La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/04/1977 | BéNIN | N°8

Bénin | Bénin, Cour suprême, Chambre judiciaire, 22 avril 1977, 8


8

Procédure - Composition de la Cour - Présomption de régularité - Litige foncier Revendication de droit de propriété - Gage coutumier - Condition de constitution Preuve - Défaut de base légale

Lorsqu'il ne résulte d'aucune mention de l'arrêt ni d'aucune conclusion que la régularité de la composition de la Cour d'Appel ait été contestée devant cette juridiction, ladite composition doit être tenue pour régulière.

Par ailleurs, doit être cassé l'arrêt qui sans avoir procédé à une investigation approfondie sur la Constitution et le titulaire du droit d

e propriété litigieuse, a tranché le litige par recours à la notion de gage sans avoir cr...

8

Procédure - Composition de la Cour - Présomption de régularité - Litige foncier Revendication de droit de propriété - Gage coutumier - Condition de constitution Preuve - Défaut de base légale

Lorsqu'il ne résulte d'aucune mention de l'arrêt ni d'aucune conclusion que la régularité de la composition de la Cour d'Appel ait été contestée devant cette juridiction, ladite composition doit être tenue pour régulière.

Par ailleurs, doit être cassé l'arrêt qui sans avoir procédé à une investigation approfondie sur la Constitution et le titulaire du droit de propriété litigieuse, a tranché le litige par recours à la notion de gage sans avoir cru devoir au demeurant énoncer la coutume applicable.

N°74-3/CJA 22 avril 1977

CODJO DAH ADOKPO AGOGNON Félix C/ LALY GANDJOGBE VODOUGNON Houézé

La Cour,

Vu la déclaration en date du 18 juillet 1973 au greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, par laquelle le sieur CODJO ADOKPO décédé représenté par son fils AGOGNON a élevé un pourvoi en cassation contre l'Arrêt n°33 du 18 juillet 1977 rendu par la Chambre de droit traditionnel de la Cour d'Appel de Cotonou;

Vu la transmission du dossier à la Cour Suprême;

Vu l'arrêt attaqué;

Ensemble les mémoires ampliatifs et en défense des 3 novembre 1973 et 17 décembre 1976 des maîtres DOSSOU et FELIHO conseils des parties au pourvoi;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier;

Vu l'Ordonnance n°21/PR du 26 avril 1966 portant organisation de la Cour Suprême;

Ouï à l'audience publique du vendredi vingt deux avril mil neuf cent soixante dix sept, le Président Edmond Mathieu en son rapport;

Ouï le Procureur Général Grégoire GBENOU en ses conclusions;

Et après en avoir délibéré conformément à la loi;

Attendu que par déclaration enregistrée le 18 juillet 1973 au greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, le sieur CODJO Dah ADOKPO, décédé représenté par son fils AGOGNON, a élevé un pourvoi en cassation contre les dispositions de l'arrêt n°33 du 18 juillet 1973 rendu par la Chambre de droit traditionnel de ladite Cour;

Attendu que par bordereau n°936/PG du 5 mars 1974, le Procureur Général près la Cour d'Appel transmettait parmi d'autres le dossier de la procédure au Procureur Général près la Cour Suprême et qu'il était, enregistré arrivée au greffe le 07 mars 1974;

Attendu que le fait que le pourvoi ait été formulé au nom du sieur ADOKPO, décédé, incita le rapporteur à réclamer d'abord à l'auteur réel du pourvoi la preuve de son habilitation; Qu'il fut donc convoqué au Greffe par lettre n°320/GCS du 1er avril 1974 adressée au Commandant de Brigade de Gendarmerie d'Adjohoun et qu'il se présenta effectivement le 18 avril 1974;

Qu'il lui fut notifié d'avoir à présenter un procès-verbal de réunion de conseil de famille le désignant pour représenter sa collectivité et que les délais impartis pour déposer la caution et le mémoire ampliatif lui furent en même temps notifiés;

Qu'il indique qu'il avait deux avocats Maître ANGELO et DOSSOU;

Attendu qu'en effet, par lettre du 10 juin 1974 enregistré arrivée le 11 au greffe, Maître DOSSOU faisait connaître sa constitution aux côtés de Me ANGELO et sollicitait un délai pour produire;

