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30/03/1973 | BéNIN | N°5

Bénin | Bénin, Cour suprême, Chambre judiciaire, 30 mars 1973, 5


Escroquerie - Constitution de partie civile - Non réponse à conclusion - Non respect de la neutralité du juge - Cassation.

Mérite cassation, l'arrêt de la cour d'appel qui a omis de répondre à un moyen articulé devant elle quand bien même la question soulevée est indifférente. Par ailleurs, la même décision encourt cassation pour non respect de la neutralité du juge.

N°5/CJ P du 30-03-1973

GBEDJI Faustin
C/
Ministère Public
KOTY Fortuné

Vu la déclaration en date du 19 mai 1970 faite au greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, par laquelle M

aître AMORIN, Avocat à la Cour d'Appel de Cotonou, Conseil du sieur GBEDJI Faustin, s'est pourvu e...

Escroquerie - Constitution de partie civile - Non réponse à conclusion - Non respect de la neutralité du juge - Cassation.

Mérite cassation, l'arrêt de la cour d'appel qui a omis de répondre à un moyen articulé devant elle quand bien même la question soulevée est indifférente. Par ailleurs, la même décision encourt cassation pour non respect de la neutralité du juge.

N°5/CJ P du 30-03-1973

GBEDJI Faustin
C/
Ministère Public
KOTY Fortuné

Vu la déclaration en date du 19 mai 1970 faite au greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, par laquelle Maître AMORIN, Avocat à la Cour d'Appel de Cotonou, Conseil du sieur GBEDJI Faustin, s'est pourvu en cassation contre l'arrêt n°96 du 15 mai 1970 rendu par la Chambre correctionnelle de la Cour d'Appel de Cotonou ;

Vu la transmission du dossier à la Cour Suprême;

Vu l'arrêt attaqué;

Ensemble le mémoire ampliatif et la note responsive en date des 3 août 1971 et 25 juillet 1972 de Maître AMORIN, Conseil du sieur GBEDJI et de M. KOTY Fortuné;

Vu toutes les pièces produites et jointes au dossier;

Vu l'Ordonnance n°21/PR du 26 avril 1966 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour Suprême;

Ouï à l'audience publique du vendredi trente mars mil neuf cent soixante treize, Monsieur le Président MATHIEU en son rapport;

Ouï Monsieur le Procureur Général Grégoire GBENOU en ses conclusions;

Et après en avoir délibéré conformément à la loi;

Attendu que par déclaration enregistrée le 19 mai 1970, au greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, Maître AMORIN, Avocat à la Cour d'Appel de Cotonou, Conseil du sieur GBEDJI Faustin, s'est pourvu en cassation contre l'arrêt n°96 du 15 mai 1970 rendu par la Chambre correctionnelle de la Cour d'Appel de Cotonou;

Attendu que par bordereau n°2579/PG du 2 septembre 1970 le Procureur Général près la Cour d'Appel transmettait parmi d'autres les dossiers de la procédure au Procureur Général près la Cour Suprême et qu'il était enregistré arrivée au greffe le 07 octobre 1970;

Que par lettre n°805/GCS du 22 octobre 1970, le Greffier en Chef invitait le conseil auteur du pourvoi à produire ses moyens de cassation dans le délai de deux mois, que la notification de cette pièce ne figure pas au dossier;

Que par lettre datée du 31 décembre 1971, enregistrée le même jour au greffe, le sieur GBEDJI Faustin sollicitait un délai pour constituer Avocat;

Attendu que pour avoir plus de précisions, par lettre n°87/GCS du 18/1/1971, le Greffier en chef demandait au Commissaire Central de la ville de Cotonou, de convoquer l'intéressé;

Que cette convocation fut retournée avec l'objet non rempli par P.V. n°319/CIA du 11 février 1971, l'intéressé n'ayant pas déférer aux convocations de la police;

Mais attendu que par lettre n°94/GCS du 29 janvier 1971 avec accusé de réception du même jour , le Greffier en Chef réitérait au sieur GBEDJI Faustin en personne l'octroi d'un délai de deux mois pour faire déposer ses moyens de cassation;

