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14/02/2018 | BéNIN | N°19

Bénin | Bénin, Cour suprême, 14 février 2018, 19


Texte (pseudonymisé)
Procédure - Défaut de Production de mémoire en défense malgré mise en demeure -acquiescent aux faits.

Permis d’habiter - Immeuble frappé d’indisponibilité - acte délivré sur un immeuble non libre d’occupation - Annulation.

L’autorité administrative ne peut délivrer un permis d’habiter sur un terrain qui n’était pas libre d’occupation, alors par ailleurs, que ledit immeuble était, au moment de l’établissement de l’acte, frappé d’une ordonnance d’indisponibilité.

N° 19/CA 14 février 2018

HOIRS AG AH REPRESENTES PAR Ae AG

ET AJ Ai

C/

X Ad ET MAIRE DE SEME-PODJI

La Cour,

Vu la requête introductive d’instance en date à Cotonou du ...

Procédure - Défaut de Production de mémoire en défense malgré mise en demeure -acquiescent aux faits.

Permis d’habiter - Immeuble frappé d’indisponibilité - acte délivré sur un immeuble non libre d’occupation - Annulation.

L’autorité administrative ne peut délivrer un permis d’habiter sur un terrain qui n’était pas libre d’occupation, alors par ailleurs, que ledit immeuble était, au moment de l’établissement de l’acte, frappé d’une ordonnance d’indisponibilité.

N° 19/CA 14 février 2018

HOIRS AG AH REPRESENTES PAR Ae AG ET AJ Ai

C/

X Ad ET MAIRE DE SEME-PODJI

La Cour,

Vu la requête introductive d’instance en date à Cotonou du 07 juillet 2010, enregistrée au greffe de la Cour le 15 juillet 2010 sous le n°405/GCS, par laquelle les héritiers de feu AG AH, représentés par Ae AG et madame AJ Ai, ayant pour conseils maîtres Hélène KEKE AHOLOU et Sandrine AHOLOU, Avocats au Barreau du Bénin, ont saisi la Haute juridiction d’un recours en annulation du permis d’habiter n° 012/PO du 28 janvier 2008, délivré par le maire de la commune de Sèmè-Podji à dame X Ad ;

Vu la correspondance n° 759/GCS du 18 août 2010, par laquelle mise en demeure a été adressée à maître Hélène KEKE AHOLOU, conseil des requérants, aux fins de consignation ;

Vu le reçu n° 3991 du 24 août 2010, par lequel le paiement de ladite consignation a été constaté ;

Vu la lettre n° 1158/GCS du 11 novembre 2010 par laquelle les requérants ont été invités à produire leur mémoire ampliatif ;

Vu la lettre en date à Cotonou du 17 janvier 2011 par laquelle maître Sandrine AHOLOU a transmis à la Cour son mémoire ampliatif ;

Vu la lettre n° 0234/GCS du 14 février 2011 par laquelle la requête introductive d’instance, le mémoire ampliatif et les pièces y annexées des requérants ont été communiqués au maire de la commune de Sèmè-Podji, pour ses observations en défense ;

Vu la lettre n° 0974/GCS du 1er juin 2011 par laquelle le maire de la commune de Sèmè-Podji a été mis en demeure d’avoir à produire ses observations en défense ;

Vu l’ordonnance n° 21/PR du 26 avril 1966 organisant la procédure devant la Cour suprême, remise en vigueur par la loi n°90-012 du 1er juin 1990 ;

Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;

Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;

Vu toutes les pièces du dossier ;

Ouï le conseiller Etienne FIFATIN en son rapport ;

Ouï l’avocat général Saturnin D. AFATON en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Considérant que les requérants, par l’organe de leur conseil, exposent :

Qu’un litige domanial portant sur le droit de propriété de la parcelle «b» du lot 389 du lotissement de Sèkandji, arrondissement d’Agblangandan, commune de Sèmè-Podji, a été  porté par leur feu père AG AH devant le Tribunal de Première Instance de Porto-Novo ;

Que ce litige les opposant aux héritiers de feu Ab A B AI, est pendant devant ledit Tribunal depuis 1990 ;

Que pour porter à la connaissance des autorités administratives l’existence dudit litige, ils ont notifié, par exploit d’Huissier en date à Cotonou du 14 mars 2001, l’attestation de cette instance au Préfet du département de l’Ouémé, au Sous-Préfet de Sèmè-Podji, à l’Ah Ac National, au maire de la commune d’Aglangandan ainsi qu’à monsieur Ab Y, Expert Géomètre ;

