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22/03/2018 | BéNIN | N°2002-59/CA1

Bénin | Bénin, Cour suprême, 22 mars 2018, 2002-59/CA1


Texte (pseudonymisé)
N°056/CA du Répertoire
N° 2002-59/CA1 du Greffe
Arrêt du 22 mars 2018
AFFAIRE :
Dame A Ab
B REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE La Cour,
Vu la requête introductive d'instance valant mémoire ampliatif en date du 27 mai 2002, enregistrée au greffe de la Cour le 14 juin 2002 sous le N°0606/GCS, par laquelle dame A Ab née AHOVO-GLELE, par l'organe de son conseil, maître Robert M. DOSSOU, avocat près la Cour d'appel de Cotonou 01 B.P. 1204, tél : 21 31 44 11, a introduit un recours en annulation pour excès de

pouvoir contre la décision contenue dans le procès-verbal de constat de la Commission ...

N°056/CA du Répertoire
N° 2002-59/CA1 du Greffe
Arrêt du 22 mars 2018
AFFAIRE :
Dame A Ab
B REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE La Cour,
Vu la requête introductive d'instance valant mémoire ampliatif en date du 27 mai 2002, enregistrée au greffe de la Cour le 14 juin 2002 sous le N°0606/GCS, par laquelle dame A Ab née AHOVO-GLELE, par l'organe de son conseil, maître Robert M. DOSSOU, avocat près la Cour d'appel de Cotonou 01 B.P. 1204, tél : 21 31 44 11, a introduit un recours en annulation pour excès de pouvoir contre la décision contenue dans le procès-verbal de constat de la Commission Nationale des Affaires Domaniales-CNAD (MISAT) en date du 30 avril 1998 dressé au mépris de ses droits par les services compétents du Ministère de l'Intérieur de la Sécurité et de la Décentralisation et ce à la seule initiative de son mari qui a pu ainsi procéder à la vente de sa parcelle ;
Vu la loi n°90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Vu les pièces du dossier ;
Le Président Victor Dassi ADOSSOU entendu en son rapport et l’Avocat général Nicolas Pierre BIAO entendu en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme
Sur la recevabilité du recours
Considérant que le conseil de la requérante expose :
Qu’en 1977, dame A née AHOVO-GLELE, par les démarches de son époux A Ad, a acquis deux parcelles.
Qu'elle a soldé le prix d’achat de la première parcelle et a versé un acompte, de cent cinquante mille (150 000) francs sur un montant total
de cent quatre-vingt mille (180 000) francs, pour l'acquisition de la 2
Que dans un premier temps, son mari A Ad a malicieusement soldé le reste du prix de la parcelle et a fait établir l'une des deux conventions en son propre nom ;
Que dans un deuxième temps, il l'amena subrepticement à édifier des constructions sur la parcelle dont il est devenu propriétaire ;
Que pour la convaincre à l'effet de ces constructions, A Ad lui expliqua qu'étant le mari, il est normal qu'ils s’établissent sur sa parcelle ;
Qu’ils vivaient dans cette maison lorsqu'en 1984, les travaux de lotissement ont été entrepris par l'ex SONAGIM ;
Que la parcelle censée appartenir à A Ad déjà construite aux frais de la requérante et habitée par la famille, a été relevée au nom de A Ad à l'état des lieux n°10217 pour un apport de 555 m° tandis que celle non construite et portant le nom de dame A Ab a été relevée à l'état des lieux n°10218 pour un apport de 521 m° ;
Qu'elle s'est acquittée des frais du relevé d'état des lieux n° 10218 et des travaux de lotissement de sa parcelle identifiée ;
Qu’après lotissement, cette parcelle portait la lettre « D » du lot 2067 bis et elle a été recasée le 28 décembre 1988 sur ladite parcelle ;
Que l'attribution régulière de la parcelle à madame A, a été confirmée le 13 octobre 1989 ;
Que contre toute attente, elle constata le passage des époux Y Aa et Antoinette sur ladite parcelle ;
