La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/10/2018 | BéNIN | N°1999-25

Bénin | Bénin, Cour suprême, 05 octobre 2018, 1999-25


Texte (pseudonymisé)
N° 23/CJ-P du répertoire REPUBLIQUE DU BENIN

SBO



N° 1999-25/CJ-P du greffe AU NOM DU PEUPLE BENINOIS



Arrêt du 05 octobre 2018 COUR SUPREME



Affaire :

CHAMBRE JUDICIAIRE

MINISTERE PUBLIC ...

N° 23/CJ-P du répertoire REPUBLIQUE DU BENIN

SBO

N° 1999-25/CJ-P du greffe AU NOM DU PEUPLE BENINOIS

Arrêt du 05 octobre 2018 COUR SUPREME

Affaire :

CHAMBRE JUDICIAIRE

MINISTERE PUBLIC (Pénal)

C/

-BOSSOUKPE BONIFACE

-DANNON K. FRANÇOIS

ET NEUF (09) AUTRES

La Cour,

Vu l’acte n°88/98 du 28 octobre 1998 du greffe de la cour d’appel de Cotonou par lequel l’avocat général représentant le ministère public près cette cour, a élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°153/98/B1 rendu le 28 octobre 1998 par la deuxième chambre correctionnelle de cette cour ;

Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;

Vu l’arrêt attaqué ;

Vu la loi n° 90-012 du 1er juin 1990 portant remise en vigueur et modification des ordonnances n°s21/PR du 26 avril 1966 et 70-16 du 14 mars 1970 définissant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour suprême ;

Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ; 

Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;

Vu les pièces du dossier ;

Ouï à l’audience publique du vendredi 05 octobre 2018 le conseiller Michèle O. A. CARRENA ADOSSOU en son rapport ;

Ouï le procureur général Ak Af X en ses conclusions ;

Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que suivant n°88/98 du 28 octobre 1998 du greffe de la cour d’appel de Cotonou, l’avocat général représentant le Ministère public près cette cour, a élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°153/98/B1 rendu le 28 octobre 1998 par la deuxième chambre correctionnelle de cette cour ;

Que suivant l’acte n°89/98 du 30 octobre 1998 du même greffe, maître Alexandrine Falilath SAÏZONOU, a également élevé pourvoi en cassation contre cet arrêt, par lettre, pour le compte de TONON Elise et 12 autres ;

Que par lettre n°1442/GCS du 11 août 1999, le représentant du Ministère public près la cour d’appel de Cotonou a été mis en demeure de produire ses moyens de cassation, conformément à l’article 51 de l’ordonnance n°21/PR du 26 avril 1966 organisant la Cour Suprême ;

Que par lettre n°1394/GCS du 09 août 1999, maître Falilath Alexandrine SAÏZONOU a été mise en demeure de consigner et de produire son mémoire ampliatif, conformément aux articles 42, 45 et 51 de l’ordonnance n°21/PR du 26 avril 1966 ;

Que la consignation a été payée ;

Que par lettre n°1034/99/SAF/ALFA du 04 novembre 1999, maître Falilath Alexandrine SAÏZONOU a informé la Haute juridiction de son « désistement du pourvoi en cassation formalisé pour le compte de TONON Elise et 12 autres dans l’affaire » ;

Que les mémoires ampliatif et en défense ont été produits ;

EN LA FORME

Sur le pourvoi n°89/98 du 30 octobre 1998

Attendu que ce pourvoi a été élevé suivant lettre adressée le 30 octobre 1998 au greffier en chef de la cour d’appel de Cotonou par maître Alexandrine Falilath SAÏZONOU, alors qu’il résulte des dispositions combinées des articles 88 alinéa 1, 89 alinéa 1 et 90 alinéa 1 de l’ordonnance n°21/PR du 26 avril 1966, que le pourvoi en cassation doit se faire par déclaration orale, effectuée personnellement au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée, par le demandeur ou son mandataire régulier ; que cette déclaration est transcrite dans le registre à ce destiné et est signée par le déclarant et le greffier ;

Qu’en conséquence, ce pourvoi fait par lettre est irrégulier ; d’où il suit qu’il doit être déclaré irrecevable ;

Sur le pourvoi n°88/98 du 28 octobre 1998

Attendu que ce pourvoi a été fait dans les forme et délai de la loi ;

Qu’il convient de le recevoir ;

