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30/03/2017 | BéNIN | N°2006-36/CA;

Bénin | Bénin, Cour suprême, 30 mars 2017, 2006-36/CA et


Texte (pseudonymisé)
N° 16/CA du Répertoire
N° 2006-36/CA; du Greffe
Arrêt du 30 mars 2017
AFFAIRE :
Aa A
Etat Béninois REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE La Cour,
Vu la requête introductive d’instance en date à Cotonou du 28 février 2006, enregistrée au greffe le 14 avril 2006 sous le numéro 299/GCS/CA, par laquelle AHOUNOU Prosper, avocat au barreau du Bénin et conseil de Aa A, a saisi la Cour suprême aux fins de condamnation de l’Etat béninois à lui verser la somme de dix milliards (10.000 000 000) de francs en r

paration des préjudices subis par son client du fait de sa révocation abusive de la fonction...

N° 16/CA du Répertoire
N° 2006-36/CA; du Greffe
Arrêt du 30 mars 2017
AFFAIRE :
Aa A
Etat Béninois REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE La Cour,
Vu la requête introductive d’instance en date à Cotonou du 28 février 2006, enregistrée au greffe le 14 avril 2006 sous le numéro 299/GCS/CA, par laquelle AHOUNOU Prosper, avocat au barreau du Bénin et conseil de Aa A, a saisi la Cour suprême aux fins de condamnation de l’Etat béninois à lui verser la somme de dix milliards (10.000 000 000) de francs en réparation des préjudices subis par son client du fait de sa révocation abusive de la fonction publique et de sa mise à la retraite à compter du 1" octobre 1998 ;
Vu l’ordonnance n°21/PR du 26 avril 1966 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême alors en vigueur ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu toutes les pièces du dossier ;
Le Président Victor Dassi ADOSSOU entendu en son rapport ;
Le Procureur général Ab B en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme
Sur la recevabilité du recours
Considérant que l’Administration soulève en la forme, l’irrecevabilité du recours au motif que le montant réclamé dans la requête adressée à la haute Juridiction n’est pas exactement celui avancé dans le recours gracieux adressé au ministère des Finances et de l’Economie par le requérant ;
Qu’en effet, alors que dans son recours gracieux adressé au ministre en charge des finances, le requérant a réclamé le paiement à son profit de la somme de dix milliards cinq cents millions (10 500 000 000) de francs, le recours contentieux quant à lui, fait état de paiement d’un montant de dix milliards (10 000 000 000) de francs ;
Qu’il y a contradiction entre les demandes du requérant formulées respectivement devant l’Administration et devant le juge administratif ;
Qu’il y a lieu de sanctionner d’irrecevabilité, le recours contentieux ;
Mais considérant que le requérant, préalablement au présent recours contentieux, a exercé deux recours administratifs, l’un en date du 07 mars 2005 en direction du ministre des Finances et de l’Economie et l’autre en date du 16 mars 2005 en direction du Chef de l’Etat, Président de la République ;
Que par ces recours, notamment celui adressé au ministre des Finances et de l’Economie, le requérant a sollicité de l’Administration, le paiement de sommes d’argent en réparation des préjudices par lui subis ;
Qu'en effet, le recours adressé au Président de la République est resté descriptif des faits dommageables subis par le requérant et n’a fait mention d’aucune somme d’argent précise à lui payer ;
Que seul le recours adressé au ministre en charge des finances, a indiqué de façon précise, un montant de dix milliards cinq cents millions (10 500 000 000) de francs ;
Qu’il y a lieu de considérer que c’est par ce recours que le requérant a véritablement lié le contentieux ;
Que comme le soutient l’Administration, le recours contentieux a fait mention non plus du montant ci-dessus indiqué mais plutôt de dix milliards (10 000 000 000) de francs ;
Qu’il n’y a effectivement pas conformité des deux demandes en leur montant respectif ;
Mais considérant qu’il reste constant que le requérant a exprimé devant l’Administration une demande en indemnisation de préjudices subis du fait de celle-ci ;
Qu’au surplus, l’intéressé a chiffré le montant de sa demande à dix milliards cinq cent millions (10.500.000.000) francs ;
Que depuis lors, l’Administration a pris connaissance de la résolution du requérant à la voir réparer le tort qu’elle lui a causé y compris dans son quantum ;
Que sur le montant de l’indemnisation fixé à 10.500.000.000 F, le requérant a lié le contentieux ;
Que cette liaison du contentieux est indifférente à une variation post factum du montant de la réparation, que celle-ci intervienne à la hausse ou à la baisse, la Cour devant arbitrer in fine le montant de ladite réparation ;
