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13/07/2018 | BéNIN | N°053

Bénin | Bénin, Cour suprême, 13 juillet 2018, 053


Texte (pseudonymisé)
N° 053/CJ-CM du répertoire ; N° 2005-37/CJ-CM du greffe ; Arrêt du 13 Juillet 2018 ; SOCIETE FRET-AM SARL(Me Magloire YANSUNNU) C/ COMPAGNIE NATIONALE DE NAVIGATION ERIEURE (CNI)-DAVID MENIE CONSUL DU GABON EN REPUBLIQUE DU BENIN (Me Hélène KEKE-AHOLOU)



Violation du principe du double degré de juridiction – Récusation – Conditions – Dépôt d’une demande régulière.

Règle de l’ultra petita – Nécessité de la preuve par les demandes formulées au juge.

Contrat maritime – Litige né de son exécution – Clause attributive insérée dans

le contrat – Clause licite.

L’invocation de la récusation comme moyen tiré du double degré de juridiction né...

N° 053/CJ-CM du répertoire ; N° 2005-37/CJ-CM du greffe ; Arrêt du 13 Juillet 2018 ; SOCIETE FRET-AM SARL(Me Magloire YANSUNNU) C/ COMPAGNIE NATIONALE DE NAVIGATION ERIEURE (CNI)-DAVID MENIE CONSUL DU GABON EN REPUBLIQUE DU BENIN (Me Hélène KEKE-AHOLOU)

Violation du principe du double degré de juridiction – Récusation – Conditions – Dépôt d’une demande régulière.

Règle de l’ultra petita – Nécessité de la preuve par les demandes formulées au juge.

Contrat maritime – Litige né de son exécution – Clause attributive insérée dans le contrat – Clause licite.

L’invocation de la récusation comme moyen tiré du double degré de juridiction nécessite qu’il soit rapporté par le requérant, la preuve du dépôt d’une demande régulière dans ce sens.

Aussi, l’invocation du moyen tiré de la règle de l’ultra petita, nécessite que la preuve soit rapportée dans les demandes formulées au juge par les parties.

Enfin, la clause attributive de juridiction insérée dans un contrat est licite dans la mesure où il s’agit d’une faculté qui est donnée aux parties contractantes de choisir la juridiction adaptée à un conflit éventuel à naître dans l’exécution de leurs obligations.

La Cour,

Vu l’acte n°21/2004 du 11 novembre 2004 du greffe de la cour d’appel de Cotonou par lequel maître Magloire YANSUNNU, conseil de la société FRET-AM Sarl, a élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n° 127/2004 rendu le 29 juillet 2004 par la chambre des référés commerciaux de cette cour ;

Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;

Vu l’arrêt attaqué ;

Vu la loi n° 90-012 du 1er juin 1990 portant remise en vigueur et modification des ordonnances n°s 21/PR du 26 avril 1966 et 70-16 du 14 mars 1970 définissant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour suprême ;

Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;

Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;

Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;

Vu les pièces du dossier ;

Ouï à l’audience publique du vendredi 13 juillet 2018 le conseiller Antoine GOUHOUEDE en son rapport ;

Ouï le procureur général, Aa Ab B en ses conclusions ;

Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que suivant l’acte n°21/2004 du 11 novembre 2004 du greffe de la cour d’appel de Cotonou, maître Magloire YANSUNNU, conseil de la société FRET-AM Sarl, a élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n° 127/2004 rendu le 29 juillet 2004 par la chambre des référés commerciaux de cette cour ;

Que par lettre n° 4054/GCS du 14 décembre 2005 du greffe de la Cour suprême, maître Magloire YANSUNNU a été mis en demeure d’avoir à consigner dans un délai de quinze (15) jours et à produire ses moyens de cassation dans un délai d’un (01) mois, le tout, conformément aux dispositions des articles 42, 45 et 51 de l’ordonnance 21/PR du 26 avril 1966 organisant la Cour suprême ;

Que la consignation a été payée et les mémoires ampliatif et en défense produits ;

Que le procureur général a produit ses conclusions ;

En la forme

Attendu que présent pourvoi a été introduit dans les forme et délai de la loi ;

Qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;

