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04/03/2020 | BéNIN | N°2002-154/CA3

Bénin | Bénin, Cour suprême, 04 mars 2020, 2002-154/CA3


Texte (pseudonymisé)
DKK
N° 042/CA du Répertoire
N° 2002-154/CA3 du Greffe
Arrêt du 04 mars 2020
AFFAIRE :
Ae B
Préfet des départements
de l’Atlantique et du Littoral et Z M. Ad REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE La Cour,
Vu la requête introductive d’instance sans date, enregistrée au secrétariat de la Chambre administrative de la Cour suprême le 19 novembre 2002 sous le n°694/CS/CA, par laquelle Ae B a, par l’organe de son conseil, maître Gustave ANANI CASSA, saisi la haute Juridiction d’un recours de plein

contentieux tendant à l’annulation du permis d’habiter n° 2/224 du 22 mai 2002 et à la condamnation ...

DKK
N° 042/CA du Répertoire
N° 2002-154/CA3 du Greffe
Arrêt du 04 mars 2020
AFFAIRE :
Ae B
Préfet des départements
de l’Atlantique et du Littoral et Z M. Ad REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE La Cour,
Vu la requête introductive d’instance sans date, enregistrée au secrétariat de la Chambre administrative de la Cour suprême le 19 novembre 2002 sous le n°694/CS/CA, par laquelle Ae B a, par l’organe de son conseil, maître Gustave ANANI CASSA, saisi la haute Juridiction d’un recours de plein contentieux tendant à l’annulation du permis d’habiter n° 2/224 du 22 mai 2002 et à la condamnation de l’administration au paiement de la somme de cinq millions 5.000.000 de francs CFA à titre de dommages-intérêts ;
Vu l’ordonnance n° 21/PR du 26 avril 1966 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême, alors en vigueur ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes telle que modifiée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 ;
Vu toutes les pièces du dossier ;
Le Conseiller Isabelle SAGBOHAN entendu en son rapport et l’Avocat général Saturnin D. AFATON en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Considérant que la requérante, par l’organe de son conseil, expose :
Qu'’elle a acquis à titre onéreux, suivant convention de vente en date du 10 juin 1965, une parcelle non bâtie de 25 mètres sur 25 mètres sise à Ai Af, auprès de Ag Y qui tenait lui-même son droit de propriété de AHOTIN Awléhoun ;
Qu'elle s’est acquittée de tous les frais afférents aux opérations de lotissement et de recasement, étant propriétaire du domaine depuis le 10 juin 1965 ;
Que c’est après s’être acquittée de ses obligations vis-à-vis de l’administration que cette dernière, consolidant son droit de propriété dont elle jouissait depuis plus de trente (30) ans, l’a faite attributaire de la parcelle "q" du lot n° 276 d’Ab Ai ;
Que suite à cette attribution, elle a érigé un bâtiment sur sa propriété et y vit depuis plusieurs années, sans anicroche ;
Qu’en 1995, le préfet de l’Atlantique et du Littoral a, de façon irrégulière, pris un arrêté de retrait n°2/517/DEP-ATL/SG/SAD du 13 septembre 1995 de cette parcelle "q" du lot 276, au profit de la collectivité C Ah représentée par C Ac ;
Que depuis lors, elle n’a de cesse d’être troublée dans la jouissance de son droit de propriété malgré le retrait dudit arrêté par celui n°02/934/DEP-ATL/SG/SAD du 07 décembre 1995, pris à la suite d’une séance de travail en date du 26 octobre 1995, présidée par le préfet Aa A, séance à laquelle toutes les parties litigantes avaient participé ;
Que le comble est que C Ac, représentant de la collectivité C Ah Aj a, sur la base d’un arrêté déjà rapporté et avec la complicité de certaines personnes, cédé la parcelle en cause à Ad Z, alors qu’il a pris activement part à la séance de travail contradictoire sus évoquée et que mieux, C Ah Aj, a reconnu avoir déjà cédé cette parcelle à Ag Y, de qui elle tient son droit de propriété ;
