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22/06/2018 | BéNIN | N°46

Bénin | Bénin, Cour suprême, 22 juin 2018, 46


Texte (pseudonymisé)
N° 46/CJ-CM du Répertoire ; N° 2005-01/CJ-CM du greffe ; Arrêt du 22 juin 2018 ; Etat Béninois représenté par l’Agent Judiciaire du Trésor C/ Société First System Industry (FSI) Banque Internationale du Bénin (BIBE)



Voies d’exécution - Condamnation solidaire - Dénonciation de l’acte de saisie - Bénéfice de division - Voies d’exécution - Société d’Etat à vocation commerciale - Etablissement public à caractère industriel et commercial - Immunité d’exécution (non).



Procèdent à une juste application de la loi et en particul

ier de l’article 160 de l’Acte Uniforme OHADA relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et aux voies d...

N° 46/CJ-CM du Répertoire ; N° 2005-01/CJ-CM du greffe ; Arrêt du 22 juin 2018 ; Etat Béninois représenté par l’Agent Judiciaire du Trésor C/ Société First System Industry (FSI) Banque Internationale du Bénin (BIBE)

Voies d’exécution - Condamnation solidaire - Dénonciation de l’acte de saisie - Bénéfice de division - Voies d’exécution - Société d’Etat à vocation commerciale - Etablissement public à caractère industriel et commercial - Immunité d’exécution (non).

Procèdent à une juste application de la loi et en particulier de l’article 160 de l’Acte Uniforme OHADA relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et aux voies d’exécution, les juges du fond ayant décidé qu’en cas de condamnation solidaire de plusieurs débiteurs, le créancier est fondé à ne pratiquer saisie, puis dénonciation de l’acte de saisie qu’à l’égard de l’un d’eux. Les dispositions de droit commun selon lesquelles, ledit débiteur ne peut opposer le bénéfice de division au créancier restent applicables.

Justifient légalement leur décision, les juges du fond ayant considéré qu’une société d’Etat à vocation commerciale ou un établissement public à caractère industriel et commercial est susceptible de mesures d’exécution, nonobstant la participation de l’Etat à leur capital, dès lors qu’ils sont régis par les règles du droit privé.

La Cour,

Vu l’acte n°106/01 du 28 novembre 2001 du greffe de la cour d’appel de Cotonou par lequel maître Alexandrine F. SAÏZONOU, conseil de l’Etat Béninois représenté par l’Agent Judiciaire du Trésor, a élevé pourvoi en cassation contre l’arrêt n°109/2èCCMS/01 rendu le 28 novembre 2001 par la chambre civile de cette cour ;

Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;

Vu l’arrêt attaqué ;

Vu la loi n°90-012 du 1er juin 1990 portant remise en vigueur et modification des ordonnances n°S 21/PR du 26 avril 1966 et 70-16 du 14 mars 1970 organisant la Cour suprême ;

Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;

Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;

Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;

Vu les pièces du dossier ;

Ouï à l’audience publique du vendredi 22 juin 2018 le conseiller Michèle CARRENA ADOSSOU en son rapport ;

Ouï l’avocat général Saturnin D. AFATON en ses conclusions ;

Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que suivant l’acte n°106/01 du 28 novembre 2001 du greffe de la cour d’appel de Cotonou, maître Alexandrine F. SAÏZONOU, conseil de l’Etat Béninois représenté par l’Agent Judiciaire du Trésor, a élevé pourvoi en cassation contre l’arrêt n°109/2èCCMS/01 rendu le 28 novembre 2001 par la chambre civile de cette cour ;

Que par lettre n°0584/GCS du 08 février 2005, maître SAÏZONOU a été mise en demeure de consigner dans un délai de quinze (15) jours et de produire ses moyens de cassation dans un délai d’un (01) mois, conformément aux articles 42, 45 et 51 de l’ordonnance n°21/PR du 26 avril 1966 régissant la Cour suprême ;

Que la consignation a été payée et les mémoires ampliatif et en défense produits ;

Que le parquet général a produit ses conclusions ;