Que parallèlement à cette instance, dame Ad X, se prévalant d’un droit de propriété sur la parcelle litigieuse pour l’avoir acquise auprès de feu Ab A B AI, a introduit en 2009 une procédure de référé expulsion contre madame Ai AJ, occupante du domaine litigieux ;

Que pour justifier ce droit de propriété, dame Ad X a, au cours de cette instance de référé expulsion, versé aux débats, plusieurs pièces dont la convention de vente du 10 octobre 1989, affirmée le 31 décembre 2007 sous le n° P/2007/1139/SG-SADE et signée par le chef du service des affaires domaniales et le maire de la commune de Sèmè-Podji ;

Qu’il est fait mention sur cette affirmation de convention de vente de ce que les témoins à l’acte, dont feu Ab A B AI, se sont présentés devant l’autorité communale de Sèmè-Podji le 31 décembre 2007, alors que Ab A B AI est décédé depuis le 20 juillet 1995 ;

Que le permis d’habiter n° 012/PO du 28 janvier 2008 a été établi sur la base de cette convention qui ne pouvait manifestement pas avoir été affirmée en 2007, puisque Ab A B AI, l’un des signataires de cet acte, était décédé depuis 1995.

Que c’est au cours des débats devant le juge des référés qu’ils ont eu connaissance de l’existence dudit permis d’habiter et ayant intérêt à le voir annuler, ils ont aussitôt saisi aux fins, le maire de la commune de Sèmè-Podji d’un recours gracieux, lequel est resté sans suite ;

Que c’est pourquoi, ils saisissent la Cour du présent recours contentieux pour voir annuler le permis d’habiter n° 012/PO du 28 janvier 2008 délivré par le maire de la commune de Sèmè-Podji à dame Ad X.

Considérant que le requérant fonde son recours en annulation du permis d’habiter n° 012/PO du 28 janvier 2008 sur deux moyens :

- le premier tiré de la fraude à la loi, survenue lors de la procédure d’affirmation de la convention de vente du 10 octobre 1989 ;

- le deuxième moyen tiré de la violation, par l’administration communale de Sèmè-Podji, de l’ordonnance n° 70-3D/MJL du 28 janvier 1970 frappant d’indisponibilité les immeubles litigieux, assurant l’exécution des décisions de justice et portant interdiction de vente d’immeuble d’autrui.

Considérant que la mairie de Sèmè-Podji invitée à faire ses observations en défense et mise en demeure à cette fin, n’a pas réagi ;

Que de même, maître Gustave ANANI CASSA qui a annoncé sa constitution aux intérêts de dame Ad X, bénéficiaire de l’acte attaqué et qui a sollicité une prorogation de délai pour le dépôt de son mémoire en défense n’a non plus réagi.

EN LA FORME

Considérant que le présent recours est recevable pour avoir été introduit dans les forme et délai de la loi.

AU FOND

1- Sur le premier moyen tiré de la fraude à la loi

Considérant que les requérants, par l’organe de leur conseil, maître AHOLOU Sandrine, reprochent au maire de la commune de Sèmè-Podji d’avoir, le 31 décembre 2007, validé un acte de vente établi sous seing privé en 1989, entre deux contractants, alors que l’un d’eux en l’occurrence le vendeur, était décédé depuis le 20 juillet 1995 ;

Considérant que le maire de la commune de Sèmè-Podji n’a donné aucune suite aux mesures d’instruction de la Cour par lesquelles il a été invité à faire ses observations relativement aux griefs des requérants ;

Que son silence délibéré doit être considéré comme un acquiescement aux faits ;

Considérant qu’il ressort du jugement d’homologation n°441/96 de la Chambre de Droit Traditionnel du Tribunal de Première Instance de Cotonou versé au dossier par les requérants que Ab A B AI est décédé le 20 juillet 1995 ;

Considérant qu’il est inscrit au verso de la convention de vente en date à Sèkandji du 10 octobre 1989, intervenue entre Ab A B AI, vendeur et X Ad, acheteur S/C Af X, ce qui suit :

« Par devant nous, GBEDAN Mathias, maire de la commune de Sèmè-Podji, assisté de monsieur Z Aa Ag, se sont présentés les contractants et les témoins dénommés à l’acte qui précède, lesquels, après lecture à eux faite…ont formellement déclaré et affirmé en comprendre le sens.

