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28/07/2005 | BéNIN | N°124

Bénin | Bénin, Cour suprême, Chambre administrative, 28 juillet 2005, 124


. La Cour,

Vu la requête en date à Cotonou du 20 octobre 1999, enregistrées au Greffe de la Cour Suprême le 03 novembre 1999, sous le numéro 1134/GCS, par laquelle Monsieur AGBATAGAN C. Marc a sollicité l'annulation des décisions contenues dans les lettres n°99/739/MF/CR/SR/EB du 14 mai 1999 et n°99/862/MF/CR/SAF/EB du 28 mai 1999;

Vu la correspondance n°794/GCS du 28 mars 2000 communicant les pièces du requérant au Ministre des Finances pour ses observations;

Vu la mise en demeure n°1608/GCS du 29 juin 2000
au Ministre des Finances pour pro

duire ses observations;

Vu la consignation légale constatée par reçu n°...

. La Cour,

Vu la requête en date à Cotonou du 20 octobre 1999, enregistrées au Greffe de la Cour Suprême le 03 novembre 1999, sous le numéro 1134/GCS, par laquelle Monsieur AGBATAGAN C. Marc a sollicité l'annulation des décisions contenues dans les lettres n°99/739/MF/CR/SR/EB du 14 mai 1999 et n°99/862/MF/CR/SAF/EB du 28 mai 1999;

Vu la correspondance n°794/GCS du 28 mars 2000 communicant les pièces du requérant au Ministre des Finances pour ses observations;

Vu la mise en demeure n°1608/GCS du 29 juin 2000
au Ministre des Finances pour produire ses observations;

Vu la consignation légale constatée par reçu n°1610
du 08 novembre 1999 du Greffe de la Cour;

Vu l'Ordonnance n°21/PR du 26 avril 1966 organisant
la procédure devant la Cour suprême, remise en vigueur par
la loi n°90-012 du 1er juin 1990;

Vu toutes les pièces du dossier;

Ouï le Conseiller Cyprien BOKO en son rapport;

Ouï le Procureur Général, Nestor DAKO, en ses
réquisitions;

Après en avoir délibéré conformément à la loi;

LA PROCEDURE

Par requête en date à Cotonou du 20 octobre 1999 enregistrée au Greffe de la Cour le 03 novembre 1999 sous le numéro 1134/GCS, Monsieur AGBATAGAN C. Marc, 01 BP 3373 Cotonou, a saisi la haute Juridiction d'un recours en annulation pour excès de pouvoir contre les lettres n°99/739/MF/CR/SR/EB du 14 mai 1999 et n°99/862/MF/CR/SAF/EB du 28 mai 1999 du Président de la Cellule de Recouvrement des Créances des anciennes banques d'Etat de la Direction Générale du trésor et de la Comptabilité Publique au sujet de ses réclamations.

Ladite requête, le mémoire ampliatif et les pièces y annexées ont été communiqués, pour ses observations, au Ministre des Finances et de l'Economie par lettre n°794/GCS du 29 mars 2000 du Greffier en Chef de la Cour transmise par bordereau n°234/PCS/GC/CAB/SA du 29 mars 2000;

Le Ministre des Finances et de l'Economie n'ayant pas réagi à cette transmission, une mise en demeure lui a été adressée par lettre n°1608/GCS du 29 juin 2000 du Greffier en Chef de la Cour transmise par bordereau n°480/PCS/GC/CAB/SA du 06 juillet 2000. cette mise en demeure est restée sans suite;

A cette étape de la procédure, le dossier est en état d'être jugé, la consignation étant constatée par reçu n°1610 du 06 novembre 1999;

LES FAITS

Le requérant expose:

- que, déflaté de la Banque Béninoise pour le Développement (BBD), il avait été rappelé comme certains autres agents par le Coordonnateur, Monsieur KPOMALEGNI René, ex-directeur de la Comptabilité, pour accélérer les travaux de la liquidation; qu'il était commis non pas pour le recouvrement de porte à porte mais pour redresser des erreurs découlant de la mauvaise application du nouveau plan comptable qu'il avait élaboré quelques années plus tôt;

- que l'ordinateur étant en panne le coordonnateur avait retenu de lui payer hors état son salaire net sans déduction des échéances de crédits;