Que les consorts C, soutenus par les membres de la commission nationale des affaires domaniales (CNAD) du Ministère de l’Intérieur, de la Sécurité et de la Décentralisation (MISD) qui n’entendent pas la laisser jouir de son droit, l’ont en catimini assignée par devant le juge des référés pour l’audience du 19 juillet 2002 suivant acte d’huissier en date du 11 juillet 2002 ;
Que l’acte introduisant cette instance, au lieu d’être signifié à sa personne, l’a plutôt été au parquet, alors que les consorts C, vendeurs illégaux de Ad Z, connaissent bien son domicile pour l’avoir plusieurs fois convoquée au ministère en charge de l’intérieur ;
Qu’ayant surpris cet affichage insolite, elle s’est adressée à la justice suivant requête en date du 15 juillet 2002, à l’effet d’une part, de faire annuler la cession frauduleuse opérée à son préjudice et d’autre part, de confirmer son droit de propriété ;
Qu’aux termes de l’assignation frauduleuse délaissée au parquet, Ad Z allègue détenir sur la parcelle litigieuse un permis d’habiter n° 2/224 du 22 mai 2002 à lui délivré par le préfet de l’Atlantique en vertu duquel il sollicite son expulsion de cette parcelle ;
Que la délivrance au profit de Ad Z de ce permis d’habiter sur une propriété qui ne lui appartient point et dont l’annulation est sollicitée, procède d’un détournement de pouvoir et d’une violation de la loi ;
Que son recours gracieux adressé au préfet n’ayant reçu aucune réponse, elle saisit la Cour du présent recours aux mêmes fins ;
EN LA FORME
Sur la recevabilité
Considérant que maître Alexandrine SAÏZONOU-BÉDIÉ soulève, pour le compte du préfet de l’Atlantique et du Littoral, l’irrecevabilité du recours pour défaut de production de l’acte attaqué par la requérante ;
Mais considérant que le conseil de la requérante a produit au dossier copie du permis d’habiter attaqué ;
Que ce moyen ne peut donc prospérer ;
Considérant en outre que le conseil du préfet invoque l’irrecevabilité du recours pour défaut de personnalité juridique de l’administration préfectorale dont la responsabilité ne saurait être retenue;
Considérant qu’en réponse, la requérante relève que la responsabilité de l’Etat est totale et évidente pour les actes pris par le préfet en son nom qui causent préjudices aux particuliers ;
Considérant que si l’administration préfectorale ne jouit pas de la personnalité juridique au sens de l’article 5 de la loi n°97-028 du 15 janvier 1999 portant organisation de l’administration territoriale en République du Bénin, il est de jurisprudence constante qu’elle doit répondre ensemble avec l’Etat des actes dommageables pris au nom et pour le compte de ce dernier ;
Considérant, par ailleurs, que le recours a été introduit dans les forme et délai de la loi ;
Qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;
AU FOND
Sur la demande d’annulation du permis d’habiter n°2/224 du 22 mai 2002
Considérant que la requérante sollicite l’annulation du permis d’habiter n° 2/224 du 22 mai 2002 délivré par le préfet de l’Atlantique et du Littoral à Ad Z sur la parcelle "q" du lot 276 du lotissement d’Ayélawadjè tranche B;
Qu'elle fonde son recours sur la violation de la loi et le détournement du pouvoir ;
Considérant que la requérante a acquis à titre onéreux, suivant convention de vente versée au dossier, en date du 10 juin 1965, une parcelle non bâtie de 25 mètres sur 25 mètres sise à Ai Af, auprès de Ag Y qui est lui-même acquéreur de AHOTIN Awléhoun ;
Qu'elle a été, après les travaux de lotissement et de recasement attributaire de cette parcelle dénommée "q' du lot 276 d’Ab Ai ;
Considérant que la même administration qui lui a attribué cette parcelle la lui a retiré par arrêté n° 2/517/DEP-ATL/SG/SAD du 13 septembre 1995 au profit de la collectivité C Ah représentée par C Ac ;
Qu’à la suite d’une séance de travail en date du 26 octobre 1995, présidée par le préfet Aa A, séance à laquelle toutes les parties prenantes avaient participé, ce dernier a pris l’arrêté n°02/934/DEP-ATL/SG/SAD du 07 décembre 1995 pour procéder à l’abrogation de l’arrêté n°2/517/DEP-ATL/ SG/SAD du 13 septembre 1995 par lequel la parcelle avait été retirée à la requérante auparavant ;