Attendu que par lettre n°753/GCS du 28 mai 1971, reçue en l'étude le 1er juin, nouvelle notification était adressée à Maître AMORIN, lui accordant de nouveau deux mois pour déposer son mémoire et que c'est le 7 août donc pendant les vacations que ce mémoire fut déposé;

Attendu que c'est par lettre n°1395/GCS du 23 novembre 1971 que le Greffier en chef faisait tenir copie du mémoire au défendeur KOTY Fortuné et lui octroyait deux mois pour sa réponse;

Attendu que notification fut effectuée à la personne du sieur KOTY par P-V n°91/C6A du 1er décembre 1971 du Commissaire de Police du 6ème arrondissement;

Que de même; par lettre n°1347/GCS du 23 novembre un exemplaire était communiqué au Procureur Général près la Cour d'Appel pour ses observations;

Attendu qu'il répondit par lettre n°26/PG du 5 janvier 1971 qu'il s'en rapportait;

Attendu quant au défendeur que par lettre du 24 janvier 1972 enregistré arrivée au greffe le 2 février, il sollicitait une prorogation de deux mois pour s'assurer les services d'un avocat;

Qu'un accord lui fut donné par lettre n°146/GCS du 10 février 1972; signée par notification le 21 mars 1972 sur la copie alors que la lettre n°147/GCS de transmission au Commissaire Central faisait l'objet d'un soit transmis en retour n°208/C5A du 13 mars 1972 après objet non rempli avec la mention que l'intéressé n'avait pas répondu à la convocation;

Et attendu que c'est en comparaissant au greffe le 21 mars que le sieur KOTY prit connaissance du mémoire en s'élevant contre les assertions du Commissaire de Police;

Attendu cependant que le délai qui lui avait été imparti étant expiré, il fut de nouveau convoqué au greffe où il se présenta le 13 juillet pour indiquer qu'il déposait lui-même et à bref délai son mémoire en défense;

Qu'effectivement cette note fut enregistrée arrivée le 25 juillet 1972;

EN LA FORME

Attendu que c'est une affaire pénale ayant motivé un emprisonnement qui a été purgé, qu'il n'y a pas de cautionnement;

Attendu que les délais ont été largement dépassés par les uns et les autres, mais n'ont fait l'objet d'aucune mise en demeure formelle; que la recevabilité en la forme peut être acceptée;

AU FOND:

LES FAITS: Le moins qu'on puisse dire est qu'ils ne sont pas clairs, il ressort des pièces et des éléments du dossier que courant 1964 le sieur KOTY, Secrétaire des greffes et parquets, avait acquis du nommé GBEDJI Faustin une parcelle de terrain au quartier Sainte Rita;

Aucune pièce authentique, ni sous seings privés n'est produite concernant cette vente, quant au prix si les deux antagonistes s'accordant à dire qu'il a été fixé à 180.000 francs, les versions varient quant à son règlement, KOTY affirmant suivant les cas l'avoir intégralement réglé avec trois reçus à l'appui, ou devoir encore dessus une certains somme de l'ordre de 12.000 francs, mais faisait entrer en compensation une dette de 17.000 francs de l'épouse de GBEDJI à la sienne propre (réplique aux observations de Maître AMORIN, note en cours de délibéré datée du 14 avril 1970) GBEDJI de son côté affirmant n'avoir reçu que 100.000 francs sur le total, plus un bon d'une tonne de ciment à prendre à un magasin «Ciments et matériaux du Dahomey»;

Après ce qui semble bien être des manouvres et tractations qui dépassaient le cadre d'une requête dans un Commissariat de Police de la ville et sur intervention du parquet l'affaire fut mise à l'instruction, GBEDJI inculpé d'avoir à Cotonou dans le courant de l'année 1966-1967 en tout cas depuis temps non prescrit, frauduleusement détourné ou dissipé au préjudice du sieur KOTY Fortuné qui en était propriétaire diverses sommes d'argent global de 242.650 francs, qu'il avait reçues à charge d'en faire un usage déterminé, notamment celui de l'acquisition d'une parcelle de terre et d'entreprise de construction;

