité toute violation des dispositions relatives, entre autres, à la compétence ;

Qu’en étendant la période sous revue dans l’inculpation aux années 2014, 2015 et 2016, toute la procédure d’instruction tant au premier cabinet du juge d’instruction que devant la commission d’instruction de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) est frappée d’une nullité absolue et l’arrêt encourt cassation ;

Mais attendu que les juges de la Commission de l’instruction de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) ont, dans l’arrêt querellé, prononcé la mise en accusation et ordonné le renvoi de Af AG devant la chambre criminelle de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) pour des faits par lui commis courant 2007 à 2013, donc pendant qu’il était directeur général du Fonds National de la Microfinance (FNM) ; que dans ledit arrêt, il est indiqué que « …. Af AG était directeur du Fonds National de la Microfinance (FNM) pendant la période incriminée et que c’est sous son autorité que ces abus d’irrégularité ont été commis » ;

Qu’il ressort en outre des pièces de fond du dossier de l’instruction que depuis son interrogatoire de 1ère comparution en date du 06 avril 2018 par le juge du 1er cabinet d’instruction du tribunal de Cotonou jusqu’au réquisitoire définitif du Procureur Spécial près la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) en date du 20 septembre 2019, Af AG a été inculpé pour des faits commis courant 2007 à 2013, « en sa qualité d’agent du Fonds National de la Microfinance (FNM)[une structure subventionnée par l’Etat] », et donc avant son entrée au gouvernement au poste de Ministre de la Communication et des Technologies de l’Information et de la Communication par décret n°2013-319 du 11 août 2013 ;

Qu’en conséquence, le moyen qui tend à considérer que Af AG est poursuivi en qualité de membre du gouvernement ou au titre de ces fonctions ou encore pour des faits qui se sont déroulés à l’occasion de ces fonctions, n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen tiré de la violation de la loi par refus d’application d’une règle à une situation qu’elle devait régir

Première branche prise de la violation de l’article 125 de la loi n°90-032 du 11 décembre 1990 portant Constitution du Bénin

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de n’avoir pas su marquer la séparation des acteurs chargés de l’exercice de l’action publique d’avec les membres de l’exécutif en ce que, ce n’est ni le juge du 1er Cabinet d’instruction du tribunal de Cotonou, ni la commission de l’instruction de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) ni un magistrat de la Cour suprême qui a décidé de l’annulation du passeport personnel de Af AG et la transmission de son mandat d’arrêt à Madrid en Espagne en vue de son arrestation et de son extradition, alors que, selon cette branche du moyen, cette immixtion flagrante du ministre de la justice, membre de l’exécutif dans l’exercice du pouvoir judiciaire viole les dispositions de l’article 125 de la Constitution du Bénin instituant la séparation des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire ;

Mais attendu que le pourvoi est un procès fait à une décision ;

Que dans le cas d’espèce, l’arrêt dont pourvoi ne s’est prononcé nulle part sur l’annulation d’un passeport ou la transmission d’un mandat d’arrêt ;

Que ce moyen tiré hors de l’arrêt est irrecevable ;

Deuxième branche prise de la violation des dispositions de l’article 236 du code de procédure pénale

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de la violation des dispositions de l’article 236 du code de procédure pénale en ce que, l’arrêt de disjonction, de non-lieu partiel et de renvoi dont pourvoi, n’a pas été notifié au domicile réel de Af AG et aux autres inculpés ainsi qu’à leurs conseils par la commission d’instruction, mais plutôt par le procureur spécial près la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) avec une date d’audience déjà programmée au 24 octobre 2019 pour connaître de leur comparution devant la chambre criminelle de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET), prenant ainsi de court les avocats des inculpés, alors que, selon cette branche du moyen, l’omission de cette formalité obligeant le juge d’instruction à porter les arrêts à la connaissance des conseils des inculpés et des parties civiles dans les trois (03) jours, constitue une violation des droits de la défense ;

Mais attendu que le défaut de notification ou de signification, en tant qu’il ne constitue pas un vice qui entache l’arrêt, ne peut justifier la cassation de celui-ci, surtout en l’absence de violation des droits de la défense ;

Que le moyen en sa deuxième branche n’est pas fondé ;

Troisième branche prise de la violation des principes généraux du code de procédure pénale

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation des principes généraux du code de procédure pénale et notamment la présomption d’innocence en ce que, la Commission de l’instruction de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) a déclaré les charges suffisamment établies à l’égard de Af AG sur la seule base de son interrogatoire de première comparution devant le juge du 1er cabinet d’instruction du tribunal de Cotonou, sans confrontation avec ses autres coinculpés et sans avoir été régulièrement écouté par ladite commission de l’instruction qui n’a instruit qu’à charge contre lui, alors que, selon cette branche du moyen, les principes généraux du code de procédure pénale, de la Constitution du 11 décembre 1990 et de l’article 17 de la déclaration universelle des droits de l’homme prescrivent :« que toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie » ; qu’en retenant à sa charge ces infractions, alors qu’il a été empêché à dessein par l’exécutif de comparaître pour assurer sa défense suite à l’annulation de son titre personnel de transport pendant qu’il se trouvait à l’extérieur du Bénin, la commission de l’instruction a violé les dispositions ci-dessus citées et l’arrêt entrepris mérite cassation ;

