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15/03/2018 | BéNIN | N°050

Bénin | Bénin, Cour suprême, 15 mars 2018, 050


Texte (pseudonymisé)
Recours de plein contentieux – Acte administratif – Preuve de l’existence ou de l’authenticité – Réparation de préjudice – Rejet.

N’ouvrent droit à aucune réparation, les préjudices subis du fait d’actes administratifs dont l’existence ou l’authenticité n’est pas établie.

N° 050/CA 15 mars 2018

Société JCA TELECOM Sarl

C/

- Ministère de la Communication et de la Promotion des Technologies Nouvelles (MCPTN)

- Etat béninois

La Cour,

Vu la requête introductive d’instance en date à Cotonou du 23 f

évrier 2009, enregistrée au Greffe de la Cour le 05 mars 2009 sous le n°101/GCS, par laquelle maître Cyrille DJIKUI, avocat à la Cour,...

Recours de plein contentieux – Acte administratif – Preuve de l’existence ou de l’authenticité – Réparation de préjudice – Rejet.

N’ouvrent droit à aucune réparation, les préjudices subis du fait d’actes administratifs dont l’existence ou l’authenticité n’est pas établie.

N° 050/CA 15 mars 2018

Société JCA TELECOM Sarl

C/

- Ministère de la Communication et de la Promotion des Technologies Nouvelles (MCPTN)

- Etat béninois

La Cour,

Vu la requête introductive d’instance en date à Cotonou du 23 février 2009, enregistrée au Greffe de la Cour le 05 mars 2009 sous le n°101/GCS, par laquelle maître Cyrille DJIKUI, avocat à la Cour, conseil de la Société JCA TELECOM Sarl, représentée par son gérant, a saisi la haute Juridiction d’un recours de plein contentieux aux fins de réparation des dommages subis par la Société, suite à la suspension des licences qui lui avaient été accordées ;

Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;

Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;

Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;

Vu toutes les pièces du dossier ;

Ouï le Conseiller Rémy Yawo KODO, en son rapport ;

Ouï l’avocat général Nicolas Pierre BIAO, en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

EN LA FORME 

Sur la recevabilité du recours

Considérant qu’au soutien de son recours, la Société JCA TELECOM Sarl expose que dans le cadre de ses activités, elle a reçu des autorisations en mars 2006 pour l’exploitation de divers services de télécommunications ;

Qu’elle a d’abord payé un acompte de cinquante millions (50.000.000) de francs CFA sur un total de cent millions (100.000.000) de FCFA, somme représentant les droits de licence, par chèque ECO BANK n°3537509 du 06 mars 2006 établi à l’ordre du Ministère de la Communication et de la Promotion des Technologies Nouvelles (MCPTN) ;

Que ledit chèque a été encaissé le 12 avril 2006 par le Ministère de la Communication sur un compte de la BANK OF AFRICA ;

Que sur le fondement des autorisations qui lui ont été délivrées par l’Etat béninois suivant :

1- arrêté n°021/MCPTN/DC/SGM/DPPT/SA du 06 mars 2006 portant autorisation d’exploitation de la téléphonie sur IP (VOIP) par le groupe RICE JCA TELECOM SA ;

2- arrêté n°022/MCPTN/DC/SGM/DPPT/SA du 06 mars 2006 portant autorisation d’établissement et d’exploitation d’une station VSAT par la société Groupe RICE JCA TELECOM SA ;

3- arrêté n°023/MCPTN/DC/SGM/DPPT/SA du 06 mars 2006 portant autorisation d’installation et d’exploitation d’un réseau ADSL sans fil à la société Groupe RICE JCA TELECOM SA ;

4- arrêté n°024/MCPTN/DC/SGM/DPPT/SA du 06 mars 2006 portant autorisation d’exploitation d’un réseau de cartes prépayées à la société Groupe RICE JCA TELECOM SA ;

5- arrêté n°025/MCPTN/DC/SGM/DPPT/SA du 06 mars 2006 portant autorisation d’installation et d’exploitation d’antennes terrestres à boucle locale radio à la société Groupe RICE JCA TELECOM SA, elle a effectué de lourds investissements en équipements dont la liste est répertoriée par l’Autorité Transitoire de Régulation des Postes et Télécommunications à l’occasion de multiples visites sur les sites techniques de la société à Gbégamey ;

Que la valeur desdits équipements s’élève à plus de quatre cent millions (400.000.000) de francs CFA ;

Que la société JCA TELECOM Sarl s’apprêtait à commencer l’exploitation de ses équipements mis en place, lorsqu’elle a été informée que les autorités administratives ont procédé à la suspension de toutes les licences sans qu’aucune notification ne lui ait été faite de la décision de suspension ;

