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15/12/2017 | BéNIN | N°036

Bénin | Bénin, Cour suprême, 15 décembre 2017, 036


Texte (pseudonymisé)
N° 036/CJ-S du répertoire ; N° 2011-04/CJ-S du greffe ; Arrêt du 15 décembre 2017, Aa B (Me Roland S. ADJAKOU) C/ SOCIETE DES HUILERIES DU BENIN (-Me Bernard PARAÏSO-Me Ab X)



Rupture du contrat de travail



Convention collective – convention collective devant régir les rapports professionnels entre employeur et travailleur – non adhésion de l’employeur à une convention collective spécifique – application automatique de la convention collective générale du travail applicable aux entreprises relevant du secteur privé



Conséquence

de la fonction d’un directeur de société à l’égard des tiers selon l’acte uniforme relatif au droit des soc...

N° 036/CJ-S du répertoire ; N° 2011-04/CJ-S du greffe ; Arrêt du 15 décembre 2017, Aa B (Me Roland S. ADJAKOU) C/ SOCIETE DES HUILERIES DU BENIN (-Me Bernard PARAÏSO-Me Ab X)

Rupture du contrat de travail

Convention collective – convention collective devant régir les rapports professionnels entre employeur et travailleur – non adhésion de l’employeur à une convention collective spécifique – application automatique de la convention collective générale du travail applicable aux entreprises relevant du secteur privé

Conséquence de la fonction d’un directeur de société à l’égard des tiers selon l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économiques.

Bénéfice des dispositions des articles 1382 ; 1383 et 1384 du code civil par employé – Faute prouvée par l’employé.

Moyen mettant en œuvre deux cas d’ouverture à cassation – Irrecevabilité.

Dans le cas ou l’employeur n’aurait pas adhéré à une convention collective spécifique, il est fait application automatique de la convention collective générale du travail applicable aux entreprises relevant du secteur privé.

Le Directeur général d’une société au regard des textes de l’OHADA, représente et engage la société, il la représente dans ses rapports avec les tiers, de sorte qu’un contrat de travail verbal prévoyant entre autre, une augmentation de salaire ne saurait être assimilé comme un acte unilatéral de volonté qui engage sa personne, mais plutôt la société.

Il appartient à l’employé qui allègue du bénéfice des articles 1382 ; 1383 et 1384 du code civil, de fournir aux juges du fond, des éléments objectifs susceptibles de les amener à apprécier le bien-fondé de la prétention. Car en définitive, dans tous les cas, ils sont souverains dans leur pouvoir d’appréciation.

Sous peine d’être déclaré irrecevable, un moyen ou un élément de moyen ne doit mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture à cassation.

La Cour,

Vu l’acte n°02/10 du 06 août 2010 du greffe de la cour d’appel d’Ad par lequel maître Roland ADJAKOU, conseil de Aa B, a élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°2010-08/CS/CA-AB rendu le 29 juillet 2010 par la chambre sociale de cette cour ;

Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;

Vu l’arrêt attaqué ;

Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;

Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;

Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;

Vu les pièces du dossier ;

Ouï à l’audience publique du vendredi 15 décembre 2017 le président de la chambre judiciaire, Dieudonnée Amélie ASSIONVI-AMOUSSOU en son rapport ;

Ouï l’avocat général Saturnin AFFATON en ses conclusions ;

Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que suivant l’acte n°02/10 du 06 août 2010 du greffe de la cour d’appel d’Ad, maître Roland ADJAKOU, conseil de Aa B, a élevé pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°2010-08/CS/CA-AB rendu le 29 juillet 2010 par la chambre sociale de cette cour ;

Que par lettre n°0564/GCS du 04 avril 2011, maître Roland ADJAKOU a été mis en demeure d’avoir à produire son mémoire ampliatif dans un délai d’un (01) mois conformément aux dispositions de l’article 12 de la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;

Que les mémoires ampliatif et en défense ont été produits ;

En la forme

Attendu que le pourvoi ayant été élevé dans les forme et délai de la loi, il y a lieu de le déclarer recevable ;

