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11/01/2018 | BéNIN | N°003

Bénin | Bénin, Cour suprême, 11 janvier 2018, 003


Texte (pseudonymisé)
Recours de plein contentieux – Contrat de concession – Violation réciproque des obligations contractuelles – (Existence de) Créances croisées – Réparation – Condamnation.

L’Etat, de même que le concessionnaire qui ont méconnu leurs obligations réciproques nées du contrat, entraînent la condamnation des deux parties pour les préjudices subis par l’une et l’autre.

N°003/CA 11 janvier 2018

SODECIB International SA

C/

Etat Béninois représenté par l’AJT

La Cour,

Vu la requête introductive d’instance valant m

émoire ampliatif en date à Cotonou du 28 janvier 2013, enregistrée au greffe de la Cour suprême sous le n°121/GCS du 08 fé...

Recours de plein contentieux – Contrat de concession – Violation réciproque des obligations contractuelles – (Existence de) Créances croisées – Réparation – Condamnation.

L’Etat, de même que le concessionnaire qui ont méconnu leurs obligations réciproques nées du contrat, entraînent la condamnation des deux parties pour les préjudices subis par l’une et l’autre.

N°003/CA 11 janvier 2018

SODECIB International SA

C/

Etat Béninois représenté par l’AJT

La Cour,

Vu la requête introductive d’instance valant mémoire ampliatif en date à Cotonou du 28 janvier 2013, enregistrée au greffe de la Cour suprême sous le n°121/GCS du 08 février 2013, par laquelle la Société pour le Développement du Commerce, de l’Industrie et du Bâtiment (SODECIB International) SA immatriculée au registre du commerce et du crédit mobilier sous le n°5314B ayant son siège au lot 837 bis-838-Avenue de la libération 03 BP2146- 01BP3867 Cotonou, assisté de maître Saïdou AGBANTOU avocat au barreau du Bénin, a saisi la haute juridiction d’un recours de plein contentieux contre l’Etat béninois ;

Vu le reçu n°4431 du 28 février 2013 constatant le paiement de la consignation légale ;

Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;

Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;

Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, administrative, sociale et des comptes ;

Vu toutes les pièces du dossier ;

Ouï le conseiller Rémy Yawo KODO en son rapport ;

Ouï l’avocat général Nicolas BIAO, en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

En la forme

Sur la recevabilité

Considérant qu’au soutien de son recours, la requérante expose que dans le cadre de la mise en concession des postes de péage / pésage de Ab et de Grand-Popo, le gouvernement de la République du Bénin, représenté par le ministre des travaux publics et des transports a conclu avec elle deux (2) conventions à savoir :

la convention n°0029/MTPT/DC/DROA/SERC du 28 décembre 1995 relative à l’exploitation du poste de péage/pésage de Diho sur la route A ;

la convention n°002/MTPT/DC/DFR/AUDIT du 23 janvier 1996 relative à l’exploitation du poste de péage de Grand-Popo sur la route Cotonou-Hilacodji ;

Qu’en vertu de ces conventions, elle a exploité le poste de Diho du 10 janvier 1998 au 31 décembre 2002 et le poste de Grand-Popo du 23 janvier 1996 au 31 décembre 2002 ;

Qu’elle a toujours respecté ses obligations conformément aux clauses contractuelles ainsi que l’ont attesté les lettres de satisfaction et de bonne fin d’exécution délivrées par l’autorité concédante d’une part, la communication n°128-C/MFE/DC/CAA/SP du 13 août 2001 d’autre part ;

Qu’en revanche, l’autorité concédante a été responsable de plusieurs violations liées les unes au non-paiement des primes d’intéressement applicables au poste de Diho, les autres à l’exploitation des deux postes en mode manuel ;

Considérant qu’en ce qui concerne les primes d’intéressement prévues à l’article 20 du cahier des charges, la requérante assure qu’elles ne lui ont pas été payées pendant toute la période de la concession, soit pendant cinq (5) ans ;

Que le montant total desdites primes s’élève à quarante millions quatre cent vingt sept mille trente trois francs (40.427.033F) et que toutes les démarches entreprises en vue de leur paiement sont restées vaines ;

Considérant qu’au titre des violations liées au mode d’exploitation des deux postes, la requérante affirme que contrairement aux articles 3 et 7 des cahiers des charges ainsi que du guide d’exploitation annexé auxdits cahiers qui prévoient le fonctionnement en mode automatique des deux postes, ceux-ci ont fonctionné pendant toute la période contractuelle en mode manuel ;

Que ce mode de fonctionnement anormal, reconnu par l’administration et pourtant maintenu tel quel malgré ses engagements renouvelés à faciliter l’exploitation par l’installation de compteurs automatiques, a entraîné des charges supplémentaires et une « baisse sensible des recettes qui constituent un manque à gagner important » pour la requérante ;