- que ce dernier lui avait expliqué: «nous sommes en liquidation et tous les agents sont temporaires, forfait ou avance, on sait que tous les agents ont conservé leurs anciens salaires»;

- que son dernier bulletin de paie dégageant un salaire net de 76.778 francs, il avait choisi de lui payer 75.000 francs par mois à régulariser;

- que seulement le Chef de Personnel de la BBD, Monsieur HOUNDJAHOUE Bernard n'imputait pas les remboursements aux comptes de crédits «je passerai une
écriture globale car je suis débordé par les états qu'attendent les clients pour effectuer des paiements .»;

- que le Chef de Personnel de la BBD n'a pu faire signer la pièce comptable de régularisation, le Coordonnateur devenu Consultant étant absent du pays;

- que, devant le Syndic qui ignorait tout de sa situation, le Chef de Personnel de la BBD s'était mis à bégayer;

- que le Coordonnateur traitait les questions internes non par note de service mais par annotations de documents qu'on ne retrouvait pas;

- qu'il a pu reprendre contact avec ce dernier lorsqu'il a appris qu'il était nommé Liquidateur de la Société Nationale d'Assurance et de Réassurance (SONAR);

- que celui-ci est allé expliquer au Comité de la Cellule de Recouvrement que les agents de la liquidation avaient conservé leurs anciens salaires; que c'est le Chef de Personnel de la BBD qui n'avait pas imputé les précomptes et qu'il lui payait un montant net des précomptes pour crédits;

- que la note de caisse est une pièce comptable, un ordre de paiement pas plus;

- qu'il ne sait d'ailleurs pourquoi il paierait à l'intéressé moins que son salaire alors qu'il l'avait rappelé pour des tâches autour desquelles d'autres s'étaient relayés en vain:

- qu'il a confirmé ses explications par écrit (lettre en date du 26 janvier 1999);

- qu'après discussion et concertation, le Comité de la Cellule avait décidé de lui payer la totalité de son salaire comme tout le monde;

- que l'agent chargé de l'exécution de cette décision a procédé à une régularisation partielle de sa situation;

- que néanmoins, il s'était dégagé un trop perçu de 135.607 francs qui lui a été versé en espèces en avril 1999;

- que curieusement le Comité de la Cellule annule les écritures de régularisation partielle, rétablit sa position débitrice dans les livres, revient à des observations
antérieures abandonnées après les explications de l'ex-Coordonnateur et le Président de la Cellule de Recouvrement lui réclame les 135.607 francs qu'il déclare indûment perçus;

- que, dès lors, le Président de la Cellule de Recouvrement, par lettre n°99/739/MF/CR/SR/EB du 14 mai 1999 et confirmée par lettre n°99/862/MF/CR/SAF/ EB du 08 mai 1999 lui notifia:

«Que, pendant toute la période de la liquidation, il a été embauché au titre de comptable temporaire sur la base d'une rémunération forfaitaire de 75.000 francs;

- que les notes de caisse qui ont tenu lieu de bulletins de paie expliquent largement que ses émoluments ont été fixés à forfait puisqu'elles n'indiquaient aucun détail;

- que s'il avait droit à un salaire normal, il ne serait pas sous-tendu par une note de caisse mais plutôt par un bulletin de paie;

- que rien ne permet donc de soutenir que son salaire antérieur à la liquidation a été maintenu et reconduit;

- que, par ailleurs, nulle part dans des documents de l'ex-BBD, il n'a été précisé qu'il s'agissait d'un salaire net après déduction faite des échéances de crédit comme le prétend Monsieur René KPOMALEGNI;

- que mieux, il saisit le moment où la Cellule opère des retenues sur ses indemnités de moins-perçus pour faire de multiples réclamations, soit six (06) ans après son départ de la liquidation;

- qu'il ne peut être accédé à sa requête car son dossier n'a fait l'objet d'aucun prélèvement aussi bien
pour les échéances de son crédit que pour d'autres retenues;

- que, dès lors, il a indûment perçu le reversement de F CFA 135.607 qui lui a été fait le 07 avril 1999;

- que ses engagements sont donc demeurés inchangés puisqu'il n'y a eu aucun remboursement et qu'il reste devoir à l'ex-BBD la somme de F CFA 1.599.481 (1.463.874 + 135.607) que la Cellule se chargera de récupérer par tout moyen de droit»;

Que c'est contre ces deux lettres n°99/739/MF/CR/SR/EB du 14 mai 1999 et n°99/862/MF/CR/SAF/EB du 28 mai 1999 qu'il introduit un recours et qu'il sollicite de la Cour leur annulation.

