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15/11/1996 | BéNIN | N°3

Bénin | Bénin, Cour suprême, Chambre judiciaire, 15 novembre 1996, 3


N°3
Homologation de procès verbal de conseil de famille - exception d'incompétence soulevée pour la première fois devant la Cour Suprême - Irrecevabilité - Violation des droits de la défense - Conditions de prise en considération.
Le moyen tiré de l'incompétence rationae loci ou du tribunal saisi, contrairement à l'incompétence ratione materiae, n'est pas d'ordre public. Il est tardif de le soulever pour la première fois devant la Cour Suprême .

Par ailleurs, si le moyen tiré pour la première fois devant la Cour Suprême, de la violation des droits de la défense

peut être soulevé en tout état de procédure , encore faudrait-il que la preuve...

N°3
Homologation de procès verbal de conseil de famille - exception d'incompétence soulevée pour la première fois devant la Cour Suprême - Irrecevabilité - Violation des droits de la défense - Conditions de prise en considération.
Le moyen tiré de l'incompétence rationae loci ou du tribunal saisi, contrairement à l'incompétence ratione materiae, n'est pas d'ordre public. Il est tardif de le soulever pour la première fois devant la Cour Suprême .

Par ailleurs, si le moyen tiré pour la première fois devant la Cour Suprême, de la violation des droits de la défense peut être soulevé en tout état de procédure , encore faudrait-il que la preuve en soit rapportée pour être pris en considération.

SEKLOKA Félix Cossi C/ Succession de feu SEKLOKA D. Emile Représentée par SEKLOKA Dieudonné

N°94-23/CJ-CT 15 /11/ 1996

La COUR,
Vu la déclaration enregistrée le 14 Août 1991 au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou et par laquelle le nommé SEKLOKA Cossi Félix a élevé pourvoi en cassation contre l'Arrêt N°44 rendu le même jour par la Chambre Civile de droit traditionnel de ladite Cour ;
Vu la transmission du dossier à la Cour Suprême ;
Vu la Loi N°90-12 du 1er Juin 1990 remettant en vigueur l'Ordonnance N°21/PR du 26 Avril 1966 portant composition, Organisation attributions et fonctionnement de la Cour Suprême ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l'audience du Vendredi 20 Septembre 1996 le Président Maxime-Philippe TCHEDJI en son rapport ;
Ouï l'Avocat Général Edwige BOUSSARI en ses conclusions;
L'affaire a été alors mis en délibéré pour arrêt être rendu le 15 Novembre 1996 ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi :
Attendu que par lettre enregistrée au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou le 14 Août 1991, le sieur SEKLOKA Cossi Félix a élevé pourvoi contre l'arrêt N°44 rendu à la même date par la Chambre de droit traditionnel de la Cour d'Appel de Cotonou dans l'affaire :