Au cours de l'enquête de police que de l'information des témoins affirmèrent que GBEDJI avait détourné divers matériaux (2 tonnes de ciment, un certain nombre de feuilles de tôle ou leur contre-valeur en argent, des matériaux locaux destinés à faire des clôtures, des rouleaux de fils de fer, une somme d'argent de l'ordre de 15.000 francs destinés à payer des tâcherons, etc.);

GBEDJI ne reconnut jamais que le retrait de la tonne de ciment portée sur un bon que KOTY avait remis à titre de paiement partiel;

S'il contesta le contenu de diverses lettres adressées à KOTY qui n'avaient pas été écrites par lui, il produisit par contre une lettre de KOTY contenant un ordre de revente de la parcelle avec la petite phrase suivante: «Si nécessaire est fait, il te remboursera le reliquat pourvu que la vente atteigne le prix d'achat conclu entre toi et moi en 1964 soit 180.000 francs»;

L'inculpé GBEDJI fut renvoyé devant le Tribunal correctionnel pour détournement de la somme de 62.650 francs;

Il fut reconnu coupable condamné à onze mois d'emprisonnement (déjà purgés) et dix mille francs d'amende, il fut en outre condamné à payer à KOTY Fortuné partie civile la somme de 128.650 francs à titre de dommages intérêts;

Sur appel la Cour condamnait GBEDJI à six mois de prison et au paiement de 62.650 francs à KOTY à titre de dommages intérêts;

C'est l'arrêt entrepris;

MOYEN DE CASSATION:

Premier moyen: Prescription - violation de la loi notamment des articles 7 et 8 du Code de procédure Pénale et 3 de la loi du 9 décembre 1964 - Non réponse à conclusion - défaut de motifs- Violation des droits de la défense - Manque de base légale;

Le moyen a été soulevé devant la Cour d'Appel et confirmé dans une note en cours de délibéré;

La cour n'a pas répondu au moyen;

Attendu qu'il est exact que la Cour n'a pas examiné la question , l'inculpation précisait que les faits de détournement s'étaient produits «dans le courant de l'année 1966-1967, en tout cas depuis temps non prescrit»;

Le prévenu n'a jamais contesté ces dates, aucune discussion ne s'est instaurée au niveau du Tribunal de 1ère instance;

Devant la Cour d'Appel, à l'audience du 10 avril 1970, le Conseil a conclu oralement et la partie civile dans une note figurant au dossier datée du 14 avril 1970 et intitulée «Ma réplique aux observations de Maître AMORIN» déclare: «Le conseil de mon adversaire, à l'audience du vendredi 10 avril 1970, avait soulevé certains points qui méritent les observations suivantes» et de relever 6 points, dont le 3ème est ainsi exprimé «Sur le troisième point et qui a trait justement à la prescription, je laisse également la Cour juge»etc...

Ceci est appuyé par une note en cours de délibéré de Maître AMORIN datée du 22 avril 1970 qui débute ainsi:

1°) Il semble bien qu'il y a prescription;

Attendu que si cette note n'a pas été communiquée à la partie civile elle est valable quant à la Cour et confirme bien que la question de la prescription a été soulevée;

Attendu que c'est un oubli de la Cour d'Appel que d'avoir omis d'y répondre et qui mérite cassation; que la question de la réalité de l'existence de la prescription étant indifférente en l'espèce, mais que la Cour se doit de répondre à un moyen qui a été articulé devant elle, d'autant qu'il a été discuté par l'adversaire et rappelé par écrit;

Attendu que le premier moyen doit donc être retenu et que la Cour de renvoi devra se prononcer sur la prescription;

Deuxième moyen: Violation de la loi - Violation de l'article 3 de la loi du 9 décembre 1964 - Dénaturation des faits et documents de la cause - Fausse appréciation des faits et documents de la cause - Non réponse à conclusions - Violation des règles de preuve - Défaut, insuffisance de motifs - Non respect de la neutralité du Juge - Violation des droits de la défense - Manque de base légale;