Au fond

Faits et procédure

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que suivant l’ordonnance à pied de requête n° 165/2002 du 18 février 2002 du président du tribunal de première instance de Cotonou, la société FRET-AM Sarl a été autorisée à pratiquer saisie conservatoire sur le navire LCT MAHOTES appartenant à la Compagnie Nationale de Navigation Intérieure (CNI) sur le fondement d’une créance qui lui serait due par cette dernière ;

Que par exploit du 1er mars 2002, la CNI a assigné la société FRET-AM Sarl devant le juge des référés du tribunal de première instance de Cotonou à l’effet de constater que la saisie pratiquée sur son navire a été ordonnée en violation de la clause attributive de juridiction insérée au contrat maritime liant les parties, de rétracter ladite ordonnance et d’ordonner subséquemment mainlevée de la saisie pratiquée en vertu de cette décision ;

Que le juge des référés a rendu l’ordonnance n° 9/REF-CIV du 13 mars 2002 faisant droit aux demandes de la CNI ;

Que sur appel de la société FRET-AM Sarl, la cour d’appel de Cotonou a rendu l’arrêt confirmatif n°127/2004 du 29 juillet 2004 ;

Que c’est contre cet arrêt que le présent pourvoi est élevé ;

Discussion

SUR LE MOYEN TIRE DE LA VIOLATION DU PRINCIPE DU DOUBLE DEGRE DE JURIDICTION

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir écarté la demande de récusation du juge Honoré AKPOMEY qui avait connu de l’affaire en première instance et qui faisait à nouveau partie de la composition qui a connu du dossier en appel, alors que, selon le moyen, l’article 65 de la loi du 27 août 2002 portant organisation judiciaire en République du Bénin édicte dans l’intérêt du justiciable et pour une bonne administration de la justice, une règle d’ordre public suivant laquelle aucun juge ne peut connaître de la même affaire tant en première instance qu’en appel sans violer le principe général du double degré de juridiction ;

Mais attendu que l’examen des pièces du dossier ne révèle nulle part qu’une requête en récusation de juge a été formée, en tous les cas avant la clôture des débats, par acte passé au greffe de la juridiction à laquelle appartient le juge et que cette requête accompagnée des pièces propres à la justifier indique avec précision les motifs de la récusation ;

Qu’il en résulte que la demanderesse au pourvoi ne rapporte pas au dossier la preuve qu’une demande régulière de récusation a été présentée devant les juges d’appel et que ceux-ci l’ont rejetée ;

Qu’il s’ensuit que ce moyen est irrecevable ;

SUR LE MOYEN TIRE DE LA VIOLATION DE LA LOI PAR REFUS D’APPLICATION DE LA LOI

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé la décision du premier juge des référés qui a ordonné la rétractation de l’ordonnance présidentielle n°165/2002 du 18 février 2002 ayant autorisé la saisie du navire LCT MAHOTES, alors que, selon le moyen, aucune demande de rétractation ne lui a été présentée, le juge ne devant se prononcer que sur ce qui a été demandé ;

Mais attendu que sous le moyen tiré de la violation de la loi par refus d’application qui consiste à ne pas appliquer la règle de droit à une situation qu’elle devait régir, la demanderesse au pourvoi développe plutôt un grief pris de la violation de la règle de l’ultra petita, mettant ainsi la haute Juridiction dans l’impossibilité de statuer sur ce chef ;

Que ce moyen est donc irrecevable ;

Et attendu, sur la violation de la règle de l’ultra petita, qu’il ressort de l’ensemble des prétentions de la CNI contenues tant dans son assignation en référé, dans ses notes de plaidoiries du 21 février 2002 prises devant le premier juge que dans ses conclusions d’appel en réplique du 29 mars 2004, qu’elle a demandé, outre la nullité de l’ordonnance de saisie du 18 février 2002, la rétractation de cette ordonnance et subséquemment la mainlevée de la saisie pratiquée en vertu de cette décision ;

Que les juges d’appel, en confirmant l’ordonnance de rétractation, ont statué dans les limites des demandes qui leur ont été présentées ;

Que le moyen tiré de la violation de la règle de l’ultra petita n’est pas fondé ;

