N° 23/CA du répertoire REPUBLIQUE DU BENIN
N° 99-22/CA du greffe AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
Arrêt du 05 avril 2007 COUR SUPREME
Affaire: Viginnagni Bruno AHISSOU CHAMBRE ADMINISTRATIVE
C/
Préfet de l'Atlantique
La Cour,
Vu la requête introductive d'instance en date à Cotonou du 03 février 1999 enregistrée au greffe de la Cour suprême le 10 février 1999 sous le n° 0121/GCS par laquelle maître Wenceslas de SOUZA, avocat à la Cour d'appel de Cotonou, conseil de Viginnagni Bruno AHISSOU, a introduit un recours en annulation pour excès de pouvoir contre l'arrêté préfectoral n° 2/465/DEP-ATL/SG/SAD du 04 septembre 1998 et le permis d'habiter n° 2/289 du 05 mai 1998 délivré à monsieur Imourana BAKARI sur la parcelle ''G'' du lot 707 du lotissement d'Avotrou;
Vu la lettre n° 0564/GCS du 22 mars 1999 par laquelle le conseil du requérant a été invité à produire son mémoire ampliatif, lequel a été transmis à la Cour le 25 mai 1999 sous le n° 288/CS/CA;
Vu la communication n° 0253/GCS du 26 janvier 2000, par laquelle la requête introductive d'instance, le mémoire ampliatif et les pièces y annexées du requérant ont été transmis au préfet de l'Atlantique pour ses observations en défense;
Vu la mise en demeure faite par lettre n° 1077/GCS du 02 mai 2000, à laquelle l'Administration préfectorale n'a pas cru devoir réagir;
Vu la consignation légale constatée par reçu n° 1399 du 18 février 1999;
Vu toutes les pièces du dossier;
Vu l'Ordonnance n° 21/PR du 26 avril 1966 organisant la procédure devant la cour suprême, remise en vigueur par la loi N°90-012 du 1er Juin 1990;
Ouï le conseiller Eliane R. PADONOU en son rapport;
Ouï l'Avocat Général Clémence YIMBERE- DANSOU en ses conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
En la forme
Considérant que le recours de monsieur Viginnagni Bruno AHISSOU en date du 03 février 1999 enregistré le 10 février 1999 tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux n° 2/618/DEP-ATL/SG/SAD du 05 décembre 1997 portant confirmation des droits de propriété de monsieur Imourana BAKARI sur la parcelle ''G'' du lot 707 d'Avotrou et n° 2/465/DEP-ATL/SG/SAD du 04 septembre 1998 portant déguerpissement des installations édifiées par le requérant Viginnagni B. AHISSOU sur la parcelle ci-dessus indiquée est recevable pour avoir été introduit dans les conditions de forme et de délai prescrites par la loi;
Au Fond
Considérant que le requérant, par son conseil expose:
Que la parcelle ''G'' du lot 707 d'Avotrou lui ayant été attribuée après les opérations de lotissement, il l'a entièrement clôturée en matériaux définitifs;
Que le 08 octobre 1998, les agents de l'ex-voirie ayant, sur la demande de monsieur Imourana BAKARI, procédé à la démolition de la clôture de ladite parcelle, il a requis le même jour, maître Hortense BANCOLE de SOUZA pour constater les faits avec sommation interpellative à monsieur BAKARI;
Qu'en réponse, ce dernier a déclaré avoir fait démolir la clôture vertu des arrêtés préfectoraux n° 2/618/ DEP-ATL/SG/SAD du 05 décembre 1997 portant confirmation de ses droits de propriété sur la même parcelle et n° 2/618/ DEP-ATL/SG/SAD du 05 décembre 1997portant déguerpissement des installations édifiées sur ladite parcelle;
Que le 03 novembre 1998, il a adressé au préfet de l'Atlantique un recours gracieux, mais que face à son silence, il a saisi la Cour pour voir annuler les arrêtés querellés ainsi que le permis d'habiter n° 2/289 du 05 mai 1998 délivré à monsieur Imourana BAKARY;
Considérant que le requérant fonde son recours sur les moyens tirés:
1/ du défaut de motivation des arrêtés querellés, ce qui cache un détournement de pouvoir;
2/ de la violation de la loi n° 60-20 du 13 juillet 1960 et du décret n° 64-276/DC/MFAEP/EDT du 02 décembre 1964 fixant le régime des permis d'habiter au Dahomey;
3/ de la violation de l'arrêté local n° 422 F du 19 mars 1943 fixant les conditions d'aliénation, d'amodiation et d'exploitation des terres domaniales au Dahomey.
