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14/05/2018 | BéNIN | N°009

Bénin | Bénin, Cour suprême, 14 mai 2018, 009


Texte (pseudonymisé)
Recevabilité du recours –validation de la réunion – Pouvoirs liés du Préfet- Annulation de l’arrêté portant à nouveau convocation des conseillers pour l’élection du Maire

Les délais de recours prévus dans le code électoral, contentieux spécial, rendent inutiles l’exigence d’un recours administratif préalable aux fins de constatations de l’élection d’un Maire. Une réunion régulièrement convoquée par le Préfet en vue de l’élection du Maire, réunion régulièrement entamée avec un présidium légalement constitué ne peut, sauf survenance d’un cas

de force majeure, être valablement suspendue, ni qualifiée d’informelle.

L’examen des conditions d...

Recevabilité du recours –validation de la réunion – Pouvoirs liés du Préfet- Annulation de l’arrêté portant à nouveau convocation des conseillers pour l’élection du Maire

Les délais de recours prévus dans le code électoral, contentieux spécial, rendent inutiles l’exigence d’un recours administratif préalable aux fins de constatations de l’élection d’un Maire. Une réunion régulièrement convoquée par le Préfet en vue de l’élection du Maire, réunion régulièrement entamée avec un présidium légalement constitué ne peut, sauf survenance d’un cas de force majeure, être valablement suspendue, ni qualifiée d’informelle.

L’examen des conditions de déroulement de l’élection et leur validation relèvent exclusivement de la compétence de la haute Juridiction.

Pour n’avoir pas constaté les résultats, ou les avoir contestés, le Préfet a excédé ses pouvoirs en convoquant à nouveau les conseillers de la Commune d’Aplahoué pour de nouvelles élections. L’arrêté portant convocation des conseillers est annulé.

N° 009/CA/ECML 14 mars 2019

AG Aj et consorts

C/

Préfet du Département du Couffo

La Cour,

Vu la requête introductive d’instance sans date à Ag, enregistrée au greffe de la Cour suprême le 17 septembre 2018 sous le n°0134/GCS/ECML, par laquelle MM. Aj AG, Ac Z, Ab Z, Af C, Ah AJ, Toussaint N’TOHOSSI, Ae Y, A. Ai A, Al AK, Am Z et Ad B, tous assistés de Me Raoul HOUNGBEDJI, ont saisi la haute Juridiction d’un recours en annulation de l’arrêté préfectoral n°6/080/PDC/SG/STCCD du 14 septembre 2018 portant convocation des conseillers de la commune d’Aplahoué pris par le Préfet du département du Couffo ;

Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant Composition, Organisation, Fonctionnement et Attributions de la Cour suprême ;

Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;

Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;

Vu la loi n°2013-06 du 25 novembre 2013 portant code électoral en République du Bénin ;

Vu la correspondance n°0631/GCS/ECML du 05 octobre 2018 du Greffier en chef de la Cour suprême portant communication de pièces et invitant le Préfet du département du Couffo à produire ses observations, dans un délai de quinze (15) jours ;

Vu les observations du Préfet par lettre n°6/0714/PDC/SG/STCCD en date à Aplahoué du 29 octobre 2018 ;

Vu toutes les pièces du dossier ;

Le Conseiller Dandi GNAMOU entendu en son rapport ;

Le Procureur général Aa AH entendu en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

En la forme,

Sur l’irrecevabilité tiré de l’absence de recours préalable

Considérant que les requérants exposent ;

Que par arrêté préfectoral n°6/072/PDC/SG/STCCD du 31 août 2018, le Préfet du Couffo a convoqué les conseillers de la commune d’Aplahoué à prendre part à la session d’élection du Maire ;

Que la délégation préfectorale, après vérification de la présence de l’ensemble des conseillers, a procédé à l’installation du présidium puis s’est retiré pour laisser ce dernier diriger l’élection ;

Qu’il y a eu plusieurs candidats volontaires de la liste majoritaire UN et une candidature de la liste minoritaire FCBE qui a suscité des contestations et des difficultés d’interprétation au regard de l’article 400 qui ont conduit le présidium à requérir l’avis de la délégation préfectorale ;

Que la délégation s’est ensuite retirée avec quelques conseillers pour revenir une dizaine de minutes plus tard prononcer le report de la séance ;

Que l’assistance a rappelé qu’il appartient au présidium désormais installé de décider d’un report ;