Qu’en conséquence, il y a lieu de déclarer le recours recevable ;
Au fond
Sur le principe du droit à réparation
Considérant que le requérant, expose :
Que suivant arrêté n°1968/0759 du 25 octobre 1968, il a été engagé à la fonction publique béninoise en qualité d’administrateur civil et a pris service au ministère du Plan et de la Prospective le 16 octobre 1968 ;
Que courant 1970, il a été nommé conseiller technique à l’économie à la Présidence de la République :
Qu’à l’avènement de la Révolution en 1972, il est retourné à son ministère d’origine pour occuper d’autres postes de direction avant d’être mis à la disposition de la province de l’Atlantique en tant que responsable aux affaires économiques et de développement en 1974 ;
Que courant 1976, il a été nommé directeur général du port autonome de Cotonou par décret n°7648 du 20 février 1976 ;
Que par décret n°83-462 du 28 décembre 1983, il a été arbitrairement révoqué de son poste et de la fonction publique béninoise ;
Qu’il s’est pourvu devant la Cour suprême qui, par arrêt n°002/CA du 18 février 1999, a fait droit à sa requête ;
Qu’en exécution de cet arrêt, le Président de la République a pris le décret n°2001-534 du 11 décembre 2001 pour abroger celui n°83-462 du 18 février 1983 portant sa révocation ;
Qu’en application de ce nouveau décret, un conseil de discipline a été mis en place par arrêté n°139/MFPTRA/ DACAD/SADDC du 14 Qu’à l’issue de ses travaux, ledit conseil a conclu au mal fondé des griefs articulés au soutien de sa révocation ;
Que le rapport ayant sanctionné les travaux du conseil de discipline a été transmis au ministère de la Fonction Publique à l’attention du ministre des Travaux Publics et des Transports par lettre n°1958/MFPTRA/DC/SGM/DGFP/DA CAD/SAD du 03 octobre 2003 ;
Que par arrêté conjoint n°2004-0668 du 27 février 2004, le ministre de la Fonction Publique et son homologue des Finances ont subséquemment procédé à la reconstitution de sa carrière, vingt années après sa révocation ;
Que cette reconstitution l’a classé à partir du 16 septembre 1989 dans le corps des administrateurs « Catégorie A Echelle 1 échelon 12 » ;
Que suivant courrier n°181/MFPTRA/DC/SCM/DGFPA/DGGA/
SR/03 du 03 août 2004, le ministre de la Fonction Publique, a notifié au ministre des Transports et des Travaux Publics son admission à faire valoir ses droits à la retraite pour compter du 1” octobre 1998 ;
Que le 23 août 2004, le ministre des Travaux Publics et des Transports par lettre n°4118/MTPT/DG/DGM/DA/SRA/TR lui a notifié que depuis le 1” octobre 1998, il a été admis à la retraite, le tout à titre de régularisation ;
Que cette situation lui a gravement causé préjudice ;
Que par lettre en date du 07 mars 2005, il a saisi le ministre des Finances et de l’Economie en réparation des nombreux préjudices qui lui ont été causés ;
Que le 16 mars 2005, il s’est pourvu devant le Président de la République de la même demande ;
Qu’aucune suite favorable n’ayant été réservée à ces deux recours, il saisit la haute Juridiction de la présente requête contentieuse aux fins de voir condamner l’Etat béninois à lui verser la somme de dix milliards (10 000 000 000) de francs toutes causes de préjudices confondus ;
Considérant qu’en réplique, l’Etat béninois, représenté par l’Agent Judiciaire du Trésor assure qu’il a déjà procédé au dédommagement sollicité par le requérant ;
Que suite à sa réintégration dans la fonction publique après le prononcé de l'arrêt de la Cour suprême, il a procédé à la reconstitution de sa carrière à compter de la date de sa révocation, c’est-à-dire depuis le 28 décembre 1983, de sorte que le requérant est censé n’avoir jamais cessé d’exercer dans la Fonction Publique ;
Qu’il a ainsi bénéficié de plusieurs échelons et que somme toute, le dédommagement sollicité par lui est déjà intervenu ;
Qu'’en outre le non-paiement des rappels de salaire n’est pas une situation particulière au requérant mais concerne la plupart des Agents Permanents de l’Etat, et que cette situation est en voie de règlement globale et progressive ;
Que les difficultés financières l’ont conduit à prendre le décret n°81-441 du 29 décembre 1981 et la loi des finances n°87-001 du 1° janvier 1987 qui ont suspendu l’effet financier des avancements et des reclassements dans le cadre de l’application des statuts des Agents Permanents de l’Etat ;
Que toutes ces mesures ont à ce jour été levées et que c’est pour apurer ces arriérés que l’Etat a décidé de payer cinq cent mille (500 000) francs aux fonctionnaires ayant réuni une ancienneté conséquente ;
Que depuis lors, les services compétents du ministère du Développement, de l’Economie et des Finances procèdent au calcul des moins perçus sur traitements auxquels chaque fonctionnaire a droit ;
