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21/06/1994 | BéNIN | N°8

Bénin | Bénin, Cour suprême, Chambre administrative, 21 juin 1994, 8


N°6
Distinction acte individuel et acte réglementaire - régime juridique - Indemnités de fonction.

L'acte régissant une situation en termes généraux doit être considéré comme un acte réglementaire dont le régime juridique est la publication et non la notification.
Par conséquent, un fonctionnaire ou personnalité de l'Etat ne peut prétendre que des indemnités de fonction supprimées de façon générale lui soient maintenues intuitu personae en raison de ce que l'acte portant suppression de ces indemnités ne lui a pas été notifié.

ZOKPE ALBERT C/ ETAT BE

NINOIS
N° 8/CA du 21 juin 1994
La Cour,
Vu la requête en date du 09 juillet 1984, enre...

N°6
Distinction acte individuel et acte réglementaire - régime juridique - Indemnités de fonction.

L'acte régissant une situation en termes généraux doit être considéré comme un acte réglementaire dont le régime juridique est la publication et non la notification.
Par conséquent, un fonctionnaire ou personnalité de l'Etat ne peut prétendre que des indemnités de fonction supprimées de façon générale lui soient maintenues intuitu personae en raison de ce que l'acte portant suppression de ces indemnités ne lui a pas été notifié.