Que par divers courriers, la société JCA TELECOM Sarl a sollicité de l’Autorité Transitoire de Régulation et du Ministre de la Communication, la levée de la mesure de suspension ;

Qu’en réponse, le ministre ainsi que l’Autorité Transitoire de Régulation ont chaque fois rassuré la requérante de l’impossibilité temporaire de lever la mesure de suspension, pour raison d’une meilleure réglementation du secteur d’activité (cf. lettre n°1288 du 22 juin 2007) ;

Que par ailleurs, l’Autorité de Régulation a adressé à la requérante une correspondance datée également du 22 juin 2007 dans laquelle elle priait la société JCA TELECOM Sarl « de bien vouloir faire comprendre à ses partenaires, que l’ATR PT travaille de façon inlassable pour le retour de l’ordre dans le secteur pour le plus grand bien de ses différents acteurs. » ;

Que bien plus, le ministre délégué chargé des technologies de l’information et de la communication a invité la société JCA TELECOM Sarl à une séance de concertation le vendredi 29 juin 2007 pour débattre de la question ;

Qu’au cours d’une autre réunion avec les dirigeants de la société JCA TELECOM Sarl, le ministre a expliqué les raisons pour lesquelles le démarrage des activités de la société JCA TELECOM Sarl a pris du retard, en soulignant la nécessité de la définition de l’interconnexion entre les propriétaires de réseau entre eux et la tarification applicable dans le cadre des interconnexions ;

Que le même ministre a assuré qu’il convoquerait par ailleurs, l’ensemble des acteurs de télécommunication à son ministère pour une discussion franche afin de trouver une solution à l’ensemble des problèmes ;

Que la discussion promise n’a jamais eu lieu jusqu’à ce jour ;

Que depuis lors, le matériel installé par la société JCA TELECOM Sarl est devenu en grande partie obsolète, tandis que ses partenaires lui ont retiré toute confiance du fait de la situation créée par la réticence abusive de l’Administration ;

Qu’au-delà de l’acompte de cinquante millions (50.000.000) de francs CFA versé, elle a subi d’énormes préjudices du fait de la non exploitation non seulement des licences qui lui ont été délivrées, mais également de son équipement acquis à grands frais, et ce, du fait de l’Administration ;

Considérant que par courrier n°062/JCA/08 du 05 décembre 2008, reçu le 10 décembre 2008, la requérante a saisi l’administration d’un recours administratif préalable ;

Que suivant lettre n°679/MCNT/DC/SGM/CTJ/DGER/C du 30 décembre 2008, le ministre y a donné suite ;

Considérant que le présent recours de plein contentieux a été introduit dans les forme et délai prévus par la loi ;

Qu’il échet de le déclarer recevable ;

AU FOND

Considérant que la requérante sollicite la condamnation de l’Etat béninois :

- de première part, à lui payer la somme de cinquante millions (50.000.000) de francs représentant le montant de l’acompte qu’elle a versé en vue de l’obtention de licences d’exploitation ;

- de deuxième part, à lui payer la somme de quatre cent millions (400.000.000) de francs couvrant la valeur des équipements qu’elle a acquis en vue de l’exploitation des licences ;

- de troisième part, à lui verser des dommages-intérêts d’un montant de cinq cent millions de francs (500.000.000F) pour rupture abusive du lien contractuel ;

Sur la demande de condamnation de l’Etat au paiement de cinquante millions de francs

Considérant que la requérante sollicite la condamnation de l’Etat à lui payer la somme de cinquante millions (50.000.000) de francs qu’elle aurait versée au titre d’une partie de l’acompte en vue d’obtenir diverses autorisations d’exploitation des services de télécommunications ;

Considérant qu’il ressort du dossier qu’un chèque n°A3537509 de montant cinquante millions de francs (50.000.000F) du 06 mars 2006 a été établi à l’ordre de MCPTN ;

Que ce chèque a été endossé par l’Autorité Transitoire de Régulation des Postes et Télécommunications (ATRPT) dont le compte n°01821140007 est ouvert dans les livres de la Bank Of Africa à Cotonou ;

Considérant que l’Autorité Transitoire de Régulation des Postes et Télécommunications est un établissement de droit public, jouissant de la personnalité juridique et de l’autonomie financière ;

Qu’ayant accueilli des fonds dans son compte bancaire, c’est à elle d’en assurer, le cas échéant, le remboursement ou la répétition ;

Qu’il s’ensuit que la demande de la requérante tendant à la condamnation de l’Etat à lui payer la somme de cinquante millions de francs (50.000.000F), est mal fondée ;

Qu’il échet de la rejeter ;

Sur la demande de condamnation de l’Etat au paiement de la valeur estimée des équipements de la requérante et des dommages-intérêts

