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26/02/2019 | BéNIN | N°68

Bénin | Bénin, Cour suprême, 26 février 2019, 68


Texte (pseudonymisé)
Contentieux de l’enregistrement des partis politiques – Accès à la vie juridique – Nécessité de statuer en procédure d’urgence – Saisine de la Chambre administrative en dernier recours – Incompétence

La déclaration de constitution des partis politiques, le contentieux de la déclaration et la mise en conformité, au sens de la loi portant Charte des partis politiques, relèvent en premier ressort, des chambres administratives des Tribunaux de Première Instance.

La Chambre administrative de la Cour suprême ne peut, par conséquent, connaître du contentieux d

’accès des partis politiques qu’en cassation.

N°68/CA 26 février 2019

Parti po...

Contentieux de l’enregistrement des partis politiques – Accès à la vie juridique – Nécessité de statuer en procédure d’urgence – Saisine de la Chambre administrative en dernier recours – Incompétence

La déclaration de constitution des partis politiques, le contentieux de la déclaration et la mise en conformité, au sens de la loi portant Charte des partis politiques, relèvent en premier ressort, des chambres administratives des Tribunaux de Première Instance.

La Chambre administrative de la Cour suprême ne peut, par conséquent, connaître du contentieux d’accès des partis politiques qu’en cassation.

N°68/CA 26 février 2019

Parti politique FCBE

C/

Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité Publique

La Cour,

Vu la requête introductive d’instance en référé en date à Cotonou du 21 février 2019 enregistrée au greffe de la Cour suprême le 22 février 2019 sous le numéro 0198/GCS, par laquelle le parti Force Ab pour un Bénin Emergent (FCBE), représenté par son Secrétaire Exécutif a, par l’organe de son conseil, maître Victorien O. FADE, et sur le fondement des dispositions de l’article 57 de la loi n°2018-23 du 17 septembre 2018 portant charte des partis politiques en République du Bénin, saisi la Haute juridiction d’un recours contre la décision contenue dans la lettre n° 0199/MISP/DC/SGM/DAIC/SA du 20 février 2019 portant notification de non-conformité du parti Force Ab pour un Bénin Emergent à la loi ci-dessus citée, décision prise par le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité Publique ;

Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant Composition, Organisation, Fonctionnement et Attributions de la Cour suprême ;

Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;

Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;

Vu la loi n°2018-23 du 17 septembre 2018 portant charte des partis politiques en République du Bénin ;

Vu la correspondance n°1345/GCS du 22 février 2019 par laquelle maître Victorien O. FADE, conseil du requérant a été mis en demeure d’avoir à payer la consignation ;

Vu la consignation légale constatée par reçu n°0329395 du 25 février 2019 ;

Vu la correspondance n°1344/GCS du 22 février 2019 par laquelle le conseil du requérant a été invité à accomplir la formalité de timbrage de sa requête ;

Vu la lettre en date à Cotonou du 25 février 2019 par laquelle maître Victorien O. FADE a transmis à la Cour son mémoire ampliatif ;

Vu la correspondance n°1347/GCS du 22 février 2019 par laquelle la requête introductive d’instance et les pièces y annexées ont été communiquées au ministre de l’Intérieur et de la Sécurité Publique, pour ses observations ;

Vu les observations du ministre de l’Intérieur et de la Sécurité Publique parvenues à la Cour le 25 février 2019 ;

Vu toutes les pièces du dossier ;

Ouï le Conseiller Etienne FIFATIN en son rapport ;

Ouï l’Avocat général Saturnin AFATON en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

En la forme

Sur le moyen tiré de l’incompétence de la Cour soulevé par le ministre en charge de l’Intérieur

Considérant qu’au soutien de sa requête, maître Victorien O. FADE, conseil du parti FCBE expose :

Que le parti politique dénommé Force Ab pour un Bénin Emergent (FCBE) a été créé à l’issue d’un congrès constitutif tenu à Aa les 10 et 11 février 2018 ;