EN LA FORME

Attendu que le pourvoi a été élevé dans les forme et délai de la loi, qu’il y a lieu de le recevoir ;

AU FOND

Faits et procédure

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que courant juin 2001, l’Etat Béninois représenté par l’Agent Judiciaire du Trésor et la République du Nigéria représentée par son ambassadeur au Bénin, ont assigné, en vertu d’une ordonnance à pied de requête, la société First System Industry (FSI) et la banque internationale du Bénin (BIBE), devant le tribunal de première instance de Cotonou, pour voir déclarer entre autres, irrégulière et mal fondée la saisie-attribution opérée et ordonner sa mainlevée ;

Que par jugement n°94/2èC.CIV du 10 août 2001, le tribunal saisi a, entre autres, déclaré régulière en la forme et juste au fond la saisie en cause pratiquée sur le compte de « location gérance du complexe cimentier d’Ad » ;

Que sur appels des parties, la cour d’appel a rendu l’arrêt n°109/2èCCMS/01 du 28 novembre 2001 qui a infirmé le premier jugement ;

Que c’est contre cet arrêt que le présent pourvoi a été formé ;

DISCUSSION DES MOYENS

Sur le premier moyen tiré de la violation de la loi par fausse application de l’article 160 et l’Acte Uniforme OHADA portant procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé la loi par fausse application de l’article 160 de l’Acte Uniforme OHADA portant procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en ce que, les juges du fond ont estimé qu’en raison de la condamnation solidaire, il est loisible à la First Aa Af (FSI) de recouvrer sa créance soit auprès de la Société des Ciments d’Ad BA), soit auprès de l’Etat Béninois, soit auprès de la République du Nigéria ; qu’en choisissant de saisir le compte de la Société des Ciments d’Ad (A), elle a opté de recouvrer sa créance sur la seule société des ciments d’Ad, et que la saisie a été dénoncée à la Société des Ciments d’Ad BA), conformément à l’article 160 précité suivant procès-verbal du 17 mai 2001, alors que, selon le moyen, l’article 160 de l’Acte Uniforme visé, impose sous peine de caducité, la dénonciation de la saisie dans un délai de huit (08) jours au débiteur par acte d’huissier ou d’agent d’exécution ; que si l’arrêt n°205/2000 du 03 août 2000 a condamné solidairement la Société des Ciments d’Ad BA), l’Etat Béninois et le Ab, c’est parce qu’il a estimé que la Société des Ciments d’Ad (A) est la propriété de ces Etats ; que la location gérance a été conclue par ces deux Etats propriétaires, qu’il résulte de la décision relative à cette location gérance que les produits générés seront répartis selon une clé après déduction des frais de fonctionnement du comité de contrôle comme suit : 90% à affecter au remboursement de la dette extérieure et intérieure dans les proportions de 70% et de 20% respectivement, 10% à répartir aux deux Etats au titre de dividende en fonction de leur contribution au capital de la société ; que propriétaire en partie de la Société des Ciments d’Ad BA) et venant en partage du bénéfice, l’Etat Béninois doit recevoir dénonciation de la saisie, que l’Acte Uniforme OHADA visé n’a pas distingué entre les débiteurs à qui il faut dénoncer l’acte de saisie ;

Mais attendu que la condamnation solidaire implique, conformément à l’article 1200 du code civil applicable, que chacun des débiteurs ainsi condamnés peut être contraint pour la totalité et que le paiement fait par un seul libère les autres envers le créancier ;

Que suivant l’article 1203 de ce code, le créancier peut s’adresser au débiteur solidaire de son choix sans qu’il puisse lui opposer le bénéfice de division ;

Que la saisie ayant été dirigée sur la Société des Ciments d’Ad (A), c’est à bon droit que ce débiteur solidaire a seul reçu dénonciation de l’acte de saisie ;

Que l’article 160 de l’Acte Uniforme OHADA visé n’ayant, comme le reconnaît le demandeur, donné aucune précision particulière, sur la dette solidaire, le droit commun de la solidarité doit s’appliquer ;

Qu’en conséquence, le moyen n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen tiré de la violation de la loi par fausse application des articles 29 et suivants de la convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques, de l’article 30 de l’Acte Uniforme OHADA portant voie d’exécution, et de l’article 537 alinéa 2 du code civil.

