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27/12/2019 | BéNIN | N°56

Bénin | Bénin, Cour suprême, 27 décembre 2019, 56


Texte (pseudonymisé)
N° 56/CJ-S du Répertoire ; N° 2001-34/CJ-S du greffe ; Arrêt du 27 décembre 2019 ; Société Béninoise de Textiles (SOBETEX) (Me Simplice DATO) C/ Ad C et consorts (Me Magloire YANSUNNU)

Procédure sociale – Licenciement collectif – Motif sérieux – Violation des conditions du licenciement (oui)

Procédure sociale – Licenciement collectif – Avis de l’inspecteur du travail – Rapport d’une commission tripartite inspecteur du travail, travailleurs et ministère du travail – Licenciement précoce – Licenciement abusif

Ont fait une bonne application de

la loi, les juges d’appel qui, sans contester le motif sérieux du licenciement collectif, conclue...

N° 56/CJ-S du Répertoire ; N° 2001-34/CJ-S du greffe ; Arrêt du 27 décembre 2019 ; Société Béninoise de Textiles (SOBETEX) (Me Simplice DATO) C/ Ad C et consorts (Me Magloire YANSUNNU)

Procédure sociale – Licenciement collectif – Motif sérieux – Violation des conditions du licenciement (oui)

Procédure sociale – Licenciement collectif – Avis de l’inspecteur du travail – Rapport d’une commission tripartite inspecteur du travail, travailleurs et ministère du travail – Licenciement précoce – Licenciement abusif

Ont fait une bonne application de la loi, les juges d’appel qui, sans contester le motif sérieux du licenciement collectif, concluent à la violation des dispositions applicables quant aux conditions dudit licenciement.

Procèdent à une bonne application de la loi, les juges du fond qui, après le constat du licenciement collectif, d’une part avant l’intervention de l’avis de l’inspecteur du travail sur le protocole d’accord entre l’employeur et les travailleurs de la société, et d’autre part avant le dépôt du rapport de la commission tripartie composé de l’inspecteur du travail, des représentants des syndicats des travailleurs et des représentants du ministère du travail, ont conclu au licenciement abusif.

La Cour,

Vu l’acte n°001/2000 du 29 janvier 2001 du greffe de la cour d’appel de Cotonou par lequel la Société Béninoise de Textiles (SOBETEX) représentée par B Y, son Directeur d’exploitation, substituant le directeur général, a élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°01/2001 rendu le 11 janvier 2001 par la chambre sociale de cette cour ;

Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ; Vu l’arrêt attaqué ;

Vu la loi n°90-012 du 1er juin 1990 portant remise en vigueur et modification des ordonnances n°S 21/PR du 26 avril 1966 et 70-16 du 14 mars 1970 organisant la Cour suprême ;

Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;

Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;

Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;

Vu les pièces du dossier ;

Ouï à l’audience publique du vendredi 27 décembre 2019 le président Sourou Innocent AVOGNON en son rapport ;

Ouï le procureur général Ac Aa A en ses conclusions ; Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que suivant l’acte n°001/2000 du 29 janvier 2001 du greffe de la cour d’appel de Cotonou, la Société Béninoise de Textiles (SOBETEX) représentée par B Y, son Directeur d’exploitation, substituant le directeur général, a élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°01/2001 rendu le 11 janvier 2001 par la chambre sociale de cette cour ;

Que par correspondance n°1566/GCS du 26 juin 2001, maître Agnès CAMPBELL, conseil du demandeur au pourvoi a été mise en demeure de produire ses moyens de cassation dans le délai d’un (01) mois, conformément aux articles 42 et 51 de l’ordonnance n°21/PR du 26 avril 1966 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ; Que maître Agnès CAMPBELL ayant, par lettre n°1485/01/SD/EA du 20 août 2001 notifié à la Cour suprême qu’elle n’est pas constituée aux intérêts de la Société Béninoise de Textiles (SOBETEX), une autre mise en demeure a été adressée directement au directeur général de la Société Béninoise de Textiles (SOBETEX), par correspondance n°2203/GCS du 07 septembre 2001 pour la production des moyens de cassation de ladite société, demanderesse au pourvoi ;

Que les mémoires ampliatif et en défense ont été produits ; Que le Procureur général a produit ses conclusions ;

EN LA FORME

Attendu que le présent pourvoi a été élevé dans les forme et délai prescrits par la loi ;

Qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;

AU FOND

FAITS ET PROCEDURE

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que prétextant des difficultés économiques dues à l’effondrement des cours du coton sur le marché international, la Société Béninoise de Textiles (SOBETEX) a saisi l’inspecteur départemental du travail, de l’emploi et de la main d’œuvre de l’Atlantique d’une demande d’autorisation de licenciement collectif, le 1er mars 1993 ;