Que cette séance a été sanctionnée par un procès-verbal en date du 26 octobre 1995, dans lequel C Ah Aj, vendeur de Ag Y, a reconnu avoir cédé son droit de propriété sur la parcelle "q' du lot 276 à Ag Y, vendeur de la requérante ;
Qu’il en résulte que par l’arrêté n°2/934/DEP-ATL/SG/SAD du 07 décembre 1995, l’administration préfectorale a conféré à la requérante un droit acquis relativement à la parcelle "q” du lot 276 tranche B du lotissement d’Ayélawadjè, qu’elle ne saurait plus retirer, selon son bon vouloir ;
Considérant que l’administration préfectorale a délivré sur la même parcelle ‘’q’° plusieurs actes, l’un au tort de la requérante le 13 septembre 1995 portant retrait de la parcelle ‘’q’’ au profit de la collectivité C Ah, l’autre du 7 décembre 1995 rétablissant la requérante dans ses droits, un autre encore le 22 mai 2002 autorisant un certain Ad Z à occuper la même parcelle ;
Considérant que dans l’exercice de ses prérogatives, l’administration doit faire preuve de loyauté et d’équité à l’égard des administrés ;
Que mieux, elle ne peut revenir, sans violer la loi, sur les droits qu’elle a conférés que dans le délai du recours contentieux ou en cas de fraude avérée ;
Qu’en attribuant la parcelle ‘’q’’ à la requérante et en la lui retirant, non pas dans un but d’intérêt général, plusieurs années plus tard, notamment au moyen du permis d’habiter attaqué, l’autorité préfectorale a méconnu le principe de l’intangibilité des droits acquis, commettant de ce fait un excès de pouvoir ;
Qu’il y a en conséquence lieu d’annuler le permis d’habiter n°2/224 du 22 mai 2002 délivré à Ad Z sur la parcelle ‘’q”” du lot 276 tranche B du lotissement d’Ayélawadjè ;
Sur la demande de réparation
Considérant que la requérante souligne que le comportement de l’administration lui a causé des préjudices qui méritent réparation ;
Considérant que si l’attribution de la parcelle ‘’q’’ à la requérante a été remise en cause par l’administration au profit d’un tiers est de nature à lui porter grief, la requérante ne justifie pas des préjudices subis susceptibles de fonder la demande de la somme de cinq millions (5.000.000) de francs à titre de dommages-intérêts ;
Qu’il y a lieu, au regard de ce qui précède, de condamner l’administration au franc symbolique ;
PAR CES MOTIFS,
DECIDE :
Article 1°" : Le recours de maître Gustave ANANI CASSA, conseil de Ae B, tendant à l’annulation du permis d’habiter n° 2/224 du 22 mai 2002 et à l’allocation de la somme de cinq millions (5.000.000) de francs à titre de dommages-intérêts pour préjudices subis du fait de l’administration préfectorale et ministérielle, est recevable ;
Article 2 : Ledit recours est fondé ;
Article 3 : Est annulé, le permis d’habiter n° 2/224 du 22 mai 2002 délivré à Z M. Ad par le préfet de l’ Atlantique sur la parcelle "q" du lot n° 276 du lotissement de Ayélawadjè ;
Article 4 : L’Etat Béninois est, par conséquent, condamné à payer à la requérante le franc symbolique ;
Article 5 : Les frais sont mis à la charge du trésor public ;
Article 6: Le présent arrêt sera notifié aux parties et au Procureur général près la Cour suprême.
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre administrative) composée de :
administrative ;
PRESIDENT ;
Isabelle SAGBOHAN
et
Césaire KPENONHOUN CONSEILLERS ;
Et prononcé à l’audience publique du mercredi quatre mars deux mille vingt ; la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus, en présence de :
Saturnin D. AFATON, Avocat général,
MINISTERE PUBLIC ;
Bienvenu CODJO,
GREFFIER ;
Et ont signé
Le Président, Le Rapporteur,
Isabelle SAGBOHAN


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2002-154/CA3
Date de la décision : 04/03/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2020-03-04;2002.154.ca3 ?
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