Que peu de temps après, ces derniers ont entrepris des constructions en matériaux définitifs ;
Que cette situation aussi inattendue la conduit non seulement à sommer, par exploit d'huissier, les époux Y Aa, à cesser les travaux entrepris et les a attraits devant le juge traditionnel (état des biens) aux fins de la confirmation de son droit de propriété sur la parcelle « D » du lot 2067 bis de Mènontin ;
Qu’en réaction, les prétendants acquéreurs de sa parcelle saisissent, par exploit d'huissier, le juge des référés du tribunal de Première Instance de céans pour s'entendre interdire à la requérante d'accéder à la parcelle « D » du lot 2067 bis et de cesser de les troubler dans la jouissance paisible de cette parcelle ;
Que par ordonnance du 23 décembre 1999, le juge s'est déclaré incompétent ;
Que la procédure en cours devant le juge des affaires traditionnelles, enrôlée sous le n°277/98 a été renvoyée plusieurs fois et évoquée dernièrement le 05 février 2002 ;
Qu’à cette audience, les époux Y Aa et Antoinette ont, entre autres pièces, versé au dossier du tribunal, un procès-verbal de constat en date du 30 avril 1998 signé du SP/CENAD ;
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Que ledit procès-verbal mentionne ce qui suit : « Faisant suite àla . requête en date du 21 avril 1998 de A Ad par laquelle il a sollicité la permutation des parcelles C et D lot 2067 bis de Mènontin entre son épouse madame A Ab Z X et lui, une équipe composée de techniciens géomètres de la Commission Nationale des Affaires Domaniales et des deux parties a procédé à la correction des bornes nécessaires en vue de fixer chaque conjoint dans ses droits en superficie conformément aux prévisions des documents de lotissement ;
Que de la sorte, A Ad est confirmé sur la parcelle « D » du lot 2067 bis et son épouse susnommée sur la parcelle « C » du même lot qui abrite ses installations. » ;
Que la requérante a ainsi compris que la décision de mutation de sa parcelle a été prise sur la base de ce procès-verbal de constat, en date du 30 avril 1998, dressé en fraude de ses droits, par les services techniques du Ministère de l'Intérieur, de la Sécurité et de la décentralisation ;
Que le 15 février 2002, elle a dû saisir, par un recours hiérarchique, le Ministre de l'Intérieur, de la Sécurité et de la Décentralisation ;
Que face au mutisme observé par l'Administration, elle s'est résolue à saisir la Cour en excès de pouvoir ;
- sur l'objet et la nature juridique de l'acte attaqué
Considérant que le procès-verbal déféré à la censure de la Cour est une mesure d'ordre intérieur prise par l'autorité administrative, en l'occurrence le Secrétaire Permanent de la Commission Nationale des Affaires Ac dont la finalité est de rendre compte à qui de droit, qu'il a été ordonné, et de façon unilatérale, la mutation de la parcelle régulièrement attribuée à madame A Ab Z X au profit de monsieur A Ad ;
Considérant que le procès-verbal en date du 30 avril 1998, contenant une décision portant grief, il ne doit donc plus être regardé comme une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours pour excès de pouvoir ;
Qu'il y a donc lieu de dire que le procès-verbal, daté du 30 avril 1998, par lequel, l'Administration a ordonné, de façon unilatérale, la mutation de la parcelle « C » du lot 2067 bis du lotissement de
Mènontin, au profit du sieur A Ad, est un acte juridique unilatéral susceptible de recours pour excès de pouvoir ;
Considérant que la requérante développe au soutien de sa demande que c'est à tort qu'il a été procédé à la correction des bornes nécessaires en vue de fixer chaque conjoint dans ses droits en superficie conformément aux prévisions des documents de lotissement ;
Que les deux (2) parcelles ne sont pas de même dimension.
