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03/08/2018 | BéNIN | N°167

Bénin | Bénin, Cour suprême, 03 août 2018, 167


Texte (pseudonymisé)
Fonction publique – Admission à la retraite – Défaut de suivi de carrière par l’administration – Annulation.

Il incombe à l’Administration d’assurer de bonnes conditions de recrutement et de suivi de la carrière de l’agent public. Elle ne peut par conséquent, sans commettre un excès de pouvoir, mettre prématurément à la retraite un agent en se fondant, plus de deux décennies après, sur une irrégularité liée à l’âge de l’agent lors de son recrutement.

N°167/CA 03 août 2018

A Ah Ai

C/

MINISTRE DE LA DEFENSE NATIO

NALE (MDN) – DIRECTION GENERALE DE LA GENDARMERIE NATIONALE

La Cour,

Vu la requête introductive d’instance vala...

Fonction publique – Admission à la retraite – Défaut de suivi de carrière par l’administration – Annulation.

Il incombe à l’Administration d’assurer de bonnes conditions de recrutement et de suivi de la carrière de l’agent public. Elle ne peut par conséquent, sans commettre un excès de pouvoir, mettre prématurément à la retraite un agent en se fondant, plus de deux décennies après, sur une irrégularité liée à l’âge de l’agent lors de son recrutement.

N°167/CA 03 août 2018

A Ah Ai

C/

MINISTRE DE LA DEFENSE NATIONALE (MDN) – DIRECTION GENERALE DE LA GENDARMERIE NATIONALE

La Cour,

Vu la requête introductive d’instance valant mémoire ampliatif en date à Porto-Novo du 12 mai 2016, enregistrée au greffe de la Cour suprême sous le n°0032 du 16 janvier 2017, par laquelle A Ah Ai, adjudant-chef de la gendarmerie nationale en service à la brigade territoriale de Sèmè-Kraké, domicilié à Porto-Novo, assisté de maître Paul KATO ATITA avocat, a saisi la haute juridiction d’un recours en annulation contre la décision en date du 22 juin 2015 de la direction générale de la gendarmerie nationale relative à son départ à la retraite ;

Vu la loi n°90-032 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin ;

Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;

Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;

Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, administrative, sociale et des comptes ;

Vu toutes les pièces du dossier ;

Ouï le Conseiller Rémy Yawo KODO en son rapport ;

Ouï l’Avocat Général Nicolas Pierre BIAO en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

EN LA FORME

Considérant qu’au soutien de son recours, le requérant expose qu’il a obtenu son certificat de fin d’études de base (CEFEB) en novembre 1978 après constitution d’un dossier dans lequel figurait le jugement supplétif n°1343 du 29 août 1974 du tribunal de conciliation de la sous-préfecture de Houlènou homologué le 18 novembre 1974 sous le n°5164 par le tribunal de première instance de Porto-Novo, établissant qu’il est né en 1965 à Agblangandan ;

Qu’avec ce diplôme, il a poursuivi ses études techniques au cours technique Aa Ao d’Aquin à Ae jusqu’en classe de troisième où, alors qu’il préparait son examen du certificat d’aptitude professionnelle (CAP) Comptabilité, il réussit au test de recrutement dans l’armée béninoise en 1982 ;

Qu’en 1991, après avoir réussi au test de sélection organisé au profit des jeunes militaires ayant une ancienneté inférieure à dix (10) ans, il a été reversé à la gendarmerie nationale ;

Qu’il a constitué son dossier de reversement avec le même jugement supplétif d’acte de naissance et l’attestation de CEFEB ;

Que depuis des décennies, ses dossiers administratifs n’ont souffert d’aucune contestation, ni instillé le moindre doute ;

Que contre toute attente, il lui a été notifié le vendredi 26 juin 2015 suivant courrier daté du 22 juin 2015 de la direction générale de la gendarmerie nationale que son départ à la retraite devait intervenir depuis le 1er octobre 2011 conformément aux manuscrits que porterait le registre matricule tenu par la Direction de l’Organisation et du Personnel de l’Armée (DOPA) ;

Que suivant ces renseignements, il serait né le … … …, au lieu de 1965 ;

Considérant que le requérant assure qu’en sus du courrier en date du 22 juin 2015, la direction générale de la gendarmerie nationale lui a notifié la correspondance n°0049/4-DGGN/DP/BPSOG du 15 mars 2016 aux termes de laquelle, la date de son départ à la retraite a été fixée au 1er octobre 2009 ;

Qu’ il conteste aussi bien la date du 1er octobre 2011 que celle du 1er octobre 2009 comme étant celle de son départ à la retraite au motif qu’au titre des projections de départs à la retraite pour les années courant de 2009 à 2017, son nom n’a jamais été évoqué ;

Considérant que le recours a été introduit dans les forme et délai prescrits par la loi ;

Qu’il y a lieu de le déclarer recevable.