Au fond

Faits et procédure

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que par jugement n°003/09-S du 13 janvier 2009, le tribunal d‘Ad a déclaré abusif le licenciement de Aa B et a condamné la société des huileries du Bénin (SHB) à lui payer des dommages intérêts et divers droits ;

Que sur appels respectifs de la SHB et de Aa B, la cour d’appel d’Ad, par arrêt n°2010-08/CS/CA-AB du 29 juillet 2010, a annulé le jugement entrepris, puis évoquant et statuant à nouveau, a dit et jugé que le licenciement de Aa B est sans motif objectif et sérieux et donc abusif et a condamné la SHB à lui payer des dommages intérêts et divers droits ;

Que c’est contre cet arrêt que le présent pourvoi est élevé ;

Discussion des moyens

Sur le premier moyen tiré de la violation des dispositions des articles 6 et 83 de la convention collective générale du travail du 30 décembre 2005, 7 et 58 de la convention collective générale du travail du 17 mai 1974

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de la violation des articles 6 et 83 de la convention collective générale du travail du 30 décembre 2005, 7 et 58 de la convention collective du 17 main 1974 en ce que la cour d’appel, pour statuer sur le licenciement du demandeur au pourvoi, s’est fondé sur les dispositions des articles 1er et 2 de la convention collective du travail du 30 décembre 2005 alors que, selon le moyen, l’article 83 de ladite convention fait obligation à l’entreprise exerçant dans une branche d’activité professionnelle ayant adhéré à cette convention de faire élaborer une annexe appropriée ; que la SHB a signé une convention de cession de l’huilerie mixte de Bohicon avec l’Etat béninois qui l’oblige à embaucher certains anciens employés de la SONICOG avec obligation de leur conserver leurs salaires régis par la convention collective des industries des corps gras, lesquels travailleurs faisaient partie de l’association syndicale des travailleurs de l’ex SONICOG ayant signé la convention collective des industries des corps gras ;

Que par conséquent, la SHB doit appliquer les dispositions de la convention collective des industries des corps gras du fait qu’elle contient les annexes régissant les conditions particulières des différentes catégories d’agents à la SHB même si la SHB n’y avait pas adhéré pour cause de liquidation de toutes les sociétés, établissements et organisations syndicales ayant signé cette convention ;

Mais attendu d’une première part, que la convention générale collective du travail du 17 mai 1974 a été abrogée, d’une deuxième part, que l’article 83 de la convention générale collective du travail du 30 décembre 2005 ne fait pas de l’élaboration des annexes pour les branches professionnelles exerçant des activités connexes une obligation et d’une troisième part, qu’il n’est pas prouvé que la SHB a adhéré à la convention collective des industries des corps gras du 1er janvier 1973 au même titre que l’association syndicale des travailleurs de l’ex SONICOG ; que dès lors, la cour d’appel a, à bon droit, retenu que …les rapports professionnels entre la SHB et ses employés sont régis par la convention collective générale du travail applicable aux entreprises relevant des secteurs privés et parapublics en République du Bénin… ;

Que le moyen n’est donc pas fondé ;

Sur le deuxième moyen tiré de la violation des articles 1347 du code civil, 9, 10, 25 du code du travail, 121, 122, 415, 487 et 488 de l’acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au droit des sociétés commerciales et groupement d’intérêt économiques

Attendu qu’il est en outre fait grief à l’arrêt attaqué de la violation des textes susvisés en ce que pour rejeter les moins perçus sur salaires réclamés par le demandeur, les juges d’appel ont affirmé « … qu’il ressort de l’analyse des pièces du dossier que le salaire net de six cent mille (600 000) francs CFA et le poste de directeur évoqués par Aa B ne sont que des actes de volonté unilatéraux pris par l’ancien directeur général de la SHB, Ac C et ne ressortent pas d’un accord de volonté entre la SHB et Aa B ; que ce dernier n’a pas rapporté la preuve que ces engagements pris par le directeur général et lui ont fait l’objet d’un accord écrit… alors que, selon le moyen :