MOYENS DES PARTIES

Moyens du Requérant

Considérant que le requérant fonde son recours sur les moyens tirés:

1 - de la violation du principe des droits acquis en ce que le reversement à Monsieur Marc C. AGBADJAGAN de la somme de 135.607 francs indiquait que la Cellule de Recouvrement avait reconnu à l'intéressé le droit au salaire normal, c'est-à-dire son ancien salaire dont le respect s'oppose à tout revirement en dehors de la preuve d'un contrat indiquant le contraire;

2- du détournement de pouvoir, violation du principe de l'égalité de tous les citoyens devant la loi en ce que le requérant rappelé comme d'autres agents ne devrait recevoir un traitement inférieur à celui accordé aux autres agents rappelés dans les mêmes conditions;

Moyens de l'Administration

L'Administration n'a pas produit ses observations
malgré la mise en demeure à elle adressée.

EXAMEN DU RECOURS

En la forme

Sur la recevabilité:

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Monsieur AGBADJAGAN C. Marc a formulé son recours gracieux le 23 juillet 1999 et que ce recours a été déposé le
même jour au Ministère des Finances et enregistré à cette même date sous le n°5882/MF/DC/SA au Secrétariat Administratif dudit Ministère;

Que les lettres notifiées fin mai contre lesquelles le requérant exerce pour excès de pouvoir datent la première du 14 mai 1999 et la seconde, confirmant la première, du 28 mai 1999;

Que la saisine de la Cour a été faite par requête en date du 20 octobre 1999 enregistrée au Greffe de ladite Cour le 03 novembre 1999;

Qu'il résulte de tout ce qui précède que le recours de Monsieur Marc C. AGBADJAGAN est recevable pour avoir été introduit dans les forme et délai de la loi.

Au fond

Sur le premier moyen du requérant tiré de la violation du principe des droits acquis en ce que le reversement à Monsieur Marc C. AGBADJAGAN de la somme de 135.607 francs indiquait que la Cellule de Recouvrement avait reconnu à l'intéressé le droit au salaire normal, c'est-à-dire son ancien salaire dont le respect s'oppose à tout reversement en dehors de la preuve d'un contrat indiquant le contraire.

Considérant qu'il ressort de l'instruction du dossier que le requérant déflaté de la Banque Béninoise pour le Développement (BBD) a été rappelé lors des travaux de liquidation de ladite Banque par le Coordonnateur, Monsieur KPOMALEGNI René, ex-Directeur de la Comptabilité;

Qu'il a été commis aux opérations de redressement des erreurs découlant de la mauvaise application du nouveau plan comptable;

Que l'ordinateur étant en panne, le Coordonnateur avait retenu de lui payer, hors état et sur note de caisse, son salaire net sous déduction des échéances de crédits;.

Que ce dernier avait expliqué que les agents dans le cadre des opérations de liquidation sont tous des agents temporaires mais qu'ils conservent tous leurs anciens salaires;

Que son dernier bulletin de paie dégageant un salaire de 76.778 francs, il lui était payé 75.000 francs par mois, un salaire forfaitaire net des prélèvements de ses échéances de crédits;

Considérant que ces allégations sont confirmées par la lettre en date du 26 janvier 1999 de Monsieur KPOMALEGNI René, Coordonnateur du Sydic BBD adressée au Président de la Cellule de Recouvrement de la BBD;

Que Monsieur KPOMALEGNI René confirme par la même occasion qu'aucun agent de la BBD n'a été recruté dans la liquidation à un salaire inférieur à celui antérieur à la liquidation;


Considérant que ces explications ont d'autant plus convaincu la Cellule de Recouvrement qu'en avril 1999 un trop perçu de 135.607 francs a été reversé en espèces à Monsieur Marc C. AGBADJAGAN;

Que l'Administration est mal fondée aujourd'hui à revenir sur sa décision en refusant de reconnaître à Monsieur Marc C. AGBADJAGAN le payement de la totalité de son salaire comme tous ceux qui sont rappelés pour les opérations de liquidation alors qu'elle ne rapporte pas la preuve d'un contrat indiquant le contraire;

Que ce droit au salaire intégral est acquis au requérant;

Que ce premier moyen du requérant est recevable et qu'il échet de l'accueillir.