AU FOND

Considérant que le requérant conteste la date du 1er octobre 2011 puis celle du 1er octobre 2009 avancées par l’administration comme étant celle de son départ à la retraite ;

Qu’il verse au dossier copie de son jugement supplétif d’acte de naissance et de l’attestation de succès à l’examen de contrôle des études de fin d’enseignement primaire et soutient par ailleurs que sur la base du principe de trente-cinq (35) ans de service en raison de son grade d’adjudant-chef, son départ à la retraite devrait intervenir le 1er janvier 2018 ;

Considérant que l’administration tient pour acquise et établie la date du 05 août 1959 comme étant celle de la naissance de HOUNSA Abel ;

Qu’elle verse au dossier photocopie du registre-matricule dont il ressort que A Ah Ai « est né le … … … à Af, Aj C, cercle de Ouémé, profession Elève, Fils de HOUNSA Etoundé et de VODONOU Christine » ;

Considérant que sur la base de ces renseignements, la direction générale de la gendarmerie nationale a notifié à l’intéressé la lettre n°176/4-GGN/DP/SEC du 22 juin 2015 puis la lettre n°0049/4-DGGN/DP/BPSOG du 15 mars 2016 indiquant la première, la date du 1er octobre 2011 et la seconde, celle du 1er octobre 2009 comme étant la date de départ à la retraite de l’adjudant-chef HOUNSA Abel ;

Considérant cependant qu’il ressort du jugement supplétif d’acte de naissance n°1292 transcrit le 13 août 1975 dans le registre de l’état civil de la sous- préfecture de Houlènou que le nommé A Ai Ah est né à … en mil neuf cent soixante-cinq (1965) de An A et de Hounnègbé ;

Considérant qu’il résulte en outre de l’attestation n°6904/DSEC/SDD du 22 novembre 1989 que A Ai Ah né vers 1965 à Agblangandan, a subi avec succès l’examen du contrôle des études de fin d’enseignement de base (CEFEB) à la session de novembre 1978 ;

Que suivant procès-verbal de compulsion des registres de l’état civil tenus par la mairie de Sèmè-Podji en date du 11 mars 2016 établi par le ministère de Ad Ar Ap Ak B, huissier de justice près le tribunal de première instance de deuxième classe de Ouidah et la Cour d’appel de Ae, il est fait état le 05 août 1959 dans le registre marqué 1959 N°401à 500 à la page 435, de la naissance à Agbalilamè de l’enfant ADANDOGBESSI Justine de sexe féminin ;

Qu’a contrario, dans le registre marqué J S 1974 détenu par le service de l’état civil à la page n° 1292, on peut lire ce qui suit : « jugement supplétif d’acte de naissance n°1343 du 29 août 1974 du tribunal de conciliation de la sous- préfecture de Houlènou homologué le 18 novembre 1974 sous le n°5164 par le tribunal de première instance de Porto-Novo établissant que le nommé A Ai Ah est né à Af Aj de sous-préfecture de Houlènou en mil neuf cent soixante-cinq (1965) de An A et de Hounnègbé » ;

Considérant par ailleurs que les états signalétiques et de service du gendarme A Ah Ai Ag 4177 attestent que l’intéressé est né à … vers 1965 ;

Considérant qu’à l’exception des renseignements figurant au registre matricule, l’ensemble des pièces versées au dossier établissent que le requérant est né en mil neuf cent soixante-cinq (1965) à Agblangandan ;

Considérant que la gestion et le suivi de la carrière du personnel militaire, notamment celle du requérant, relève de l’administration de la gendarmerie nationale qui de façon constante et continue, a procédé à l’appréciation du gendarme A Ah Ai, de 1991 à 2012 ;

Considérant que cette même administration n’est point recevable à notifier à l’intéressé le 22 juin 2015 puis le 15 mars 2016, la date du 1er octobre 2011 et celle du 1er octobre 2009 comme date de départ de celui-ci à la retraite au motif qu’il est né le … … … ;

Que l’argument selon lequel A Ah Ai n’aurait pas été incorporé dans les Ac Ab Aq (devenues Ac Ab Am) sur la base de la date de naissance par lui alléguée paraît spécieux étant donné que le contrôle des dossiers de candidatures notamment des actes de naissance ou des jugements supplétifs en tenant lieu, était de la responsabilité de l’administration ;

Qu’en tout état de cause, celle-ci n’est point fondée à évoquer plus de deux décennies plus tard le moyen tiré de ce que le requérant ne remplissait pas à son incorporation dans l’armée, la condition d’âge fixée à l’article 8 de la loi n°81-014 du 10 octobre 1981 ci-dessus visée ;

Qu’il y a lieu de considérer l’année mil neuf cent soixante-cinq (1965) comme étant celle de la naissance du requérant et rejetant les moyens de l’administration, d’annuler pour excès de pouvoir, les lettres n°176/4-DGGN/DP/ SEC du 22 juin 2015 et n°0049/4-DGGN/DP/BP SOG du 15 mars 2016 ;

PAR CES MOTIFS :

DECIDE :

Article 1er : Le recours en date à Porto-Novo du 12 mai 2016 de A Ah Ai tendant à l’annulation de la décision du 22 juin 2015 de la direction générale de la gendarmerie nationale relative à son départ à la retraite, est recevable.

Article 2: Ledit recours est fondé.

Article 3: Sont annulées avec toutes les conséquences de droit, les lettres n° 176/4-DGGN/DP/SEC du 22 juin 2015 et n° 0049/4-DGGN/DP/BPSOG du 15 mars 2016.

Article 4: Les frais sont mis à la charge du trésor public.

Article 5: Le présent arrêt sera notifié aux parties et au Procureur général près la Cour suprême.

Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre administrative) composée de :

Rémy Yawo KODO, conseiller à la Chambre administrative,

PRESIDENT ;

Honoré KOUKOUI et Dandi GNAMOU, CONSEILLERS ;

Et prononcé à l’audience publique du vendredi trois août deux mille dix-huit, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :

Nicolas Pierre BIAO, Avocat général, MINISTERE PUBLIC ;

AKPONE Affouda Gédéon, GREFFIER ;

Et ont signé :

Le Président-rapporteur Le Greffier.

Rémy Yawo KODO Gédéon Affouda AKPONE


Synthèse
Numéro d'arrêt : 167
Date de la décision : 03/08/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 03/06/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2018-08-03;167 ?
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