SEKLOKA Cossi Félix
C/
Succession de feu SEKLOKA Dieudonné.
Que le dossier de la procédure transmis par lettre N°043/PG/CS au Procureur Général près la Cour Suprême a été enregistré au rôle général de la Chambre Judiciaire s/N°94-23/CJ-CT;
Attendu que par lettre N°308/G-CS du 19 Juillet 1994, le demandeur au pourvoi a été mis en demeure d'avoir à consigner dans le délai de 15 jours et à produire ses moyens de cassation dans le délai d'un mois le tout conformément aux dispositions des articles 42, 45 et 51 de l'Ordonnance N°21/PR du 26 Avril 1966 organisant la Cour Suprême ;
Qu'une relance a été adressée au demandeur le 11 Avril 1995 par lettre N°255/G-CS ;
Qu'il paya alors la consignation le 19 Avril 1995 et Maître Augustin COVI, Avocat à la Cour se constitua pour la défense de ses intérêts. Que par lettre N°504/G-CS du 27 Juillet 1995, il fut accordé un délai d'un mois à ce conseil pour la production de son mémoire ampliatif qu'il déposa à la Cour le 29 Août 1995 ;
Qu'un exemplaire dudit mémoire fut adressé par correspondance N°602/G-CS le 12 Septembre 1995 à la Succession SEKLOKA pour réplique dans le délai d'un mois ;
Que le 11 Octobre 1995, le représentant de la Succession, le sieur Dieudonné SEKLOKA, sollicita prorogation du délai assigné et fit parvenir à la Cour le 9 Novembre 1995 le mémoire en défense daté du 27 Octobre 1995 ;
Qu'ainsi le dossier a été mis en état pour examen ;
EN LA FORME
Attendu que le présent pourvoi a été élevé dans les délais et forme de la loi ;
Qu'il y a donc lieu de l'accueillir favorablement en la forme ;
AU FOND
FAITS ET PROCEDURE
Attendu que suite au décès du sieur SEKLOKA Emile survenu à Abomey le 18 Janvier 1989, un conseil de famille fut tenu le 11 Mars 1989 à Cotonou et le procès-verbal qui en est issu a fait l'objet d'un jugement d'homologation N°33 rendu le 13 Avril 1990 par le Tribunal de Première Instance de Cotonou dont le dispositif mentionne :
"Homologue le procès-verbal de délibération du conseil de famille tenu le 11 Mars 1989 à Cotonou au sujet de la Succession dudit défunt, conseil au cours duquel ont été nommés :
SEKLOKA Dieudonné : Administrateur des biens et tuteur des enfants mineurs du défunt;
SEKLOKA Roger : Administrateur adjoint Subrogé tuteur ;
VODOUHE Justine née SEKLOKA : Administratrice adjointe desdits biens."
Attendu que par lettre du 13 Novembre 1990, SEKLOKA Cossi Félix a déclaré faire appel et opposition dudit jugement ;
Que suite à une autre lettre du 17 Janvier 1991 dans laquelle il a déclaré à nouveau qu'il fait opposition et qu'il sollicite intervention pour arrêter toutes activités assujetties au jugement d'homologation N°33/90 Succession SEKLOKA Emile.", le Tribunal de Première Instance de Cotonou a rendu le 29 Mars 1991 un jugement dans lequel il s'est déclaré incompétent au motif "que l'interjection de l'appel dessaisit la juridiction ayant rendu la décision attaquée en premier ressort, que seule la Juridiction d'appel est compétente pour connaître de toute action en contestation ou en rectification de la décision incriminée."
Que le 14 Août 1991, par arrêt N°44, la Cour d'Appel a statué en ces termes :
".Déboute SEKLOKA Cossi Félix de toutes ses demandes fins et conclusions.
Confirme le jugement d'homologation N°33/90 du 13 Avril 1990 en ce qu'il a homologué le procès-verbal de délibération du Conseil de famille tenu le 11 Mars 1989 à Cotonou au sujet de la succession de SEKLOKA Délimabou Emile, conseil au cours duquel ont été nommé :
SEKLOKA Dieudonné : Administrateur des biens et tuteur des enfants mineurs du défunt.
VODOUHE Justine née SEKLOKA : Administratrice adjointe desdits biens.
Donne acte à SEKLOKA Roger de sa démission des fonctions d'Administrateur adjoint et de Subrogé tuteur des enfants mineurs du défunt.
Donne également acte au Conseil de famille de ce qu'il accepte cette démission et procède au remplacement de SEKLOKA Roger par SEKLOKA Franck.
Donne aussi acte à SEKLOKA Franck de ce qu'il accepte ses nouvelles fonctions.
En conséquence infirmant le jugement querellé sur ce point et statuant à nouveau :
Dit que SEKLOKA Franck exercera désormais en lieu et place de SEKLOKA Roger, les fonctions d'Administrateur Adjoint des biens et de Subrogé tuteur des enfants mineurs laissés par SEKLOKA Délimabou Emile." ;
Que c'est contre les dispositions de cet arrêt que SEKLOKA Cossi Félix, par l'organe de son conseil, Maître Augustin M. COVI, articule un double moyen de cassation ainsi que le Ministère Public.
DISCUSSION DES MOYENS
PREMIER MOYEN tiré de la fraude organisée par SEKLOKA Dieudonné.
En ce que SEKLOKA Dieudonné, Administrateur des douanes, ayant l'argent facile pour soudoyer les plus démunis de la famille, a usé de manouvres subterfuges, faux et usage de faux pour surprendre leur vigilance.