Les contractants ont en outre déclaré et affirmé en accepter les termes et s’obliger à les exécuter librement. » ;

Considérant que Ab A B AI, ne pouvait manifestement pas poser des actes tels que inscrits sur la convention de vente, étant déjà décédé en 1995 ;

Qu’en indiquant que les contractants de la convention de vente notamment Ab A B AI et X Ad se sont présentés devant lui le 31 décembre 2007, alors que Ab A B AI est décédé depuis le 20 juillet 1995 ; et en établissant un permis d’habiter sur la base d’une telle convention, du reste contestée, le maire a commis un excès de pouvoir.

2- Sur le moyen tiré de la violation des dispositions de l’ordonnance n° 70-3D/MJL du 28 janvier 1970

Considérant que suivant les dispositions de l’article 1er de l’ordonnance n° 70-3D/MJL du 28 janvier 1970 frappant d’indisponibilité les immeubles litigieux, assurant l’exécution des décisions de justice et portant interdiction de vente d’immeuble d’autrui :

« Les immeubles faisant l’objet d’une instance judiciaire devant un tribunal de première instance ou de la Cour d’appel ne peuvent être aliénés, toute nouvelle installation sur un terrain frappé d’une telle indisponibilité est interdite.».

Considérant qu’il ressort de l’examen des pièces versées au dossier par les requérants notamment de l’exploit d’huissier en date du quatorze (14) mars 2001, l’existence d’un litige opposant les requérants à IBIKUNLE ODE MARTINS à propos d’un domaine de plus de deux hectares et demi sis à Sèkandji, Agblangandan, lequel litige est pendant devant la Deuxième Chambre de Droit Traditionnel du Tribunal de Première Instance de Cotonou ;

Qu’il ressort également du dossier, l’existence d’une procédure de référé expulsion, initiée par dame Ad X contre madame Ai AJ qui habite les lieux litigieux ;

Que l’instance au fond devant la juridiction compétente était encore pendante au moment de la délivrance de l’acte attaqué ;

Que l’administration ne saurait ignorer cette situation, notamment l’existence de la contestation opposant les deux parties depuis courant 2001, avant la prise de l’acte attaqué intervenu le 28 janvier 2008 ;

Que l’établissement, dans ces conditions, par le maire de la commune de Sèmè-Podji du permis d’habiter n° 012/PO du 28 janvier 2008, au profit de dame Ad X, a été fait manifestement en violation des dispositions de l’article 1er de l’ordonnance n° 70-3D/MJL du 28 janvier 1970 ;

Qu’il y a en conséquence lieu, au regard de ce qui précède, d’annuler le permis d’habiter n° 012/PO du 28 janvier 2008 délivré à dame Ad X.

PAR CES MOTIFS,

DECIDE :

Article 1er : Le recours en date à Cotonou du 07 juillet 2010 de Maîtres Hélène KEKE AHOLOU et Sandrine AHOLOU, conseils des héritiers AG AH, représentés par Ae AG et Ai AJ, tendant à l’annulation du permis d’habiter n°012/PO du 28 janvier 2008, est recevable.

Article 2 : Ledit recours est fondé.

Article 3 : Est annulé, le permis d’habiter n°012/PO du 28 janvier 2008 délivré par le Maire de la commune de Sèmè-Podji à Ad X.

Article 4 : Les frais sont mis à la charge du trésor public.

Article 5 : Notification du présent arrêt sera faite aux parties et au Procureur général près la cour suprême.

Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre administrative) composée de :

Etienne FIFATIN, Conseiller à la Chambre administrative, PRESIDENT ;

Isabelle SAGBOHAN et Etienne S. AHOUANKA, CONSEILLERS ;

Et prononcé à l’audience publique du mercredi quatorze février deux mille dix-huit, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :

Saturnin D. AFATON, Avocat Général, MINISTERE PUBLIC ;

Géoffroy M. DEKPE, GREFFIER ;

Et ont signé ;

Le Président-Rapporteur, Le Greffier,

Etienne FIFATINGéoffroy M. C


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19
Date de la décision : 14/02/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 03/06/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2018-02-14;19 ?
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