La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/12/2024 | BELGIQUE | N°P.24.1573.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 04 décembre 2024, P.24.1573.F


N° P.24.1573.F
S. D. C.
personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Frédérique Vanhaelen et Romain Delcoigne, avocats au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 19 novembre 2024 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller François Stévenart Meeûs a fait rapport.
L’

avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LES FAITS
La présidente de l’Audiencia Provincial ...

N° P.24.1573.F
S. D. C.
personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Frédérique Vanhaelen et Romain Delcoigne, avocats au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 19 novembre 2024 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller François Stévenart Meeûs a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LES FAITS
La présidente de l’Audiencia Provincial de Pontevedra (Espagne) a délivré le 8 juin 2023 un mandat d’arrêt européen aux fins de poursuites et d’exécution d’une mesure privative de liberté prise le 2 mai 2023 contre le demandeur du chef de participation à une organisation criminelle ainsi que d’importation de stupéfiants en association, faits commis en Espagne le 7 août 2018.
Le demandeur fait également l’objet de poursuites en Belgique ayant fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen délivré par un juge d’instruction belge.
Le demandeur se trouvant en Hongrie, le mandat d’arrêt européen émis en Belgique a été rendu exécutoire par les autorités hongroises. En exécution de celui-ci, le demandeur a été remis le 15 juin 2023 à la Belgique et a été placé sous mandat d’arrêt par un juge d’instruction belge.
Entre-temps, les autorités judiciaires espagnoles ont adressé aux autorités judiciaires d’exécution hongroises une demande de consentement à la remise du demandeur, ce que ces dernières ont accepté par un arrêt de la cour d’appel de Budapest du 29 janvier 2024.
L’arrêt attaqué constate que, par cette décision, la cour d’appel de Budapest a déclaré que les conditions de la remise du demandeur aux autorités espagnoles étaient réunies en ce qui concerne le second mandat d’arrêt européen.
Par confirmation de l’ordonnance entreprise, l’arrêt attaqué autorise l’exécution du mandat d’arrêt européen espagnol.
III. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 28 de la décision-cadre 2002/584/JAI du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres et 38 de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d’arrêt européen.
Le demandeur reproche à l’arrêt attaqué d’autoriser l’exécution du second mandat d’arrêt européen, émis par les autorités espagnoles, en se fondant sur le consentement des autorités hongroises à la suite de la procédure initiée par les autorités espagnoles alors que, selon le demandeur, une telle demande aurait dû être introduite par les autorités belges à qui le demandeur avait été remis.
Les articles 28 de la décision-cadre et 38 de la loi du 19 décembre 2003 fixent les règles applicables à l'exécution d'un second mandat d'arrêt européen émanant d'un autre Etat membre à l'égard d'une personne qui a été remise à la Belgique en exécution d’un premier mandat d’arrêt européen, et ce eu égard au principe de spécialité.
A cet égard, l’article 28.3 de la décision-cadre dispose :
L'autorité judiciaire d'exécution consent à ce que la personne concernée soit remise à un autre Etat membre conformément aux règles suivantes :
a) la demande de consentement est présentée conformément à l’article 9, accompagnée des informations mentionnées à l’article 8, paragraphe 1, ainsi que d'une traduction comme indiqué à l’article 8, paragraphe 2 ;
b) le consentement est donné lorsque l’infraction pour laquelle il est demandé entraîne elle-même l’obligation de remise aux termes de la présente décision-cadre ;
c) la décision est prise au plus tard trente jours après réception de la demande ;
d) le consentement est refusé pour les raisons mentionnées à l’article 3 et, sinon, il ne peut l’être que pour les raisons mentionnées à l’article 4.
L’article 38, §§ 1 et 2, de la loi du 19 décembre 2003 dispose :
§ 1. Une personne qui a été remise à la Belgique en vertu d'un mandat d'arrêt européen peut, sans le consentement de l’Etat membre d’exécution, être remise à un autre Etat membre que l’Etat d’exécution en vertu d’un mandat d’arrêt européen émis pour une infraction commise avant sa remise, dans les cas suivants :
1° lorsque, ayant eu la possibilité de le faire, la personne concernée n'a pas quitté le territoire belge dans les 45 jours suivant son élargissement définitif, ou qu’elle y est revenue après l'avoir quitté ;
2° lorsque la personne concernée accepte d’être remise à un autre Etat membre que l’Etat d'exécution en vertu d'un mandat d'arrêt européen. Le consentement est donné devant le procureur du Roi et est consigné dans un procès-verbal. Il est libellé de manière à faire apparaître que la personne concernée l’a fait volontairement et en étant pleinement consciente des conséquences qui en résultent. La personne concernée a le droit, à cette fin, de se faire assister par un avocat.