Et alors d'une part que la majorité de la fratrie SEKLOKA n'avait pas été réunie, ni leurs observations recueillies, il a confectionné un procès-verbal de conseil de famille en leur nom. Ce fait a été relevé par le requérant qui a émis des réserves et fait des corrections ;
Et alors d'autre part que les veuves légitimes n'avaient pas été conviées à la réunion du 11 Mars 1989, SEKLOKA Dieudonné a trouvé le moyen ou a eu le génie de confectionner ou de faire confectionner des actes de mariage posthumes pour justifier la qualité d'épouses de celles qui ne l'avaient jamais été du vivant du de cujus.
Et alors et surtout d'autre part que la Cour d'Appel de Cotonou ne pouvait confirmer le jugement entrepris sans examiner sérieusement un moyen tiré de la fraude, qui est un moyen de fait ; fraus omnia corrupit : la fraude corrompt tout en effet ;
Et alors et surtout enfin que ce moyen est devenu un moyen imparable ou incontournable de débouté ou d'irrecevabilité des conclusions déposées par les parties ou des prétentions affichées par elles" ;
Attendu que le Ministère Public, en soutenant ce premier moyen du demandeur au pourvoi, affirme notamment que " le Tribunal de Première Instance de Cotonou est incompétent pour connaître de l'homologation du procès-verbal de conseil de famille querellé ;
Que le lieu du décès est Abomey et la majorité des biens du défunt est située à Abomey ;
Qu'en matière d'état des personnes, la compétence du Tribunal est un moyen d'ordre Public qui peut être soulevé à tout moment ;
Qu'il en résulte que la Cour d'Appel est mal fondée à confirmer la compétence du Tribunal de Cotonou ;
Et qu'il échet de casser l'arrêt par ce moyen".
Attendu dans sa réplique, la succession SEKLOKA souligne que : "le demandeur au pourvoi n'a jamais apporté aucune preuve des faits constitutifs de la fraude dont il a fait état ;
Que c'est certainement ce défaut de preuve qui n'a pas empêché pour autant le conseil de Félix de faire état du même moyen devant la Cour Suprême ;
Mais que l'Avocat du demandeur est tout habileté à connaître que l'examen de ce moyen nécessite au préalable de constat par le Juge des faits constitutifs des fraudes dont il s'agit";
Que le défendeur ajoute que tel constat relève exclusivement de la compétence des juges du fond et non de celle de la Cour Suprême seulement compétente pour examiner des points de droit ;
Qu'il conclut que "ce premier moyen étant par nature un moyen de fait, ne peut être examiné par la Cour Suprême et mérite pur rejet" ;
Attendu qu'en réalité, par le présent moyen, le demandeur au pourvoi tente de faire réexaminer par la Cour Suprême les Griefs qu'il avait élevés contre le jugement d'homologation devant la Cour d'Appel savoir : que le procès-verbal de conseil de famille aurait été l'ouvre d'une infirme partie de la famille du défunt et que la qualité de veuve a été attribuée à tort à certaines femmes ;
Qu'à ce sujet, il importe de rappeler au demandeur que la Cour Suprême n'est pas un troisième degré de juridiction ;
Qu'en effet, il résulte de l'article 34 de L'Ordonnance N°21/PR du 26 Avril 1966 organisant la Cour Suprême que cette Juridiction se prononce lorsqu'il s'agit d'arrêts rendus en dernier ressort par les juridictions de l'ordre judiciaire, "sur les pourvois en cassation pour incompétence, violation de la loi ou de la coutume."
Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 168 et suivants du Code de procédure civile, l'exception d'incompétence doit être soulevée devant le juge de fond ;
Qu'il n'est dérogé à cette règle que lorsqu'il s'agit de l'incompétence à raison de la matière ou rationne materiae ;
Qu'une telle incompétence peut être soulevée à tout moment de la procédure ;
Mais attendu qu'il y a lieu de relever qu'en faisant droit aux conclusions du Ministère Public, la présente procédure sera renvoyée et soumise à l'examen non pas au Tribunal de première Instance de Cotonou mais à celui du tribunal de Première Instance d'Abomey ;
Qu'il ne fait alors l'ombre d'aucun doute que l'incompétence dont s'agit demeure une incompétence territoriale ou rationne loci ;
Attendu que différente de l'incompétence rationne materiae d'ordre public, l'incompétence rationne loci ou territoriale demeure toute relative ;
Qu'avant d'être prise en considération, elle doit être soulevée avant tout débat devant le juge de fond sous peine de forclusion de la partie qui y a intérêt ;
Attendu que tel n'est pas le cas de l'espèce ;
Qu'en effet, le demandeur au pourvoi s'est montré négligent en s'étant abstenu de faire état de cette exception devant tout juge de fond dont notamment le juge du second degré ;
Que soulevée pour la première fois devant la Cour Suprême qui n'est point une juridiction de fond, cette exception d'incompétence demeure tardive ;