Que le présidium a demandé aux conseillers qui étaient à l’extérieur de revenir poursuivre la séance de vote et que ceux-ci n’ont pas rejoint la salle ;

Que le vote s’est déroulé avec les conseillers restés dans la salle et que le présidium a proclamé à l’issue du vote, M. AG Aj élu maire ;

Que le contentieux de la régularité de la procédure d’élection du Maire d’Aplahoué fait l’objet d’une procédure déjà pendante devant la haute Juridiction ;

Que nonobstant ce recours devant la haute Juridiction, le Préfet au lieu de constater l’élection du Maire élu, a convoqué, à nouveau, à tort, le corps électoral aux fins de désignation d’un nouveau Maire par arrêté préfectoral n°6/080/PDC/SG/STCCD du 14 septembre 2018 ;

Que cet arrêté préfectoral est illégal ;

Considérant que, le Préfet du département du Couffo, observe que l’élection du 07 septembre 2018 a été reportée en raison de troubles à l’ordre public occasionnés par l’ensemble des conseillers communaux ;

Que le report justifie la prise d’un nouvel arrêté convoquant à nouveau les conseillers communaux pour l’élection ;

Qu’il soulève l’irrecevabilité de la requête pour absence de recours préalable et le caractère non suspensif d’un recours devant une juridiction sauf existence d’une décision de sursis à exécuter, ce que la haute Juridiction n’a pas encore prononcé ;

Considérant que le Préfet soulève l’irrecevabilité du présent recours au motif que les requérants auraient dû lui adresser une demande en constatation de l’élection du Maire, et que faute de l’avoir fait, il y a irrecevabilité ;

Considérant que ce moyen tend en réalité à relever l’absence d’un recours préalable auprès du Préfet pour faire constater l’élection ;

Considérant qu’en matière d’élections, la loi ne fait aucune obligation de former un recours préalable en constatation des résultats ;

Qu’aux termes de l’article 407 du code électoral, la contestation de l’élection du Maire est enserrée dans le délai de 15 jours ;

Qu’admettre l’obligation d’un recours administratif préalable, reviendrait aussi à exiger des requérants d’attendre l’épuisement du délai de réponse, de sorte que le défendeur pourrait leur opposer encore deux mois après son silence ou sa réponse explicite, faisant largement dépasser les délais du recours contentieux en matière électorale ;

Que les délais de recours prévus dans le code électoral, contentieux spécial, rendent inutiles l’exigence d’un tel recours administratif préalable aux fins de constatations de l’élection ;

Que dès lors le moyen tiré de l’irrecevabilité pour défaut de recours administratif préalable doit être rejeté ;

Considérant que le délai de recours pour le contentieux électoral est de 15 jours et commence à courir vingt-quatre (24) heures après l’élection ;

Que l’élection a eu lieu le 07 septembre 2018 ;

Que la requête en date du 13 septembre 2018 a effectivement été enregistrée le 14 septembre, soit moins de 15 jours après l’élection ;

Que le moyen tiré de l’irrecevabilité du recours n’est pas fondé ;

Qu’il convient de déclarer le recours recevable pour avoir satisfait à toutes les conditions de forme et de délai de la loi;

Au fond

Sur le caractère informel de la réunion

Considérant que les requérants allèguent la régularité de la procédure de l’élection en raison du quorum atteint à l’ouverture de la réunion, et la mise en place d’un présidium conformément à la loi ;

Qu’ils ont produit à l’appui de leurs allégations, le Rapport du présidium signé du Président et du rapporteur, un procès-verbal d’assistance à la session portant élection du nouveau maire, produit par Constant AI, Huissier de justice, requis pour assister aux opérations de vote à la demande de M. AG Aj, et une lettre portant plainte contre messieurs AG Ak, Premier adjoint au Maire d’Aplahoué et AL Ak pour vol de listes de présence de la session communale du vendredi 07 septembre 2018 ;

Considérant que le Préfet soulève premièrement, la non-constatation des résultats des élections en raison du report décidé par la délégation préfectorale du fait des troubles à l’ordre public, deuxièmement du caractère informel de la réunion ayant conduit au choix de AG Aj et de la violation de l’arrêté n°6/073/PDC/SG/STCCD en date du 07 septembre 2018 ;