Attendu qu'il est à noter que la caution avait été versée dès le 18 avril sans doute par le requérant lui-même;

Attendu que par lettre n°666/CJ-CS du 24 juin reçue le 25 en l'étude, le Président de la Chambre Judiciaire, rapporteur, affirmait Maître DOSSOU qu'un délai de deux mois lui était accordé pour le dépôt de son mémoire entre temps à la Cour la délibération du conseil de famille l'habilitant à ester au nom des consorts CODJO Dah ADOKPO;

Attendu que rien ne vint jusqu'au 20 août 1974 où était enregistré arrivée au Greffe une nouvelle lettre de Maître DOSSOU sollicitant un nouveau délai et précisant pour la délibération du conseil de famille était en cours d'homologation;

Attendu que par lettre n°1067/GCS du 07 novembre 1974, le Greffier en Chef informait le conseil qu'un nouveau délai de deux mois lui était imparti. Lettre reçue en l'étude le 12 novembre 1974;

Attendu que sans nouvelles depuis cette date, le rapporteur décida de formuler un rappel aux deux conseils et de leur notifier un ultime délai de un mois, en les avertissant qu'à défaut, la forclusion serait réclamée et le dossier clos;

Qu'à cette mise en demeure, fit l'objet des lettres 160/GCS du 12 février 1975 reçues respectivement par Me ANGELO et Me DOSSOU le 13 février en leurs études;

Attendu que sans réponse à ce jour, ni réception de l'habilitation du requérant, le rapporteur conclut au prononcé de la forclusion pure et simple;

Attendu que la Cour en son audience du 18 juillet et sur plaidoirie de Maître DOSSOU, avait accepté de remettre l'affaire au rôle général avec la promesse du dépôt du mémoire ampliatif par le conseil avant la rentrée judiciaire;

Attendu que par lettre datée du 24 septembre 1975, Me DOSSOU sollicita le report du 1er décembre 1975 de la date du dépôt des mémoires dans les affaires où il était constitué;

Attendu que par lettre du 10 novembre 1975, Maître FELIHO s'informa de l'état de la procédure étant constitué par le défendeur;

Attendu que le rapporteur lui fit part de la demande de sursis présentée par son adversaire et de la promesse qui lui avait été renouvelée de vive voix par ce dernier de se mettre à jour;

Attendu que cependant, au début de l'année 1976, avec un mois de retard sur la date accordée, avait paru n'y avoir plus d'autres solutions que de déclarer le requérant forclos;

Attendu qu'encore une fois Maître DOSSOU a obtenu le report de la décision en faisant parvenir après l'enrôlement du dossier, d'abord son mémoire ampliatif par lettre enregistrée arrivée au Greffe le 02 mars 1976, ensuite par lettre du 20 avril la copie du jugement d'homologation du procès-verbal du conseil de famille, habilitant Félix CODJO AGOGNON, à représenter la collectivité requérante;

Attendu que par lettre n°317/GCS du 26 mars 1976, reçue le même jour en l'étude, le rapporteur informait le conseil des défendeurs, Maître FELIHO, de la reprise de l'instruction et lui communiquait copie du mémoire ampliatif, avec demande de réponse dans les deux mois;

Attendu que par lettre en date du 21 juin 1976 et enregistrée arrivée le même jour Maître FELIHO sollicitait un délai supplémentaire de deux mois qui lui fut accordé et confirmé par lettre n°704/GCS du 30 juin 1976 reçue le même jour en l'étude;

Mais attendu que ce n'est finalement que par lettre du 17 décembre 1976 enregistrée au Greffe le 20 qu'il faisait parvenir son mémoire en défense;

Attendu que l'affaire est en état d'être examiné;

EN LA FORME: Attendu que le laxisme habituel de la Cour trouvera encore ici l'occasion de s'exprimer, car outre les 2 renvois au rôle général déjà accordés il faudra excuser le retard de la défense à présenter sa réplique, mais qu'il sera difficile de faire autrement;

Attendu que la caution a cependant été versée dès notification;

AU FOND:

