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24/05/2018 | BéNIN | N°95

Bénin | Bénin, Cour suprême, 24 mai 2018, 95


Texte (pseudonymisé)
Contentieux de la fonction publique – Reconstitution de carrière – Défaut de base légale – Acquiescement de l’administration – Annulation.

Est annulé, en dépit de l’acquiescement de l’administration aux prétentions du requérant, l’acte réglementaire qui n’aura pas été abrogé ou retiré par son auteur, même si l’acte a cessé de produire ses effets.

N° 95/CA 24 mai 2018

LOKO G. Grégoire et 04 autres

C/

Président de la République – MISPC – GDPN

La Cour,

Vu la requête introductive d’instance valant mémoir

e ampliatif en date à Cotonou du 20 janvier 2016, enregistrée au Greffe de la Cour le 21 janvier 2016 sous le n°0063/GCS, par laquelle ...

Contentieux de la fonction publique – Reconstitution de carrière – Défaut de base légale – Acquiescement de l’administration – Annulation.

Est annulé, en dépit de l’acquiescement de l’administration aux prétentions du requérant, l’acte réglementaire qui n’aura pas été abrogé ou retiré par son auteur, même si l’acte a cessé de produire ses effets.

N° 95/CA 24 mai 2018

LOKO G. Grégoire et 04 autres

C/

Président de la République – MISPC – GDPN

La Cour,

Vu la requête introductive d’instance valant mémoire ampliatif en date à Cotonou du 20 janvier 2016, enregistrée au Greffe de la Cour le 21 janvier 2016 sous le n°0063/GCS, par laquelle LOKO Ag Af, a saisi la Cour d’un recours en annulation du décret n°2015-414 du 20 juillet 2015 portant reconstitution de carrière des fonctionnaires reversés à la Police Nationale en 1991 (avec la mention « A SUBSTITUER A L’ANCIENNE COPIE ») ;

Vu les requêtes introductives d’instance valant mémoire ampliatif en date à Cotonou des 20 et 21 janvier 2016, enregistrées au Greffe de la Cour les 22 janvier et 26 février 2016, respectivement sous les n°0067/GCS, n°0070/GCS, n°0072/GCS, n°0074/GCS et n°0076/GCS, par lesquelles X Ad, AGBOSSAGA César, C Ac Ae, A Ab et B Aa, ont saisi la haute Juridiction d’un recours en annulation du décret n°2015-414 du 20 juillet 2015 portant reconstitution de carrière des fonctionnaires reversés à la Police Nationale en 1991 (avec la mention « A SUBSTITUER A L’ANCIENNE COPIE »).

Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;

Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;

Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;

Vu toutes les pièces du dossier ;

Ouï le conseiller Victor Dassi ADOSSOU, en son rapport ;

Ouï l’avocat général Nicolas Pierre BIAO, en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

En la forme

Considérant que les requérants exposent au soutien de leur recours :

Que dans le souci de régler définitivement les injustices engendrées par la mauvaise gestion des carrières à la Police Nationale, le gouvernement, par décret n°2009-713 du 31 décembre 2009, a décidé des modalités de reconstitution de carrière des fonctionnaires de police ;

Que suite aux séances de travail qui ont été tenues, précisément celle du Conseil des ministres du 02 juin 2015, le Président de la République a pris un ensemble de neuf (09) décrets dont celui n°2015-414 du 20 juillet 2015 portant reconstitution de carrière des fonctionnaires reversés à la Police Nationale en 1991, conformément aux propositions issues des travaux de la commission créée par l’Arrêté interministériel n°149/MISPC/MEF/DC/SGM/SA du 07 septembre 2011 ;

Que c’est ainsi que le Directeur Général de la Police Nationale a instruit, le 24 juillet 2015, respectivement le Directeur des ressources humaines et celui des études, de la réglementation et du contentieux aux fins de notifier lesdits décrets aux intéressés et de recueillir les éventuelles réclamations ;

Qu’ils ont donc reçu notification du décret suscité le 30 juillet 2015 ;