Que le 20 avril 1993, l’inspecteur du travail a autorisé le licenciement en indiquant toutefois qu’une commission tripartite présidée par lui-même et composée de cinq (05) représentants des syndicats des travailleurs de la société et du ministère du travail sera chargée de la sélection des travailleurs à licencier, de l’étude des mesures d’accompagnement destinées à atténuer les coûts sociaux du licenciement et de la détermination des droits des travailleurs concernés par la mesure envisagée ;

Qu’ainsi, cent trente-trois (133) agents de la Société Béninoise de Textiles (SOBETEX) ont été licenciés ;

Qu’estimant qu’ils ont été licenciés à tort, les intéressés ont attrait leur employeur en justice pour licenciement abusif ;

Que par jugement n°44/94 du 14 octobre 1994, le tribunal de Cotonou a déclaré le licenciement intervenu abusif et a condamné la Société Béninoise de Textiles (SOBETEX) au paiement de dommages-intérêts ;

Que sur appels principal de la Société Béninoise de Textiles (SOBETEX), et incident des agents licenciés la chambre de droit social de la cour d’appel de Cotonou a, par arrêt n°28/95 du 07 décembre 1995, infirmé le jugement entrepris pour avoir déclaré le licenciement abusif tant en la forme qu’au fond tout en déclarant que ledit licenciement est irrégulier et a réduit le quantum des dommages-intérêts alloué par le premier juge ;

Que sur pourvoi en cassation élevé par les conseils des employés, la Cour suprême a, par arrêt n°96-33/CJ-S du 27 août 1999, cassé en toutes ses dispositions l’arrêt attaqué et a renvoyé la cause devant la cour d’appel autrement composée pour y être statué à nouveau ;

Que par arrêt n°01/2001 du 11 janvier 2001, la cour d’appel de Cotonou a confirmé le premier jugement en ce qu’il a déclaré le licenciement abusif tant en la forme qu’au fond et l’a réformé en ce qui concerne les demandes en droits et dommages-intérêts ;

Que c’est cet arrêt qui fait l’objet du présent pourvoi ; DISCUSSION

Sur le moyen unique tiré de la violation de la loi en deux (02) branches Première branche du moyen : violation de la loi par mauvaise application Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué :

d’une part, une erreur manifeste de qualification en ce que la cour d’appel a confondu incontestablement le motif réel et légitime du licenciement avec la forme de la rupture, alors que, selon cette branche du moyen, la qualification du motif de licenciement doit être faite conformément à la loi ;

Que toute rupture du contrat de travail est justifiée lorsqu’elle est fondée sur un motif sérieux ;

Qu’aux termes des dispositions du code de travail et de l’article 27 de la convention collective générale du travail, la compression du personnel occasionnée par la diminution d’activité de l’entreprise ou de l’établissement, ou d’une réorganisation intérieure est fondée sur un motif réel et sérieux, que ce motif réel doit être apprécié indépendamment de la procédure prescrite par le législateur, que le licenciement est régulier au fond toutes les fois que la réalité du motif économique qui le justifie n’est pas sérieusement contestée, que la cour d’appel pour n’avoir pas tenu compte de cette réalité a violé la loi, elle a confondu le motif du licenciement avec la forme exigée par le législateur ;

d’autre part, une immixtion du juge dans l’appréciation de l’intérêt de l’entreprise en ce que, la cour d’appel a énoncé que certains employés méritent d’être maintenus au sein de l’effectif en faisant fi des besoins de l’entreprise que seul l’employeur peut évaluer et apprécier, alors que, selon la branche du moyen, conformément à l’article 27 de la convention collective générale du travail seul l’employeur est compétent pour établir l’ordre des licenciements, que la loi lui exige simplement de tenir compte des qualifications professionnelles, de l’ancienneté dans l’établissement et des charges de famille des travailleurs ;

Qu’en argumentant ainsi qu’elle l’a fait, la cour d’appel s’est substituée à l’employeur dans le choix des salariés à maintenir dans l’entreprise ; qu’ainsi elle a outrepassé ses pouvoirs, et son argumentation n’a aucun fondement juridique ;

Mais attendu que nulle part l’arrêt attaqué n’a contesté le motif sérieux du licenciement ; que quel que soit le motif du licenciement, celui-ci doit respecter les règles prescrites par la loi ;

Que pour déclarer le licenciement abusif, les juges du fond ont souverainement analysé les éléments du dossier pour conclure que « c’est donc à bon droit que le premier juge a conclu que la Société Béninoise de Textiles (SOBETEX) a violé les dispositions des articles 33 et 34 du code du travail et 27 de la Convention générale du travail ; qu’il y a donc lieu de dire que le licenciement prononcé dans les conditions ci-dessus décrites est abusif tant en la forme qu’au fond » ;