Que le requérant sera assujetti aux mêmes traitements pour peu qu’il produise ses différents actes d’avancement et de reclassement ;
Qu'’au regard de ce qui précède, il y a lieu :
- de considérer que l’Etat a réparé les préjudices causés au requérant qui n’est donc plus fondé en ses prétentions ;
- de constater que le non-paiement des rappels est dû à certaines dispositions législatives et règlementaires désormais levées ;
- de constater que les vingt années pendant lesquelles le requérant n’a pas travaillé, ont été prises en compte pour la reconstitution de sa carrière, toute chose qui lui a procuré beaucoup d’avantages et de le débouter en conséquence ;
Considérant qu’il est établi que par décret n°83-462 du 28 décembre 1983, Aa A a été révoqué de la Fonction Publique béninoise et de son poste de directeur du port autonome de Cotonou ;
Que cette révocation qui s’entend du licenciement d’un agent public pour raison disciplinaire l’a été sans le moindre formalisme et en violation des règles du droit de la fonction publique ;
Que ladite révocation est intervenue alors que le requérant n’avait totalisé qu’à peine quinze ans de service et d'ancienneté ;
Qu'il s’est ensuivi un anéantissement de la carrière de l’intéressé et des perspectives qui y sont liées ;
Considérant que c’est à tort que l’Administration soutient que le requérant a été largement dédommagé dès lors qu’il a été réintégré dans la Fonction Publique et qu’il a été procédé à la reconstitution de sa carrière ;
Qu’en effet, la réintégration dans la fonction publique et par suite, la reconstitution de la carrière du requérant devront s’analyser, dans le cas d’espèce, comme mettant fin au préjudice naturel en rétablissant l’intéressé dans son statut originel de fonctionnaire de l’état ;
Considérant en outre que Aa A n’a pas eu droit au rappel des salaires auxquels il pouvait légitimement prétendre s’il n’avait pas été licencié ;
Que ce droit ne peut être assimilé aux rappels des moins perçus sur salaires consécutifs aux avancements et autres promotions dont l’Administration assure avoir ordonné le règlement au profit de l’ensemble des Agents Permanents de l’Etat ;
Considérant enfin que le licenciement illégal du requérant est survenu dans un contexte de faits inexacts imputés à celui-ci et d’acharnement médiatique, toute chose qui l’a affecté au plan moral en portant atteinte à son honneur et à sa réputation ;
Considérant au total que du fait de son licenciement illégal de la fonction publique et de ses effets qui se sont étalés sur vingt et un (21) ans, l’Administration a porté préjudice au requérant tant au plan matériel, que moral :
Que c’est à bon droit que l’intéressé en sollicite la réparation :
Sur le quantum de la réparation
Considérant que le requérant sollicite la condamnation de l’Administration à lui verser la somme de dix milliards (10 000 000 000) de francs en réparation des préjudices liés à sa révocation illégale de la fonction publique ;
Considérant que pour être fondée et justifiée dans son principe, cette demande en réparation n’en est pas moins exagérée ;
Qu’il convient de ramener l’indemnisation à de justes proportions et de condamner l’Etat à payer à Aa A, la somme de cent millions (100.000.000) de francs à titre de dommages- intérêts, toutes causes de préjudices confondus ;
Par ces motifs
Décide :
Article 1°" : Le recours en date à Cotonou du 28 février 2006 de Aa A tendant à la condamnation de l’Etat béninois au paiement, à son profit, d’une somme de dix milliards (10 000 000 000) de francs en réparation de préjudices par lui subis, est recevable ;
Article 2 : Ledit recours est fondé ;
Article 3 : L’Etat béninois est condamné à payer au requérant à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudices confondus, la somme de cent millions (100.000.000) de francs ;
Article 4 : Les dépens sont mis à la charge du Trésor public :
Article 5: Le présent arrêt sera notifié aux parties et au Procureur général près la Cour suprême et publié au Journal Officiel de la République du Bénin.
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre administrative) composée de :
Victor Dassi ADOSSOU, Président de la chambre administrative ;
PRESIDENT ;
Rémy Yawo KODO
et CONSEILLERS ;
Etienne AHOUANKA
Et prononcé à l’audience publique du jeudi trente mars deux mille dix-sept, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
Ab B, Procureur général,
MINISTERE PUBLIC ;
Gédéon Affouda AKPONE,
GREFFIER ;
Et ont signé
Le Greffier,
Gédéon Affouda AKPONE


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2006-36/CA;
Date de la décision : 30/03/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2017-03-30;2006.36.ca ?
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