Les faits: il s'agit d'une interminable affaire de contestation d'un grand terrain de près de 80 hectares, bordant le fleuve Ouémé inondé en raison des pluies, apte aux cultures vivrières et à l'établissement de «trous à poissons», que se disputaient deux collectivités et où des interventions de chefs coutumiers remontent à 1929 - 1930 et celles des administrateurs à 1935, celle des Tribunaux de droit local à 1947 et qui se termine devant nous par une impasse de pure procédure;

En effet, après un premier jugement du 08 août 1949 du Tribunal du deuxième degré de Porto-Novo, qui avait ordonné un partage des terres, et après annulation par la Chambre d'Annulation de Dakar, après un second jugement du même tribunal du deuxième degré de Porto-Novo du 18 juin 1953, confirmant les termes du premier, le Tribunal colonial d'Appel de Cotonou le 27 novembre 1953, annula ce dernier jugement et ordonna le renvoi devant la même juridiction «qui devra se conformer, dit-il, aux indications du présent arrêt» l'une de ces indications étant que LALY GANDJOGBE était en droit de se prévaloir de la prescription de l'article 17 du décret du 03 décembre 1931;

Cet arrêt ne fût pas frappé de pourvoi, mais LALY GANDJOGBE ne parvint pas à faire reprendre l'affaire par la formation indiquée, jusqu'à ce qu'enfin après la réforme de 1964, il put la faire enrôler par le Tribunal de Première Instance de Porto-Novo qui par son jugement du 02 juillet 1968 déclara prescrite l'action des consorts CODJO Dah ADOKPO et attribua la totalité du terrain à son adversaire;

La Cour d'Appel annule ce jugement pour défaut d'indication de la coutume et d'inversion des qualités des parties, évoque, constate que l'arrêt n°65 du 27 novembre 1953 n'a fait l'objet d'aucun recours, constate que cet arrêt ne contente pas de renvoyer les parties devant le Tribunal de 2ème degré; qu'il a au préalable annulé la décision de cette juridiction pour violation des articles 6, 24, 42, 83, 85 et particulièrement de l'article 17 du décret du 03 décembre 1931;

Que dès lors cet arrêt a un caractère contentieux indiscutable et donc l'autorité de la chose jugée bien qu'il ne se prononce pas dans son dispositif sur le fond du litige;

Que participant à cette autorité les motifs tiré entre autres de la prescription de l'article 17 du décret du 03 décembre 1931 considéré comme un moyen d'ordre public;

Discutant dans $ III du bien fondé de l'application de cet article 17, la Cour d'Appel fait l'historique du litige et émet des doutes sur cette applicabilité du fait, dit-elle, que si la possession de l'immeuble par les consorts LALY GANDJOGBE VODOUNON fut publique et utile, elle n'était point paisible;

Cependant la Cour répète que l'arrêt n°63 du 27 novembre 1953 a acquit depuis bientôt vingt ans l'autorité de la chose jugée;

Et attendu ajoute-t-elle que l'autorité de la chose jugée est indépendante des vices même d'ordre public dont le jugement est entaché elle déclare de nouveau prescrite l'action des consorts Dah ADOKPO AGOGNON;

Les moyens du pourvoi;

Ils sont au nombre de deux:

PREMIER MOYEN: Violation des règles de la coutume Djèdjè régissant les solutions à appliquer en cas de litige relatif au terrain, défaut de motifs, manque de base légale;

En ce que l'arrêt attaqué a statué sans prendre en considération le partage intervenu entre les parties, alors que ce partage avait obtenu l'accord des parties et ne pouvait plus être remis en cause;

Que ce partage avait eu lieu conformément aux règles coutumières devant les chefs traditionnels des deux villages concernés et confirmé par le jugement du 08 avril 1949, faisait la loi des parties et qu'aucune juridiction n'avait plus pouvoir de le remettre en cause;

Attendu que si la Cour d'Appel n'a pas évoqué le fond du litige;c'est qu'elle était tenue par l'obstacle de la prescription qui subordonnait tout le reste;

Attendu que le prétendu partage n'a de toutes façons pas été accepté par la collectivité LALY GANDJOGBE qui a obtenu l'annulation du jugement du 08 avril 1949;

Attendu que le moyen n'est pas recevable;

SECOND MOYEN:

Violation des règles régissant les conciliations en ce que l'arrêt attaqué a opposé la prescription alors que cette prescription est inapplicable à l'espèce;