Que face à l’inertie de l’administration, le concessionnaire a saisi le 24 octobre 2012 le ministre des travaux publics et des transports d’un recours gracieux demeuré sans suite ;

Qu’il demande à la Cour suprême de condamner l’Etat béninois à lui payer :

la somme de quarante millions quatre cent vingt sept mille trente trois francs (40.427.033F) représentant les primes d’intéressement applicables au poste de Diho ;

la somme de trois milliards cinq cent millions de francs, (3.500.000.000 F) à titre de dommages-intérêts pour toutes causes de préjudices confondues ;

Considérant qu’en réplique l’Etat béninois soulève l’irrecevabilité du recours ;

Qu’il soutient que le président du groupe SODECIB monsieur Aa B a pris part le 30 juin 2005 aux travaux d’un comité technique créé par le ministre des travaux publics et des transports, travaux dont il a pris connaissance des conclusions ;

Qu’entre le 30 juin 2005, date de la réunion dont s’agit et le 29 octobre 2012, date du recours préalable, il s’est écoulé plus de sept (7) ans ;

Que les conclusions du comité technique n’ayant pas été remise en cause dans le délai du recours contentieux, elles ont acquis autorité et constituent le seul cadre dans lequel les réclamations de la SODECIB peuvent être examinées ;

Considérant qu’il ressort du rapport du comité technique, une recommandation essentielle tendant à engager des discussions avec la requérante sur la demande de dédommagement du fait de préjudice lié à l’exploitation en mode manuel du poste de péage / pesage de Diho ;

Que depuis lors, l’administration n’a pris l’initiative d’aucune discussion avec la requérante pas plus qu’elle ne lui a notifié formellement sa position relativement à ses différentes demandes ;

Que la requérante a cru devoir bien des années après, adresser au ministre délégué en charge des transports terrestres et des travaux publics, une lettre de « demande de rappel des dommages-intérêts nés de la gestion des postes de péage de Grand-Popo et de pesage/péage de Diho » datée du 14 septembre 2009 ;

Considérant qu’aux termes de l’article 829 de la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, administrative, sociale et des comptes : « En matière de plein contentieux, il ne peut être opposé au demandeur d’autres forclusions que celles tirées de la prescription trentenaire ou de dispositions édictant des règles particulières en matière de délais. » ;

Considérant qu’il ne peut être opposé à la requérante aucun délai de procédure pendant lequel elle est restée inactive ;

Qu’il s’ensuit que le moyen tiré de l’irrecevabilité de son recours n’est pas fondé ;

Qu’il échet de le rejeter et de déclarer le recours recevable ;

Au fond

Considérant que la requérante soutient que l’Etat béninois en tant qu’autorité concédante, n’as pas respecté ses engagements contractuels ;

Que les manquements relevés concernent aussi bien le non-paiement des primes d’intéressement relativement au poste de Diho que le fonctionnement des postes de Grand-Popo et de Diho en mode manuel ;

Qu’elle réclame paiement de la somme de quarante millions quatre cent vingt sept mille trente trois francs (40.427.033F) au titre des primes d’intéressement et trois milliards cinq cent millions (3.500.000.000F) francs au titre des dommages-intérêts ;

1- Sur la demande liée au paiement de la prime d’intéressement.

Considérant qu’il ressort du dossier que la prime d’intéressement ne concerne que le poste de péage/pesage de Ab dont la convention stipule à l’article 20 que : « le concessionnaire bénéficiera d’une prime d’intéressement s’il satisfait pleinement à ses obligations telles que définies par le présent cahier des charges, notamment s’il assure un contrôle efficace des surcharges et applique loyalement les mesures prévues pour protéger la route contre les dégradations causées par les camions surchargés ;

La décision d’attribution de la prime d’intéressement est prise par l’autorité concédante en fin d’année. La prime consistera en une rétrocession au concessionnaire de 5% de la redevance d’entretien routier prévue à l’article 18 ci-dessus » ;

Considérant que le rapport du comité technique mis en place pour connaître des prétentions de la requérante, a établi des manquements dans le paiement des redevances d’entretien routier, des redevances additionnelles et de tous autres versements du fonds de réserve ;

Qu’au 30 juin 2005, la requérante restait devoir au titre des années deux mil un et deux mil deux des redevances pour un montant de cent quatorze millions vingt cinq mille francs (114.025.000F) ;

Considérant que le non-paiement de ces redevances constitue une violation contractuelle ;

Qu’en conséquence, la requérante ne peut légitimement prétendre au paiement de la prime d’intéressement même si elle a obtenu délivrance de certificat de bonne fin d’exécution et d’une lettre de félicitation de l’autorité concédante ;

Qu’il y a lieu de rejeter cette demande ;

2 - Sur la demande de dommages-intérêts

Considérant que la requérante sollicite la condamnation de l’Etat à lui payer des dommages-intérêts d’un milliard par poste, soit deux milliards de francs (2.000.000.000 F) pour les deux postes en raison de leur fonctionnement en mode manuel pendant la durée des contrats ;