Mais attendu qu’il ressort des pièces du dossier de l’instruction précisément du procès-verbal de son interrogatoire de première comparution du 06 avril 2018 par le juge du 1er cabinet d’instruction du tribunal de Cotonou, que Af AG « a été maintenu en liberté à charge pour lui de prendre l’engagement de comparaître à toutes injonctions de la part du juge et qu’en cas de manquement, il pourrait faire l’objet d’un mandat… » ;

Qu’il résulte cependant du procès-verbal de carence du 18 décembre 2019 qu’invité à comparaître devant la commission de l’instruction de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) pour son interrogatoire au fond le mardi 13 novembre 2018, Af AG ne s’est pas présenté ; que seul son conseil, maître Théodore H. ZINFLOU « était arrivé avec une lettre indiquant qu’il vit hors du territoire national et que suite à l’annulation de son passeport, il souhaite obtenir une autorisation pour adresser un mémoire à la commission » ;

Qu’en réponse, la commission a par courrier du 16 novembre 2018, signifié à maître Théodore H. ZINFLOU qu’un mémoire ne saurait remplacer l’information judiciaire ;

Qu’une nouvelle convocation a été adressée à Af AG pour un autre interrogatoire au fond programmé pour le mardi 18 décembre 2019, mais qu’advenue cette date ni l’inculpé, ni son conseil ne se sont présentés à la commission, sans aucune explication de leur part ;

Que plusieurs confrontations ont eu lieu entre les inculpés ayant déféré aux convocations de la commission d’instruction ;

Qu’en conséquence l’arrêt de disjonction, de non-lieu partiel et de renvoi devant la chambre criminelle de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) n’est pas reprochable du grief de la violation du principe de la présomption d’innocence qui ne peut se confondre à une déclaration de culpabilité ;

Que le moyen en sa troisième branche n’est pas fondé ;

Quatrième branche prise de la violation de l’article 199 du code de procédure pénale et des articles 45, 55 et 108 de la loi n°2011-20 du 12 octobre 2011

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation de l’article 199 du code de procédure pénale et des articles 45, 55 et 108 de la loi n°2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin en ce que, la commission de l’instruction de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) a retenu des faits de détournement de deniers publics d’enrichissement illicite, de blanchiment de capitaux etc…à la charge des mis en cause en motivant entre autres que :

« Attendu que les dirigeants du Fonds National de la Microfinance (FNM) sans aucune justification, "annonce" des impayés comme cause des manquants relevés dans la comptabilité du fonds… que par ailleurs, si l’on s’accorde sur le fait que les impayés devraient être recouvrés et reversés au Fonds National de la Microfinance (FNM) par les Services Financiers Décentralisés (SFD), l’on ne comprend pas pour quelle raison, en février 2016, l’ancien directeur général du Fonds National de la Microfinance (FNM), entre- temps devenu ministre des Finances, a décidé d’une opération de transfert par le Trésor public en faveur du Fonds National de la Microfinance (FNM) de la somme d’un milliard (1 000 000 000) FCFA pour compenser les impayés au 31 décembre 2013, si ce n’est pas pour couvrir les irrégularités orchestrées pendant qu’il était directeur général …, qu’on peut en déduire qu’il ne s’agissait pas d’impayés mais de fonds qui ont été dissipés … qu’ainsi, entre 2009 et 2015, des paiements fictifs enregistrés dans la comptabilité du Fonds National de la Microfinance (FNM) atteignent le montant FCFA cent cinquante-cinq millions (155 000 000) … que l’on peut en conclure qu’il s’agit de montants détournés car si les Services Financiers Décentralisés (SFD) n’avaient pas représenté les sommes en cause, les écritures n’auraient pas été passées … »,

alors que, selon cette branche du moyen, d’une part, c’est le conseil des ministres qui a décidé de mettre en place une provision d’un milliard (1 000 000 000) F CFA pour provisionner des impayés conformément à la politique de provisionnement du Fonds National de la Microfinance (FNM) ; d’autre part, le montant de F CFA cent cinquante-cinq millions (155 000 000) évoqué, constitue des montants payés directement par les Services Financiers Décentralisés (SFD) dans les comptes du Trésor public qui devait à son tour les positionner sur les comptes de Fonds National de la Microfinance (FNM) ;

Que les juges de la commission de l’instruction auraient dû déterminer, en partant de l’élément légal, les faits qui sont constitutifs de telles ou telles infractions pour démontrer l’imputabilité de ces faits à tels ou tels mis en cause ;

Qu’en n’indiquant pas de façon précise les motifs pour lesquels il existe ou non contre les mis en cause des charges suffisantes, la commission de l’instruction a violé les articles cités ci-dessus ;