Qu’après avoir accompli toutes les formalités requises en la matière, le Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité Publique lui a délivré le récépissé n°2018/n°261/MISP/DC/SGM/DAIC/SAAP/SA en date du 19 novembre 2018, ce qui lui a permis de publier son existence au Journal Officiel 129ème année n°24 du 15 décembre 2018 ;

Qu’entre temps, l’Assemblée Nationale a adopté la loi n° 2018-23 du 17 septembre 2018 portant charte des partis politiques en République du Bénin qui, après promulgation par le Chef de l’Etat, a été publiée au Journal Officiel n°18 bis numéro spécial du 20 septembre 2018 ;

Que pour se conformer aux exigences de cette nouvelle loi, le Parti FCBE a tenu un congrès de mise en conformité le 29 décembre 2018 à Abomey-Calavi ;

Qu’ainsi, les organes officiels du parti ont entrepris les formalités de sa mise en conformité au Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité Publique en transmettant tous les documents exigés par la nouvelle loi aux fins d’obtention du récépissé provisoire ;

Que suite à cette transmission, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité Publique a notifié au secrétaire exécutif national dudit parti, suivant lettre n°114/MISP/DC/SGM/DAIC/SA du 04 février 2019, la non-conformité de son dossier à la loi sus-visée, motivée par des observations bien précises jointes à sa correspondance ;

Que le parti FCBE s’est promptement et rigoureusement conformé auxdites observations et a transmis un tableau de prise en compte suivant correspondance en date du 12 février 2019 ;

Mais que curieusement, alors que ce parti politique a accompli toutes ses obligations légales et était en droit d’obtenir son certificat de mise en conformité ou tout au moins, le récépissé provisoire, l’autorité administrative lui a adressé à nouveau, une correspondance datée du 20 février 2019 portant notification de non-conformité avec des exigences nouvelles en tout point contraires à la loi et à la réalité des faits ;

Que c’est contre cette décision qu’il saisit en procédure d’urgence, au nom du parti FCBE, la Cour, du présent recours et sollicite qu’il lui plaise, déclarer contraire à la loi, la notification de non-conformité en cause et d’enjoindre au Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité Publique d’avoir à délivrer audit parti politique, le certificat de mise en conformité et le récépissé provisoire ;

Considérant que par sa correspondance n°223/MISP/DC/SGM/DAIC/SA en date à Cotonou du 25 février 2019 enregistrée au greffe de la Cour le même jour, sous le numéro 204/GCS, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité Publique a transmis à la Cour, ses observations en défense ;

Considérant que dans lesdites observations, le ministre soutient au principal que la Chambre administrative de la Cour suprême est incompétente pour connaître du présent recours introduit par le parti Force Ab pour un Bénin Emergent (FCBE) ;

Qu’en effet, la loi n° 2018-23 du 17 septembre 2018 portant charte des partis politiques en République du Bénin en son article 21dispose : « Dans le cas où le dossier de déclaration administrative de constitution n’est pas conforme à la loi, le ministre chargé de l’Intérieur procède à une notification de non-conformité motivée aux partis politiques concernés…

Le parti politique peut saisir la Chambre administrative du tribunal d’instance compétent dans les quinze (15) jours qui suivent la réception du courrier de notification ;

La Chambre administrative du tribunal d’instance compétent statue en procédure d’urgence » ;

Que l’article 56 de la même loi précise en ce qui concerne les partis existants avant sa promulgation que « Pour compter de la date de promulgation de la présente loi, les partis politiques dûment enregistrés continuent d’exister nonobstant les dispositions du Titre II chapitre premier de la présente loi ;

Ils disposent d’un délai de six mois pour se conformer aux nouvelles dispositions. Passé ce délai, ils perdent leur statut juridique » ;

