N° P.24.1598.F
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE BRUXELLES,
demandeur en cassation,
contre
B. N.
prévenu,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 25 octobre 2024 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président de section chevalier Jean de Codt a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le second moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 150 de la Constitution.
Il est fait grief à l’arrêt de déclarer la cour d’appel sans compétence, alors que le message publié par le défendeur sur les réseaux sociaux au préjudice de la plaignante contient des propos inspirés par le racisme ou la xénophobie, d’où il suit qu’il appartient à la juridiction correctionnelle et non au jury d’en connaître.
L’article 150 de la Constitution dispose que le jury est établi en toutes matières criminelles et pour les délits politiques et de presse, à l’exception des délits de presse inspirés par le racisme ou la xénophobie.
Ainsi, le Constituant soustrait à la compétence de la cour d’assises l’acte consistant à diffuser, dans un écrit imprimé ou numérique, des idées émises en vue d’attiser la haine ou la violence à l’égard d’un groupe de personnes en raison de leur prétendue race, de leur couleur de peau, de leur ascendance ou origine nationale ou ethnique, ou en vue de justifier la mise en place, à l’égard de ces personnes, d’une politique discriminatoire ou ségrégationniste.
Partant, lorsqu’une partie soutient que l’écrit publié revêt ce caractère, le juge correctionnel ne peut pas se déclarer incompétent sans se prononcer sur cette exception.
Le prévenu a déposé des conclusions faisant valoir qu’en vertu du caractère raciste ou xénophobe de l’écrit qui lui est reproché, la cour d’appel demeurait compétente pour en connaître, nonobstant la qualification de délit de presse attribuée aux faits de la prévention.
L’arrêt énonce que les propos injurieux et menaçants publiés par le prévenu contiennent une réflexion et émettent une opinion en imputant à la plaignante des agissements présentés comme frauduleux ou criminels.
Par cette considération, l’arrêt se borne à indiquer que la publication litigieuse relève du délit de presse, sans constater que celui-ci n’est pas inspiré par le racisme ou la xénophobie allégués.
La cour d’appel n’a pas, de la sorte, légalement justifié sa décision.
Le moyen est fondé.
Il n’y a pas lieu d’avoir égard au premier moyen qui ne saurait entraîner une cassation sans renvoi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l’arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé ;
Réserve les frais pour qu’il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause à la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle, autrement composée.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Eric de Formanoir, premier président, le chevalier Jean de Codt, président de section, Tamara Konsek, Maxime Marchandise et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du dix-neuf février deux mille vingt-cinq par Eric de Formanoir, premier président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.