FOND

Faits et procédure

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que les nommés Aj Y, Ae Ab A, Ai B, Al AH, Ah AI, Ac C, Ag Y, Aa AG et Ad Z AJ ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel de Ouidah pour vol, menaces, coups et blessures volontaires, pillage, destruction de denrées, marchandises et propriétés mobilières, destruction volontaire d’édifice, destruction de documents, opposition par voies de fait à la confection de travaux autorisés par l’Etat ;

Que par jugement n°219/98 du 14 mai 1998, ce tribunal s’est déclaré incompétent ;

Que sur appel du procureur de la République, la chambre correctionnelle de la cour d’appel de Cotonou, a par arrêt n°153/98/B1 rendu le 28 octobre 1998, confirmé le jugement entrepris ;

Que c’est cet arrêt qui fait l’objet du présent pourvoi ;

DISCUSSION DES MOYENS

Premier moyen : tiré de la violation des articles 457 et suivants du code de procédure pénale, 22 et suivants de la loi n°83-005 du 17 mai 1983 portant statut de la Magistrature

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les articles 547 et suivants du code de procédure pénale, 22 et suivants de la loi n°83-005 du 17 mai 1983 portant statut de la Magistrature, en ce que, les juges d’appel ont accepté les allégations de Aj Y qui revendique la qualité de magistrat, à l’appui de l’article 50 du Décret n°622/97 du 30 décembre 1997 portant statuts particuliers des corps de la Police Nationale, qui accorde la qualité ou le statut de magistrat de l’ordre judiciaire au commissaire de police, alors que, selon le moyen, l’article 98 de la Constitution du 11 décembre 1990, dispose que seule la loi détermine les conditions d’acquisition de la qualité de Magistrat ; que la loi n°83-005 du 17 mai 1983 a déterminé en ses articles 22 et suivants ces conditions dont Aj Y ne rapporte pas la preuve ; que dès lors il ne saurait en tant que commissaire de police, acquérir le titre de Magistrat de l’ordre judiciaire ; que les articles 547 et suivants du code de procédure pénale ne lui sont donc pas applicables ;

Attendu en effet, que l’article 98 6ème tiret, de la Constitution du 11 décembre 1990 énonce : « Sont du domaine de la loi les règles concernant l’organisation des juridictions de tous ordres et la procédure suivie devant ces juridictions, la création de nouveaux ordres de juridiction, le statut de la magistrature … » ;

Qu’il résulte de cette disposition constitutionnelle que la qualité de magistrat et les conditions de son acquisition, sont déterminées par la loi portant statut de la magistrature et non par un acte réglementaire ;

Attendu que l’article 50 du Décret n°622/97 du 30 décembre 1997 portant statuts particuliers des corps de la Police Nationale édicte : « Les commissaires de police sont des magistrats de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire et en exercent les attributions dans les limites fixées par les lois et règlements … », alors que, l’article 547 du code de procédure pénale dispose en son alinéa 1 : « Lorsqu’un membre de la Cour suprême, un préfet ou un magistrat de l’ordre judiciaire est susceptible d’être inculpé d’un crime ou d’un délit commis dans ou hors l’exercice de ses fonctions, le procureur de la République saisi, transmet sans délai le dossier au procureur général près la Cour suprême qui engage et exerce l’action publique devant la chambre judiciaire de cette Cour … » ;

Attendu que les dispositions de l’article 547 du code de procédure pénale sont d’ordre public ;

Que dès lors, l’énumération qu’il prévoit en son alinéa 1 est limitative, et ne vise que les membres de la Cour suprême, les préfets et les magistrats de l’ordre judiciaire qui, en ce qui les concerne, sont régis par le statut de la magistrature conformément à l’article 98, 6e tiret de la Constitution du 11 décembre 1990 ;

Que dans ces conditions, cette énumération légale qui est stricte, et qui n’a pas prévu, « les magistrats de l’ordre administratif et l’ordre judiciaire », ne peut pas être étendue à cette autre catégorie professionnelle qu’elle n’a pas expressément visée ;

Attendu en conséquence, que c’est à tort que les juges d’appel, par l’arrêt attaqué qui a confirmé en toutes ses dispositions le jugement n°219/98 du 14 mai 1998 du tribunal de Ouidah, ont étendu l’application de l’article 547 du code de procédure pénale portant privilège de juridiction, au commissaire de police, « magistrat de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire », tel qu’indiqué en l’article 50 du Décret n°622/97 du 30 décembre 1997, et en ont déduit leur incompétence ;

Que la cassation est alors encourue ;

