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09/06/1972 | BéNIN | N°17

Bénin | Bénin, Cour suprême, Chambre administrative, 09 juin 1972, 17


Recours pour excès de pouvoir - Foncier - Permis d'habiter - Autorité de la chose jugée - Fraude - Procédure - Connaissance acquise - Recevabilité - Fraude Annulation.

En la forme: est recevable le recours pour excès de pouvoir dirigé contre un permis d'habiter obtenu après un jugement passé en force de chose jugée et notifié en fraude des droits du requérant qui venait d'en acquérir connaissance.

Au fond: ledit permis obtenu frauduleusement mérite annulation.

N°17/CA du 09 juin 1972

Dame Anne ALALO
C/
Décision Préfectorale attribuant au sieur

HOUNKPE Zinsou un permis d'habiter
HOUNKPE Zinsou

Vu la requête en date du 13 novembre 1967,...

Recours pour excès de pouvoir - Foncier - Permis d'habiter - Autorité de la chose jugée - Fraude - Procédure - Connaissance acquise - Recevabilité - Fraude Annulation.

En la forme: est recevable le recours pour excès de pouvoir dirigé contre un permis d'habiter obtenu après un jugement passé en force de chose jugée et notifié en fraude des droits du requérant qui venait d'en acquérir connaissance.

Au fond: ledit permis obtenu frauduleusement mérite annulation.

N°17/CA du 09 juin 1972

Dame Anne ALALO
C/
Décision Préfectorale attribuant au sieur HOUNKPE Zinsou un permis d'habiter
HOUNKPE Zinsou

Vu la requête en date du 13 novembre 1967, reçue et enregistrée au greffe de la Cour Suprême le même jour sous le numéro 110/GCS, par laquelle maître Georges HAAG, alors avocat à Cotonou, agissant au nom et pour le compte de la dame Anne ALALO a sollicité l'annulation pour excès de pouvoir du permis d'habiter n° 141 délivré au sieur HOUNKPE Zinsou le 06 avril 1960 par l'Administrateur délégué de Cotonou sur la parcelle A du lot 457 de Cotonou, que devant se rendre au Nigeria en 1950, elle confia la garde de sa maison à son voisin Zinsou HOUNKPE, qu'après trois années d'absence une fois rentrés chez elle, elle s'aperçut que HOUKPE avait déjà construit des cases sur sa parcelle, les avait louées et perçu les loyers; que l'ayant mis en demeure de déguerpir et ce dernier ne s'exécutant pas, elle dut saisir la juridiction civile qui décida en dernier ressort que HOUNKPE devait restituer la parcelle en enlevant ses plantations et constructions ou en obtenant à titre de dédommagement 165.000 francs de la dame ALALO, qu'après exécution de l'arrêt, elle obtint un permis d'habiter n° 63 le 28 mai 1955 sur cette parcelle, que par la suite son adversaire intrigua auprès du délégué, et le persuadant que l'arrêt du 16 mars 1956 lui attribuait le terrain, obtint un permis d'habiter n° 141 daté du 6 avril 1960; que le 10 décembre 1965 un duplicata lui était délivré parce qu'elle avait adiré le permis n°63 du 28 mars 1955 que HOUNKPE lui ayant notifié le permis dont il était attributaire elle s'enquit à la préfecture de la valeur de cet acte et qu'il lui fut répondu qu'il ne représentait rien puisqu'aussi bien elle avait obtenu bien après la délivrance de ce permis le duplicata de son propre permis; que son attention ne fut réveillée que lorsque HOUNKPE se permit par la suite de demander en justice l'expulsion du sieur Sabin DOHOU qu'elle avait installé sur la parcelle; par les moyens qu'il y a eu:

1 - violation des articles 2 et 8 de la loi 61-20 du 13 juillet 1960 en ce que le délégué du gouvernement aurait délivré un permis sans s'être fait assister de la commission prévue par les textes sus-visés;

2 - Erreur de fait en ce que l'Administrateur a cru à tort qu'un arrêt attribuait la parcelle à HOUNKPE;

Vu le mémoire en défense en date du 30 avril 1968 reçu et enregistré au Greffe de la Cour le 3 mai 1968 sous le numéro 340/G-CS, par lequel maître Pierre Bartoli, Conseil du défendeur Zinsou HOUNKPE, réplique au recours de la dame ALALO en expliquant à la Cour qu'étant en litige avec la dame OLALO sur un terrain qu'elle lui avait confié et sur lequel il avait édifié des constructions, une décision judiciaire les avait départagés en 1956 aux termes de laquelle il lui était demandé de restituer le terrain moyennant le remboursement d'une somme de 165.000 francs, que jusqu'en 1960, il ne put obtenir l'exécution de cet arrêt à cause du mauvais vouloir de la dame OLALO, que le 6 avril 1960, il sollicite en conséquence et obtint un permis sur cette parcelle qui semblait abandonnée par dame OLALO, qu'il convient de déclarer irrecevable en la forme le recours de la dame Anne OLALO, au motif qu'ayant reçu notification par exploit du 19 octobre 1966 de l'existence du permis attaqué et l'article 68 du texte organisant la Cour Suprême ayant fixé à deux mois le délai de recours pour excès de pouvoir, la dame OLALO en présentant sa requête un an après, doit-être déclarée forclose; que selon une jurisprudence consacrée de la cours suprême, le délai court à partir de la «connaissance acquise» de l'existence de l'acte; que par ailleurs la délivrance du permis le 06 avril 1960 entraînait ipso facto annulation du précédent et que l'allégation suivant laquelle la dame OLALO aurait été rassurée à la Préfecture est démentie par le rejet implicite du recours gracieux adressé au Préfet;

