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13/03/2020 | BéNIN | N°15

Bénin | Bénin, Cour suprême, 13 mars 2020, 15


Texte (pseudonymisé)
N° 15/CJ-DF du Répertoire ; N° 2012-11/CJ/CT du greffe ; Arrêt du 13 mars 2020 ; Aj Ac A (Me Guy-Lambert YEKPE) C/ Ai AG (Me Salomon ADJAKOU).

Droit foncier domanial – Cas d’ouverture à cassation – Défaut de motif – Défaut de mentions substantielles – Motifs contradictoires – Cassation.



Mérite cassation l’arrêt qui ne justifie pas la solution donnée au litige.

Le défaut des mentions substantielles constitue une cause d’annulation.



Encourt également cassation, l’arrêt dont les motifs sont contradictoires et équivoqu

es.



La Cour,



Vu l’acte n°016/2011 du 10 août 2011 du greffe de la cour d’appel d’Aa par lequel Aj Ac A a déclaré...

N° 15/CJ-DF du Répertoire ; N° 2012-11/CJ/CT du greffe ; Arrêt du 13 mars 2020 ; Aj Ac A (Me Guy-Lambert YEKPE) C/ Ai AG (Me Salomon ADJAKOU).

Droit foncier domanial – Cas d’ouverture à cassation – Défaut de motif – Défaut de mentions substantielles – Motifs contradictoires – Cassation.

Mérite cassation l’arrêt qui ne justifie pas la solution donnée au litige.

Le défaut des mentions substantielles constitue une cause d’annulation.

Encourt également cassation, l’arrêt dont les motifs sont contradictoires et équivoques.

La Cour,

Vu l’acte n°016/2011 du 10 août 2011 du greffe de la cour d’appel d’Aa par lequel Aj Ac A a déclaré élever pourvoi en cassation contre toutes les dispositions de l’arrêt n°072/CTB rendu le 10 août 2011 par la chambre de droit traditionnel de cette cour ;

Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;

Vu l’arrêt attaqué ;

Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;

Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;

Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;

Vu la loi n° 2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial en République du Bénin modifiée et complétée par la loi n°2017-15 du 10 août 2017 ;

Vu les pièces du dossier ;

Ouï à l’audience publique du vendredi treize mars deux mil vingt, le président Sourou Innocent AVOGNON en son rapport ;

Ouï le procureur général Af Ag X en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que suivant l’acte n°016/2011 du 10 août 2011 du greffe de la cour d’appel d’Aa, Aj Ac A a déclaré élever pourvoi en cassation contre toutes les dispositions de l’arrêt n°072/CTB rendu le 10 août 2011 par la chambre de droit traditionnel de cette cour ;

Que par lettre n°1041/GCS du 26 avril 2012 du greffe de la Cour suprême, la demanderesse a été mise en demeure de consigner dans le délai de quinze (15) jours, de constituer avocat et de produire son mémoire ampliatif dans le délai d’un (01) mois, le tout, conformément aux dispositions des articles 3, 6 et 12 de la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;

Que la consignation a été payée et le mémoire ampliatif produit ;

Que par contre, le défendeur n’a pas réagi malgré le communiqué radio en date du 04 février 2013 et la communication du mémoire ampliatif à lui faite par lettres n°s1179 et 1180/GCS du 12 avril 2013 et n°3154/GCS du 04 décembre 2013 du greffe de la Cour suprême transmise par correspondance n°3155/GCS de la même date adressée au commandant de la brigade de gendarmerie d’Azovè ;

Que le procureur général a produit ses conclusions ;

En la forme

Attendu que le présent pourvoi a été élevé dans les forme et délai de la loi ;

Qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;

Au fond

Faits et procédure

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que par requête en date à Aplahoué du 04 juillet 1994, Ai AG et Ab AG ont saisi le tribunal de première instance de Lokossa en confirmation de droit de propriété sur un domaine sis à Azovè ;

Que par jugement n°006/96 du 08 janvier 1996, le tribunal saisi a confirmé le droit de propriété de Aj Ac A sur la parcelle litigieuse ;

Que sur appel de Ai AG, la cour d’appel d’Aa statuant en matière civile traditionnelle (biens) a, par arrêt n°072/CTB du 10 août 2011, infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, puis, évoquant et statuant à nouveau, a confirmé le droit de propriété des héritiers de feu Ae AG sur le domaine litigieux ;