Attendu qu’il est fait également grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé par fausse application les articles visés, en ce que les juges d’appel ont décidé « que si en raison de l’immunité de la puissance publique dont il bénéficie, il ne peut être procédé saisie contre l’Etat Béninois, ce privilège ne peut rejaillir sur une société privée dans laquelle ledit Etat aurait des intérêts », alors que, selon le moyen, suivant l’article 29 de la convention de Vienne du 18 avril 1961, la République fédérale du Nigéria dont la représentation diplomatique est accréditée en République du Bénin, bénéficie de l’immunité d’exécution, que l’article 30 de l’Acte Uniforme OHADA sur les voies d’exécution prévoit que l’exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d’une immunité d’exécution, et que l’article 537 alinéa 2 du code civil précise que les biens n’appartenant pas à des personnes privées sont administrés et aliénés dans les formes et suivants les règles qui leur sont particulières, qu’ainsi, les biens des personnes publiques exerçant même une activité industrielle et commerciale, ne peuvent pas faire l’objet de voies d’exécution du droit privé, en raison du principe général d’insaisissabilité qui leur profite ;

Mais attendu que contrairement aux allégations du demandeur au pourvoi, les biens des Sociétés d’Etat à vocation commerciale et des Etablissements Publics à caractère Industriel et Commercial (EPIC), sont susceptibles de voie d’exécution ;

Que l’arrêt attaqué ayant relevé à bon droit que la Société des Ciments d’Ad BA) est une société privée dans laquelle l’Etat a une participation et qu’elle est gérée selon les règles de droit privé, les juges d’appel ont procédé à une correcte application de la loi en tirant la conséquence juridique que l’immunité d’exécution qui profite à l’Etat ne saurait être étendue à cette Société des Ciments d’Ad (A) ; qu’en effet, cette société est autonome avec un patrimoine distinct de celui de l’Etat Béninois ;

Que ce moyen n’est pas fondé ;

Sur le troisième moyen tiré du défaut de base légale.

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt déféré à la censure de n’avoir pas recherché tous les éléments de fait qui justifient l’application de la loi, en ce que les motivations des juges d’appel se résument à l’affirmation que la Société des Ciments d’Ad est une société de droit privé, alors que, selon le moyen, les fonds saisis sur le compte de l’Ae Ab, ne sont pas des fonds de la Société des Ciments d’Ad BA), mais des fonds appartenant aux Etats Ac et Nigérians et résultant de la location gérance ;

Mais attendu que l’arrêt soumis à la censure a constaté que l’Etat Béninois, l’Ae Ab et la Société des Ciments d’Ad (A) sont tous débiteurs solidaires de la société FSI, et a relevé que le privilège régalien de l’Etat n’est attaché qu’à l’Etat seul et non à la Société des Ciments d’Ad (A) gérée selon les règles de droit privé ; que si les fonds de l’Etat Béninois logés au Trésor public ne peuvent faire l’objet de saisie, il en est autrement des fonds d’une société privée dans laquelle l’Etat a une participation ;

Attendu que s’étant ainsi déterminé, les juges ont légalement justifié leur décision ;

Que dès lors, ce moyen n’est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen tiré de la contradiction de motifs

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt de la contradiction de motifs, en ce que d’une part, il a estimé « que si en raison de l’immunité de la puissance publique dont il bénéficie, il ne peut être procédé saisie contre l’Etat Béninois… », que la contradiction apparaît lorsque les mêmes juges soutiennent que les comptes saisis et qui sont la propriété des Etats Ab et Béninois peuvent être saisis ; que la cour a statué en feignant d’ignorer que la Société des Ciments d’Ad BA) est en location gérance et que les loyers de ladite location gérance sont déjà répartis entre les deux (02) Etats ;

Mais attendu d’une part que, contrairement aux affirmations du moyen, l’arrêt n’a pas estimé que les comptes saisis sont la propriété des Etats Ab et Béninois ;

Que d’autre part, la répartition des loyers de la gérance de la société entre les deux Etats relève d’éléments de fait qui échappent au contrôle de la Haute Cour ;

Que le moyen tiré de la contradiction de motifs n’est pas fondé ;

Sur le cinquième moyen tiré de ce que le pourvoi de l’Etat Béninois ne peut être dirigé contre la Banque Internationale du Bénin (BIBE).