Mais attendu que sous le grief de violation de la loi, le moyen tend en réalité à soumettre à nouveau à la Haute juridiction des faits ou des éléments de faits souverainement appréciés par les juges du fond ;

Que le moyen en sa quatrième branche est irrecevable ;

Cinquième branche prise de la mauvaise application ou du refus d’appliquer les dispositions des articles 59 et 60 du code pénal

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de la mauvaise application ou du refus d’application des dispositions des articles 59 et 60 du code pénal en ce que, les juges de la commission de l’instruction de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) n’ont pas pu établir l’existence des faits reprochés à Af AG avant de retenir Ah Z, Ae C Ag et Aj AI comme complices des infractions qui lui sont reprochés ; qu’en ce qui concerne particulièrement Aj AI, l’arrêt s’est juste limité à évoquer sa proximité avec Af AG pour conclure à la complicité de corruption alors que, selon cette branche du moyen, la preuve de l’assistance de l’intéressé à la commission des infractions ou du moyen fourni par celui-ci devrait être rapportée ;

Qu’en n’indiquant pas de façon précise en quoi les personnes poursuivies pour complicité ont participé activement et intentionnellement à la commission desdites infractions, la commission d’instruction a violé les dispositions du code pénal ci-dessus-citées ;

Mais attendu que l’arrêt a retenu que :

« Ah Z, Ae C Ag et Aj AI ont occupé respectivement les fonctions de directeur la comptabilité, d’agent comptable et de directeur administratif et du matériel et avaient pour devoir d’observer l’orthodoxie financière ; Que cependant, ils ont facilité des procédures de décaissements sans fondements … que l’instruction révèle qu’un montant de vingt millions (20 000 000) FCFA a été dissipé à travers l’émission d’un chèque … sans qu’il y ait la preuve que ces fonds ont été versés à la cellule … que des dépenses effectuées au cours de 2013 à 2016 d’un montant de huit millions cent quarante-sept mille quatre cent quatre-vingt-quinze (8 147 495) FCFA n’ont pas pu être justifiées … que le nommé Ah Z a spécialement constitué une courroie de blanchiment de capitaux dans la mesure où les relevés de compte de Af AG ont révélé qu’il a effectué de nombreux versements en espèces sur les comptes BOA et BSIC de ce dernier … qu’il y a lieu dès lors de retenir la responsabilité des nommés Ah Z et Ae C Ag pour complicité de détournement de deniers publics, abus de fonctions, enrichissement illicite, blanchiment de capitaux et pour corruption dans la passation des marchés publics et celle de Aj AI pour corruption dans la passation des marchés publics » ;

Que par ces constatations et énonciations, les juges de la commission de l’instruction de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) ont fait l’exacte application de la loi ;

Que le moyen en sa dernière branche n’est pas fondé ;

Sur le troisième moyen tiré de la contradiction des motivations

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la contrariété des motivations en ce que la commission de l’instruction, pour conclure au non-lieu contre Ad An B, Ac Y et Al AH, des chefs de détournement de deniers publics et enrichissement illicite, a dit que l’instruction a révélé que la somme de F CFA 3 946 802 646 dont on leur reprochait la dissipation n’a jamais été payée par le trésor faute de liquidité ; que la preuve d’une gestion rigoureuse de la somme de 2 000 000 000 F CFA reçue du Fonds National de la Microfinance (FNM) était faite s’agissant de l’inculpé Am A, directeur exécutif du Service Financier Décentralisé (SFD) COMUBA, qui a remboursé FCFA 1 597 916 664 et a soldé son compte en utilisant son bonus de F CFA 20 000 000 que le Fonds National de la Microfinance (FNM) lui a octroyé et complété sur fonds propres ;

Que par des analyses similaires des mêmes faits, la commission d’instruction a paradoxalement imputé la dette des Services Financiers Décentralisés (SFD) à Af AG comme dissipation des fonds, alors que, selon le moyen, si les juges de la commission de l’instruction reconnaissent qu’un Service Financier Décentralisé (SFD) reste devoir de l’argent tant qu’il n’a pas payé, les dettes des Services Financiers Décentralisés (SFD) ne peuvent pas se retrouver comme détournement imputé au gestionnaire du Fonds National de la Microfinance (FNM) qu’est Af AG ;

Que par cette contrariété de motivation, l’arrêt attaqué encourt cassation ;

Mais attendu que c’est sans se contredire que l’arrêt attaqué a distingué l’existence de dettes ou d’impayés de la dissipation de sommes sous le couvert d’impayés et justement retenu qu’alors que la première n’est pas constitutive d’infraction, en revanche la seconde l’est ;

Qu’il s’en suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

-Reçoit en la forme le présent pourvoi ;

-Le rejette quant au fond ;

-Met les frais à la charge du Trésor public ;

Ordonne la notification du présent arrêt au procureur général près la Cour suprême, au procureur spécial près la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) ainsi qu’aux parties ;

Ordonne la transmission en retour du dossier au procureur spécial près la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET).


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2019-90
Date de la décision : 13/03/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2020-03-13;2019.90 ?
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