Qu’il est constant, ainsi que l'attestent les actes de recasement, que A Ad a été recasé sur la parcelle « C » et dame
A Ab sur la parcelle « D » du même lot ; 24 4
Que l'exploit d'huissier révèle que seule dame A Ab dont la parcelle initialement relevée à l'état des lieux 10218 pour un apport de 521 m°, a été recasée sur la parelle « D » du lot 2067
Que cet arrangement unilatéral de A dans un but de revendre la parcelle de dame A Ab, objet de la décision de mutation, contenue dans le procès-verbal incriminé pourrait encourir annulation ;
Considérant que l'Administration soutient dans son mémoire en défense que ses services compétents ont mis tout en œuvre pour parvenir à un règlement à l'amiable de ce dossier ;
Qu'en effet, le jeudi 02 mai 2002, la requérante a été reçue et écoutée le mercredi 05 juin 2002 ;
Que les élus locaux en l'occurrence SOGBOSSI BOKO Pierre, chef quartier de Mènontin, Ae C, ex-maire de la commune de Fifadji ont été invités pour éclairer la Commission Nationale des Affaires Domaniales sur cette affaire ;
Que le vendredi 07 juin 2002, Ad A, convoqué pour la circonstance, a exposé les faits et a laissé entendre qu'il était prêt à ce que la Commission Nationale des Affaires Domaniales procède à l'annulation du procès-verbal incriminé à la seule condition que la parcelle « C » relevée à l'état des lieux n° 10217 lui soit attribuée avec son apport initial A, soit 555 m° ; dans ce cas, il est nécessaire que les nouvelles corrections des bornes soient faites ;
Qu’« à l'issu de ces rencontres, ses services ont convoqué le jeudi 20 juin 2002, toutes les parties concernées pour leur donner lecture du projet du procès-verbal qui devrait sanctionner les travaux ;
Qu’après cette lecture et l'explication qui en est suivie, A Ad a purement et simplement refusé la condition posée par sa femme car celle-ci entend prendre sa parcelle « D » avec son apport actuel soit 555 m°, apport obtenu après correction.
Que son refus a, jusqu'à ce jour, bloqué les travaux ;
Que les efforts déployés par ses services compétents pour les éclairer, les amener à mieux comprendre le bien-fondé de cette affaire sont restés vains. » ;
Considérant qu'il ressort du dossier et des allégations de la requérante, qui n'ont d'ailleurs pas été contestées par l'Administration, que c'est le 05 février 2002, date à laquelle le dossier a été plaidé devant le juge traditionnel, état des biens, du tribunal de première instance de Cotonou, que le conseil des époux Y Aa et Antoinette a versé au dossier judiciaire, entre autres pièces, le procès-verbal, objet de la décision querellée ;
Considérant qu’il est à observer que la connaissance acquise par la requérante d'une décision ou acte administratif lui portant grief, en l'absence de notification ou publication, ne fait courir le délai de recours à son encontre que dans le cas où un acte accompli par lui révélerait indubitablement la réalité de cette connaissance ;
Qu’une personne qui forme un recours gracieux ou hiérarchique
contre une décision reconnaît par-là même qu'elle a eu connaissance de
cet acte au plus tard le jour où elle a formé ce recours ;
Qu’à l'analyse du récépissé d'envoi de la poste, il est renseigné
que celui-ci porte la date du 26 février et la réception du recours
administratif préalable, par l'Administration, le 05 mars 2002 ;
Qu'en conséquence, le recours hiérarchique adressé au ministre de
l'Intérieur, de la Sécurité et de l'Administration Territoriale a été
introduit dans le délai ;
Que le présent recours obéissant par ailleurs aux exigences de
forme, doit être déclaré recevable ;
Au fond
« Sur l'unique moyen de la requérante tiré du caractère
unilatéral de la procédure de mutation de la parcelle « D » du lot 2067 bis
Considérant qu'il ressort du dossier que la demande de mutation a été introduite par A Ad, alors que les effets administratifs et juridiques d'une telle demande porte, de façon concomitante sur les parcelles « C » et « D » du même lot 2067 bis ;
Considérant qu’à l'analyse des pièces du dossier, la parcelle « C » avant les opérations de divisions parcellaires ou morcellement et recasement, a été relevée à l'état des lieux n°10217° avec un apport initial de 555 m° ;