Considérant que la requérante sollicite la condamnation de l’Etat à lui payer d’une part, la somme de quatre cent millions (400.000.000) de francs représentant la valeur estimée des équipements qu’elle a acquis en vue d’exploiter les services de télécommunication, d’autre part, la somme de cinq cent millions de francs (500.000.000 F) au titre des dommages-intérêts pour suspension abusive des licences d’exploitation à elle délivrées ;

Qu’elle développe que c’est à la suite des autorisations d’exploitation accordées par les arrêtés ci-dessus visés, tous en date du 06 mars 2006, qu’elle a entrepris des investissements en équipements dont le montant ne saurait être inférieur à quatre cent millions (400.000.000) de francs ;

Considérant que les arrêtés n°s 021 à 025/MCPTN/DC/SGM/DPPT/SA, réputés avoir accordé diverses autorisations à la requérante, sont tous datés du 06 mars 2006 ;

Mais considérant que l’administration en conteste le caractère authentique ;

Que le premier responsable du ministère en charge de la communication signataire présumé des arrêtés, n’en a trouvé aucune trace ni à son secrétariat général, ni dans ses archives ;

Que lesdits arrêtés ne sont pas non plus disponibles au secrétariat général du gouvernement ;

Considérant que suite à la demande de l’Agence Judiciaire du Trésor (AJT) et après les recherches effectuées au service de la documentation et des archives de la Cour suprême habilitée à conserver les actes réglementaires, les arrêtés n’ont pas été retrouvés dans le lot de ceux disponibles pour le compte du ministère de la communication comme l’atteste la lettre n°18-012/PCS/DC/CAB/SA du 20 février 2018 du Président de la Cour suprême, enregistrée le 21 février 2018 au secrétariat administratif de l’Agence Judiciaire du Trésor sous le n°0308 ;

Considérant qu’à la requête de l’Agence Judiciaire du Trésor, il a été procédé le 22 février 2018 suivant ministère de maître Antoine C. LASSEHIN, huissier de justice près la Cour d’appel de Cotonou et le tribunal de première instance de deuxième classe d’Abomey-Calavi, au compulsoire des publications de la période du 06 mars au 31 mars 2006 du Journal Officiel ;

Qu’aucune insertion des arrêtés n°021/MCPTN/DC/ SGM/DPPT/SA à n°025/MCPTN/DC/SGM/DPPT/SA du 06 mars 2006, supposés pris entre les deux tours de l’élection présidentielle de mars 2006 qui, dans tous les cas, devra conduire à une alternance politique à la tête de l’Etat, n’a été faite audit Journal ;

Qu’au surplus, après avoir compulsé le 28 février 2018, toutes les parutions au Journal Officiel de l’année 2006, le directeur de l’institution a relevé et fait mentionner au procès-verbal de compulsoire de l’huissier susdit, qu’aucun des arrêtés en question n’y a été publié ;

Considérant que toutes ces constantes laissent à accroire que les arrêtés dont s’agit malgré l’apparence de légalité qui les caractérise, sont, sinon inexistants, à tout le moins apocryphes ;

Qu’ipso facto, ils sont inopposables à l’administration qui du reste ne reconnaît pas en être l’auteur ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’en dépit des investigations menées par la Cour, un doute entoure le caractère authentique des arrêtés ayant généré des liens contractuels entre l’administration et le requérant ;

Qu’il suit de là que les demandes de la requérante tendant d’une part au remboursement d’investissements pour un montant de 400.000.000F, d’autre part au paiement de dommages-intérêts de 500.000.000F pour suspension abusive de licences d’exploitation, sont mal fondées ;

Qu’il échet de les rejeter ;

PAR CES MOTIFS,

DECIDE :

Article 1er : Le recours en date à Cotonou du 23 février 2009 de la société JCA TELECOM Sarl tendant à la réparation des dommages subis suite à la suspension des licences qui lui auraient été accordées, est recevable ;

Article 2 : Ledit recours est rejeté ;

Article 3 : Les frais sont mis à la charge de la requérante ;

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux parties et au Procureur général près la Cour suprême.

Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre administrative) composée de :

Victor Dassi ADOSSOU, conseiller à la chambre administrative ;

PRESIDENT;

Rémy Yawo KODO et Dandi GNAMOU, CONSEILLERS ;

Et prononcé à l’audience publique du jeudi quinze mars deux mille dix-huit, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :

Nicolas Pierre BIAO, Avocat général ; MINISTERE PUBLIC ;

Philippe AHOMADEGBE, GREFFIER ;

Et ont signé :

Le Président Le Rapporteur,

Victor Dassi ADOSSOU, Rémy Yawo KODO,

Le Greffier,

Philippe AHOMADEGBE


Synthèse
Numéro d'arrêt : 050
Date de la décision : 15/03/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 03/06/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2018-03-15;050 ?
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