Deuxième moyen : tiré de la dénaturation des faits et des motifs invoqués par le Ministère public

Attendu qu’il est également fait grief à l’arrêt de la dénaturation des faits et des motifs soulevés par le Ministère public, en ce que, les juges d’appel ont estimé que les articles 551 et 552 du code de procédure pénale ont été invoqués pour la première fois en appel et que la demande du parquet tendant à la désignation de juridiction en raison de la qualité d’officier de police judiciaire du commissaire Aj Y, est irrecevable, alors que, selon le moyen, les développements du Ministère public, soutenaient l’annulation de la décision du premier juge et le renvoi de la cause devant celui-ci pour être appréciée sur la base des articles 551 et 552 du code de procédure pénale, en attendant que la Cour suprême statue ce qu’il appartiendra, l’intéressé n’étant ni en fonction dans une unité active de la police judicaire, ni en exercice dans le ressort territorial de Ouidah au moment des faits ;

Attendu en effet, que l’application de l’article 551 du code de procédure pénale exige la réunion des conditions ci-après :

La qualité d’officier de police judiciaire du fonctionnaire de police mis en cause ;

L’exercice des fonctions d’officier de police judiciaire dans une unité de police judiciaire ;

La commission de l’infraction dans la circonscription où l’officier de police judiciaire est territorialement compétent ;

Attendu que dans le cas d’espèce, le commissaire de police Aj Y, était au moment des faits, directeur de l’école nationale de la police à Cotonou ;

Que s’il résulte des éléments du dossier, que l’intéressé a la qualité d’officier de police judiciaire, en revanche, il n’exerçait pas au moment des faits, des fonctions d’officier de police judiciaire au sens des articles 12 à 19 du code de procédure pénale, mais qu’il exerçait plutôt des fonctions administratives de directeur d’école de formation au niveau de la police nationale ;

Que cette école de formation qu’il dirigeait n’est pas une unité de police judiciaire au regard des articles susvisés du code de procédure pénale ;

Qu’au demeurant, les faits en cause ont eu lieu à Ouidah en dehors de Cotonou, siège de l’école nationale de police ;

Attendu en conséquence, que le commissaire de police Aj Y ne peut non plus se voir appliquer les dispositions de l’article 551 du code de procédure pénale pour les faits poursuivis ;

Qu’il s’ensuit que les dispositions procédurales de droit commun doivent lui être appliquées en la cause ;

Attendu que les articles 551 et 552 du code de procédure pénale sont d’ordre public ;

Que par conséquent, ils peuvent être invoqués à toute étape de la procédure ;

Que c’est donc à tort que la cour d’appel a jugé que le moyen développé par le représentant du Ministère public sur la base de ces articles, a été évoqué pour la première fois devant la cour, qu’il n’a pas été connu du premier juge, et l’a écarté purement et simplement des débats, sur le fondement du principe du double degré de juridiction ;

Qu’ainsi, la cassation est également encourue ;

PAR CES MOTIFS

En la forme

Déclare irrecevable le pourvoi n°89/98 du 30 octobre 1998 formalisé par maître Alexandrine SAÏZONOU ;

Déclare recevable celui n°88/98 du 28 octobre 1998 formalisé par le procureur général près la cour d’appel de Cotonou ;

Au fond

Casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt n°153/98/B1 rendu le 28 octobre 1998 par la deuxième chambre correctionnelle de la cour d’appel de Cotonou ;

Renvoie la cause et les parties devant la même cour d’appel autrement copmposée ;

Met les frais à la charge du Trésor public ;

Ordonne la notification du présent arrêt au procureur général près la cour suprême, au procureur général près la cour d’appel de Cotonou ainsi qu’aux parties ;

 

Ordonne la transmission en retour du dossier au procureur général près la cour d’appel de Cotonou ;

Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême composée de :

Michèle O. A. CARRENA ADOSSOU, conseiller à la chambre judiciaire,

PRESIDENT;

Thérèse KOSSOU

et

Honoré ALOAKINNOU

CONSEILLERS ;

Et prononcé à l’audience publique du vendredi cinq octobre deux mille dix-huit, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :

Ak Af X,

PROCUREUR GENERAL;

Osséni SEIDOU BAGUIRI,

GREFFIER;

Et ont signé

Le président- rapporteur, Le greffier.

Michèle O. A. CARRENA ADOSSOUOsséni SEIDOU BAGUIRI


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1999-25
Date de la décision : 05/10/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2018-10-05;1999.25 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award