N° C.24.0145.F
L. M.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Fabrice Mourlon Beernaert, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
contre
B. L.,
défenderesse en cassation,
en présence de
P. L.,
partie appelée en déclaration d’arrêt commun.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 6 décembre 2023 par le tribunal de première instance de Liège, statuant en degré d’appel.
Le conseiller Maxime Marchandise a fait rapport.
L’avocat général Philippe de Koster a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
Le principe général du droit de l’enrichissement sans cause requiert la condition d’absence de cause de l’appauvrissement et de l’enrichissement.
L’appauvrissement n’est pas sans cause lorsque la diminution du patrimoine de l’appauvri trouve sa justification dans un contrat entre ce dernier et un tiers.
Après avoir constaté que, « suivant contrat [...] conclu le 16 août 2021, [la défenderesse] a donné à bail à [la partie appelée en déclaration d’arrêt commun] une maison » et que, pendant le temps du bail, cette dernière partie « a cédé l’occupation de la maison [à la demanderesse et] a quitté les lieux », le jugement attaqué énonce que, « si le contrat de bail n’a lié que [la partie appelée en déclaration d’arrêt commun] et [la défenderesse] et est étranger à [la demanderesse], et si [cette dernière] est entrée dans les lieux de l’accord du preneur », « [elle] peut se voir [...] engagée à l’égard de [la défenderesse] sur une base non contractuelle telle que l’enrichissement sans cause », cite deux décisions de justice à l’appui de cette dernière considération et souligne que, « dans les espèces citées [...], l’occupant s’est enrichi en faisant l’économie de frais de logement tandis que le propriétaire s’est appauvri du revenu que le bien lui aurait procuré s’il avait pu [en] disposer », « l’équité [étant] le fondement de l’enrichissement sans cause ».
En donnant ainsi à connaître que l’appauvrissement de la défenderesse consistant dans la privation de la jouissance des lieux loués est dépourvu de cause, alors qu’il suit de ses constatations que cette privation résulte du contrat conclu avec un tiers, le jugement méconnaît le principe général du droit précité.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
La cassation de la décision du jugement de condamner la demanderesse à payer une indemnité d’occupation s’étend à celle qu’elle doit réparer les dégâts locatifs, qui est fondée sur la même illégalité.
Il n’y a pas lieu d’examiner la seconde branche du moyen, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue.
Et la demanderesse a intérêt à ce que l’arrêt soit déclaré commun à la partie appelée à la cause à cette fin.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaqué, sauf en tant qu’il reçoit l’appel ;
Déclare le présent arrêt commun à P. L. ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant le tribunal de première instance du Luxembourg.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le premier président Eric de Formanoir, les présidents de section Mireille Delange et Michel Lemal, les conseillers Maxime Marchandise et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du neuf janvier deux mille vingt-cinq par le premier président Eric de Formanoir, en présence de l’avocat général Philippe de Koster, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.