Qu’en décidant ainsi qu’ils l’ont fait, les juges de la cour d’appel ont fait une saine et bonne application de la loi ;

Qu’il s’ensuit que cette première branche du moyen unique n’est pas fondée ; Deuxième branche du moyen : violation de la loi par mauvaise application quant à la forme du licenciement

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué de n’avoir pas été suffisamment motivé en ce que, pour qualifier le licenciement opéré par la Société Béninoise de Textiles (SOBETEX) le 30 avril 1993 d’abusif en la forme, la cour d’appel s’est fondée sur les articles 33 et 34 du code de travail et 27 de la Convention collective générale du travail, alors que, selon la branche du moyen, la Société Béninoise de Textiles (SOBETEX) a satisfait à toutes les obligations découlant des articles 33 et 34 du code de travail et 27 de la Convention collective générale du travail ; que la cour d’appel n’a pas cru devoir faire bonne application de la loi ; qu’elle a jeté, comme si cela venait de nulle part, que le licenciement est abusif tant en la forme qu’au fond ;

Qu’il est également reproché à l’arrêt attaqué la violation de la loi n°90-004 du 15 mai 1990 régissant la déclaration de la main d’œuvre, les embauches et les résiliations des contrats de travail, en ce que pour sanctionner cette prétendue méconnaissance des formalités de licenciement, la cour d’appel a condamné la Société Béninoise de Textiles (SOBETEX) à des dommages-intérêts, alors que, selon cette branche du moyen, aux termes de l’article 11 de la loi n°90- 004 du 15 mai 1990 « toute infraction aux dispositions de l’article 4 alinéa 2 et des articles 5, 7, 9, de la présente loi est passible d’une pénalité de vingt mille (20 000) à cent vingt mille (120 000) francs… » ; qu’il résulte tant de l’esprit que

de la lettre de cette disposition, que le non-respect de la loi expose simplement l’employeur à une sanction administrative dont le ministère du travail est chargé d’engager la procédure d’application ;

Qu’en condamnant la Société Béninoise de Textiles (SOBETEX) à verser aux salariés licenciés des dommages-intérêts, la cour d’appel a violé la loi n°90-004 du 15 mai 1990 régissant la déclaration de la main d’œuvre, les embauches et les résiliations des contrats de travail ;

Mais attendu que l’arrêt attaqué a énoncé : « qu’il ressort des éléments du dossier que l’avis de l’inspecteur du travail que prévoit l’article 33 du code de travail et 27 de la Convention collective générale du travail ne pouvait être effectif qu’après la signature du protocole d’accord du 07 mai 1993, alors que le licenciement avait déjà été effectué depuis le 30 avril 1993.

Que par ailleurs, il existe au dossier une correspondance en date du 20 avril 1993 dans laquelle l’inspecteur du travail écrit qu’il autorise le licenciement sous condition de sélection des travailleurs à congédier par une commission tripartite composée de l’employeur, du personnel et de l’inspection du travail elle-même ; que la Société Béninoise de Textiles (SOBETEX) n’a pas attendu le dépôt du rapport de la commission tripartite et n’a donc pas reçu l’avis de l’inspecteur du travail avant de procéder aux licenciements de monsieur Ad C et consorts ;

Que toute rupture abusive du contrat de travail donne droit à des dommages- intérêts pourvu que les agents licenciés soient régulièrement en fonction …. » ; Que la cour d’appel a donc fondé sa décision sur des constatations et des énonciations des éléments du dossier pour déclarer abusif le licenciement opéré par la Société Béninoise de Textiles (SOBETEX) ;

Qu’ainsi il ne peut lui être reproché la violation des articles 33 et 34 du code de travail, 27 de la Convention collective générale du travail et 11 de la loi n°90- 004 du 15 mai 1990 ;

D’où il suit que la deuxième branche du moyen unique n’est pas fondée ;

PAR CES MOTIFS

Reçoit en la forme le présent pourvoi ; Le rejette quant au fond ;

Met les frais à la charge du Trésor public ;

Ordonne la notification du présent arrêt au procureur général près la Cour suprême ainsi qu’aux parties ;

Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d’appel de Cotonou ;

Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre judicaire) composée de : Sourou Innocent AVOGNON, président de la Chambre judiciaire, PRESIDENT;

Michèle CARRENA ADOSSOU

EtCONSEILLERS ;

Ab X

Et prononcé à l’audience publique du vendredi vingt-sept décembre deux mille dix-neuf, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus, en présence de :

Ac Aa A, PROCUREUR GENERAL;

Djèwekpégo Paul ASSOGBA, GREFFIER ;

Et ont signé

Le président-rapporteur,Le greffier

Sourou Innocent AVOGNONDjèwekpégo Paul ASSOGBA


Synthèse
Numéro d'arrêt : 56
Date de la décision : 27/12/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2019-12-27;56 ?
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