Que contre toute attente, le Directeur des ressources humaines de la Police Nationale a été, à nouveau, instruit aux fins de notifier aux fonctionnaires concernés, un ensemble de 10 décrets dont une autre version de celui n°2015-414 du 20 juillet 2015 revêtu de la mention « A SUBSTITUER A L’ANCIENNE COPIE » en haut de la première page ;

Que cette dernière version recèle des incohérences notoires qui remettent en cause la situation de dix-sept (17) officiers de police recrutés en 1991 ;

Que ledit décret les nomme au grade de Commissaire Divisionnaire de Police pour compter du 03 septembre 2011 au lieu de Contrôleur Général de Police pour compter du 1er avril 2013 et nomme d’autres officiers au grade de Commissaire Divisionnaire de Police avec plus d’ancienneté pour d’autres contrairement au contenu du décret n°2015-414 du 20 juillet 2015 portant reconstitution de carrière des fonctionnaires reversés à la Police Nationale en 1991 ;

Qu’il y a eu une confusion d’actes individuels relatifs à la reconstitution de carrière qui n’est pas de nature à garantir la sécurité juridique ;

Que c’est ainsi que par recours hiérarchique, reçu au cabinet du Président de la République les 20 et 30 septembre 2015, ils ont saisi ce dernier pour voir annuler la substitution arbitraire du décret suscité ;

Que le Président de la République n’a donné aucune suite à ce recours jusqu’à ce jour ;

Que c’est donc face à ce silence qu’ils adressent, conformément aux articles 827 et 828 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes, la présente requête à la haute Juridiction pour voir annuler le décret n°2015-414 du 20 juillet 2015 portant reconstitution de carrière des fonctionnaires reversés à la Police Nationale en 1991 (avec la mention « A SUBSTITUER A L’ANCIENNE COPIE ») ;

Considérant que par lettres n°2498, 2499 et 2500/GCS du 04 septembre 2015 le requérant LOKO Ag Af a été invité à procéder au timbrage des feuillets de sa requête, consigner la somme de quinze mille (15000) au greffe de la Cour et produire en copies lisibles les pièces annexées à son recours ;

Considérant que suite aux mesures d’instruction à lui adressées, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité Publique a transmis à la Cour, son mémoire en défense par lettres n°1026/MISP/DC/DGPN/SP et n°1427/MISP/ DC/SGM/DGPN/SA respectivement en date du 09 octobre 2017 et du 29 décembre 2017 ;

Que de même, l’Agent Judiciaire du Trésor représentant l’Etat béninois, a transmis à la Cour un mémoire en défense par lettre n°268/PR/AJT/BGC/ DCAS/SA du 08 février 2018 enregistrée au greffe le 09 février 2018 sous le n°0164/GCS ;

Sur la jonction

Considérant que les présents recours, objets des procédures n° 2016-51/CA1, n° 2016-52/CA2, n° 2016-53/CA2, n° 2016-58/CA2, n° 2016-59/CA2, n° 2016-60/CA2 et n° 2016-61/CA2, tendent tous à l’annulation du décret n°2015-414 du 20 juillet 2015 portant reconstitution de carrière des fonctionnaires reversés à la Police Nationale en 1991 (avec la mention « A SUBSTITUER A L’ANCIENNE COPIE ») pris par le Président de la République.

Qu’ils présentent par conséquent, un lien de connexité suffisant qui fonde le juge à les joindre afin qu’il y soit statué par une seule et même décision.

Sur la recevabilité

Considérant que les présents recours sont respectueux des conditions de forme et de délai prévues par la loi ;

Qu’il échet de les déclarer recevables ;

Au fond

Considérant que les requérants évoquent au soutien de leur demande d’annulation, les vices de forme affectant le décret n°2015-414 du 20 juillet 2015 portant reconstitution de carrière des fonctionnaires reversés à la Police Nationale en 1991 « A SUBSTITUER A L’ANCIENNE COPIE » ;

Que ces vices se rapportent à l’incompétence de l’auteur de l’acte, au vice de procédure et l’absence de motivation ;

Qu’ils développent qu’au fond, le décret suscité contient des anomalies notamment au regard de la date de l’intitulé et du contenu qui trahissent le faux ;