Qu'en conséquence, elle ne saurait prospérer et mérite d'être déclarée irrecevable.
Attendu qu'il résulte de tout ce qui précède que le premier moyen n'est pas fondé ;
Qu'il échet de le rejeter.
DEUXIEME MOYEN tiré de la violation des droits de la défense.
En ce que la confirmation du premier juge a consacré en son principe une atteinte grave au principe du procès équitable.
Attendu qu'en développant ce moyen, le demandeur au pourvoi affirme notamment que "le Tribunal ne s'était pas préoccupé de sa non comparution à la barre pour présenter ses observations et n'a pas examiné s'il avait fait défaut faute de comparaître et défaut faute de conclure., que le fait de n'avoir pas pu présenter des observations s'il était acquis qu'il était membre du conseil de famille du 11 Mars 1989 était une violation de ses droits de défense" et qu'il "avait le droit de conclure autrement qu'il n'avait fait lors dudit conseil de famille.".
Qu'il conclut qu'il y a lieu de casser l'arrêt entrepris ;
Que cette position a été adoptée par le Ministère Public ;
Attendu que pour sa part, la succession SEKLOKA, après avoir fait observer notamment que si le demandeur au pourvoi n'a pas comparu devant le premier juge, cela est dû à son absence du territoire national et qu'il est seul responsable de cette situation, soutient notamment ;
Que le demandeur aurait pu faire opposition contre le jugement au lieu d'en interjeter appel, ce qui lui aurait permis de faire ses observations devant le premier Juge ;
Qu'il y a lieu de relever que le même demandeur a présenté ses moyens devant les seconds juges devant lesquels il a comparu ;
Que cette situation ne peut que rendre inopérant le second moyen qui mérite dès lors rejet ;
Attendu que par le présent moyen, le demandeur au pourvoi reproche en définitive à la Cour d'Appel d'avoir confirmé le jugement d'homologation alors qu'il n'avait pas comparu devant le Tribunal et n'avait pas présenté ses observations ;
Que pour lui, cette décision de la Cour emporte confirmation de la violation des droits de la défense dont il avait été victime en première instance ;
Mais attendu qu'il convient de faire observer au demandeur qu'il n'avait présenté aucune demande aux seconds juges fondée sur une quelconque violation des droits de la défense commise par le premier juge ;
Que dès lors, il ne pourrait faire grief à la Cour d'Appel d'avoir confirmé le jugement sans tenir compte de cette prétendue violation ;
Qu'il convient à ce sujet de noter que la lecture de l'arrêt attaqué permet de constater que les seconds juges ont statué sur tous les motifs d'appel invoqués par le demandeur au pourvoi alors appelant ;
Qu'ils ne sauraient alors être critiqués pour n'avoir pas statué sur une question qui ne leur avait pas été soumise ;
Attendu du reste que la violation des droits de la défense est certainement un moyen d'ordre public qui, à tout moment de la procédure peut être soulevé ;
Mais que pour être pris en considération, encore faut-il que la preuve en soit rapportée ;
Attendu que tel n'est pas le cas de l'espèce ;
Qu'en effet, le défaut de comparution au Tribunal de Première Instance de Cotonou pris pour violation des droits de la défense paraît être l'ouvre non pas de cette Juridiction ni de la partie adverse mais bel et bien celle du demandeur au pourvoi qui dès lors ne peut que se prévaloir de sa propre turpitude ;
Qu'en tout état de cause ce deuxième moyen demeure mal fondé et mérite pur rejet.
PAR CES MOTIFS
Accueille le présent pourvoi en la forme ;
Le rejette au fond ;
Met les frais
à la charge du demandeur.
Ordonne la notification du présent arrêt au Procureur Général près la Cour d'Appel ainsi qu'aux parties.
Ordonne la transmission en retour du dossier au Procureur Général près la Cour d'Appel de Cotonou.
Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Judiciaire) composée de :
Maxime Philippe TCHEDJI,
Président de la Chambre Judiciaire
PRESIDENT

BADA Georges et QUENUM Fernande
CONSEILLERS
Et prononcé à l'audience Publique du Vendredi quinze Novembre mil neuf cent quatre vingt seize, la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
BOUSSARI Edwige
AVOCAT GENERAL

Et de Maître Françoise TCHIBOZO épouse QUENUM
GREFFIER
ET ONT SIGNE :LE PRESIDENT-RAPPORTEUR LE GREFFIER Maxime-PhilippeTCHEDJI F.TCHIBOZO-QUENUM


Civile traditionnelle

Références :

Origine de la décision
Formation : Chambre judiciaire
Date de la décision : 15/11/1996
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : 3
Numéro NOR : 173919 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;1996-11-15;3 ?
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