Le contrat de travail à durée indéterminée peut être écrit, verbal ou tacite ; qu’un contrat de travail qui doit exister entre un travailleur et une personne morale doit nécessairement être signé par ledit travailleur et le représentant légal de la personne morale en cause ;

Les dispositions de l’article 1347 du code civil prescrivent que le commencement de preuve par écrit peut servir de preuve pour soutenir un fait allégué qui n’était pas constaté par écrit lorsque l’écrit émanant de celui contre lequel la demande est formée ou celui qu’il représente rend vraisemblable le fait allégué ; que la confirmation par le directeur général de la SHB de l’existence de discussion relative à l’augmentation de salaire mensuel et à un poste de directeur entre le demandeur et la SHB représentée par Ac C, l’ex directeur général, lors de son embauchage en février 2005, est une déclaration qui constitue un commencement de preuve par écrit qui crédite formellement et légalement les réclamations de moins perçus sur salaire du demandeur ;

Que le directeur général assure aux termes de l’article 487 de l’acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et groupement d’intérêt économiques la direction générale de la société et la représente dans ses rapports avec les tiers tandis que l’article 488 du même acte prescrit que « dans ses rapports avec les tiers, la société est engagée même par les actes du directeur général qui ne relèvent pas de l’objet social… » ; que l’ex directeur général de la SHB avait légalement agi au nom et pour le compte de la société des huileries du Bénin et non en son nom personnel ;

Attendu en effet d’une part, qu’au sens de l’article 25 du code du travail, le contrat de travail à durée indéterminée peut être verbal ou écrit, d’autre part, que l’article 487 de l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économiques de l’OHADA dispose que « le directeur assure la direction générale de la société. Il la représente dans ses rapports avec les tiers » ;

Attendu que l’arrêt attaqué énonce dans ses motifs relatifs à la question des moins perçus sur salaires réclamés par le demandeur : « attendu que Aa B avait conclu le 02 février 2005 avec le directeur général de la SHB sortant le contrat de travail verbal prévoyant l’augmentation des attributions à lui assignées par la note de service n°094/2000/SH/GB/tr du 22 décembre 2000 et l’amélioration de son salaire net mensuel porté à six cent mille (600. 000) francs CFA avec un poste de directeur ;…attendu que la promesse est un acte unilatéral de volonté qui n’engage que son auteur ; qu’il résulte des pièces du dossier que le salaire net de six cent mille (600 000)n francs CFA et le poste de directeur évoqués par Aa B résultent d’engagements unilatéraux pris par l’ancien directeur général de la SHB, Ac C et ne ressortent pas d’un accord de volonté entre la SHB et Aa B ; que ce dernier n’a pas rapporté la preuve que ces engagements pris par le directeur général et lui ont fait l’objet d’un accord écrit » ;

Qu’en statuant ainsi, alors que le directeur général représente et engage la société, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Que sa décision encourt cassation sur ce point ;

Sur le troisième moyen tiré de la violation des dispositions des articles 1382, 1383 et 1384 du code civil

Attendu qu’il est également fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions des articles 1382, 1383 et 1384 du code civil en ce que pour rejeter les dommages-intérêts réclamés pour retrait de poste et rétrogradation réclamés par Aa B, les juges d’appel ont estimé que celui-ci n’a fourni à la cour aucun élément objectif susceptible d’apprécier le préjudice moral et l’humiliation qu’il allègue alors que, selon le moyen, les juges d’appel avaient formellement reconnu que la rétrogradation du demandeur a violé les dispositions de l’article 13 de la convention collective générale du travail du 30 décembre 2005 ;

Qu’indépendamment du préjudice matériel et financier que la rétrogradation d’un cadre qui assumait le poste de chef service approvisionnement en matières premières et logistiques et qui avait sous ses ordres des agents de maîtrise lui a causé du fait de la suppression des avantages et privilèges attachés audit poste, il y a le préjudice moral et l’humiliation subis du fait qu’il a été ramené au même poste de travail que les anciens employés qui étaient sous ses ordres mais était contraint d’exercer les mêmes tâches que ces derniers et il était placé sous les ordres du directeur d’exploitation qui avait un niveau d’études inférieur au sien ;