Considérant que l'Administration préfectorale n'a pas conclu malgré la mise en demeure qui lui a été adressée;
Sur le premier moyen du requérant tiré du détournement de pouvoir sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens
Considérant que le requérant soutient que les arrêtés préfectoraux n° 2/618/ DEP-ATL/SG/SAD et n° 2/465/DEP-ATL/SG/SAD des 25 décembre 1997 et 04 septembre 1998 pris par le préfet du département de l'Atlantique d'alors pour confirmer les droits de propriété de monsieur Imourana BAKARY sur la parcelle ''G'' du lot 707 du lotissement d'Avotrou et ordonner son déguerpissement de ladite parcelle n'ont pas été motivés par cette autorité;
Qu'il estime qu'il estime qu'il résulte de ce défaut de motivation, un détournement de pouvoir;
Qu'à l'appui de ce moyen, le conseil du requérant, dans un mémoire ampliatif additionnel transmis à la Cour le 21 juillet 1999, fait observer que l'autorité préfectorale a adressé par la suite à monsieur V. Bruno AHISSOU, l'arrêté préfectoral n° 2/426/DEP-ATL/SG/SAD en date du 1er juin 1999 lui proposant une autre parcelle, la parcelle ''J'' du lot 701 du lotissement de Tanto-Dandji en lieu et place de celle qui lui appartenait et dont il a été dépossédé;
Que le requérant poursuit en précisant que l'autorité préfectorale reconnaît implicitement le bien fondé de tous les griefs faits aux deux arrêtés, ce qui justifie leur annulation;
Considérant que de l'analyse des pièces versées au dossier, il ressort que la parcelle relevée à l'état des lieux sous le n° 1589 d'un apport de 650 m² a été régulièrement attribuée à monsieur Viginnagni Bruno AHISSOU et a été identifiée parcelle ''G'' du lot 707 suite aux opérations de recasement le 20 mars 1989;
Que cependant, aux termes des actes querellés, l'autorité préfectorale a retiré au requérant la parcelle ''G'' du lot 707 qui lui a été régulièrement attribuée après les opérations de recasement et l'a contraint au déguerpissement en faisant procéder à la démolition de la clôture en matériaux définitifs réalisée par le requérant;
Considérant que la décision d'attribution de ladite parcelle à monsieur I. BAKARY est constitutif d'un détournement de pouvoir en ce que l'autorité préfectorale n'a pas agi dans un but d'intérêt public mais s'est contenté de satisfaire l'unique intérêt du seul administré en la personne de monsieur Imourana BAKARY, cherchant ainsi à affirmer le pouvoir dont il dispose de retirer et d'attribuer d'autorité des parcelles sans craindre d'exercer ce pouvoir dans un but totalement étranger à l'intérêt public qu'il est tenu de préserver;
Qu'en agissant ainsi qu'elle l'a fait, l'autorité préfectorale a manifestement usé de son pouvoir de retrait pour l'accomplissement d'une faveur au profit d'un tiers bénéficiaire;
Considérant en outre que la signature par l'autorité préfectorale d'un nouvel arrêté n° 2/426/DEP-ATL/SG/SAD en date du 1er juin 1999 aux fins d'attribution de la parcelle ''J'' du lot 701 du lotissement de Tanto-Dandji, au requérant en remplacement de la parcelle ''G'' ci-dessus décrite et dont celui a été dépossédé est la preuve de ce que le préfet du département de l'atlantique d'alors accordait une faveur au seul administré I. BAKARY sans se préoccuper de ce que l'intérêt général, en somme, la loi requiert;
Qu'en conséquence, ces actes méritent annulation;
Considérant enfin qu'il résulte de tout ce qui précède et du mutisme observé par l'autorité préfectorale malgré la communication du dossier et la mise en demeure qui lui ont été adressées, la preuve irréfragable de son acquiescement aux faits exposés par le requérant dans son recours;
Qu'il échet dès lors d'annuler purement et simplement les arrêtés préfectoraux incriminés et tous les actes subséquents notamment le permis d'habiter n° 2/289 du 05 mai 1998 délivré à monsieur Imourana BAKARY et de mettre les frais à la charge du trésor public;
P A R CES M O T I F S,
DECIDE:
Article 1er: Le recours en annulation pour excès de pouvoir en date du 03 février 1999 introduit par monsieur Viginnagni Bruno AHISSOU contre les arrêtés préfectoraux n° 2/618/ DEP-ATL/SG/SAD et n° 2/465/DEP-ATL/ SG/ SAD des 25 décembre 1997 et 04 septembre 1998 est recevable.
Article 2: Les arrêtés préfectoraux ci-dessus cités sont annulés avec toutes les conséquences de droit.
Article 3: Notification du présent arrêt sera faite aux parties et au Procureur Général près la Cour Suprême.
Article 4: Les dépens sont mis à la charge du trésor public.
Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (chambre administrative) composée de:
Jérôme O. ASSOGBA, Conseiller de la chambre administrative,
PRESIDENT;
Eliane R. G. PADONOU
et CONSEILLERS
Etienne FIFATIN
Et prononcé à l'audience publique du jeudi cinq avril deux mille sept, la chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de:
YIMBERE Clémence,
MINISTERE PUBLIC;
Geneviève GBEDO,
GREFFIER;
Ont signé
Président Le Rapporteur,
Jérôme O. ASSOGBA.- Eliane R. PADONOU.-
Le greffier,
Geneviève GBEDO.-