Sur le deuxième moyen du requérant tiré du détournement de pouvoir, violation du principe de l'égalité de tous les citoyens devant la loi en ce que le requérant rappelé comme d'autres agents ne devrait recevoir un traitement inférieur à celui accordé aux autres agents rappelés dans les mêmes conditions

Considérant que le détournement de pouvoir n'est pas établi;

Qu'en ce qui concerne la violation du principe de l'égalité de tous, elle résulte de ce que le refus pour l'Administration de reconnaître au requérant de percevoir un salaire normal c'est-à-dire celui antérieur à la liquidation comme les autres agents rappelés pour les opérations de liquidation constitue un traitement inférieur à lui infligé par l'Administration qui doit traiter de la même manière tous les citoyens dans la même situation;

Considérant en effet que le requérant déflaté de la BBD a été rappelé pour les opérations de liquidation
compte tenu de sa compétence et de son utilité ainsi qu'il ressort de la lettre en date du 26 janvier 1999 de Monsieur
KPOMALEGNI René, alors Coordonnateur du Syndic BBD;

Qu'il ressort également de la même lettre de Monsieur
KPOMALEGNI qu'aucun agent de la BBD n'a été recruté
dans la liquidation à un salaire inférieur à celui antérieur à la
liquidation; que le salaire de 75.000 francs qui lui était payé
était « un salaire forfaitaire net des prélèvements de ses
échéances de crédits».

Considérant que les deux lettres incriminées du Président de la Cellule de Recouvrement de la BBD en date respectivement des 14 mai et 28 mai 1999 revenaient à ne pas reconnaître à Monsieur Marc C. AGBADJAGAN le bénéfice de son salaire antérieur à la liquidation et à lui faire un traitement inférieur à celui des autres agents rappelés dans la liquidation;

Qu'il échet d'accueillir comme valable et fondé le deuxième moyen du requérant tiré du détournement de pouvoir et de la violation du principe de l'égalité des citoyens devant la loi.

CONCLUSION

En conclusion, il y a lieu d'accueillir le recours en annulation pour excès de pouvoir du sieur Marc C. AGBADJAGAN contre les lettres n°739/MF/CR/SR/EB du 14 mai 1999 et n°862/MF/CR/SAF/EB du 28 mai 1999 du Président de la Cellule de Recouvrement de la BBD; d'annuler lesdites lettres et de mettre les frais à la charge du trésor Public.-

Par ces motifs

Décide

Article 1er: La requête de Monsieur AGBADJAGAN C.
Marc est recevable;

Article 2: Les décisions contenues dans les lettres n°739/MF/CR/SR/EB du 14 mai 1999 et n°862/MF/CR/SAF/EB du 28 mai 1999 sont annulées;

Article 3: Les dépens sont mis à la charge du Trésor
Public.

Article 4: Notification du présent arrêt sera faite aux
parties et au Procureur Général près la Cour Suprême.

Ainsi fait et délibéré par la Chambre Administrative de la Cour Suprême étant composée comme suit:

Samson DOSSOUMON, Conseiller à la
Chambre Administrative; Président

Emile TAKIN

Bernadette HOUNDEKANDJI

Et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus en présence de:

Aristide DEGUENON, Avocat Général; Ministre Public

Et de Me Donatien VIGNINOU, Greffier.

Et ont signé

Le Président Le Rapporteur Le Greffier

Samson DOSSOUMON Emile TAKIN Donatien VIGNINOU



Conseillers
N° 124/CA du Répertoire
------------
N° 99-122/CA du Greffe
---------------
Arrêt du 28 juillet 2005
------------
Aff: AGBADJAGAN C. Marc

C/

M.F.E.

République du Bénin
---------------
Au Nom du Peuple Béninois
---------------
Cour Suprême
--------
Chambre Administrative
-------------

BAT



Références :

Origine de la décision
Formation : Chambre administrative
Date de la décision : 28/07/2005
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : 124
Numéro NOR : 173344 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2005-07-28;124 ?
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