Attendu que la banque internationale du Bénin (BIBE) fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir désignée en qualité de tiers saisi à qui les juges du fond ont fait injonction d’avoir à reverser au créancier saisissant sous astreintes comminatoires les sommes détenues pour l’une des parties au procès, alors que, selon le moyen, la banque internationale du Bénin (tiers saisi) n’avait pas conclu contre le demandeur devant les juges du fond qui ont rendu la décision attaquée, que le demandeur au pourvoi n’avait non plus conclu devant ces juges contre elle, que dès lors, la banque doit être mise hors de cause ;

Mais attendu que le jugement n°94/2èC.CIV du 10 août 2001 partiellement confirmé par l’arrêt déféré a « constaté que la saisie attribution des 14 et 15 mai 2001 pratiquée sur le compte de « location gérance du complexe cimentier d’Ad est régulière en la forme et juste au fond… » ;

Que l’arrêt déféré a confirmé à bon droit la régularité de cette saisie en la forme et au fond ;

Que cet arrêt indique parmi les parties en cause, « la banque internationale du Bénin (BIBE), société anonyme ayant son siège social à Cotonou, Avenue Giran, carrefour des trois banques, 03 BP 2098 Jéricho, téléphone 31-55-49, représentée par ses dirigeants légaux en exercice audit siège », en qualité d’intimé ;

Que c’est en tant que tiers régulièrement saisi que la banque internationale du Bénin a dûment reçu notification de l’acte d’appel figurant au dossier, et qui lui a été délivré le 23 août 2001 ;

Qu’ayant été assignée en la cause, il lui revenait de conclure ;

Que dans ces conditions, le grief tendant à soutenir qu’elle n’a pas conclu devant les juges du fond et que le demandeur au pourvoi n’a non plus conclu contre elle, est inopérant ;

Qu’en lui ordonnant sous astreintes comminatoires de libérer les fonds saisis entre les mains de la société First System Industry, les juges du fond ont procédé à une bonne administration de la justice ;

Qu’il s’ensuit que ce moyen qui vise la mise hors de cause de la BIBE n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

Reçoit en la forme le présent pourvoi ;

Le rejette quant au fond ;

Met les frais à la charge du Trésor public ;

Ordonne la notification du présent arrêt au procureur général près la Cour suprême ainsi qu’aux parties ;

Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d’appel de Cotonou ;

Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre judiciaire) composée de :

Innocent Sourou AVOGNON, président de la chambre judiciaire ;

PRESIDENT;

Michèle CARRENA ADOSSOU et CONSEILLERS ;

Antoine GOUHOUEDE

Et prononcé à l’audience publique du vendredi vingt-deux juin deux mille dix-huit, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus, en présence de :

Saturnin D. AFATON, AVOCAT GENERAL;

Djèwekpégo Paul ASSOGBA GREFFIER ;,

Et ont signé :

Le Président Le Rapporteur

.

Innocent Sourou AVOGNON Michèle CARRENA ADOSSOU

Le Greffier.

Djèwekpégo Paul ASSOGBA


Synthèse
Numéro d'arrêt : 46
Date de la décision : 22/06/2018

Analyses

Voies d’exécution - Condamnation solidaire - Dénonciation de l’acte de saisie - Bénéfice de division - Voies d’exécution - Société d’Etat à vocation commerciale - Etablissement public à caractère industriel et commercial - Immunité d’exécution (non).


Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2018-06-22;46 ?
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