Qu’il résulte de ces dispositions que « les prescriptions de l’article 56 de la loi sont destinées à mettre les partis enregistrés avant sa promulgation en conformité avec les dispositions du Titre II chapitre I. Que ce chapitre pose les conditions et modalités d’acquisition de la personnalité juridique des partis politiques ; l’article 21 en sanctionnant le défaut et en réglant le contentieux » ;

Qu’il s’ensuit, poursuit le ministre, que le contentieux relatif à l’enregistrement et à la mise en conformité relève de la compétence exclusive de la Chambre administrative du tribunal d’instance compétent tel que prescrit par l’article 21 de la loi ;

Que c’est donc à tort que le requérant invoque l’article 57 au soutien de son recours, que cette disposition confère plutôt compétence à la Chambre administrative de la Cour suprême pour connaître du contentieux relatif aux droits des partis politiques postérieurement à l’acquisition par eux de la personnalité juridique ;

Qu’au regard de ce qui précède, il prie la Cour de se déclarer incompétente ;

Considérant que le contentieux porté devant la Cour est né de la notification par le ministre en charge de l’Intérieur au parti politique FCBE, de la non-conformité de son dossier à la loi portant charte des partis politiques, pour divers motifs indiqués dans la correspondance n°0199/MISP/DC/SGM/DAIC/SA du 20 février 2019 ;

Considérant en effet que la loi n° 2018-23 du 17 septembre 2018 portant charte des partis politiques en République du Bénin a défini de nouvelles règles de création et de fonctionnement des partis politiques et disposé sur les conditions de la mise en conformité à la charte, de ceux déjà enregistrés ;

Que l’article 21 de ladite loi dispose :

« Dans le cas où le dossier de déclaration administrative de constitution n’est pas conforme à la loi, le ministre chargé de l’Intérieur procède à une notification de non-conformité motivée au parti politique concerné ;

Cette notification intervient dans un délai inférieur à deux (02) mois après le dépôt de la déclaration. Elle s’effectue par un courrier recommandé ou remis en main propre à l’un des mandataires du parti politique contre décharge ;

Le parti politique peut saisir la Chambre administrative du tribunal d’instance compétent dans les quinze (15) jours qui suivent la réception du courrier de notification ;

La Chambre administrative du tribunal d’instance compétent statue en procédure d’urgence » ;

Considérant qu’il ressort de ces dispositions et de celles des articles 19 et 20 de la même loi que le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité Publique est l’autorité chargée du contrôle de conformité à la loi, du dossier de déclaration administrative de constitution d’un parti politique ;

Que dans le cas où le dossier de déclaration administrative de constitution n’est pas conforme à la loi, cette autorité procède à une notification de non-conformité motivée au parti politique concerné ;

Considérant que les termes des dispositions de l’article 21 laissent penser a priori qu’elles ne concernent que les partis politiques qui viennent de se constituer ;

Mais considérant que la loi n° 2018-23 portant charte des partis politiques en République du Bénin régit aussi bien les partis créés après son entrée en vigueur que ceux qui avaient une existence juridique avant sa promulgation ;

Que l’article 56, le seul qui traite de façon explicite, des partis politiques dûment enregistrés avant la promulgation de la loi, est assez édifiant sur l’identité de régime juridique des partis politiques régis par la nouvelle loi, qu’ils soient à leur création, antérieurs ou postérieurs à la date de son entrée en vigueur ;

Qu’en effet, l’article 56 dispose :

« Pour compter de la date de promulgation de la présente loi, les partis politiques dûment enregistrés continuent d’exister nonobstant les dispositions du Titre II chapitre premier de la présente loi ;

Ils disposent d’un délai de six (06) mois pour se conformer aux nouvelles dispositions. Passé ce délai, ils perdent leur statut juridique ».