Que celle de dame A Ab a été relevée à l'état des lieux n°10218° avec un apport initial de 521 m° ;
Considérant que tous les actes administratifs, notamment le relevé d'état des lieux, le reçu de la SONAGIM portant frais de lotissement, le plan parcellaire du lot 2067 bis, l'acte de recasement portant la signature du représentant en charge de recasement indiquent que dame A Ab a été proposée et recasée sur la parcelle « D » depuis le 28 décembre 1988 puis confirmée, le 13 octobre 1989, sur sa parcelle avec une superficie initiale de 521 m;
Considérant que les droits au recasement de la requérante sont acquis et qu'aucune mutation de sa parcelle, au profit d'un tiers, ne peut s'opérer sans son accord donné expressément sur la faisabilité de l'opération de mutation ;
Considérant qu'une démarche tendant à mépriser son droit au recasement régulièrement menée dans le cadre d'une opération de viabilisation et d'urbanisation d'une zone de tenue coutumière, viole la loi ;
Considérant que la requérante non seulement n'a pas donné son adhésion à l'opération, mais a élevé une protestation pour manifester sa désapprobation et son refus à la mutation unilatérale telle que souhaitée par A Ad ;
Considérant qu'une mutation opérée par l'Administration sur une parcelle régulièrement recasée, sans requérir l'accord de l'autre partie 4,
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dont les droits au recasement ne souffrent d'aucune irrégularité, constitue une voie de fait consistant à déposséder la victime de sa parcelle sur laquelle elle a été recasée ;
Considérant que l'autorité, dans la prise de sa décision contenue dans le procès-verbal incriminé n'a expressément pas évoqué le consentement donné par dame A Ab et s'est contentée à faire « suite à la requête en date du 21 avril 1998 du sieur A Ad par laquelle il a sollicité la permutation des parcelles « C » et « D » lot 2067 bis de Mènontin entre son épouse….et lui » ;
Qu’une telle demande unilatérale ne justifie pas la décision de l'Administration qui non seulement manque de transparence mais est contraire à l'équité et viole le principe de l’égalité de tous devant la loi ;
Qu'il y a donc lieu de constater que le comportement de l'administration manque de transparence et que la décision de mutation contenue dans le procès-verbal de constat en date du 30 avril 1998 confirmant A Ad sur la parcelle « D » du lot 2067 bis constitue une voie de fait ;
Qu'il échet donc d’annuler, pour excès de pouvoir, la décision de mutation, objet du procès-verbal de la CNAD du Ministère de l'Intérieur, de la Sécurité et de l'Administration Territoriale et de mettre les frais à la charge du trésor public ;
Par ces motifs,
Décide :
Article 1": Le recours en date du 27 mai 2002 de A Ab tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de la décision contenue dans le procès-verbal de constat de la Commission Nationale des Affaires Domaniales en date du 30 avril 1998, est recevable ;
Article 2 : Ledit recours est fondé ;
Article 3 : La décision de mutation objet du procès-verbal de la Commission Nationale des Affaires Domaniales du Ministère en charge de l’intérieur en date du 30 avril 1998 confirmant A Ad sur la parcelle D du lot 2067 bis de Mènontin est annulée ;
Article 4 : Les dépens sont mis à la charge du Trésor public ;
Article S : Le présent arrêt sera notifié aux parties et au Procureur général près la Cour suprême.
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre administrative) composée de :
Victor Dassi ADOSSOU, Président de la Chambre
administrative,
PRESIDENT ;
Rémy Yawo KODO
Et CONSEILLERS ;
Dandi GNAMOU y 7
Et prononcé à l’audience publique du jeudi vingt-deux mars deux mille dix-huit, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus, en présence de :
Nicolas Pierre BIAO, l’Avocat général,
MINISTERE PUBLIC ; Philippe AHOMADEGBE,
GREFFIER ;


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2002-59/CA1
Date de la décision : 22/03/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2018-03-22;2002.59.ca1 ?
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