La règle du partage du bien litigieux en matière coutumière est une règle d'ordre public. Une fois que ce partage est intervenu il surmonte toute prescription d'autant que:
D'une part, ce bine litigieux demeure la seule source de subsistance pour la collectivité de Hétin; leur ôter la totalité du terrain revient à la faire mourir de faim et la justice prendrait un visage inhumain en statuant de ce sens;
D'autre part, la collectivité de Déhouèmè n'a rapporté aucune preuve à l'appui de ses prétentions. Curieusement tous les témoins sont décédés;

Attendu que ma défense n'a pas manqué de relever l'irréalisme de l'argument selon lequel le partage est une règle d'ordre public;

Qu'il est bien évident que ce serait une façon bien commode de régler les procès en contestation de terrain, bine commode en tout cas pour le demandeur sans scrupule;

Que le partage intervenu soit intangible, attendu qu'il a été demandé dans la discussion du premier moyen que ce n'était pas le cas ici;

Attendu par ailleurs que l'appel aux bons sentiments des juges indique s'il en était besoin la faiblesse de l'argumentation juridique. Mais cet appel est il fondé?

Attendu que dans un mémoire daté du 19 novembre 1957 adressé au Président et aux Membres du Tribunal du deuxième degré de Porto-Novo, LALY GANDJOGBE déclare: citation «Il précise également au Tribunal que la collectivité qu'il représente occupe ledit terrain depuis plusieurs générations, lui même étant né sur l'immeuble, et que les membres vivant de cette collectivité habitant les cases qui se trouvent présentement sur les lieux.

Que dans un autre mémoire daté du 17 avril 1973 et adressé au Président de la Chambre Coutumière de la Cour d'Appel, son conseil Maître FELIHO, écrit: «Les adversaires de mon client se sont, une fois encore rendus sur le terrain litigieux dont mon client, il faut le rappeler a la possession depuis toujours et y ont out saccagé». «Mon client dont le terrain litigieux est la seule et unique source de revenus m'a demandé de prévenir les autorités judiciaires et administratives qu'il se défendra prochainement contre ses assaillants les armes à la main, «Ensuite de quoi le Président de la Chambre de Droit Local fit défense aux deux parties de se rendre sur le terrain jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour. Ceci le 10 mai et l'arrêt est du 18 juillet 1973;

Attendu qu'ainsi, il est avéré que au moins depuis cette date le requérant ne peut tirer sa subsistance de ce terrain; qu'il n'est pas mort de faim pour autant et qu'il semble que le trouble social viendrait encore plus sûrement d'une décision en sens contraire de celle prise par la Cour d'Appel;

Attendu que si la chose paraît bien regrettable, et que la Cour Suprême la regrette pour sa part, il n'est plus du pouvoir de l'autorité judiciaire de départager les parties, le principe de l'autorité de la chose jugée devant former une barrière définitive aux reprises indéfinies des procédures.

Attendu en conséquence qu'il y a lieu à la recevabilité du pourvoi en la forme, son rejet au fond;

PAR CES MOTIFS

Reçoit le pourvoi en la forme;
Au fond le rejette;
Laisse les dépens à la charge du Trésor;

Ordonne la notification du présent arrêt au Procureur Général près la Cour d'Appel de Cotonou ainsi qu'aux parties;

Ordonne la transmission en retour du dossier au Parquet Général près la Cour d'Appel.

Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Judiciaire) composée de:

Edmond MATHIEU;Président de la Chambre judiciaire; Président

Maurille CODJIA et Michel DASSI Conseillers

Et prononcé à l'audience publique du Vendredi vingt deux avril mil neuf cent soixante dix sept, la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de:

Grégoire GBENOU,
PROCUREUR GENERAL

et de Pierre Victor AHEHEHINNOU, GREFFIER

Et ont signé

Le Président-Rapporteur Le Greffier

E. MATHIEU P.V. AHEHEHINNOU


Civile traditionnelle

Références :

Origine de la décision
Formation : Chambre judiciaire
Date de la décision : 22/04/1977
Date de l'import : 14/10/2011

Numérotation
Numéro d'arrêt : 8
Numéro NOR : 172884 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;1977-04-22;8 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award