Qu’il développe que ce type de fonctionnement lui a occasionné des manques à gagner en raison de sa non fiabilité ;

Qu’il demande la somme de trois milliards cinq cent millions de francs (3.500.000.000F) pour toutes causes de préjudices confondues ;

Considérant qu’il ressort du dossier notamment du rapport du comité technique indiqué plus haut que les installations automatiques du poste de Diho n’ont pas fonctionné et que celles du poste de Grand-Popo ont cessé de bien fonctionner à partir de février 1998 ;

Considérant que par rapport au poste de Diho, la responsabilité de l’autorité concédante est établie ;

Qu’en ce qui concerne le poste de Grand-Popo, les stipulations de l’article 7 paragraphe 2 des conventions précisent que : « aucune réclamation ne pourra être admise en cas de défaillance de fonctionnement d’un automatisme même si ce défaut de fonctionnement n’est pas imputable au concessionnaire et/ou à ses agents » ;

Qu’il s’ensuit que les dommages-intérêts ne s’apprécieront que par rapport au poste de Diho ;

Considérant que la requérante a réclamé un milliard de francs (1.000.000.000F) pour son dédommagement ;

Que le comité technique chargé d’étudier les réclamations de la requérante a considéré que ce montant pourrait servir de base de discussions entre les parties ;

Qu’il échet d’arbitrer les dommages-intérêts à deux cent cinquante millions de francs (250.000.000 F) ;

A - Sur la demande reconventionnelle de l’Etat béninois.

Considérant que l’Etat béninois fait observer pour sa part que la requérante n’a pas respecté ses obligations contractuelles relatives aux différents paiements mis à sa charge ;

Qu’il en est ainsi des redevances et des versements au fonds de réserve des années deux mil un et deux mil deux demeurés impayés à ce jour ;

Que le montant total de ces impayés s’élève à cent quatorze millions vingt cinq mille francs (114.025.000F) ;

Qu’il demande remboursement de cette somme d’argent assorti du paiement des intérêts de droit depuis l’an deux mil un ;

Considérant que la requérante ne conteste pas les allégations du défendeur ;

Qu’elle en admet formellement le bien-fondé dans son mémoire en réplique du 30 décembre 2013 ;

Qu’il y a lieu de dire et juger que le montant de cent quatorze millions vingt cinq mille francs (114.025.000F) viendra en déduction des dommages-intérêts ;

Considérant que sur tous ces chefs de demandes, l’examen de la Cour est conforme aux conclusions du Ministère public ;

Par ces motifs :

DECIDE

Article 1er Le recours en date à Cotonou du 28 janvier 2013 de la société pour le Développement du Commerce, de l’Industrie et du Bâtiment (SODECIB international) tendant à la condamnation de l’Etat à lui payer la somme de quarante millions quatre cent vingt sept mille trente trois (40 427 033) francs CFA représentant les primes d’intéressement applicables au poste de Ab et la somme de trois milliards cinq cent millions (3 500 000 000) de francs à titre de dommages-intérêts pour toutes causes de préjudices confondus, est recevable ;

Article 2 : La demande reconventionnelle de l’Etat béninois tendant à la condamnation de la Société SODECIB à lui verser la somme de cent quatorze millions vingt cinq mille (114 025 000) francs CFA représentant les impayés des redevances des années deux mille un et deux mille deux, assortie du paiement des intérêts de droit depuis deux mille un, est recevable ; 

Article 3 : L’Etat béninois est condamné à payer à la Société pour le Développement du Commerce, de l’Industrie et du Bâtiment (SODECIB International), la somme de quatre cent trente sept millions (437 000 000) de francs à titre de dommage-intérêts, pour toutes causes de préjudices confondus ;

Article 4 : La société SODECIB est condamnée à payer à l’Etat béninois, la somme de cent quatre-vingt sept millions (187 000 000) représentant les redevances impayées des années deux mille un (2001) et deux mille deux (2002) et les intérêts de droit pour compter de l’année deux mille un ;

Article 5 : Les frais sont mis à la charge du trésor public ;

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié aux parties et au procureur général près la Cour suprême ;

Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre administrative) composée de :

Victor D. ADOSSOU, Président de la chambre administrative ;

PRESIDENT ;

Honoré KOUKOUI et Rémy KODO, CONSEILLERS ;

Et prononcé à l’audience publique du jeudi onze janvier deux mille dix-huit la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :

Nicolas BIAO, Avocat Général, MINISTERE PUBLIC ;

Philippe AHOMADEGBE, GREFFIER ;

Et ont signé

Le Président, Le Rapporteur,

Victor D. ADOSSOU Rémy Yawo KODO

Le Greffier,

Philippe AHOMADEGBE


Synthèse
Numéro d'arrêt : 003
Date de la décision : 11/01/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 03/06/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2018-01-11;003 ?
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