Que c’est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;

DISCUSSION DES MOYENS

Premier moyen tiré de la violation de la loi

Première branche du moyen prise de la violation de l’article 17 du décret organique du 03 décembre 1931 par fausse qualification des faits

Attendu qu’il fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir infirmé le jugement n°006/96 du 08 janvier 1996 en ce que, la prescription extinctive tirée de l’article 17 du décret organique du 03 décembre 1931 organisant la justice locale en Afrique Occidentale Française profite à Ai AG alors que, selon cette branche du moyen,

1- La prescription extinctive de l’article 17 permet au défendeur de repousser, par voie d’exception, l’action exercée par le demandeur de manière tardive et ne peut être soulevée que par le défendeur, le demandeur possesseur ne pouvant qu’invoquer la prescription acquisitive pour faire reconnaître l’étendue de son droit ou paralyser les attaques dont il serait victime ; qu’il a été jugé par la chambre d’annulation que le droit de propriété ne se prescrit pas par le non-usage et que l’action en revendication d’un immeuble peut s’exercer tant que le défendeur ne justifie pas être lui-même devenu propriétaire de l’immeuble revendiqué par une possession contraire, réunissant tous les caractères exigés par la prescription acquisitive du droit français ;

2- L’analyse combinée des dispositions de l’article 2262 du code civil et de la jurisprudence de la chambre d’annulation sus-citée permet a contrario au demandeur à l’action de revendiquer un immeuble remplissant les conditions exigées pour se prévaloir de l’usucapion, à savoir la possession continue, ininterrompue, paisible et sans trouble ; que la prescription acquisitive ou usucapion qui apparaît en pratique comme une technique de consolidation donne au possesseur-authentique le moyen de suppléer la production de titres ayant disparu au fil des ans ; qu’à défaut, la propriété resterait sujette à contestation de manière indéfinie ; qu’il a été admis que la prescription acquisitive exige comme condition la possession paisible et sans trouble de celui qui s’en prévaut, comme c’est le cas en l’espèce ; que Ai AG est demandeur en la présente cause ; qu’en invoquant la prescription extinctive qui ne peut profiter qu’à dame Aj Ac A au lieu de la prescription acquisitive, l’arrêt attaqué a commis une erreur dans la qualification des faits et a appliqué la loi à une situation qu’elle ne saurait régir, l’erreur dans la qualification des faits ou des actes constituant une violation de la loi par fausse application ;

Qu’en conséquence, l’arrêt attaqué encourt cassation de ce chef ;

Attendu en effet que l’article 17 du décret organique du 03 décembre 1931 dispose : « En matière civile et commerciale, l’action se prescrit par trente (30) ans lorsqu’elle est basée sur un acte authentique, par dix (10) ans dans les autres cas. L’exécution d’une décision judiciaire peut être poursuivie pendant trente (30) ans » ;

Qu’en l’espèce, la prescription de l’article 17 du décret organique du 03 décembre 1931 ne s’accommode pas des dispositions de l’article 2262 du code civil, d’ailleurs inapplicables en matière traditionnelle d’une part, que d’autre part, les conditions de sa mise en œuvre n’ont pas été examinées par les juges de la cour d’appel d’Aa qui, sans indiquer ce qui justifie leur décision, ont affirmé que « le premier juge … a méconnu les dispositions de l’article 17 du décret organique du 03 décembre 1931 … » ;

Que se déterminant ainsi qu’ils l’ont fait, les juges d’appel ont violé l’article sus-indiqué et l’arrêt attaqué encourt cassation de ce chef ;

Deuxième branche du moyen prise de la violation de l’article 85 du décret organique du 03 décembre 1931

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 85 du décret organique du 03 décembre 1931 en ce que, bien qu’ayant indiqué dans sa composition Ad B comme assesseur de coutume Adja, celle des parties, les juges ont statué « publiquement, contradictoirement en matière civile de droit traditionnel avec le concours de l’assesseur de coutume fon, celle des parties, en appel et en dernier ressort … », alors que, selon cette branche du moyen, l’arrêt ne renseigne pas sur la coutume appliquée et la jurisprudence fermement établie par la chambre d’annulation indique que « l’énoncé (de la coutume) doit porter sur tous les points de la coutume intéressant le procès », l’absence de l’énoncé étant considérée comme une cause de nullité à moins que cette indication puisse se déduire du contexte du jugement ;

