N° P.24.1282.F
1. F. C.
2. N. B.,
prévenus,
demandeurs en cassation,
ayant pour conseil Maître Philippe Zevenne, avocat au barreau de Liège-Huy,
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 27 juin 2024 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle.
Les demandeurs invoquent deux moyens dans un mémoire commun annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Françoise Roggen a fait rapport.
Le premier avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 505 du Code pénal. Il est reproché à l’arrêt de statuer sur la culpabilité des deux demandeurs du chef des « préventions A.1, A.2 et C.1 », selon l’intitulé figurant à la page dix de l’arrêt, alors que la demanderesse n’est pas concernée par la troisième. Le moyen relève qu’en outre, il est fait référence, dans la motivation de la cour d’appel, à une prévention « B.2 » qui n’existe pas.
Par confirmation du jugement dont appel, l’arrêt condamne le demandeur du chef des préventions A.1, A.2, B.1, C.1 et C.2, tandis que la demanderesse ne s’est vue condamner que du chef des préventions A.1, A.2 et B.1.
Aucun des deux demandeurs n’a donc été déclaré coupable d’autres préventions que celles dont il a eu à répondre.
Sous la prévention A.1, les deux demandeurs ont été poursuivis pour avoir transféré des avantages patrimoniaux d’origine délictueuse afin d’en dissimuler l’origine, et ce en effectuant des dépôts d’espèces sur un compte bancaire ouvert au nom d’une société slovaque.
Sous la prévention A.2, ils ont été poursuivis pour avoir, en Belgique, au nom de ladite société slovaque, acquis des véhicules de luxe en convertissant les fonds visés à la prévention A.1.
Sous la prévention B.1, ils se sont vus tous deux reprocher la dissimulation d’une somme de 60.156 euros cachée dans un appartement et dont ils connaissaient ou devaient connaître l’origine délictueuse.
La prévention C.1, erronément mentionnée dans l’intitulé figurant à la page 10 de l’arrêt, est un abus de confiance imputé au seul premier demandeur, lequel aurait détourné à son profit une indemnité d’assurance de cinquante mille euros.
Sous l’intitulé susdit, l’arrêt relève que la société slovaque au compte de laquelle des versements ont été effectués depuis la Belgique pour un montant total de 201.470 euros, n’a aucune activité commerciale, est en perte chaque année, n’a pas de livres comptables, ni de factures, ni de déclarations fiscales ou sociales, les prévenus étant incapables d’expliquer tant la raison pour laquelle elle a été créée que l’origine et la cause des versements dont elle a bénéficié.
Les motifs ainsi avancés par l’arrêt ne concernent pas le détournement d’une prime d’assurance mais les deux préventions de blanchiment libellées sub A.1 et A.2.
Quant à la prévention « C.1 » mentionnée erronément dans l’intitulé précité, elle doit se lire « B.1 », ainsi qu’il ressort de la motivation qui lui est consacrée au dernier paragraphe de la page quinze de l’arrêt. L’arrêt y énonce que la dissimulation d’une importante somme d’argent en liquide, sans qu’aucune explication crédible ne soit avancée ni sur l’origine de ces fonds ni sur les raisons qui justifieraient qu’elle soit conservée dans un endroit particulièrement insolite, permettent de retenir à charge des deux prévenus la prévention B.1.
La référence surabondante à une prévention « B.2 » résulte d’une erreur matérielle qui ne jette aucune ambiguïté sur l’arrêt.
Ne dénonçant que des erreurs sans incidence sur la régularité de la motivation, le moyen, dénué d’intérêt, est irrecevable.
Quant à la seconde branche :
Il est reproché à l’arrêt de ne pas indiquer les raisons pour lesquelles il prononce à la fois l’emprisonnement et l’amende alors que l’article 505 du Code pénal lui laisse la possibilité de n’infliger qu’une seule de ces peines.
Il lui est également reproché de motiver la peine par référence à une condamnation postérieure aux faits à sanctionner.
Il ressort des pièces de la procédure que, par un jugement du 25 novembre 2021 du tribunal correctionnel de Liège, division Huy, le demandeur a été condamné pour avoir, comme auteur ou coauteur, du 1er juin au 19 décembre 2016, cultivé et produit ou fabriqué du cannabis.
Les faits de blanchiment et de détournement sur lesquels l’arrêt attaqué se prononce sont réputés avoir été commis entre le 23 avril 2012 et le 20 juillet 2017, depuis une date indéterminée jusqu’au 16 décembre 2016, et dans le courant des années 2018 et 2020.
Aucune disposition légale n’interdit au juge de motiver la peine en relevant, à titre d’élément de personnalité, que le prévenu, outre les faits dont il a à répondre, en a commis d’autres pour lesquels il a été condamné depuis lors.
L’arrêt motive le choix d’infliger au demandeur tant l’emprisonnement que l’amende, en se référant à la multiplicité des faits, à l’importance des montants blanchis, à la volonté de lucre qui animait les demandeurs, et à l’adoption par ceux-ci d’un niveau de vie élevé ne cadrant pas avec la modestie de leurs revenus officiels.
Les juges d’appel ont, ainsi, régulièrement motivé et légalement justifié leur décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Le moyen est dirigé contre la décision qui ordonne, à charge de la demanderesse, la confiscation par équivalent d’une somme de 100.735 euros, soit la moitié du montant total des dépôts effectués sur le compte de la société slovaque ayant servi à les blanchir.
D’après le moyen, la cour d’appel n’a pu, sans violer la notion légale de présomption de fait ni verser dans la contradiction, confisquer une telle somme alors qu’un seul dépôt, d’un montant de 5.500 euros, est avéré et reconnu par la demanderesse.
Mais s’il en évoque l’existence, l’arrêt ne décide pas que la demanderesse n’est responsable que de ce seul dépôt. Il considère que les deux demandeurs sont auteurs, coauteurs ou complices d’un ensemble de versements totalisant 201.470 euros.
Obligeant la Cour à substituer sa propre appréciation des éléments de fait de la cause à celle des juges du fond, le moyen est irrecevable.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et les décisions sont conformes à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxés à la somme de cent treize euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, Tamara Konsek, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et Sidney Berneman, conseiller honoraire, magistrat suppléant, et prononcé en audience publique du onze décembre deux mille vingt-quatre par Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, premier avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.