Sur le premier moyen tiré de la violation des articles 2 et 08 de la loi du 13 juillet 1960, que le permis a été délivré le 06 avril 1960 et que la loi précitée est du 13 juillet suivant;

Sur le second moyen tiré de l'erreur du fait ayant servi de base à la délivrance du permis attaqué; que la preuve de cette erreur n'est pas rapportée et qu'au surplus le fait que l'administration ait rejeté la recours de la dame OLALO prouve le contraire; que par ailleurs dame OLALO ne s'étant pas installée sur les lieux dans les délais prescrits, il était normal que le Préfet attribuât la parcelle à un autre;

Vu la note n° 2/756/PR.A en date du 30 avril 1968 reçue et enregistrée au greffe de la Cour Suprême le 03/05/1968 sous le n° 335/G CS par laquelle le préfet de l'Atlantique informait la Cour que le permis n° 63 du 28 mars 1955 délivré à la dame OLALO avait été muté au nom de Zinsou HOUKPE Emmanuel le 06 avril 1960 sous le numéro 141, sans aucune mention spéciale de cession ou de donation, dame OLALO ayant par ailleurs obtenu son permis dans les mêmes conditions;

Vu le mémoire en réplique en date du 22 août 1968, reçu et enregistré au greffe de la Cour Suprême le 24 août 1968 sous le numéro 760/G-CS, par lequel Zinsou HOUNKPE relevait la similitude de conditions ayant présidé à la délivrance des permis à OLALO et à lui-même et que les observations de l'Administration prouvaient l'absence d'erreur du Préfet contrairement au moyen invoqué par la demanderesse;

Vu la note responsive du 04 Octobre 1968 reçue et enregistrée au Greffe de la Cour le 09 octobre 1968 sous le numéro 841/G-CS par laquelle dame OLALO faisait remarquer à la Cour que contrairement aux dires de HOUNKPE elle a été relaxée purement et simplement en appel dans le procès qui l'avait opposée à HOUNKPE pour bris de clôture;

Vu le mémoire en date du 04 septembre 1971, reçu et enregistré le 10 septembre 1971 sous le numéro 630/G-CS par lequel dame OLALO répondait aux arguments de HOUNKPE, en soutenant en substance que le terrain litigieux n'ayant été ni cédé ni donné à son adversaire, ce dernier ne peut l'acquérir légalement en usant de fraude et de vol et en se retranchant derrière des questions de délais légaux, qu'elle a toujours occupé la parcelle mais qu'elle a cessé les travaux parce qu'elle était en litige avec HOUNKPE; que l'irrégularité du permis entrepris entraîne, par sa gravité, son inexistence légale;

Vu le mémoire en réponse du 10 décembre 1971, reçu et enregistré au Greffe de la Cour le 14/12/71 sous le numéro 780/GCS, par lequel le sieur Zinsou HOUNKPE, faisait réponse au mémoire du 04 septembre 1971 de la dame OLALO, demande à la Cour d'écarter des débats le mémoire en réplique déposé par la requérante le 04 octobre 1968 et dont il affirme n'avoir pas reçu notification, que par ailleurs OLALO dans son dernier mémoire, ne conteste pas la tardivité de son recours mais proteste seulement qu'on puisse en faire une cause d'irrecevabilité, que pour le surplus il maintient ses moyens de défense;

Vu la note du 31 décembre 1971 de maître BARTOLI, Conseil du défendeur qui ayant reçu notification du mémoire en réplique susvisé, en a pris acte et fait connaître à la Cour qu'il ne juge pas utile d'y répondre,

Vu le permis d'habiter attaqué;

Vu toutes les autres pièces produites et jointes au dossier;

Vu l'ordonnance 21/PR du 26 avril 1966 portant composition, organisation et fonctionnement et attributions de la Cour Suprême;

Ouï à l'audience publique du vendredi 9 juin 1972 le conseiller FOURN dans son rapport;

Monsieur le Procureur GBENOU en ses conclusions se rapportant à justice;

Après en avoir délibéré conformément à la loi;

SUR LA RECEVABILITE EN LA FORME DU RECOURS

Considérant que le permis d'habiter entrepris date du 06 avril 1960; que le recours gracieux de la dame Anne ALOLA adressé au Préfet de l'Atlantique, porte la date du 5 septembre 1967;

Considérant que le délai fixé par l'article 27 de la loi organique n° 60-1 relative au Tribunal d'Etat du 14 mars 1960 pour recours en annulation pour excès de pouvoir dirigé contre une décision de l'autorité administrative est de trois mois à compter de la publication ou de la notification de la décision attaquée;

