N° P.24.1310.F
J. K.,
prévenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Dimitri De Coster, avocat au barreau du Luxembourg,
contre
A. DA S. G. B.
partie civile,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 20 août 2024 par le tribunal correctionnel du Luxembourg, division Arlon, statuant en degré d’appel.
La demanderesse invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président de section chevalier Jean de Codt a fait rapport.
Le premier avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision de condamnation rendue sur l’action publique :
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui, rendue sur l’action civile exercée par le défendeur, statue sur
1. le principe de la responsabilité :
Le moyen unique est pris de la violation des articles 1382 et 1383 de l’ancien Code civil, ainsi que des articles 3 et 4 de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale.
Il est reproché au jugement de condamner la demanderesse à indemniser le défendeur de son préjudice corporel, alors qu’il ressort du dossier répressif que celui-ci n’a pas été blessé dans l’accident et que la prévenue n’a pas été poursuivie du chef d’infraction aux articles 418 et 420 du Code pénal.
En tant qu’il requiert la vérification d’éléments de fait, pour laquelle la Cour est sans pouvoir, le moyen est irrecevable.
Pour qu’une action en réparation du dommage puisse être accueillie, le juge répressif qui en est saisi doit constater l’existence d’un lien causal entre une ou plusieurs préventions mises à charge de l’auteur et le dommage invoqué par celui qui s’en plaint.
La qualification libellée sur la base des articles 418 et 420 susdits n’est pas la condition sine qua non de l’admissibilité, devant le juge pénal, d’une action civile relative à la réparation d’un dommage corporel résultant d’un accident de la circulation.
Ce dommage peut résulter du rapprochement violent de deux corps qui se rencontrent, et être mis en relation de cause à effet avec ce rapprochement si celui-ci est, lui-même, constitutif d’une infraction jugée établie dans quelque qualification que ce soit.
Parmi les infractions retenues à charge de la demanderesse figure celle de l’article 8.3, alinéa 2, du code de la route (prévention D), lequel réprime le fait, pour le conducteur d’un véhicule sur la voie publique, de ne pas avoir été constamment en mesure d’effectuer toutes les manœuvres qui lui incombent.
Le jugement relève, quant à cette prévention, que la demanderesse a volontairement tamponné la voiture du défendeur au moment où il achevait de la dépasser.
Selon le tribunal, ce choc est en lien causal avec les douleurs dorsales et l’incapacité de travail de neuf jours diagnostiquées le surlendemain de l’accident, par le médecin-traitant, sur la personne du conducteur de la voiture tamponnée.
C’est donc sur la base d’une infraction visée par l’action publique et retenue par eux, que les juges d’appel ont accueilli la demande d’indemnisation d’un dommage dont ils ont pu considérer qu’il ne se serait pas produit sans cette infraction.
Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.
2. l’étendue du dommage :
Le jugement alloue une indemnité provisionnelle, réserve le surplus et ajourne sine die l’examen des suites de la cause.
Pareille décision n’est pas définitive au sens de l’article 420, alinéa 1er, du Code d’instruction criminelle, et est étrangère aux cas visés par le second alinéa de cet article.
Le pourvoi est irrecevable.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de quatre-vingts euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président de section, Tamara Konsek, François Stévenart Meeûs, Ignacio de la Serna et Simon Claisse, conseillers, et prononcé en audience publique du huit janvier deux mille vingt-cinq par le chevalier Jean de Codt, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, premier avocat général, avec l’assistance de Patricia De Wadripont, greffier.