N° C.24.0188.F
ABILITY, association sans but lucratif, dont le siège est établi à Leuze-en-Hainaut, rue du Gard, 30, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0446.550.881,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
OFFICE WALLON DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET DE L’EMPLOI, dont le siège est établi à Charleroi, boulevard Joseph Tirou, 104, inscrit à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0236.363.165,
défendeur en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 29 novembre 2023 par la cour d’appel de Mons.
Le conseiller Maxime Marchandise a fait rapport.
L’avocat général Philippe de Koster a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
D’une part, le droit à la répétition de l’indu naissant, en règle, le jour du paiement, le délai de prescription prend cours à cette date.
Cette règle ne s’applique pas lorsque l’obligation du solvens, telle qu’elle existait au moment du paiement, a subi des modifications à la suite d’un événement ultérieur faisant naître à son profit des droits remontant au moment du paiement. Dans ce cas, le délai de prescription commence à courir, en principe, à partir de cet événement.
D’autre part, l’article 5, alinéa 2, du décret de la Région wallonne du 10 avril 2003 relatif aux incitants financiers à la formation des travailleurs occupés par les entreprises, dans sa version applicable, dispose que les petites et moyennes entreprises agréées en tant qu’opérateurs de formation ne peuvent bénéficier des chèques-formation pour la formation de leur propre personnel à la discipline qu’ils enseignent que pour autant qu’ils confient cette formation à des tiers.
Aux termes de l’article 27 du même décret, en cas de non-respect des dispositions de ce décret et de ses arrêtés d’exécution, le gouvernement peut, conformément aux lois coordonnées sur la comptabilité de l’État, récupérer les subventions indûment utilisées.
Il s’ensuit qu’il n’est nécessaire ni que le gouvernement constate l’irrégularité ni que l’entreprise bénéficiaire perde son agrément pour que les chèques-formation perçus en contravention aux exigences de l’article 5 précité constituent des paiements indus, que l’accipiens est tenu de rembourser.
L’arrêt constate que, « le 1er avril 2011, [la demanderesse fut] agréée en qualité d’opérateur de formation par arrêté ministériel dans le cadre du dispositif ‘chèques-formation’ prévu par le décret du 10 avril 2003 » précité, que, « le 23 juin 2011, les services de la direction de l’inspection sociale établi[rent] un rapport de contrôle concluant au non-respect de l’article 5 du décret » et que l’« agrément fut retiré par arrêté ministériel du 23 juillet 2012 ».
Il considère par ailleurs que « les formations pour lesquelles des chèques-formation ont été octroyés [à la demanderesse] furent données à environ 80 p.c. à des entreprises du [même] groupe [...], liées à [la demanderesse], en violation de l’article 5 » précité.
En retenant que « le point de départ de la prescription de l’action [en répétition de l’indu] est la date à laquelle le remboursement des montants indûment perçus pouvait être réclamé, soit, pour les chèques-formation, le 23 juillet 2012, date à laquelle le non-respect des obligations consacrées dans le décret [du 10 avril 2003] fut constaté et le retrait de l’agrément décidé », alors qu’il suit de ses constatations que le droit au remboursement des chèques litigieux n’est pas né de l’arrêté ministériel du 23 juillet 2012, l’arrêt ne justifie pas légalement sa décision que la demande en remboursement des chèques-formation n’est pas prescrite.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d’appel de Liège.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le premier président Eric de Formanoir, les présidents de section Mireille Delange et Michel Lemal, les conseillers Maxime Marchandise et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du neuf janvier deux mille vingt-cinq par le premier président Eric de Formanoir, en présence de l’avocat général Philippe de Koster, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.