Qu’à l’appui de ses observations le Préfet a produit le compte rendu de la délégation de supervision de l’élection du maire de la Commune d’Aplahoué en date du 07 septembre 2018, un arrêté préfectoral n°6/073/PDC/SG/STCCD en date du 07 septembre 2018 portant report sine die de l’élection du maire d’Aplahoué ;

Considérant qu’aux termes des articles 403 et 404 de la loi n°2013-06 du 25 novembre 2013 portant code électoral en République du Bénin ;

« Article 403 : (…) Les membres du Conseil communal ou municipal sont convoqués par arrêté de l’autorité de tutelle. La convocation indique l’élection à laquelle il sera procédé ;

Cette séance de vote élit le bureau présidé par le plus âgé des membres du Conseil communal ou municipal assisté de deux Conseillers choisis parmi les plus jeunes. (…) » ;

« Article 404 : Les résultats de l’élection du maire et de ses adjoints sont rendus publics dans un délai de vingt-quatre (24) heures, par voie d’affichage à la porte de la mairie et sont communiqués, sans délai, à l’autorité de tutelle ;

Les résultats de l’élection du maire et de ses adjoints sont constatés par arrêté préfectoral publié au journal officiel. » ;

Considérant qu’il ressort de façon concordante, du compte rendu de la délégation préfectorale de supervision, du Rapport du présidium signé du Président et du rapporteur, et du PV d’assistance à la session portant élection du nouveau maire de Constant AI, Huissier de justice, qu’à l’ouverture de la séance tous les conseillers étaient effectivement présents et que le présidium a été installé dans ses fonctions ;

Considérant qu’au regard des documents produits les conditions d’installation du Présidium ne sont pas contestées et apparaissent en conformité avec le code électoral ;

Qu’en effet les membres du conseil communal ont, en l’entame de la séance, élu un bureau présidé par le plus âgé des membres du Conseil assisté de deux Conseillers choisis parmi les plus jeunes ;

Que le Présidium a été régulièrement installé et le quorum vérifié, c’est pour cela que la délégation préfectorale s’était retirée ;

Qu’il est constant que les élections se déroulent sous la responsabilité du présidium qui est tenu, en application de l’article 404 alinéa 1er, de déclarer les résultats et de les rendre publics par voie d’affichage et de les communiquer sans délai à l’autorité de tutelle ;

Considérant l’alinéa 2 de l’article 404 qui dispose « Les résultats de l’élection du maire et de ses adjoints sont constatés par arrêté préfectoral publié au journal officiel. » ;

Qu’il ressort de cet article que l’autorité de tutelle qu’est le Préfet, se borne uniquement à la constatation des résultats ;

Qu’il n’a ici aucun pouvoir d’appréciation sur les résultats, il n’a pas compétence pour valider ou invalider les résultats de l’élection ;

Que dès lors que le quorum a été atteint au début de la séance et le présidium valablement mis en place, sans évènement relevant d’un cas de force majeure, l’autorité préfectorale ne peut valablement décider du report d’une élection, l’examen des conditions du déroulement de l’élection relevant exclusivement du juge de la Haute juridiction ;

Que laisser le report d’une séance d’élection au bon vouloir du préfet, alors même que les conseillers ont tous répondu à la convocation, que le quorum était largement atteint et le Présidium régulièrement mis en place pour procéder aux opérations de vote, laisse courir un risque d’arbitraire qu’un Etat de droit ne saurait valider ;

Que dès que le présidium est valablement constitué et que l’élection est proclamée, le Préfet n’a d’autre choix que de constater l’élection (article 404 alinéa 2) ou de la contester (407 alinéa 2) ;

Qu’en l’espèce les observations des requérants et du défendeur démontrent que le quorum était atteint en début de réunion et que le présidium a été valablement constitué ;

Que ce présidium n’a pas décidé de la suspension de la séance ;

Qu’ainsi, si la séance devait être suspendue, la décision relevait du présidium en charge des élections et non de la compétence de l’autorité préfectorale, encore moins de la délégation en charge de la supervision dont le rôle est de noter toutes les anomalies qui pourraient être excipées devant le juge de l’élection en cas de contestation ;

Que l’élection régulièrement convoquée a donc pu valablement être entamée ;

Qu’il y a lieu d’écarter l’argument tiré du caractère informel de la réunion ;

Sur le trouble à l’ordre public,

Considérant que le Préfet argue du trouble à l’ordre public qu’il confirme par l’appel au calme pour lancer le vote ;

Considérant que le trouble à l’ordre public traduit l’état d’une atteinte significative à l’ordre public ;