Considérant qu’il résulte de ces dispositions que pour continuer d’exister juridiquement, les partis dûment enregistrés, doivent se conformer aux nouvelles dispositions dans un délai de six mois pour compter de la date de promulgation de la loi ;

Que le présent contentieux, en son objet, illustre à suffire que c’est le Ministre en charge de l’Intérieur qui procède au contrôle de conformité à la loi aussi bien des dossiers de déclaration administrative de constitution des partis que de leur mise en conformité à ladite loi ;

Qu’il apparait ainsi que deux types de contentieux de même nature pourraient naître à l’occasion de ce contrôle de l’autorité administrative, à savoir le contentieux de la déclaration administrative des partis nouvellement créés et le contentieux de la mise en conformité des partis existant avant la promulgation de la loi portant charte des partis politiques ;

Qu’ainsi, le contentieux de la mise en conformité des partis déjà créés trouve son siège dans les dispositions de l’article 21 de cette loi ;

Que ledit article dispose en son alinéa 4 que c’est la Chambre administrative du tribunal d’instance compétent qui statue en procédure d’urgence en cas de notification par le ministre de l’Intérieur d’une décision de non-conformité motivée ;

Considérant que l’article 57 de la loi sur lequel le requérant fonde son recours ne donne compétence à la Chambre administrative de la Cour suprême que pour statuer en cas de non-respect des droits prévus par la charte au profit des partis politiques ;

Que ledit article dispose : « En cas de non-respect des droits prévus par la présente loi, les partis politiques peuvent saisir la Chambre administrative de la Cour suprême pour le rétablissement de leurs droits. La Cour examine la requête en procédure d’urgence. » ;

Qu’il en résulte que les dispositions de l’article 57 s’appliquent, aux partis ayant déjà une existence juridique, après la déclaration administrative de constitution ou la mise en conformité à la loi ;

Que le législateur n’a pas entendu organiser concurremment le contrôle juridictionnel de l’accès à la vie juridique des partis entre plusieurs juges selon qu’il s’agisse de parti nouvellement créé ou de celui ayant procédé à sa mise en conformité à la loi ;

Qu’il en résulte que la Chambre administrative de la Cour suprême n’est pas compétente en premier ressort pour connaitre du contentieux de l’accès à la vie juridique des partis, contentieux de l’enregistrement ;

Qu’elle pourrait connaitre de ce contentieux en cas d’exercice de recours en cassation contre les décisions du juge du fond ;

Que les dispositions de l’article 57 rendent plutôt exclusivement compétente en premier et dernier ressort, la Chambre administrative de la Cour suprême pour connaitre du contentieux relatif au non-respect des droits prévus par la loi portant charte des partis politiques et par celles extérieures à ladite loi, au bénéfice desdits partis, à la condition que ces partis aient déjà acquis la personnalité juridique ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la Chambre administrative de la Cour suprême est incompétente pour connaitre en premier et dernier ressort du recours introduit par le parti politique FCBE ;

Que le requérant devra mieux se pourvoir ;

Par ces motifs,

Décide :

Article 1er: La Chambre administrative de la Cour suprême est incompétente pour connaître en premier et dernier ressort, du présent recours.

Article 2 : Les frais sont mis à la charge du requérant.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux parties et au Procureur général près la Cour suprême.

Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre Administrative) composée de :

Victor Dassi ADOSSOU, Président de la Chambre administrative ;

PRESIDENT ;

Etienne FIFATIN et Etienne AHOUANKA, CONSEILLERS ;

Et prononcé à l’audience publique du vingt six février deux mille dix-neuf, la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :

Saturnin AFATON, Avocat Général, MINISTERE PUBLIC ;

Philippe AHOMADEGBE, GREFFIER ;

Et ont signé

Le Président Le Rapporteur,

Victor D. ADOSSOU Etienne FIFATIN

Le Greffier,

Philippe AHOMADEGBE


Synthèse
Numéro d'arrêt : 68
Date de la décision : 26/02/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 03/06/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2019-02-26;68 ?
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