ZOKPE ALBERT C/ ETAT BENINOIS
N° 8/CA du 21 juin 1994
La Cour,
Vu la requête en date du 09 juillet 1984, enregistrée au Greffe de la Cour le 16 juillet 1984 sous N° 036/GC/CPC par laquelle Monsieur ZOKPE Albert, Agent Permanent de l'Etat en retraite, demeurant et domicilié à Cotonou, Carré N° 995, Boîte Postale N° 03-2430, a introduit un recours en annulation pour excès de pouvoir contre le Décret N° 74-218 du 05 septembre 1979 complétant les dispositions du Décret N° 74-326 du 05 septembre 1974 portant suspension de diverses indemnités de fonctions;
Vu le mémoire ampliatif en date du 07 mai 1985 du requérant, enregistré à la Cour sous N° 091/GC/CPC du 08 mai 1985;
Vu la lettre N° 10/CPC/CA du 15 mai 1985 par laquelle la requête introductive d'instance et le mémoire ampliatif ont été communiqués pour ses observations au Président de la République, Chef de l'Etat, Président du Conseil Exécutif National;
Vu la mise en demeure adressée par lettre N° 18/CPC/CA du 26 février 1986 à l'Administration qui n'a pas réagi à la correspondance N° 10/CPC/CA du 15 mai 1985 susvisée;
Vu la communication sous N° 411/GC/CPC du 16 juin 1985 faite au Directeur du Contentieux et Agent judiciaire du Trésor en vue de ses observations sur la requête et le mémoire ampliatif susvisés du requérant;
Vu la consignation constatée par reçu N° 37/84 du 24 août 1984;
Vu l'Ordonnance N° 21/PR du 26 avril 1966 organisant la procédure devant la Cour Suprême, remise en vigueur par la Loi N° 90-012 du 1er juin 1990;
Vu toutes les pièces du dossier;
Ouï le Conseiller SOSSOUHOUNTO en son rapport;
Ouï l'Avocat Général en ses conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la Loi;
EN LA FORME:
Considérant que le Décret N° 79-218 complétant le Décret N° 74-326 du 05 décembre 1974 portant suspension de diverses indemnités de fonction, est intervenu le 05 septembre 1979, tandis que le recours qui vise son annulation a été formé le 09 juillet 1984; qu'à première vue, le rapprochement entre ces deux dates ne peut que faire écarter la requête du requérant pour cause de tardiveté dans la saisine de la Cour, cela en vertu de l'article 68 alinéa 1er de l'Ordonnance N° 21/PR du 26 avril 1966 portant Composition, Organisation, Fonctionnement et Attributions de la Cour Suprême qui dispose que «Le délai de recours pour excès de pouvoir est de deux mois. Ce délai court de la date de publication de la décision attaquée ou de la date de notification(.
Considérant cependant que le requérant soutient que l'acte attaqué ne lui a jamais été notifié et que sa seule publication ne suffisait pas; qu'à cet égard, quelques observations s'imposent: d'abord sur le caractère individuel ou non du Décret N° 79-218 du 05 septembre 1979; ensuite sur l'insuffisance ou non de sa publication.
a) Sur le caractère individuel ou non du Décret du 05 septembre 1979
Considérant qu'un acte individuel est un acte administratif qui caractérise la situation de droit d'un administré nommément désigné; qu'il apparaît normalement comme une application nominative du dispositif d'un règlement qui lui, régit une situation considérée en termes généraux; que du point de vue de leur régime juridique, l'un, l'acte administratif individuel est soumis à la notification, l'autre, le règlement à la publication; que l'Administration ayant choisi la voie de la publication comme le soutient le requérant, on en déduit que l'acte querellé est un acte réglementaire plutôt qu'un acte administratif individuel; qu'en effet, le Décret N° 79-218 du 05 septembre 1979 complétant les dispositions du Décret N° 74-326 du 05 décembre 1974 portant suspension de diverses indemnités de fonction régit une situation considérée en termes généraux, sans que les destinataires en soient nommément désignés; que donc c'est à tort que le requérant soutient le caractère individuel dudit décret, et par la suite, reproche que cet acte ne lui ait pas été notifié.
- b) Sur la publication du Décret N° 79-218 du 05 septembre 1979, complétant les dispositions du Décret N° 74-326 du 05 décembre 1974 portant suspension de diverses indemnités de fonction
Considérant que conformément à l'article 68 alinéa 1er ci-dessus cité, de l'Ordonnance N° 21/PR du 26 avril 1966, le délai du recours contre un acte réglementaire court de la date de sa publication au Journal Officiel.
Considérant que compte tenu de la situation du Journal Officiel en République du Bénin dont la parution souffre de quelques insuffisances depuis plusieurs années, il n'est pas certain que le décret incriminé, N° 79-218 du 05 septembre 1979, a été régulièrement publié; que le requérant n'a pu alors introduire son action que du jour où il a eu connaissance de ce texte; qu'il échet en conséquence de décider que son recours est recevable.
AU FOND:
Considérant que par Décret N° 74-326 du 05 décembre 1974 portant suspension de diverses indemnités de fonction, toutes les indemnités de fonction allouées à certaines personnalités de l'Etat ont été suspendues pour compter du 1er octobre 1974; que le requérant, alors Chef de Cabinet du Président de la Cour Suprême, estimant que le Décret N° 74-326 du 05 décembre 1974 lui a été appliqué à tort, a saisi le Directeur de la Solde et de la Dette Viagère d'une lettre de protestation en date du 25 avril 1978, qu'en réaction, l'Administration a pris le Décret attaqué, N° 79-218 du 05 septembre 1979 complétant les dispositions du Décret N° 74-326 du 05 décembre 1974 qui inclus dans le champ d'application de ce dernier texte, le Décret N° 73-133 du 17 avril 1973 fixant les rémunérations et les indemnités allouées aux Membres du Cabinet du Président de la Cour Suprême; que par lettre en date du 08 mai 1984, le requérant a saisi le Président de la République d'un recours gracieux aux fins de voir rapporter l'article 2 du décret entrepris.
Considérant que le requérant fonde son recours sur les moyens tirés de:
1°) - la violation du principe de la non-rétroactivité des actes administratifs en ce que le décret incriminé dispose en son article 2 qu'il prend effet pour compter du 1er octobre 1974;