Que l’appel au calme, à lui seul, dans une réunion, ne suffit pas à confirmer l’existence d’un trouble à l’ordre public tel que la suspension soit décidée par la délégation préfectorale ;

Que le Présidium ayant été régulièrement installé, il lui appartient de mener régulièrement la procédure de vote, dont les résultats sont communiqués à l’autorité de tutelle ;

Qu’au surplus le report ne saurait être justifié par des manœuvres dolosives de conseillers qui refusent sciemment après vérification du quorum, de boycotter une séance régulièrement convoquée avec un présidium régulièrement installé ;

Que la présence des agents de la police républicaine, qui n’ont pas eu besoin d’utiliser la force, tend à invalider un trouble à l’ordre public tel que le Présidium régulièrement installé soit dépossédé de ses compétences ;

Que les éléments de faits ne permettant pas de valider, le caractère sérieux du trouble à l’ordre public, il y a lieu d’écarter ce moyen ;

Sur le report de l’élection du maire d’Aplahoué,

Considérant que le Préfet allègue que la réunion ayant conduit à l’élection de AG Aj s’est faite en violation du report qu’il a décidé par arrêté n°6/073/PDC/SG/STCCD en date du 07 septembre 2018 portant report sine die de l’élection du maire d’Aplahoué, annexé à ses observations ;

Considérant que ledit arrêté n°6/073/PDC/SG/STCCD portant report sine die de l’élection du maire d’Aplahoué a été pris le jour même de l’élection, alors que tous les électeurs étaient présents et le présidium régulièrement mis en place pour l’élection ;

Que le rapport de l’Huissier indique que l’élection a déjà été entamée avant que M. X An ne vienne annoncer le report de la séance ;

Que rien n’indique qu’un arrêté ait été pris en cours d’élection et notifié au présidium et aux électeurs avant l’élection proprement dite ;

Que l’élection régulièrement convoquée, régulièrement entamée avec un Présidium légalement constitué n’a pas pu être valablement suspendue ;

Qu’elle ne pouvait donc avoir été reportée, le même jour, en plein déroulement des opérations de vote par un arrêté préfectoral n°6/073/PDC/SG/ STCCD en date du 07 septembre 2018 portant report sine die de l’élection du maire d’Aplahoué ;

Qu’ainsi, une telle élection n’ayant pas été invalidée par l’autorité compétente, le Préfet ne pouvait convoquer à nouveau les conseillers de la commune d’Aplahoué à l’élection du Maire ;

Qu’en le faisant, il a excédé ses pouvoirs ;

Qu’ainsi l’arrêté n°6/080/PDC/SG/STCCD du 14 septembre 2018 portant convocation des conseillers de la commune d’Aplahoué encourt annulation ;

PAR CES MOTIFS,

Décide :

Article 1er : Le recours sans date à Ag, de Aj AG, Ac Z, Ab Z, Af C, Ah AJ, Toussaint N’TOHOSSI, Ae Y, A. Ai A, Al AK, Am Z et Ad B tendant à l’annulation de l’arrêté préfectoral n°6/080/PDC/SG/STCCD du 14 septembre 2018, du Préfet du département du Couffo, et portant convocation des conseillers de la commune d’Aplahoué, est recevable.

Article 2 : Ledit recours est fondé.

Article 3 : Est annulé l’arrêté préfectoral n°6/080/PDC/SG/ STCCD du 14 septembre 2018 portant convocation des conseillers de la commune d’Aplahoué.

Article 4 : Notification de la présente décision sera faite aux requérants, au Préfet du département du Couffo, au Ministre de la décentralisation et de la gouvernance locale et au Procureur général près la Cour suprême.

Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre Administrative) composée de :

Victor Dassi ADOSSOU, Président de la Chambre administrative,

PRESIDENT ;

Dandi GNAMOU et Rémy Yao KODO, CONSEILLERS ;

Et prononcé à l’audience publique du quatorze mars deux mille dix-neuf, la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :

Aa AH, Procureur général, MINISTERE PUBLIC ;

Philippe AHOMADEGBE, GREFFIER ;

Et ont signé

Le Président Le Rapporteur,

Victor D. ADOSSOU Prof. Dandi GNAMOU

Le Greffier,

Philippe AHOMADEGBE


Synthèse
Numéro d'arrêt : 009
Date de la décision : 14/05/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 03/06/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2018-05-14;009 ?
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