Attendu que le requérant reproche à l'arrêt d'avoir tenu pour acquis que GBEDJI s'était engagé à effectuer pour le compte de KOTY sur le terrain acheté «des travaux modestes» (en particulier une clôture); que en qualifiant de sa propre initiative ces travaux modestes la Cour aurait dénaturé les faits et documents et serait sortie de son devoir de neutralité, car des dires de KOTY rien ne permet de qualifier les travaux prétendus de modestes, puisqu'il s'agissait selon lui de fourniture de matériaux pour une véritable construction; Attendu que le requérant veut ainsi démontrer la fausseté des allégations de KOTY, puisque la nature et l'importance des matériaux prétendument détournés ne permettaient ni de faire une clôture où il n'entre ni ciment ni tôles, ni une construction qui ne s'entreprend pas sans plan et sans bien d'autres fournitures;

Attendu qu'il est de fait que la Cour a été imprudente dans sa qualification des intentions des parties, qui à la lecture attentive de dossier ne sont pas si nettes qu'elle le veut tenir pour établi;

Qu'en effet, si le sieur KOTY fait état en particulier dans sa plainte du 21 novembre 1967 au Commissaire de Police du 2ème Arrondissement «des travaux de construction», il parle dans celle du 9 avril 1968 au Procureur de la République de «ses travaux en projet de construction» ce qui peut prendre un sens plus restreint;

Que d'autre part dans les lettres dont d'ailleurs GBEDJI ne tient pas pour opposable le contenu, pour ne les avoir ni écrites, ni signées, il est question de clôture, de matériaux à prendre à la C.F.A.O, mais qu'il est étrange que rien ne soit dit pour les travaux même de construction, pas plus qu'il n'en est question dans les lettres de KOTY déposées en vrac au dossier;

Attendu que la première branche du moyen doit donc être accueillie et l'arrêt réformé sur les termes de «travaux modestes»;

Attendu sur la deuxième branche qui a trait au fait que d'après le requérant les témoignages recueillis n'ont nullement établi que GBEDJI avait reçu les matériaux tels qu'ils sont énumérés dans l'arrêt critiqué, qu'il s'agit là d'une appréciation des dires des témoins et que la Cour de renvoi qui devra reconsidérer ces éléments et, si besoin lui semble, susciter de nouveau les témoignages, sera, à même de s'attacher à démêler les contradictions qui ont pu apparaître;

Attendu qu'un élément pourrait amener la Cour à poser la vraisemblance de l'argumentation du requérant qui soutient que la matériaux qu'il a retirés de la maison de commerce constituaient un paiement partiel de la parcelle, et qui n'a pas été exploité ni à l'instruction ni à l'audience figure dans la pièce 2 B8 information A. C'est la lettre datée du 27/8/1966 que KOTY fait porter à GBEDJI Faustin par AGOLI AGBO et dont il a déjà été fait mention, mais qui contient une seconde «petite phrase»: «Tous les reçus sont confiés à Mr AGOLI AGBO»; qu'il s'agit d'après le contexte des reçus de paiement; or attendu que le témoin AGOLI AGBO a déposé devant le Juge d'Instruction le 2 juillet 1968, mais n'a pas été entendu sur ce point capital;

Attendu en définitive, il y a lieu d'accueillir le pourvoi en la forme et au fond, de casser les deux moyens présentés et de renvoyer l'affaire et les parties devant la Cour d'Appel autrement composée;

PAR CES MOTIFS

Accueille le pourvoi en la forme et au fond;

Casse et renvoie;

Laisse les dépens à la charge du Trésor;

Ordonne la notification du présent arrêt au Procureur Général près la Cour d'Appel de Cotonou ainsi qu'aux parties;

Ordonne la transmission en retour du dossier au Parquet Général près la Cour d'Appel

Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Judiciaire) composée de:

Edmond MATHIEU; Président de la Chambre judiciaire; Président

Frédéric HOUNDETON et Maurille CODJIA Conseillers

Et prononcé à l'audience publique du vendredi trente mars mil neuf cent soixante treize, la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de:
Grégoire GBENOU PROCUREUR GENERAL

Et de H. Géro AMOUSSOUGA GREFFIER EN CHEF

Et ont signé
Le Président Le Greffier
E. MATHIEU H. Géro AMOUSSOUGA


Synthèse
Formation : Chambre judiciaire
Numéro d'arrêt : 5
Date de la décision : 30/03/1973
Pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;1973-03-30;5 ?
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