Attendu en effet, que l’article 85 du décret organique du 03 décembre 1931 prévoit que les jugements et arrêts des juridictions de droit local doivent mentionner, entre autres, les noms des membres du tribunal de la coutume de ceux qui sont citoyens de statut personnel particulier, et l’énoncé complet de la coutume appliquée ;

Qu’en l’espèce, l’assesseur Adja a été mentionné dans la composition de la cour d’appel qui a dit avoir statué « avec le concours de l’assesseur de coutume fon, celle des parties » sans énoncer la coutume appliquée qui ne se déduit d’aucun motif de l’arrêt attaqué ;

Que cette formalité étant substantielle, sa non observance est cause d’annulation de la décision ;

Qu’il s’ensuit que l’arrêt attaqué encourt également cassation de ce chef ;

Deuxième moyen tiré du défaut de motifs

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le droit de propriété de Ai AG sur le domaine litigieux en ce que, l’arrêt a indiqué que les nommés Y Z, Ena Y et Ah Z n’ont pas jusqu’en 1994 réagi à l’exploitation paisible et prolongée du domaine par Ai AG qui avait le 27 avril 1979 payé les frais de lotissement du domaine, alors que, selon le moyen, l’arrêt n’a pas précisé la date du début de l’’exploitation du domaine par Ai AG, qu’en prenant la date du 27 avril 1979 comme date de départ de l’exploitation paisible et prolongée, il ne s’est pas écoulé plus de quinze (15) ans entre cette date et l’introduction de la présente cause en 1994, et qu’en affirmant que les héritiers de feu Y en avaient laissé l’exploitation pendant plusieurs décennies aux héritiers de feu Ae AG, l’arrêt attaqué comporte des motifs contradictoires, ce que équivaut à un défaut de motifs ;

Attendu en effet que les juges d’appel ont retenu dans leurs motifs que « … Attendu que l’appelant Ai AG avait le 27 avril 1979 payé les frais de lotissement du domaine querellé ; que le droit de propriété des héritiers Ae AG, père de l’appelant n’a jamais été contesté par les héritiers Y, ni par Aj Ac A elle-même jusqu’en juillet 1994, qu’il y a lieu d’en déduire que les héritiers de feu Y avaient laissé l’exploitation du domaine pendant plusieurs décennies aux héritiers de feu Ae AG, qu’ainsi, le premier juge en confirmant le droit de propriété de Aj Ac A a méconnu les dispositions de l’article 17 du décret organique du 03 décembre 1931 organisant la justice locale en Afrique Occidentale Française (A O F), qu’il y a lieu d’infirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions, la prescription extinctive tirée de l’article 17 du décret organique du 03 décembre 1931 profitant à l’appelant » ; qu’ils n’ont pas démontré en quoi l’article 17 du décret organique s’applique aux faits énoncés pour en tirer les conclusions de droit qui s’imposent ;

Qu’en statuant ainsi qu’ils l’ont fait, les juges d’appel n’ont pas suffisamment motivé leur décision ;

Que l’arrêt encourt cassation ;

PAR CES MOTIFS

Reçoit, en la forme, le présent pourvoi ;

Au fond, casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt n°072/CTB du 10 août 2011 rendu par la chambre civile traditionnelle de la cour d’appel d’Aa ;

Renvoie la cause et les parties devant la cour d’appel d’Aa autrement composée ;

Met les frais à la charge du Trésor public ;

Ordonne la notification du présent arrêt au procureur général près la Cour suprême ainsi qu’aux parties ;

Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d’appel d’Aa ;

Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre judiciaire) composée de :

Sourou Innocent AVOGNON, président de la chambre judiciaire, PRESIDENT ;

Michèle CARRENA ADOSSOU et Antoine GOUHOUEDE, CONSEILLERS ;

Et prononcé à l’audience publique du vendredi treize mars deux mil vingt, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de : 

Af Ag X, procureur général, MINISTERE PUBLIC ;

Mongadji Henri YAÏ, GREFFIER ;

Et ont signé

Le président-rapporteur, Le greffier.

Sourou Innocent AVOGNON Mongadji Henri YAÏ


Synthèse
Numéro d'arrêt : 15
Date de la décision : 13/03/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2020-03-13;15 ?
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