Que ledit permis n'a été ni publié ni notifié par l'Administration;

Considérant que nonobstant l'absence de cette formalité, notre jurisprudence en matière de permis d'habiter est fixée en ce sens qu'est pris comme point de départ le jour où le requérant a acquis, d'une façon certaine, connaissance de l'existence de l'acte querellé;

Considérant que pour le cas qui nous est soumis, le défendeur verse aux débats un exploit de notification à la dame OLALO le 19 octobre 1966 de l'existence d'un permis à son profit; que le recours gracieux de la dame OLALO porte la date du 05 septembre 1967 soit près de onze mois après;

Considérant qu'il y a lieu d'examiner si le recours est tardif pour avoir été formé onze mois après l'acte d'huissier, l'article 27 de la loi précitée fixant le délai du recours à trois mois ramené à deux mois par l'article 68 de l'ordonnance 21/PR-MJL du 26 avril 1966;

Que pour trancher, il faut reprendre les faits au début et savoir qu'en 1955 un permis a été délivré à la requérante sur la parcelle n° 457 de Cotonou, qu'en 1956, le tribunal supérieur de droit local a rendu un arrêt décidant en substance que dame OLALO doit rembourser 165.000 francs à Zinsou HOUNKPE pour rentrer en possession du terrain litigieux avec les cases et plantations y faites sous réserve de la faculté pour elle d'obliger Zinsou à enlever les dites plantations et constructions, que nonobstant cette décision définitive, le défendeur arrivait à obtenir de la Préfecture la mutation du permis en son nom en 1960, consacrée par l'attribution du permis entrepris, qu'il se garda de notifier ledit permis à l'adversaire et, suivant les mentions d'un avant dire droit en date du 08 février 1968 la Cour d'Appel de Cotonou (folio 7, 2e page), évacua même la parcelle en 1962; puis alors que OLALO, ayant adiré son permis, demanda et obtint duplicata en 1966 lorsque celle-ci affirme que nantie d'un jugement définitif lui attribuant la possession d'une parcelle et titulaire d'un permis n'ayant jamais fait l'objet à sa connaissance, d'un retrait d'autorité administrative, elle se soit rassurée sur la valeur d'un second permis qui aurait été attribué sur sa parcelle cinq années avant la délivrance du duplicata qu'elle obtint du même service;

Considérant d'autre part qu'il existe au dossier un acte extrajudiciaire de notification d'huissier en date du 19 octobre 1966 par lequel le clerc assermenté de Maître C.R. SANT'ANNA a notifié à dame ANNA OLALO demeurant à Cotonou carré n° 114, en son domicile où étant et parlant à sa personne qui a refusé de recevoir copie de son exploit et «je l'ai jeté à ses pieds»;

Considérant que s'agissant ici d'un cas d'espèce dans lequel il y a eu jugement passé en force de chose jugée et exécuté par le défendeur;

Que cette notification faite dans les conditions sus-indiquées apparaît comme frauduleuse et n'a pas fait courir le délai du pourvoi; qu'il échet de déclarer le recours de la dame OLALO Anne recevable en la forme;

AU FOND: SUR LE MOYEN UNIQUE PRIS DE LA FRAUDE SANS QU'IL SOIT BESOIN D'EXAMINER LES MOYENS DU POURVOI

Considérant que le sieur HOUNKPE, en fraude des droits de dame OLALO, a obtenu le permis d'habiter n° 141 du 06 Avril 1960, que le fait est si flagrant qu'il exécuta le jugement civil lui ôtant la possession du terrain en 1962 après avoir obtenu ledit permis et attendit six années avant de l'invoquer à l'appui d'une instance en expulsion à l'encontre de l'ayant droit de dame OLALO;

Qu'il convient d'annuler le permis n° 141 du 06 avril 1960

PAR CES MOTIFS

DECIDE

Article 1er: Le recours susvisé de la dame Ane OLALO est recevable en la forme;

Article 2: Le permis d'habiter n° 141 du 06 avril 1960 est annulé;

Article 3: les frais sont mis à la charge du trésor public;

Article 4: Notification sera faite à la dame Anne OLALO, au Préfet de l'Atlantique et au sieur HOUNKPE Zinsou;

Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Administrative) composée de Messieurs:

Cyprien AÏNADOU, Président de la Cour Suprême: PRESIDENT

Corneille T. BOUSSARI et Gaston FOURN: CONSEILLERS

Et prononcé à l'audience publique du vendredi cinq mai mil neuf cent soixante douze, la Chambre état composée comme il est dit ci-dessus en présence de messieurs:

Grégoire GBENOU: PROCUREUR GENERAL

Et Maître Honoré GERO AMOUSSOUGA: GREFFIER EN CHEF

Et ont signé:

Le Président

Le Rapporteur

Le Greffier en Chef


Synthèse
Formation : Chambre administrative
Numéro d'arrêt : 17
Date de la décision : 09/06/1972

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;1972-06-09;17 ?
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