2°) - la violation du principe des droits acquis en ce que le décret attaqué a supprimé ses indemnités avec effet rétroactif.
Considérant que l'Administration n'a pas conclu.
Sur le moyen du requérant tiré de la violation du principe de la non rétroactivité des actes administratifs en ce que le Décret N° 79-218 du 05 septembre 1979 prend effet pour compter du 1er octobre 1974 sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du requérant.
Considérant que le Décret N° 74-326 du 05 décembre 1974 portant suspension de diverses indemnités de fonction dispose:
«ARTICLE 1er . - Sont suspendues jusqu'à nouvel ordre en ce qui concerne les diverses indemnités de fonction les dispositions des textes ci-après:
- Décret N° 73-62 du 21 février 1973, fixant les indemnités allouées au Président de la République, au Président de la Cour Suprême et aux Ministres;
- Décret N° 73-64 du 21 février 1973, fixant les indemnités allouées au Grand Chancelier de l'Ordre National;
- Décret N° 73-65 du 23 février 1973 complété par celui N° 74-117 du 23 avril 1974, fixant les indemnités allouées aux Membres des Cabinets du Président de la République, du Président de la Cour Suprême et des Ministres....»
ARTICLE 2. - Nonobstant les dispositions de l'article premier, les Agents ci-après désignés, continueront à percevoir l'indemnité de fonction qui leur était allouée:
Les Chauffeurs, les Gardes-Corps, les Secrétaires Particuliers et Particulières, les Chefs de divisions de Collectivités Locales, les Plantons, les Gens de maison, les Directeurs des Collèges d'Enseignement Secondaire, Les Directeurs des Ecoles Primaires Publiques, les Instituteurs d'Ecole annexe et d'Ecole d'application qui en bénéficieraient éventuellement.
ARTICLE 3 - Le présent décret qui a effet pour compter du 1er octobre 1974, sera publié et communiqué partout où besoin sera.
Considérant que dans son esprit et dans sa lettre, le Décret N° 74-326 du 05 décembre 1974 entendait supprimer les indemnités allouées aux hautes personnalités de l'Etat, aux Ministres et aux membres de leurs Cabinets, dont les Membres du Cabinet du Président de la Cour Suprême; que les Agents exclus de son champ d'application sont limitativement énumérés en l'article 2; que certes ne figure pas dans ce texte le Décret N° 73-133 du 17 avril 1973 fixant les rémunérations et les indemnités allouées aux Membres du Cabinet du Président de la Cour Suprême.
Considérant néanmoins que ce Décret N° 73-133 du 17 avril 1973 ne concernait pas uniquement le Chef de Cabinet du Président de la Cour Suprême; que cet acte disposait en effet:
ARTICLE 2. - Outre le solde de base correspondant à leur grade, les membres du Cabinet du Président de la Cour Suprême perçoivent une indemnité de fonction aux taux mensuels ci-dessus:
- Chef de Cabinet 10.000 F
- Secrétaire Particulier 5.000 F
- Planton 3.000 F
- Chauffeur 3.000 F
- Garde de Corps 3.000 F»
Considérant que comme déjà indiqué plus haut, l'article 2 du Décret N° 74-326 du 05 décembre 1974 portant suspension de diverses indemnités de fonction a expressément exclu de son champ d'application les Chauffeurs, les Gardes de Corps, les Secrétaires Particuliers et Particulières, les Plantons entre autres, mais n'a pas mentionné les Chefs de Cabinet, encore moins spécifiquement, le Chef de Cabinet du Président de la Cour Suprême; que l'erreur ayant consisté en l'omission du Décret N° 73-133 du 17 avril 1973 dans la liste des textes abrogés par l'article 1er du Décret N° 74-326 du 05 décembre 1974, est compensée par l'article 2 du même texte; qu'il ressort de ce qui précède que l'indemnité de fonction du requérant, alors Chef de Cabinet du Président de la Cour Suprême, était suspendue par le Décret N° 74-326 du 05 décembre 1974; que donc le décret attaqué N° 79-218 du 05 septembre 1979 est superfétatoire, mais a le mérite de préciser les dispositions de l'alinéa 3 de l'article premier du Décret N° 74-326 du 05 décembre 1974 portant suspension de certaines indemnités de fonction; qu'en conséquence, le moyen du requérant tiré de la violation du principe de la non rétroactivité des actes administratifs en ce que le Décret N° 79-218 du 05 septembre 1979 prend effet pour compter du 1er octobre 1974 doit être rejeté.
Considérant qu'au total, il échet de décider qu'est recevable le recours du requérant tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du Décret N° 74-326 du 05 décembre 1974 portant suspension de diverses indemnités de fonction; de rejeter ledit recours et de mettre les frais à la charge du requérant.
PAR CES MOTIFS:
D E C I D E:
Article 1er. - Le recours en annulation pour excès de pouvoir du requérant contre le Décret N° 79-218 du 05 septembre 1979 complétant les dispositions du Décret N° 74-326 du 05 décembre 1974 portant suspension de diverses indemnités de fonction, est recevable.
Article 2. - Ledit recours est rejeté.
Article 3. - Notification du présent arrêt sera faite au requérant, au Ministre des Finances (Direction de la Solde et de la Dette Viagère), à l'Agent Judiciaire du Trésor et au Procureur Général près la Cour Suprême.
Article 4. - Les frais sont à la charge du requérant.
Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Administrative) composée de Messieurs:
Basile Emmanuel SOSSOUHOUNTO, 1er Conseiller à la Chambre Administrative, PRESIDENT;
Marius QUENUM et Mouazinou AMOUSSA MADJEBI,
CONSEILLERS;
Et prononcé à l'audience publique du jeudi vingt et un juillet mil neuf cent quatre vingt quatorze, la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de Monsieur Samson DOSSOUMON, Avocat Général de la Section Administrative,
MINISTERE PUBLIC; Et de Maître Justin TOUMATOU, GREFFIER. - Et ont signé:Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Formation : Chambre administrative
Numéro d'arrêt : 8
Date de la décision : 21/06/1994

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;1994-06-21;8 ?
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