SUR LE MOYEN TIRE DU DEFAUT DE REPONSE A CONCLUSIONS

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué du défaut de réponse à conclusion en ce que la cour d’appel n’a pas répondu au moyen et à la demande contenus dans les conclusions de la société FRET-AM Sarl aux fins de dire si la clause attributive de juridiction insérée dans le contrat maritime conclu avec la CNI était conforme à la convention de Bruxelles ou si la convention de Bruxelles avait édicté des dispositions supplétives ou impératives, alors que, selon le moyen, les parties ne peuvent pas déroger aux règles prévues par la convention de Bruxelles, les clauses attributives de compétence visant à protéger le transporteur étant nulles et réputées non écrites ;

Mais attendu que l’arrêt attaqué retient : « Attendu que suivant la convention de Bruxelles invoquée, ‘’tout navire marchand peut être saisi dans tout port pour toute créance née dans quelque pays’’;

Qu’il s’agit d’une faculté qui est donnée aux parties contractantes, faculté à laquelle elles peuvent déroger pour se faire établir des clauses contractuelles qu’elles pensent être plus adaptées à leur contrat ;

Que dans le cas d’espèce, la CNI et la société FRET-AM Sarl ont librement convenu de ce que, ‘’en cas d’inobservation des dispositions du présent contrat, les deux parties s’engagent à régler ce différend à l’amiable. En cas de désaccord dûment constaté, la partie lésée saisit les tribunaux de Libreville, lieu du siège de l’armateur, seuls compétents à se saisir de l’affaire’’;

Que les parties en insérant une telle clause dans leur contrat, n’ont fait qu’usage de la faculté qui leur est donnée dans la convention de Bruxelles pour soumettre aux juridictions gabonaises les différends qui résulteraient de l’exécution de leur contrat ;

Qu’il s’ensuit que ladite clause n’est pas illicite pour être réputée non écrite ;

Qu’il y a lieu de rejeter le moyen tiré de la clause attributive de compétence aux juridictions gabonaises, qui serait léonine et illicite, pour être réputée non écrite » ;

Que par ces énonciations, les juges de la cour d’appel ont répondu aux conclusions invoquées ;

Que le moyen n’est pas fondé ;

SUR LE MOYEN TIRE DU DEFAUT DE BASE LEGALE

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de manquer de base légale pour n’avoir pas recherché, à travers les éléments versés au dossier et susceptibles de déterminer l’application de la loi, les éléments de fait relatif à l’échec du règlement amiable et à la contestation sérieuse qui devraient amener le juge des référés à se déclarer incompétent à connaître de la mainlevée sollicitée par la CNI ;

Mais attendu que pour écarter le moyen tiré de l’incompétence pour cause d’échec du règlement amiable, les juges d’appel ont d’abord constaté que le premier juge des référés n’avait pas été appelé à statuer sur l’existence ou non, le bien-fondé ou non d’une quelconque créance dont l’une des parties serait débitrice envers l’autre, ni sur l’échec ou non d’un quelconque règlement amiable entre les parties ;

Qu’ils ont ensuite relevé que la clause attributive de compétence aux juridictions gabonaises insérée au contrat maritime liant les parties rendait les tribunaux béninois incompétents à connaître de la demande d’autorisation de saisie de navire présentée par la société FRET-AM Sarl ;

Qu’en l’état de ces constatations, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;

Que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

Reçoit en la forme le présent pourvoi ;

Le rejette quant au fond ;

Met les frais à la charge de la société FRET-AM Sarl ;

Ordonne la notification du présent arrêt aux parties  ainsi qu’au procureur général près la Cour suprême ;

Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d’appel de Cotonou ;

Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre judiciaire) composée de :

Innocent Sourou AVOGNON, président de la chambre judiciaire,

PRESIDENT ;

Michèle CARRENA-ADOSSOU

Et CONSEILLERS ;

Antoine GOUHOUEDE

Et prononcé à l’audience publique du vendredi treize juillet deux mille dix-huit, la chambre étant composée comme il est dit ci-dessus, en présence de :

Aa Ab B, PROCUREUR A

Hélène NAHUM-GANSARE, GREFFIER;

Et ont signé,

Le président, Le rapporteur,

Innocent Sourou AVOGNON Antoine GOUHOUEDE

Le greffier.

Hélène NAHUM-GANSARE


Synthèse
Numéro d'arrêt : 053
Date de la décision : 13/07/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2018-07-13;053 ?
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