Mais attendu que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain que la cour d’appel, par décision motivée, a décidé que … Aa B n’a fourni à la cour aucun élément objectif susceptible d’apprécier le préjudice moral et l’humiliation qu’il allègue… ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le moyen tiré de la violation des dispositions des articles 28, 38, 40, 42 et suivants du code de sécurité sociale en vigueur et défaut de réponse à conclusions

Attendu qu’il est, par ailleurs, fait grief à l’arrêt attaqué de la violation des dispositions légales susvisées en ce que la cour d’appel, pour rejeter les dommages intérêts sollicités par le demandeur, a affirmé que la SHB a versé régulièrement les cotisations de l’employé du 1er janvier 2005 au 30 juin 2007 comme le confirme l’attestation d’immatriculation net de versement de cotisation du 09 mai 2008 alors que, selon le moyen, par lettre n°0125/CNSS/DG/DR en date à Cotonou du 19 janvier 2010, le directeur général de la caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) avait transmis le tableau récapitulatif de toutes les dates de paiement des cotisations ouvrières et patronales effectuées au guichet de la CNSS, lequel tableau fait ressortir de longues périodes de retards allant de deux (02) mois 06 jours à trente (30) mois ;

Que les juges d’appel se sont accrochés au contenu de l’attestation d’immatriculation et de versement de cotisation en date à Ad du 09 mai 2008 frauduleusement obtenue auprès du chef de l’agence départementale de la caisse nationale de sécurité sociale du Zou et des Collines ;

Que par conclusions en contre duplique du 16 avril 2010 déposées au dossier judiciaire de la cour d’appel d’Ad et communiquées à maître Simplice DATO, conseil de la SBH, le demandeur, sous la plume de son avocat, a démontré la fausseté de cette attestation d’une part et les préjudices qui lui ont été causés par la SHB pour non jouissance des différentes prestations que la CNSS fournit à tout employé immatriculé dans ses livres et dont les cotisations sont à jour d’autre part ;

Mais attendu qu’aux termes de l’article 52 alinéa 2 de la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédure applicables devant les formations juridictionnels de la Cour suprême, « A défaut d’être déclaré irrecevable, un moyen ou un élément de moyen ne doit mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture à cassation… » ;

Que le présent moyen qui met en œuvre deux cas d’ouverture à cassation à savoir, la violation de la loi et le défaut de réponse à conclusions est, en application de l’article précité, complexe ;

Qu’il est par conséquent irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

Reçoit en la forme le présent pourvoi ;

Au fond casse l’arrêt n°2010-08/CS/CA-AB du 29 juillet 2010 rendu par la cour d’appel d’Ad mais seulement en ce qu’il a déclaré que Aa B n’a pas rapporté la preuve que les engagements pris par le directeur général de la SHB et lui ont fait l’objet d’un écrit et que ces engagements sont des actes unilatéraux pris par ledit directeur ;

Renvoie la cause et les parties devant la cour d’appel d’Ad autrement composée ;

Met les frais à la charge du Trésor public ;

Ordonne la notification du présent arrêt au procureur général près la cour d’appel d’Ad ainsi qu’aux parties ;

Ordonne la transmission en retour du dossier au procureur général près la cour d’appel d’Ad;

Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre judiciaire) composée de :

Dieudonnée Amélie ASSIONVI-AMOUSSOU, président de la chambre judiciaire,

PRESIDENT 

Innocent S. AVOGNON

Et CONSEILLERS ;

Michèle CARRENA-ADOSSOU

Et prononcé à l’audience publique du vendredi quinze décembre deux mille dix-sept, la chambre étant composée comme il est dit ci-dessus, en présence de :

Saturnin AFFATON, AVOCAT GENERAL;

Hélène NAHUM-GANSARE, GREFFIER;

Et ont signé,

Le président-rapporteur, Le greffier.

Dieudonnée Amélie ASSIONVI-AMOUSSOU Hélène NAHUM-GANSARE


Synthèse
Numéro d'arrêt : 036
Date de la décision : 15/12/2017

Analyses

Rupture du contrat de travail


Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2017-12-15;036 ?
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