Que ledit décret viole le principe de l’égalité devant la loi en ce qu’il pratique une discrimination à l’égard de leur catégorie d’officiers de police de même qu’il viole l’autorité de la chose décidée qui produit à leur endroit des droits acquis ;

Considérant que par ses observations, le Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité Publique reconnaît les vices qui entachent la régularité du décret n°2015-414 du 20 juillet 2015 portant reconstitution de carrière des fonctionnaires reversés à la Police Nationale en 1991 « A SUBSTITUER A L’ANCIENNE COPIE » ;

Qu’en réalité, ledit décret, rempli d’incohérences, rétrograde les requérants en les ramenant au grade de Commissaire Divisionnaire de Police alors que celui n°2015-414 du 20 juillet 2015 portant reconstitution de carrière des fonctionnaires reversés à la Police Nationale en 1991 les consacre régulièrement Contrôleur Général de Police avec notification administrative et publication au Journal Officiel ;

Que l’acte étant dépourvu de base légale, il devra être purement et simplement annulé ;

Que d’ailleurs, l’administration de la Police Nationale s’est rendu compte de son erreur si bien que les requérants sont maintenus dans leur grade de Contrôleur Général et en arborent d’ores et déjà le galon ;

Sur l’acquiescement de l’administration

Considérant que les présents recours visent l’annulation du décret n°2015-414 du 20 juillet 2015 portant reconstitution de carrière des fonctionnaires reversés à la Police Nationale en 1991 « A SUBSTITUER A L’ANCIENNE COPIE » au motif des irrégularités qui l’entachent ;

Considérant que l’administration relève le bien fondé des recours des requérants ;

Qu’elle acquiesce aux faits d’autant plus qu’elle soutient que la situation des requérants a été d’ores et déjà régularisée, même si elle ne rapporte pas la preuve de l’abrogation ou du retrait du décret querellé ;

Qu’il y a lieu de dire et juger que ledit décret doit être annulé ;

PAR CES MOTIFS,

Décide :

Article 1er : Il est ordonné la jonction des procédures n° 2016-51/CA1, n° 2016-52/CA2, n° 2016-53/CA2, n° 2016-58/CA2, n° 2016-59/CA2, n° 2016-60/CA2 et n° 2016-61/CA2 pour y être statué par une et même décision ;

Article 2 : Les recours en date à Cotonou respectivement des 20 et 21 janvier 2016 de LOKO Ag Af, da MATHA Etienne, B Aa, X Ad, AGBOSSAGA César, C Ac Ae et A Ab tendant à l’annulation du décret n°2015-414 du 20 juillet 2015 portant reconstitution de carrière des fonctionnaires reversés à la Police Nationale en 1991 « A SUBSTITUER A L’ANCIENNE COPIE », sont recevables ;

Article 3 : lesdits recours sont fondés ;

Article 4 : Le décret n°2015-414 du 20 juillet 2015 portant reconstitution de carrière des fonctionnaires reversés à la Police Nationale en 1991 « A SUBSTITUER A L’ANCIENNE COPIE » est annulé avec toutes les conséquences de droit ;

Article 5: Le décret n°2015-414 du 20 juillet 2015 portant reconstitution de carrière des fonctionnaires reversés à la Police Nationale en 1991 conserve son plein et entier effet

Article 6 : Les frais sont mis à la charge du Trésor public ;

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié aux parties et au Procureur général près la Cour suprême.

Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre administrative) composée de :

Victor Dassi ADOSSOU, conseiller à la chambre administrative ;

PRESIDENT;

Rémy Yawo KODO et Etienne AHOUANKA, CONSEILLERS ;

Et prononcé à l’audience publique du jeudi vingt quatre mai deux mille dix-huit, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :

Nicolas Pierre BIAO, avocat général ; MINISTERE PUBLIC ;

Philippe AHOMADEGBE, GREFFIER ;

Et ont signé :

Le président-rapporteur Le Greffier,

Victor Dassi ADOSSOU Philippe AHOMADEGBE


Synthèse
Numéro d'arrêt : 95
Date de la décision : 24/05/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 03/06/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2018-05-24;95 ?
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