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18/12/2024 | BELGIQUE | N°P.24.1607.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 décembre 2024, P.24.1607.F


N° P.24.1607.F
S. F. D.,
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Tristan Wibault, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 20 novembre 2024 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Ignacio de la Serna a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LES ANTÉCÉDENTS


Le 18 octobre 2024, le demandeur arrive sur le territoire belge, titulaire d’un passeport sénéga...

N° P.24.1607.F
S. F. D.,
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Tristan Wibault, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 20 novembre 2024 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Ignacio de la Serna a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LES ANTÉCÉDENTS
Le 18 octobre 2024, le demandeur arrive sur le territoire belge, titulaire d’un passeport sénégalais dépourvu de visa lui permettant l’accès dans le Royaume. Il présente immédiatement une demande de protection internationale.
Le même jour, une décision de refoulement et une décision de maintien dans un lieu déterminé à la frontière sont prises sur la base de l’article 74/5, § 1er, alinéa 1er, 2°, de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers. Il s’agit de la décision dont le contrôle de légalité est déféré aux juridictions d’instruction.
Le 28 octobre 2024, le demandeur dépose une requête de mise en liberté qui sera déclarée recevable mais non fondée par une ordonnance de la chambre du conseil rendue le 4 novembre 2024.
Le demandeur interjette appel de cette ordonnance le 5 novembre 2024 et la chambre des mises en accusation déclare ce recours recevable mais non fondé par un arrêt du 20 novembre 2024.
Il s’agit de l’arrêt attaqué.
III. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :
Le demandeur invoque la violation des articles 5.1. f) de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et 62 et 74/5, § 1er, alinéa 1er, 2°, de la loi du 15 décembre 1980.
Il est reproché à l’arrêt de refuser de remettre en liberté le demandeur au motif que le fait d’entrer sur le territoire sans être en possession des documents requis, sans satisfaire aux conditions d’entrée et en introduisant une demande de protection internationale, constitue une raison valable pour justifier une mesure de rétention.
Selon le moyen un tel motif est à ce point général qu’il s’applique à tout demandeur de protection internationale qui se présente à la frontière et ne constitue dès lors pas une motivation individualisée.
Le contrôle de légalité institué par l’article 72 de la loi du 15 décembre 1980 porte sur la validité formelle de la décision de maintien, notamment quant à l’existence de sa motivation, quant à sa conformité tant aux règles de droit international ayant des effets directs dans l’ordre interne qu’à la loi du 15 décembre 1980, ainsi qu’au point de vue de la réalité et de l’exactitude des faits invoqués par l’autorité administrative.
D’une part, conformément à l’article 62, § 2, de la loi du 15 décembre 1980, les décisions administratives doivent être motivées.
D’autre part, l’article 74/5, § 1er, alinéa 1er, 2°, de la même loi dispose que peut être maintenu dans un lieu déterminé, situé aux frontières, en attendant l’autorisation d’entrer dans le Royaume ou son refoulement du territoire, l’étranger qui tente d’entrer dans le Royaume sans remplir les conditions fixées aux articles 2 et 3, et qui présente une demande de protection internationale à la frontière.
Il ressort de la lecture combinée de ces dispositions que le maintien d’un étranger dans un lieu déterminé est non seulement soumis aux conditions prévues à l’article 74/5, § 1er, alinéa 1er, 2°, précité, mais doit aussi avoir donné lieu à un examen individualisé de la situation de cette personne, examen dont la motivation de l’acte rend ensuite compte.
L’arrêt reproduit la motivation de la décision de refoulement et de maintien du 18 octobre 2024 dont la validité est contestée par le demandeur.
Celle-ci énonce notamment que
- le demandeur n’est pas maintenu pour la seule raison qu’il est un demandeur de protection internationale ;
- le maintien est jugé de façon individuelle vu que l’intéressé a tenté d’entrer sur le territoire sans être en possession des documents requis et sans satisfaire aux conditions d’entrée ;
- le demandeur s’est présenté à la frontière avec un passeport sénégalais dépourvu de visa valable pour l’entrée sur le territoire ;
- il n’est pas en possession d’un visa et prévoit un long séjour car il a introduit une demande de protection internationale ;
- vu que le demandeur est venu dans le Royaume à des fins autres que celles pour lesquelles il a introduit une demande de protection internationale, le maintien est jugé nécessaire pour permettre un éventuel refoulement par la compagnie aérienne responsable.
Les juges d’appel ont pu déduire du libellé de la décision administrative litigieuse que celle-ci était régulièrement et individuellement motivée.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 5.1. f) de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et 52/3, 62 et 74/5, § 1er, alinéa 1er, 2°, de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers.
Il est reproché à l’arrêt de considérer que l’article 49/3/1 de la loi précitée n’interdit pas à l’Office des étrangers de notifier au demandeur de protection internationale une décision de refoulement dès son arrivée.
Le moyen déduit de l’article 52/3, § 2, de la loi du 15 décembre 1980 que l’Office des étrangers ne pouvait pas prendre une décision de refoulement à l’égard du demandeur dès son arrivée et avant qu’il ait été statué sur la demande de protection internationale introduite à ce moment.
L’article 52/3, § 2, précité, énonce que dans le cas prévu à l’article 74/5, § 1er, 2°, le ministre ou son délégué décide que l’étranger n’est pas admis à entrer dans le Royaume après que le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a refusé ou a déclaré irrecevable la demande de protection internationale sur la base de l’article 57/6/4, alinéa 1er, et que l’étranger est refoulé sous réserve de l’article 39/70. Cette disposition légale précise que ces décisions sont notifiées dans le lieu où l’étranger est maintenu.
Et l’article 49/3/1 de la loi prévoit qu’aucune mesure d'éloignement du territoire ou de refoulement ne peut être exécutée de manière forcée à l'égard du demandeur dès la présentation de sa demande de protection internationale, et pendant l'examen de celle-ci par le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, à l'exception du demandeur visé à l'article 57/6/2, § 3.
Il s’ensuit qu’aucune disposition, notamment celles visées au moyen, n’interdit à l’autorité administrative de prendre une décision de refoulement assortie d’une mesure de rétention à l’égard de l’étranger qui, s’étant présenté à la frontière, se trouve dans les conditions visées à l’article 74/5, § 1er, alinéa 1er, 2°, de la loi. Ce que la loi interdit, c’est, en règle, d’immédiatement exécuter cette décision.
En tant qu’il affirme le contraire, le moyen manque en droit.
Pour le surplus, les juges d’appel ont considéré que, conformément à l’article 49/3/1 de la loi précitée, aucune mesure de refoulement ne pouvait être exécutée de manière forcée à l’égard du demandeur dès la présentation de sa demande de protection internationale, jusqu’à la clôture de la procédure y afférente.
Ainsi, les juges d’appel ont légalement justifié leur décision que le maintien du demandeur, décidé à la suite d’une décision de refoulement, était conforme à la loi.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,

LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de septante et un euros un centime dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Eric de Formanoir, premier président, Françoise Roggen, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du dix-huit décembre deux mille vingt-quatre par Eric de Formanoir, premier président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Mike Van Beneden, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.24.1607.F
Date de la décision : 18/12/2024
Type d'affaire : Droit administratif

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-12-18;p.24.1607.f ?

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