§ 2. En dehors des cas visés au § 1er, une demande de consentement doit être présentée à l’autorité judiciaire d'exécution, accompagnée des informations mentionnées à l’article 2, § 4, ainsi que d'une traduction.
Ni ces dispositions ni aucune autre n’exigent que la demande de consentement à présenter au premier Etat membre d’exécution en vue de l’exécution du second mandat d’arrêt européen soit introduite par le premier Etat membre d’émission plutôt que directement, par le second.
Reposant sur l’affirmation du contraire, le moyen manque en droit.
A titre subsidiaire, le demandeur sollicite que soit posée à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle suivante :
« L’article 28.3 de la décision-cadre 2002/584, lu à la lumière du droit à une protection juridictionnelle effective, peut-il être interprété en ce sens que l’Etat membre dans lequel se trouve la personne recherchée peut être exclu de la procédure de consentement à une remise ultérieure ? »
En cas de demande d’exécution d’un second mandat d’arrêt européen, l’Etat dans lequel se trouve la personne recherchée est l’Etat d’émission du premier mandat d’arrêt européen, également chargé de statuer sur l’exécution du second.
Cet Etat d’exécution du second mandat d’arrêt européen, la Belgique en l’espèce, n’est donc pas celui sur le sol duquel la personne recherchée a dans un premier temps été interpellée et qui, le premier, a statué sur sa remise.
Dès lors, l’Etat d’exécution du second mandat d’arrêt européen ne saurait se prononcer, à la place de l’Etat d’exécution initial, sur la possibilité, y compris au regard du droit de ce dernier, la Hongrie en l’espèce, d’accorder le consentement requis à l’exécution d’un autre mandat d’arrêt européen.
C’est en effet l’Etat d’exécution initial qui a accordé la remise sous réserve de la règle de la spécialité. Dès lors, sous peine de priver cette règle de toute portée, c’est à cet Etat seul qu’il appartient d’éventuellement renoncer à la spécialité, en accordant son consentement à l’exécution d’un second mandat d’arrêt européen.
Et c’est au regard de ses propres règles, prises en application de la décision-cadre, qu’à son tour, en qualité d’Etat d’exécution du second mandat d’arrêt européen, ce dernier sera ensuite, c’est-à-dire en cas de consentement de l’Etat d’exécution initial, appelé à statuer sur la demande de remise des autorités d’émission dudit second titre.
Lorsque, comme en l’espèce, la réponse à la question préjudicielle proposée s’impose avec une évidence telle qu’il n’y a aucun doute quant à l’interprétation du droit de l’Union, ladite question préjudicielle ne doit pas être posée.
Sur le second moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 28 de la décision-cadre 2002/584/JAI du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres, 38 de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d’arrêt européen et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Il reproche à l’arrêt d’autoriser l’exécution du mandat d’arrêt émis par les autorités espagnoles alors que le demandeur n’a pas eu la possibilité de faire valoir personnellement ses observations à l’endroit de l’Etat devant donner son consentement, en l’occurrence les autorités hongroises.
Aucune disposition, notamment celles visées au moyen, n’autorise les juridictions d’instruction belges, appelées à statuer conformément à l’article 38 de la loi du 19 décembre 2003, à remettre en cause la décision du premier Etat membre d’exécution, prise en application de l’article 28.3 de la décision-cadre, d’accorder son consentement à la remise, en exécution d’un autre mandat d’arrêt européen.
Partant, ne pouvant entraîner la cassation, le moyen, dépourvu d’intérêt, est irrecevable.
A titre subsidiaire, le demandeur sollicite que soit posée à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle suivante :
« L’article 28.3 de la décision-cadre 2002/584, lu à la lumière du droit à une protection juridictionnelle effective, peut-il être interprété en ce sens que le consentement est réputé valable, alors même que la personne recherchée n’a, préalablement audit consentement, pu faire valoir ses observations, objections et moyens de défense, dans l’Etat membre requis de consentir à une remise ultérieure ? »
Le renvoi préjudiciel institué par l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne suppose que la question soit pertinente pour la solution du litige.
La question préjudicielle proposée repose sur la prémisse erronée que les juridictions d’instruction belges seraient habilitées à vérifier la légalité de la décision prise dans un autre Etat membre de l’Union européenne, d’accorder le consentement visé à l’article 28.3 de la décision-cadre.
Partant, il n’y a pas lieu de la poser.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de septante-sept euros soixante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du quatre décembre deux mille vingt-quatre par Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.24.1573.F
Date de la décision : 04/12/2024
Type d'affaire : Droit pénal

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2025
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-12-04;p.24.1573.f ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award